Séance en hémicycle du 21 juin 2018 à 10h30

Résumé de la séance

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  • demandeur
  • directive
  • d’asile
  • secret

La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires (texte de la commission n° 506, rapport n° 505).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi quelques considérations pour inaugurer notre lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires.

La discussion n’a pas été aisée – c’était une négociation entre l’Assemblée nationale et le Sénat –, mais ce texte d’importance n’a pas subi, fort heureusement, le même sort que d’autres textes récents : je pense notamment à l’échec des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public ou sur la loi relative à la protection des données personnelles.

C’est pourquoi, du haut de cette tribune, je tiens à remercier notre collègue député Raphaël Gauvain, rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, qui a su être à l’écoute des positions et des apports du Sénat, et surtout accepter le compromis auquel nous sommes parvenus.

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Quel bilan peut-on dresser à l’issue de la CMP ?

Plusieurs apports du Sénat ont été maintenus dans le texte ; je veux vous en dresser la liste.

La distinction entre la détention légitime et l’obtention licite du secret est conservée, alors que le texte initial confondait les deux notions, du fait d’une certaine méconnaissance de la directive que nous avions à transposer.

La clarification de la rédaction des cas d’obtention illicite est maintenue, en conformité avec la directive.

Le caractère « non opposable » du secret des affaires – plutôt que « non protégé », conformément à la directive – pour les autorités administratives et juridictionnelles demeure aussi dans le texte.

Est maintenu également le caractère non opposable - plutôt que non protégé, conformément à la directive - du secret des affaires en cas d’action en justice pour les journalistes, les lanceurs d’alerte et les représentants des salariés. Pour ces derniers, la protection du secret est expressément maintenue.

Une règle en matière de prescription a été ajoutée, par simple analogie avec le droit de la propriété industrielle ; cela avait été demandé par toutes les personnes que nous avions pu auditionner, magistrats, avocats ou représentants des entreprises.

La règle d’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte au secret des affaires a été alignée sur la règle en vigueur en matière de contrefaçon, comme dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile. Je tiens à souligner que cette proposition de loi a été conçue à partir des instruments du droit de la propriété industrielle, même si nous ne sommes pas dans le champ de ce droit.

Dans le cadre de toute procédure judiciaire, le juge pourra prendre connaissance seul d’une pièce couverte par le secret avant de décider des modalités de communication de cette pièce éventuellement adaptées ; dans tous les cas, cette pièce devra faire l’objet d’une communication, au nom du respect du principe du contradictoire.

J’en viens à présent aux termes du compromis trouvé par les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Nous sommes revenus, dans la définition des informations protégées par le secret des affaires, à la valeur commerciale plutôt qu’à la valeur économique. Il s’agit toutefois d’une valeur commerciale effective ou potentielle, ce qui revient quasiment à la valeur économique. Sur ce point, le juge devra tenir compte des travaux préparatoires dans son office d’interprétation de la loi.

L’amende civile en cas de procédure abusive, introduite par l’Assemblée nationale, a été rétablie. Nous considérions ce dispositif à la fois inutile – l’amende civile actuelle pour procédure abusive, de 10 000 euros, n’a jamais été prononcée – et douteux d’un point de vue constitutionnel, en particulier au regard du principe d’égalité et du principe de nécessité des peines.

Le délit de détournement d’une information économique protégée à des fins exclusivement économiques, introduit dans ce texte à l’initiative du Sénat, a quant à lui été supprimé.

Nous avions pourtant tenu compte des objections du Conseil d’État, en veillant à ce que notre définition de cette infraction pénale ne pose pas de difficulté en matière constitutionnelle : nous avions introduit un élément matériel précis, à savoir le contournement délibéré des mesures de protection destinées à conserver le caractère secret de l’information.

De plus, la répression de ce délit n’aurait pas été plus faible que, notamment, celle du vol. Le délit d’espionnage économique aurait été puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende, alors que le vol est puni, certes de trois ans d’emprisonnement, mais d’une amende de 45 000 euros seulement, ces peines allant jusqu’à vingt ans et 150 000 euros dans certaines circonstances aggravantes spécifiques.

L’amende encourue aurait été bien plus forte pour le délit d’espionnage économique, et elle aurait été quintuplée pour une personne morale, par application des règles de droit commun : ce serait plus efficace, compte tenu des personnes visées. D’autre part, on pourrait prévoir sans trop de difficulté des circonstances aggravantes pour le délit d’espionnage économique comme pour le vol, par exemple s’il était commis avec violence ou en bande organisée.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur cette question, mais, pour ne pas faire trop long, je me contenterai de dire qu’il est indispensable, en tout état de cause, que la réflexion se poursuive sur le volet pénal de la protection du secret des affaires. Il importe, alors que nos entreprises sont confrontées à de véritables actes d’espionnage économique, que nous puissions disposer dans notre droit pénal d’une arme rigoureuse et dissuasive, comme il en existe en Chine ou encore aux États-Unis, avec le Cohen Act.

