Intervention de André Gattolin

Réunion du 21 juin 2018 à 10h30
Protection du secret des affaires — Adoption définitive des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, au retour d’une commission mixte paritaire conclusive, vise à assurer un niveau de protection commun du secret des affaires au sein de l’Union européenne, au profit de nos entreprises, de leur savoir-faire, de leurs innovations, contre le pillage industriel, la concurrence déloyale et ce que l’on appelle, par un euphémisme douteux, « l’intelligence économique », mais qui, en parler franc, signifie ni plus ni moins l’espionnage économique.

L’actualité récente est là pour nous rappeler de manière récurrente que ces pratiques déloyales ne cessent de se développer entre entreprises, parfois avec l’appui de services de renseignement de pays supposément alliés, voire amis.

Je souhaite remercier notre collègue de la commission des affaires européennes, Philippe Bonnecarrère, du cadrage général externe et interne qu’il a effectué et rappeler le rôle de la commission des affaires européennes du Sénat sur ce texte, dès 2013. Au moment de l’élaboration de la directive, nous avions auditionné Mme la rapporteur au Parlement européen et nous avions mis en lumière, bien avant que cela fasse polémique, le droit des journalistes et des lanceurs d’alerte, ce qui avait permis, déjà, de corriger le texte.

Cette proposition de loi n’a pas manqué d’animer les débats au sein du Parlement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, car elle renvoie à une valeur fondamentale de nos démocraties : la liberté d’expression, pilier de nos institutions et principe fondamental de l’État de droit.

L’ambition du Gouvernement, que nous partageons, a toujours été de protéger par ce texte les intérêts économiques de nos entreprises dans un environnement concurrentiel, tout en préservant la liberté d’expression et en protégeant le rôle essentiel du travail journalistique et des lanceurs d’alerte. Les travaux de l’Assemblée nationale en première lecture reflétaient bien, selon nous, cet exercice délicat d’équilibre entre protection de nos acteurs économiques stratégiques et respect de nos libertés fondamentales.

On peut, à ce titre, citer la création d’une amende civile destinée à lutter contre les « procédures bâillons » exercées à l’encontre d’un individu, d’une association ou d’une organisation et qui visent à intimider et à dissuader ceux-ci de dévoiler publiquement des informations en leur possession.

Le passage au Sénat a permis d’enrichir certains aspects du texte, notamment en précisant la définition du détenteur légitime du secret et la caractérisation de l’obtention illicite du secret des affaires. Les procédures judiciaires mises en place pour garantir une protection efficace du secret des affaires ont également été clarifiées.

Au fil de la discussion, le texte a toutefois été durci sur certains points, s’éloignant de l’ambition initiale de la proposition de loi et du droit européen, avec notamment la suppression de l’amende civile pour lutter contre les « procédures bâillons » et l’insertion d’un volet pénal. L’accord trouvé en commission mixte paritaire a heureusement permis de corriger ces évolutions. Nous nous en réjouissons et nous félicitons les deux rapporteurs, en particulier celui du Sénat, Christophe-André Frassa.

Tout d’abord, la rédaction de l’article 1er, qui caractérise la nature de l’information protégée par le secret des affaires, est parfaitement alignée avec la définition suggérée par la directive européenne. L’information protégée doit ainsi revêtir, du fait de son caractère secret, une valeur commerciale effective ou potentielle. Cette notion, moins extensive que celle de valeur économique, se rapproche davantage de la définition prévue par la directive. De cette manière, nous écartons le risque d’une surtransposition potentiellement abusive, donc condamnable, du droit européen.

Ensuite, l’amende civile permettant de lutter contre les procédures abusives ou dilatoires a été rétablie. Ce point est crucial pour répondre aux inquiétudes des journalistes, des lanceurs d’alertes et des ONG. À présent, les entreprises engageant des procédures abusives ou dilatoires à l’encontre des journalistes, des lanceurs d’alerte ou des représentants des salariés s’exposeront à une amende pouvant aller jusqu’à 60 000 euros ou 20 % du montant des dommages et intérêts demandés.

Enfin, l’infraction pénale insérée lors de l’examen du texte au Sénat, qui permettait de sanctionner le détournement d’une information économique protégée, a été retirée. Cette disposition n’apparaissait pas nécessaire pour répondre à l’objectif de la proposition de loi.

Les travaux effectués par les rapporteurs de nos deux assemblées ont donc été utiles et méritent d’être salués, car l’accord trouvé vise bien l’objectif commun de protection des entreprises françaises contre le pillage industriel, tout en respectant la liberté d’expression et le droit à l’information.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte.

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