Je suis heureux de me retrouver devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qui est une interlocutrice de première importance pour le suivi des travaux de l'institution que je préside.
Avant de répondre à vos questions, je voudrais vous dire que je me trouve dans une situation un peu particulière. J'ai été absent quelques mois du CSA et cela ne fait qu'un peu plus de deux semaines que je suis revenu. Dans la corbeille du retour, j'ai trouvé ce texte : je n'ai contribué ni à sa rédaction, ni à son suivi, ni aux travaux de réflexion menés par les députés, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi de l'Assemblée nationale, mais dont l'exécutif ne s'est pas désintéressé. Or, j'ai l'habitude de me présenter devant vous pour présenter des travaux dont j'assume la responsabilité.
Deuxième particularité : le collège du CSA n'a jamais débattu de ce texte. Je l'ai d'ailleurs dit à votre présidente il y a quelques jours : je ne peux donc en rien me faire le porte-parole d'une opinion du collège que je préside ; je ne vous livrerai que le fruit d'une réflexion personnelle car je n'ai pas non plus eu d'entretiens en tête à tête avec mes collègues.
J'en viens à vos questions.
En ce qui concerne les médias qui pourraient être concernés, j'ai noté les déclarations du chef de l'État, qui datent de quelques mois, et j'ai dit publiquement que nous serions particulièrement attentifs, notamment pour certains organes relevant de la sphère Internet comme le site Sputnik et la chaîne Russia Today (RT), laquelle s'est implantée en Grande-Bretagne assez tôt et plus tardivement en France. Nous observons attentivement cette chaîne ainsi que de son environnement numérique.
Je ne puis aller plus loin sur le sujet car il s'agit d'une proposition de loi en cours d'examen et qui sera soumise dans quelques semaines au collège du CSA. Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas le droit de m'exprimer avant lui. En revanche, je vous confirme que le dossier est nourri semaine après semaine par les observations de la direction des programmes. Par ailleurs, il n'a pas encore été examiné par le groupe de travail « Droits et libertés » qui l'instruit avant de le soumettre au collège.
L'article 9, qui traite du numérique, est important et novateur et il répond aux souhaits du CSA. Nous appelions de nos voeux une régulation assouplie et complétée car l'environnement technologique et économique du monde audiovisuel a profondément changé depuis la dernière directive européenne de 2000, qui est d'ailleurs inspirée d'un texte de 1997.
La nouvelle directive vient d'être adoptée en trilogue et elle fera l'objet d'une finalisation littérale en novembre. Cette directive prévoit diverses novations : entreront dans la sphère de la régulation les acteurs numériques, les sites sociaux, les plateformes de vidéos et les plateformes en ligne, c'est-à-dire le streaming. Le champ de la régulation va donc considérablement s'élargir. L'article 9 répond à cette nouvelle conception de la régulation avec des missions d'observation, d'évaluation et de recommandation. Pour l'instant, cette proposition de loi ne prévoit pas de sanctions qui, généralement, sont régies par l'article 42 du fait de la logique du CSA, « gendarme de l'audiovisuel », même si je n'aime pas ce terme. Nous sommes donc dans une logique de co-régulation, qui va bien au-delà de la « police privée de la réglementation » mise en oeuvre par chacun de nos partenaires comme Twitter ou Facebook mais qui diffère d'un site à l'autre. Le CSA leur propose un cadre général auquel ils adhèrent en échange de certaines concessions. On parle alors d'acteurs vertueux. Ces négociations permettent d'obtenir des garanties financières et d'exposition, même si notre pays n'est pas le siège mais la cible de ces entreprises. En échange, les pouvoirs publics accordent divers avantages pour enraciner au mieux dans notre terreau culturel ces firmes étrangères, souvent nord-américaines, qui passent de plus en plus souvent commande à des producteurs français.
Il y a incontestablement des similitudes entre la future directive et l'article 9, puisqu'il y est question de recommandations, de bilans annuels, de rapports. Le législateur devra dire comment seront sanctionnées les éventuelles insuffisances.
J'ai entendu parler de « méta-régulation » ou de régulation au second degré. Un cadre d'ensemble serait fixé puis adapté par convention à chaque protagoniste. Mais il est encore trop tôt pour que j'en dise plus sur le sujet.
En ce qui concerne les mesures de rétorsion qui pourraient nous frapper si nous interdisons certains médias étrangers, je vous renvoie à divers précédents, dont les décisions du 21 février 2014 et du 21 février 2015 qui concernaient des médias d'origines turque et tamoule. Nous avons pris des mesures très restrictives à l'égard de ces chaînes étrangères. Le contexte est certes bien différent aujourd'hui, et c'est sans doute la raison pour laquelle le Parlement n'a pas encore abordé la question.