Cette réflexion doit aussi porter sur la révision de la loi du 26 juillet 1968, dite « loi de blocage ».

En conclusion, la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire reste très marquée par les apports du Sénat, que ce soit dans l’amélioration et la clarification du texte, dans sa fidélité à la directive ou dans sa cohérence.

Par accord entre les deux rapporteurs et avec le Gouvernement, deux amendements vous seront présentés sur les conclusions de la commission mixte paritaire.

Le premier d’entre eux a pour objet de clarifier les différentes étapes de la procédure par laquelle un juge peut être amené à décider de mesures particulières de protection du secret des affaires concernant une pièce discutée dans le cadre d’une procédure judiciaire. Dans un premier temps, le juge examine seul la pièce pour décider si la demande de protection au titre du secret des affaires est justifiée. Éventuellement, avant de rendre sa décision, il peut demander une expertise et solliciter l’avis des seuls avocats des parties, ceux-ci étant tenus dans ce cas à une obligation de confidentialité vis-à-vis de leurs clients. Dans un second temps, le juge décide s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection.

Le second amendement vise quant à lui à corriger une erreur matérielle dans les références à certains articles du code de commerce permettant l’application de ce texte dans les îles Wallis et Futuna.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le rapporteur a rappelé à l’instant les conditions dans lesquelles la commission paritaire avait pu aboutir à un accord.

Je tiens à mon tour à saluer la manière dont, sur un sujet difficile et complexe, vous avez su trouver des voies de passage et inventer des équilibres subtils dans un cadre européen très contraint.

Vous avez aussi su répondre aux interrogations, nombreuses, qui se sont fait jour dans les médias et l’opinion sur ce texte. Ces questions étaient légitimes ; aucune n’a été laissée de côté, et des réponses très concrètes leur sont apportées par ce texte. Tel est le rôle du Parlement ; je crois que nous ne pouvons qu’être collectivement satisfaits de la manière dont cette proposition de loi a cheminé entre les assemblées.

Au terme de ces échanges entre l’Assemblée nationale et le Sénat, un accord a donc été trouvé.

J’en remercie tout particulièrement votre rapporteur, M. Christophe-André Frassa, qui a œuvré en ce sens, trouvant les voies d’un dialogue extrêmement fructueux avec son homologue député Raphaël Gauvain, dont je veux saluer ici l’implication et le sens de l’écoute.

À l’issue d’un premier examen de la proposition de loi par les deux chambres, certains sujets faisaient encore débat. Vous avez rappelé quelques-uns d’entre eux, monsieur le rapporteur.

Le premier de ces sujets était l’adoption d’une définition à la fois précise et respectueuse de nos engagements européens de la notion de « secret des affaires ». La rédaction adoptée par la commission mixte paritaire garantit ce respect.

Les termes employés, qui sont ceux de la directive, ne donneront pas lieu à d’inutiles polémiques sur le champ de la protection accordée au secret des affaires. Il est bien clair, désormais, que toutes les données de nature économique détenues par une entreprise ne peuvent être qualifiées de « secret des affaires ». Seules le seront celles qui font l’objet de mesures raisonnables de protection et qui revêtent une valeur commerciale, effective ou potentielle, pour leur détenteur. Ce dernier devra en rapporter la preuve.

Un second point était en discussion : l’introduction d’une nouvelle sanction pénale pour « détournement d’une information économique protégée ». Le Gouvernement n’y était pas favorable. J’avais eu l’occasion de l’indiquer ici même et nous en avions débattu. La transposition de la directive ne l’imposait pas, le législateur européen ayant fait le choix, clairement assumé, d’un dispositif uniquement civil. Nous avions également une divergence d’appréciation sur la définition de ce délit et sa précision.

Pour autant, les préoccupations exprimées étaient justes : nos entreprises doivent disposer des moyens de se défendre contre l’espionnage industriel, dans un contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée, qualifiée de « guerre économique » par votre rapporteur.

C’est pourquoi un travail commun entre les deux chambres va se poursuivre sur ce sujet sensible, important, et d’une évidente actualité. Le Gouvernement a décidé de confier à MM. Frassa et Gauvain une mission afin que soient analysées les mesures juridiques de protection des entreprises françaises confrontées à des procédures judiciaires ou administratives de portée extraterritoriale.

