Intervention de Laurence Rossignol

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 20 juin 2018 à 8h35
Projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Présentation par mmes annick billon laure darcos et laurence rossignol co-rapporteures de l'avis de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, co-rapporteure :

C'est l'article 2 qui, en réalité, fait débat. Il porte sur la protection contre les violences sexuelles commises sur des enfants par des adultes. Le groupe de travail de la commission des lois avait élaboré un texte très sophistiqué, qui n'a pas été compris par l'opinion publique, puisque celle-ci a retenu de la proposition de loi de Mme Mercier et de M. Bas que nous étions opposés à la fixation d'un âge en deçà duquel toute pénétration serait automatiquement assimilable à un viol. D'ailleurs, le Gouvernement n'a pas repris ce texte, et le projet de loi dont nous discutons procède d'une autre approche, puisqu'il traite des atteintes sexuelles avec pénétration sur les moins de quinze ans, laissant donc la pénétration dans la catégorie des délits, au lieu d'en faire un crime. Cela a suscité une forte émotion dans l'opinion, et chez les professionnels - associations et magistrats. M. François Molins, que nous avons auditionné, a pris position en faveur de l'instauration d'un seuil pour poser une interdiction claire et absolue de toute pénétration d'une personne majeure sur un mineur d'un âge inférieur à ce seuil. Il faut, je pense, prévoir une nouvelle infraction : nous nous sommes fourvoyés en cherchant à nous raccrocher à la définition du viol. Aussi proposons-nous de créer un nouvel article, qui indique clairement qu'une relation sexuelle avec pénétration entre un adulte et un mineur, en deçà de ce seuil, est un crime.

L'avis du Conseil d'État pointe un risque d'inconstitutionnalité, mais il a été émis sur le texte du Gouvernement, et nous débattons de celui qui est issu des travaux de l'Assemblée nationale. Pour pallier ce risque, nous devons absolument éviter la présomption, qui n'existe pas en droit pénal. Nous devons cesser de nous référer à la notion juridique de viol, qui suppose violence, contrainte, surprise ou menace, et qui conduit la défense à arguer du consentement de l'enfant. Or il n'y a pas de consentement possible d'un enfant de moins de treize ans, car, à cet âge, on n'a pas conscience de l'enjeu d'une relation sexuelle avec un adulte. Nous devons donc poser un interdit absolu pour mettre un terme à la complaisance qui existe encore parfois sur ce sujet. Notre proposition est de créer, sans déroger aux principes généraux du droit pénal, une nouvelle infraction. Juristes, nous le sommes tous, en tant que législateur. Quant à l'intentionnalité de l'auteur, elle n'est pas discutable quand un adulte a une relation sexuelle avec un enfant de douze ans. Son intention de le pénétrer est établie. La défense objecte souvent l'ignorance de l'âge de l'enfant. Qu'importe, nous devons poser, dans la loi, cet interdit. Que le Conseil constitutionnel dise ce qui est constitutionnel ou non, mais j'observe que le droit constitutionnel est très jurisprudentiel, que le Conseil constitutionnel ne suit pas toujours l'avis du Conseil d'État et que nous pouvons donc espérer qu'il saura juger en droit, tout en accompagnant l'évolution de notre société.

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