Si, mais la prolongation n'est pas une prolongation pour cause de travaux ; elle se fonde sur une autre base juridique mais s'accompagne de travaux.
Je suis convaincue que l'agriculture ne peut être la variable d'ajustement. Il faut voir les choses de façon globale. Il est primordial que chaque acteur qui vit autour du Rhône comprenne que l'eau devenant plus rare, nous devons apprendre à la gérer au mieux ; dire cela ne vise pas prioritairement les agriculteurs. Outre les prélèvements, nous travaillons sur les moyens de faire des économies - goutte à goutte, méthodes de prélèvement... - ainsi qu'avec le Syndicat mixte d'hydraulique agricole (Smar) sur la mise à profit de notre expertise en matière de prévision météorologique et le stockage de l'eau pour l'utiliser au bon moment. Nous travaillons aussi avec les chambres d'agriculture, l'institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture et l'institut supérieur d'agriculture Rhône-Alpes.
La navigation est en effet un sujet essentiel. Ne soyons pas sectaires, ayons une vue globale du report modal. Lorsque les navires arrivent à Fos, il faut organiser le rail, la route et le fleuve pour offrir les bonnes solutions. Nous devrions fixer l'objectif de 20 % de report fluvial ; aujourd'hui, seuls 6 % des containers qui arrivent à Fos transitent par voie fluviale, alors que nous pourrions en avoir 30 % sans un euro d'investissement ! La présence d'une barge à quai limitant la vitesse de déchargement des navires, les barges sont souvent sommées de partir à moitié vides. Outre les conditions de report modal, il faudrait clarifier la répartition des taxes : le fluvial est quasiment le seul mode à payer une taxe complémentaire.
Notre ingénierie est en effet une vraie force pour la France. Nous avons été la seule entreprise française à travailler sur le triplement des écluses du canal de Panama. Celui-ci est en fait un immense lac artificiel, confronté à des problèmes d'eau douce et de changement climatique. Le système gravitaire que nous avons conçu a valu à la CNR le premier prix d'ingénierie. Nous travaillons également à aménager le couloir de navigation du fleuve Rouge entre Hanoï et la mer de Chine, nous faisons bénéficier le gouvernement du Laos de notre expérience en matière de transport sédimentaire et de circulation des poissons dans le Mékong, nous allons travailler en Birmanie... Nos ingénieurs ne sont pas les seuls à exploiter ces marchés de niche : nous envoyons souvent des exploitants sur place, pour réfléchir à l'amélioration de nos systèmes.
Berges, dragage et bois flotté font partie de nos missions. Nous expérimentons l'entretien des berges par des moyens non mécaniques - moutons, boeufs et ânes -, étudions leur efficacité respective et leur impact sur la biodiversité. Nous avons lancé un important programme tout le long du Rhône sur les abeilles, qui reflètent la qualité de notre espace naturel. Le bois flotté est vendu à une entreprise qui le valorise en chaufferie. Le dragage consomme un budget important, car nous sommes responsables de la sécurité de la navigation.
Nous commençons seulement à travailler sur le sujet passionnant du stockage de l'eau. Il ne doit pas être dissocié du problème d'économie d'eau. Les études s'accordent pour montrer qu'il y aura moins d'eau dans le Rhône d'ici la fin du siècle ; les désaccords ne portent que sur l'ampleur du phénomène : y aura-t-il 10 % ou 40 % d'eau en moins ? Ce n'est pas en retenant l'eau que nous résoudrons le problème posé par le changement climatique, mais en apprenant à mieux utiliser l'eau. Gestionnaire intégré d'un fleuve, la CNR a une responsabilité considérable en la matière, et ne saurait dissocier les sujets les uns des autres.
Nous avons lancé un financement participatif pour un parc d'éoliennes en Ardèche, non pour déminer les oppositions, mais parce que je suis convaincue que la décentralisation des énergies renouvelables sur notre territoire passe par leur appropriation par les consommateurs, ce qui suppose de leur donner accès à ce que nous faisons. Les outils de production fermés - nucléaire, gaz, charbon -, ont fait oublier à nos concitoyens que l'énergie se fabrique ! Ces outils sont désormais accessibles au public, et leur financement participe de leur appropriation par celui-ci. Surpris de boucler notre premier financement participatif en trois jours, nous avons dû en lancer un second pour satisfaire les déçus. Nous réitérerons l'opération autant de fois que nécessaire.