Dans ce cadre, on pourra notamment évaluer l’intérêt d’une réforme de la loi du 26 juillet 1968, dite « loi de blocage », relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.

Enfin – dernier sujet d’importance –, il était selon moi particulièrement opportun que la commission mixte paritaire maintienne la disposition sur l’amende civile introduite par le député Raphaël Gauvain, afin de répondre aux vives préoccupations exprimées quant au risque de « procédures bâillons ».

J’avais bien entendu les interrogations de votre rapporteur sur la pertinence et même la constitutionnalité de ce dispositif. Nous en avions débattu dans cet hémicycle. Mais rappelons simplement que cette mesure a pour objet de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner des procédures abusives qui, en la matière, peuvent porter une atteinte particulièrement forte à l’exercice du droit fondamental à la liberté d’expression. Je suis convaincue que cette disposition constituera un outil efficace et équilibré de préservation et de protection des droits fondamentaux, à l’occasion des actions conduites aux fins de prévention, de cessation ou de réparation d’une atteinte à un secret des affaires.

Les journalistes et lanceurs d’alerte ne peuvent pas et ne doivent pas faire l’objet de poursuites judiciaires exclusivement fondées sur une volonté d’intimidation.

L’objectif poursuivi au travers de cette proposition de loi n’est certainement pas, comme j’ai pu l’entendre et le lire, de restreindre la protection juridique accordée aux lanceurs d’alerte ou de porter atteinte à la liberté de la presse. Ce texte n’a nullement pour objet de rendre impossible le journalisme d’investigation, ni pour effet d’empêcher la révélation au grand public de faits légalement ou moralement condamnables. Toutes ces situations sont expressément prévues par ce texte et font l’objet de dérogations explicites.

Je l’ai déjà dit, et je le redis ici avec la même force et la même conviction : le texte qui vous est présenté ne constitue en aucune manière un recul pour les libertés publiques. L’enjeu est bien de protéger les entreprises contre le pillage de leurs innovations. Il est aussi de lutter contre la concurrence déloyale. Il consiste encore à encourager la recherche et le développement, sources de nombreux emplois.

Pour cela, les acteurs économiques ont à l’évidence besoin de sécurité juridique. C’est le seul objectif de cette proposition de loi : définir les informations qui relèvent du secret des affaires et encadrer les demandes formées devant le juge pour la protection de ce secret.

Cette protection du secret des affaires n’est en revanche, à l’évidence, pas absolue ; l’intérêt particulier d’une entreprise à conserver secrètes certaines informations cédera toujours face à la nécessité de préserver l’intérêt général et les droits fondamentaux. Les juridictions y veilleront.

Ainsi, une entreprise ne pourra pas se prévaloir d’un secret des affaires pour s’opposer aux enquêtes judiciaires ou administratives dont elle ferait l’objet.

Elle ne pourra pas davantage s’opposer à la révélation d’un secret des affaires lorsque cette révélation est nécessaire pour l’exercice d’un droit syndical.

Elle ne pourra pas non plus obtenir du juge qu’il empêche la diffusion au grand public d’une information d’intérêt général au motif que cette information constituerait un secret des affaires.

Elle ne pourra pas, enfin, obtenir des dommages et intérêts d’un salarié qui, de bonne foi et dans un but d’intérêt général, a porté à la connaissance d’un journaliste une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible.

En cas de révélation d’un secret des affaires, journalistes et lanceurs d’alerte pourront toujours se prévaloir d’avoir agi dans le cadre de l’exercice légitime de leur liberté d’expression et d’information.

Ces principes sont très clairement et très heureusement énoncés dans la présente proposition de loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est aujourd’hui soumis, fruit de réflexions approfondies menées depuis plusieurs années, constitue selon moi une réelle avancée de notre système juridique. Cette amélioration a été construite sans que soit portée pour autant une atteinte injustifiée aux droits fondamentaux et au cadre juridique protecteur des lanceurs d’alerte.

Protéger le secret des affaires est devenu une nécessité. Garantir la liberté d’expression et de communication, condition de la démocratie, demeure une exigence impérative.

Je vous remercie donc, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le travail accompli collectivement à la recherche de cet équilibre subtil.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous allons adopter est une réponse juridique à la nécessité de protéger l’intelligence économique européenne. Je dirais volontiers qu’il comporte deux volets : le premier, de défense externe ; le second, de défense interne, entendue comme une défense interne à l’Union européenne qui passe par la clarté et la cohérence et donc l’harmonisation avec nos voisins européens.

Le volet de défense externe a été présent dans les interventions de Mme la ministre et de M. le rapporteur. Il y a quelques mois ou quelques années, nous n’aurions probablement pas abordé cet aspect du problème. C’est pourtant un sujet extrêmement actuel, du fait des malheurs du multilatéralisme et de l’évolution des comportements internationaux, en particulier outre-Atlantique, évolution qui nous pose des problèmes particuliers.

À mon sens, il faut mettre ce texte en perspective par rapport au travail que nous devons accomplir collectivement pour préserver nos entreprises de dispositifs de sanctions économiques – je pense au retrait des États-Unis de l’accord préliminaire de Genève sur le programme nucléaire iranien –, mais aussi, dans un cadre plus général, pour rendre plus aisée la relation entre le droit anglo-saxon et nos droits continentaux.

Je vois donc dans ce texte une étape. Il faudra en franchir une autre, autrement plus compliquée, en matière d’extraterritorialité. Vous avez fait référence, madame la ministre, à la mission confiée à nos collègues sur ce sujet, ce dont je les félicite. Pour tout vous dire, madame la ministre, ce sujet n’est pas inconnu de cette maison : la commission des affaires européennes avait fait le choix, il y a quelques mois, de travailler sur cette question, et nous présenterons dans quelques jours nos propositions.

Je ne vous cacherai pourtant pas que le sujet est complexe ; plus exactement, le caractère opérationnel des mesures que nous pourrions proposer n’est pas aisé à assurer, tant la loi de blocage de 1968 est faible. Cette loi n’a été appliquée qu’une seule fois, et la Cour suprême des États-Unis l’a écartée d’un revers de la main. Quant au règlement européen du 22 novembre 1996, que la Commission européenne essaie actuellement de réactiver, il a objectivement ses faiblesses. Du moins son article 5 a-t-il l’avantage d’empêcher, sur un domaine qui est de votre responsabilité, madame la ministre, que puissent être « exéquaturées » des condamnations prononcées aux États-Unis à l’égard d’entreprises françaises. C’est grâce à cet article qu’est entrée dans l’ordre public français l’idée que l’application de sanctions unilatérales ne peut entraîner de condamnations sur notre territoire.

Certes, ces réflexions relèvent d’un autre débat, mais la mise en perspective est, je le répète, nécessaire sur une question très actuelle. Je pense aussi aux discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle au sujet du RGPD, le règlement général européen sur la protection des données personnelles : tous ces éléments s’inscrivent dans cette relation entre le monde européen et le monde anglo-saxon.

J’en viens à l’aspect de défense interne de ce texte, c’est-à-dire au volet « harmonisation », qui a bien sûr été au cœur de la démarche ayant mené à cette proposition de loi.

Cette harmonisation prend du temps. En l’espèce, pour le sujet dont nous sommes saisis, il aura fallu huit ans. C’est en effet en 2010 et 2011 que la Commission européenne a commencé ses études préparatoires à la directive. Son objectif était d’emblée très clair : protéger les actifs immatériels des entreprises. Les consultations publiques ont eu lieu en 2012 et le Parlement européen a commencé l’examen de la directive en 2014 ; du fait de son renouvellement cette année-là, il n’a adopté ces dispositions qu’en 2015. La directive n’a donc pu être finalement adoptée que le 8 juin 2016 ; c’est de sa transposition que nous sommes aujourd’hui saisis.

Chacun peut porter son appréciation sur ce délai de huit ans, mais le mode de construction législative de l’Union européenne a du moins l’avantage d’être résilient dans la durée. Au-delà, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur le travail qui a été réalisé en amont sur cette question par notre commission des affaires européennes.

Notre commission s’était en effet saisie de ce sujet dès 2013 ou 2014. Elle a donc suivi les étapes de l’adoption de cette directive, ce qui nous a permis, quand ce texte de transposition a été présenté à notre assemblée, d’être prêts à vous présenter une proposition, que notre commission avait d’ailleurs adoptée à l’unanimité.

Je voudrais insister sur ce point, mes chers collègues, quelles que soient les commissions auxquelles vous appartenez : on peut relever une réticence des commissions permanentes de notre maison à voir intervenir en amont la commission des affaires européennes. Nous avons intégré sur ce point à notre règlement une procédure dite « expérimentale ». Mes chers collègues, ne vous privez pas de ce soutien, de cet appui au travail des commissions saisies au fond !

Pour ceux d’entre nous qui, depuis le début de cette semaine, suivent dans notre hémicycle l’examen du projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration, avouez que ce débat manque cruellement d’un recul européen ! Si notre commission des affaires européennes avait pu accomplir, sur ce texte aussi, son travail d’intégration, de comparaison – je n’ose plus parler de « benchmarking », car le mot est devenu politiquement incorrect dans ce domaine – et d’analyse des systèmes juridiques des États de l’Union européenne, peut-être nos débats auraient-ils été plus aisés et plus dépassionnés. Ce serait possible, si vous vouliez bien accepter que, dans l’avenir, nous évoluions à cet égard.

Pour revenir à cette transposition, mes chers collègues, madame la ministre, elle est de bonne facture, minimale et rigoureuse.

Le groupe Union centriste avait abordé cette discussion avec deux idées en tête.

Nous voulions, en premier lieu, essayer de limiter la créativité législative. Cela impliquait notamment de ne pas introduite nous-mêmes d’éléments de surtransposition. Cela explique notre réserve sur la proposition de M. le rapporteur de renforcer le dispositif pénal dans ce domaine : il existe déjà tant d’incriminations que nous ne percevions pas le besoin d’en créer une supplémentaire.

Notre seconde préoccupation était celle de l’équilibre, qui a été largement évoquée par Mme la ministre et par M. le rapporteur. Nous devions bien sûr, à côté de la protection du secret des affaires, préserver la liberté d’expression et d’information. Cette question concernait les journalistes et les lanceurs d’alertes, mais également, ce que je n’avais pas personnellement tout à fait en tête au début de l’examen de ce texte, les représentants des salariés. Les dispositions dont nous avons débattu se sont en quelque sorte télescopées avec celles qui, dans le code du travail, concernent les comités d’entreprise.

Enfin, la commission mixte paritaire a maintenu dans le texte l’amende en cas d’action abusive. Il s’agit, pour reprendre les termes et le raisonnement de nos collègues députés, de réduire le risque des « procédures bâillons ». L’accord intervenu sur ce point en commission mixte paritaire nous semble de bon aloi ; je voudrais donc, à cet égard, remercier les auteurs de cet accord et, en premier lieu, notre rapporteur, M. Frassa.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

M. Jérôme Durain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quand les visiteurs du Palais du Luxembourg passent dans la salle du Livre d’or, ils y apprennent que les fenêtres, d’époque, doivent beaucoup à un espionnage industriel mené aux dépens des cités-États italiennes, qui maîtrisaient le secret de la fabrication du verre…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Oui, l’espionnage industriel a toujours existé, il a toujours été combattu, et le groupe socialiste et républicain est évidemment attaché à défendre les savoir-faire de nos entreprises dans la compétition acharnée qui se joue à l’échelle mondiale.

En revanche, les deux réserves que nous avions sur ce texte en première lecture n’ont hélas pas varié après la commission mixte paritaire.

Notre première réserve tenait au calendrier. Y avait-il une telle urgence à transposer la directive européenne, alors que seul le Danemark l’a fait à ce jour ? Fallait-il user d’une procédure accélérée ? Le véhicule de la proposition de loi était-il vraiment adapté, alors que l’usage veut qu’on choisisse ordinairement, pour une telle transposition, un projet de loi ? Enfin, est-il bien cohérent de précipiter ce travail, alors même que s’annonce une proposition de résolution européenne sur les lanceurs d’alerte, qui pose dans des termes différents nombre des questions que nous avons dû traiter sur le secret des affaires ?

Notre collègue François Pillet nous indiquait d’ailleurs hier que « la proposition de directive ne prévoit aucune articulation particulière avec l’exception à la protection du secret des affaires prévue au bénéfice des lanceurs d’alerte par la directive » et que « l’existence dans le droit européen de deux régimes distincts serait une source de complexité et de confusion. » Vous l’avez constaté comme moi, sur ce texte, la précipitation a été mauvaise conseillère.

Notre seconde réserve tient évidemment au fond. Plusieurs inquiétudes de nature différente ont été exprimées au sujet de cette proposition de loi. Des doutes subsistent encore aujourd’hui sur ses conséquences juridiques, malgré les évolutions issues des travaux de la commission mixte paritaire.

On relèvera notamment une certaine imprécision s’agissant de la définition du champ exact des informations protégées, des atteintes possibles à la liberté d’expression ou, a minima, de possibles oppositions entre le droit de la presse et le droit commercial, ainsi que des restrictions au droit de participation des travailleurs. Je devine que ces arguments n’ont pas porté de la même manière selon nos positions dans cet hémicycle !

S’ils ne pèsent pas suffisamment aujourd’hui, ils trouveront peut-être plus d’écho dans d’autres lieux de délibération de la République, car les sénateurs socialistes ont choisi de déposer, si ce texte est voté, un recours devant le Conseil constitutionnel.

Cette décision n’allait pas de soi et n’est pas automatique : vous connaissez la sagesse des sénateurs, fussent-ils socialistes, et leur habituelle tempérance.

Toutefois, face à l’absence de consensus sur ce texte, encore dénoncé par une alliance d’associations, de syndicats, de journalistes et de lanceurs d’alerte qui a atteint une taille critique, face aux craintes encore ressenties aujourd’hui par les centaines de milliers de citoyens qui ont exprimé leur opposition, le groupe socialiste et républicain a jugé qu’il était pertinent de solliciter une nouvelle expertise. Si la délibération parlementaire touche bientôt à sa fin, les travaux du Conseil constitutionnel éclaireront peut-être notre réflexion commune.

Il y a plusieurs manières d’aborder ce débat. Comme le rapporteur à l’Assemblée nationale, qui était avocat d’affaires jusqu’à son élection aux dernières législatives, ou nombre de partisans de ce texte dans cet hémicycle, on peut se féliciter que les entreprises obtiennent les moyens de se protéger. On peut, à l’inverse, concevoir quelques doutes, et plusieurs représentants de syndicats ou d’associations que nous avons rencontrés ne s’en privent pas.

Ils doutent notamment que ce texte serve effectivement à des PME dans le futur et persistent à craindre, surtout, qu’il ne soit détourné de son objectif et ne serve à tenter de museler des lanceurs d’alerte ou des journalistes. Secret des affaires contre liberté d’informer, ce débat n’est pas secondaire !

Certains m’objecteront que des dispositions ont été introduites dans le texte pour éviter toute dérive, notamment des sanctions contre les « procédures bâillons ». Elles ne suffisent cependant pas à rétablir l’équilibre entre secret des affaires et liberté d’informer.

Ceux qui ne sont pas convaincus par ce texte – je ne parle pas ici des parlementaires – connaissent les enjeux que nous évoquons aujourd’hui. Ils ne sont ni stupides, ni bornés, ni mal intentionnés. Ce sont bien souvent des militants qui ont démontré leur utilité pour la société en rendant publics des scandales au profit de l’intérêt général. Pourtant, leur parole et leur légitimité sont remises en question.

Une pétition a atteint plusieurs centaines de milliers de signatures ; les vidéos qui touchent au secret des affaires font des millions de vues ; des journalistes tentent de produire des récapitulatifs pour informer le grand public en toute objectivité. Pourtant, on remet toujours en question leurs conclusions !

Une partie du site internet du Monde est consacrée au décryptage de l’actualité. Il est présenté comme suit : « Les décodeurs du Monde.fr vérifient déclarations, assertions et rumeurs en tous genres ; ils mettent l’information en forme et la remettent dans son contexte ; ils répondent à vos questions. »

Savez-vous comment le rapporteur de l’Assemblée nationale a qualifié le travail réalisé par ce site sur le secret des affaires ? Il l’a assimilé à de la « désinformation ». Lorsque l’on en vient à faire ainsi la leçon à ceux qu’un tel texte devrait rassurer, je crains que l’on ne s’égare. Je ne suis donc pas satisfait de l’équilibre du texte aujourd’hui.

Il a, certes, été amélioré – n’en déplaise à notre respectable rapporteur Christophe-André Frassa –, mais il ne parvient toujours pas à rassurer, notamment en raison d’une définition trop large des informations à protéger.

Vous comprendrez donc que le groupe socialiste et républicain, en raison de l’incapacité dont fait preuve le Gouvernement à convaincre du bien-fondé de ce texte, votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le constat est clair : dans un contexte de compétition économique internationale toujours accrue, il manque à la législation française un dispositif général et transversal de protection du secret des affaires, afin de garantir une véritable protection des informations confidentielles détenues par nos entreprises.

En effet, si, pour assurer la garantie des brevets, marques et autres dessins et modèles, le droit de la propriété industrielle est efficace, il ne suffit pas à assurer la protection des nombreuses informations économiques et techniques confidentielles des entreprises.

Le diagnostic de la carence du droit français en matière de protection du secret des affaires est établi depuis longtemps, de sorte que les initiatives législatives pour mieux armer nos entreprises françaises exposées à la concurrence internationale n’ont pas manqué depuis 2010. Elles ont malheureusement toutes échoué à mettre en place un dispositif civil ou pénal de protection.

La proposition de loi relative à la protection du secret des affaires vise à transposer en droit français la directive du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées, dont l’objectif est d’établir un niveau suffisant, proportionné et comparable de réparation dans tout le marché intérieur en cas d’appropriation illicite.

On peut légitimement déplorer les conditions de présentation et d’examen de ce texte : la transposition d’une directive au moyen d’une proposition de loi nous prive d’une étude d’impact ; le délai d’à peine deux semaines entre l’adoption en séance par l’Assemblée nationale et le passage en commission au Sénat était trop court ; l’examen du texte a commencé quelques semaines seulement avant l’expiration du délai de transposition.

Toutefois, la transposition de cette directive permettra à la France de se doter d’un régime de protection du patrimoine économique, technologique et informationnel de ses entreprises.

Aussi, notre groupe se réjouit, d’une part, que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion soit parvenue à un accord, et, d’autre part, que le texte adopté reprenne, pour une grande part, la rédaction retenue par le Sénat.

Néanmoins, nous souhaitons modérer notre position sur deux points.

En premier lieu, la commission mixte paritaire a rétabli l’amende civile spécifique que nos collègues députés avaient prévue pour sanctionner les personnes qui engageraient abusivement une action relative à une atteinte au secret des affaires. Cette amende, qui avait déjà été portée à 10 000 euros contre 3 000 euros auparavant, a été considérablement majorée, puisqu’elle passe à 60 000 euros ou 20 % du montant des dommages et intérêts réclamés.

Le Sénat avait supprimé cette disposition pour deux raisons. Premièrement, l’amende civile peut être jugée contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de légalité des délits et des peines ; deuxièmement, il apparaît probable que les juges ne l’appliquent pas, au vu de leur pratique actuelle en matière d’amendes civiles pour procédure abusive.

En second lieu, la commission mixte paritaire a procédé à une autre suppression, celle du délit d’espionnage économique. Cette notion avait été introduite par la commission des lois du Sénat, afin de sanctionner le détournement d’une information protégée au titre du secret des affaires à des fins exclusivement économiques, excluant de son champ les journalistes, les lanceurs d’alerte et les représentants des salariés.

Pour le Sénat, le message devait être clair : les entreprises françaises sont soumises à une véritable guerre économique, qui ne cesse de s’amplifier. Un volet pénal avait donc toute sa pertinence, avec une amende de 375 000 euros, largement supérieure à celle qui est prévue pour sanctionner le vol.

Notre groupe regrette que cette notion ait été écartée et encourage vivement les deux rapporteurs du texte à tenir leur engagement de poursuivre l’étude de cette question dans le cadre d’une mission plus large, visant à mieux armer encore nos entreprises dans cette guerre.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le président de la commission des lois, Philippe Bas, l’a souligné : « un réarmement juridique de la France s’impose contre le pillage des données ! » Nous ne pouvons que souscrire à ce point de vue.

Au cours des dernières années, quelque 20 % des entreprises indiquent avoir subi au moins une tentative d’appropriation illicite de leurs secrets d’affaires, et 25 % d’entre elles ont signalé un vol d’informations confidentielles.

Cette proposition de loi a le mérite d’offrir de bonnes bases à la protection des secrets commerciaux et du savoir-faire commercial dans notre pays, aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur cette proposition de loi transposant la directive sur la protection du secret des affaires intervient alors que le conflit commercial entre les États-Unis et la Chine, mais aussi entre les États-Unis, le Canada et l’Europe, paraît s’intensifier. Les pratiques d’espionnage économique visant les entreprises françaises et européennes, qui s’ajoutent aux vulnérabilités nouvelles liées aux cyberattaques, sont plus que jamais une réalité.

Pendant longtemps, les pays européens ont manqué d’un cadre juridique réellement protecteur pour leurs entreprises.

Alors que les États-Unis disposent depuis la fin des années 1990 d’un puissant arsenal de lutte contre les atteintes au secret des affaires, avec en particulier la loi Clinger-Cohen de 1996, ce n’est qu’en 2016 que les dirigeants européens ont adopté la directive sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées – soit le secret des affaires –, qui enjoint, pour la première fois, l’ensemble des États membres à instaurer un régime général de protection des secrets d’affaires et qui rend ceux-ci opposables lors de procédures contentieuses. Jusqu’alors, toutes les tentatives d’instaurer un tel régime général en France avaient échoué.

D’après la définition générale, un secret d’affaires est une information ayant une valeur marchande, considérée comme confidentielle par l’entreprise et qui lui donne un avantage compétitif dans son secteur.

La numérisation de l’économie rend la protection des secrets d’affaires encore plus cruciale. D’après une étude publiée l’an dernier dans la revue i2D, la France est le neuvième pays au monde le plus attaqué par les cybercriminels.

Toutefois, la culture de sécurité informatique y reste étonnamment peu développée. Tout se passe comme si les usagers s’en remettaient à la solidité supposée du « système » sans imaginer que leurs outils informatiques puissent faire l’objet de piratage et que leurs données personnelles ou des informations confidentielles de leur entreprise puissent être divulguées à leur insu.

Néanmoins, la révélation, ces dernières années, de plusieurs scandales, comme celui du Mediator, ou des affaires LuxLeaks et « Panama Papers », a sensibilisé le public à ce sujet et a engendré une grande défiance à l’égard des acteurs économiques et de la mondialisation.

La mobilisation impressionnante des organisations non gouvernementales, des organes de presse ou des lanceurs d’alerte lors de l’examen de ce texte en témoigne. Malgré les délais d’examen très courts et les marges de manœuvre limitées du législateur, la directive sur le secret des affaires continue de susciter des craintes et des oppositions, parfois excessives.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire apparaît plutôt équilibré, dans la mesure où il effectue une transposition assez stricte du contenu de la directive, en particulier en ce qui concerne la définition du concept même de secret des affaires. Du point de vue du Sénat, il est même plus équilibré qu’en première lecture, puisqu’il rétablit, notamment, l’amende civile en cas de procédure dilatoire ou abusive.

Par ailleurs, la pénalisation de l’espionnage économique, qui a suscité de vifs débats en première lecture et dont mon groupe avait demandé la suppression, n’a pas été retenue dans la version finale, car ce type d’infraction est déjà couvert par la législation sur le vol et l’abus de confiance.

Enfin, la notion de valeur commerciale effective ou potentielle de l’information protégée a été préférée à celle de valeur économique, dont l’acception paraissait trop floue.

On peut encore s’interroger sur la longueur du délai de prescription – cinq ans – en matière de violation du secret des affaires, mais, globalement, ce texte offre un cadre raisonnable et conforme à nos responsabilités de législateur, dans la mesure où il s’agit, je le rappelle, d’un texte de transposition.

Comme l’avait souligné notre collègue Jean-Marc Gabouty lors de la première lecture, cette transposition constitue bien une nouveauté juridique, puisque le droit français ne définissait pas jusqu’à présent le secret des affaires, même s’il y faisait souvent référence.

La protection du secret des affaires est en revanche un principe inscrit depuis longtemps dans le droit anglo-saxon, aux côtés de la législation sur les marques et les brevets. Aux États-Unis, depuis une décision de la Cour suprême de 1974, elle relève de la compétence des États fédérés. On peut même lui trouver des origines dans le droit romain, avec l’actio servi corrupti, qui concernait les relations entre le maître et le serviteur.

Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de mieux protéger les entreprises européennes et françaises face à des pratiques déloyales, comme on en a connu par le passé, par exemple la conception du Tupolev soviétique, tellement copié sur le Concorde qu’on le surnommait « Concordski »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

L’information protégée au titre du secret des affaires répondra donc aux trois critères énoncés à l’article premier : son caractère non accessible en raison de sa nature ou de sa conception, sa valeur commerciale effective ou potentielle et, enfin, le fait de faire l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de son détenteur légitime.

Le texte précise également les éléments d’appréciation que le juge devra prendre en compte, notamment la nécessité éventuelle de limiter la communication de certaines informations, la formation de jugement et les modalités de publication de la décision.

La liberté d’expression et de communication reste totalement protégée par la Convention européenne des droits de l’homme comme par la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Les lanceurs d’alerte, quant à eux, bénéficient d’un statut à part entière depuis la loi Sapin II de 2016.

Par ailleurs, la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises a été abordée dans la loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et devrait de nouveau être abordée dans le projet de loi PACTE, que nous examinerons cet automne.

En résumé, ce texte doit assurer un bon équilibre entre la liberté d’information au service de l’intérêt général et la protection des connaissances à objet commercial, dans un monde économique où la naïveté n’est pas permise.

D’une part, les exceptions à la protection du secret des affaires offrent des garanties aux journalistes, aux syndicats ou encore aux associations citoyennes. D’autre part, la protection du secret des affaires donnera plus de moyens aux PME, TPE et start-up, en particulier, pour leur permettre de se défendre dans la compétition économique.

J’y insiste, la protection des informations industrielles et commerciales doit s’accompagner du développement d’une véritable culture de la sécurité de l’information qui soit plus digne du rang de l’économie française.

Avec ces remarques, vous comprendrez, mes chers collègues, qu’à l’issue de la discussion de ces conclusions, la majorité des membres du groupe du RDSE, dans sa très grande liberté de vote, se prononceront pour l’adoption de cette proposition de loi, tandis que quelques membres s’y opposeront, faute d’adoption des amendements qu’ils avaient défendus en première lecture.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Michèle Vullien et M. André Gattolin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions aujourd’hui, au retour d’une commission mixte paritaire conclusive, vise à assurer un niveau de protection commun du secret des affaires au sein de l’Union européenne, au profit de nos entreprises, de leur savoir-faire, de leurs innovations, contre le pillage industriel, la concurrence déloyale et ce que l’on appelle, par un euphémisme douteux, « l’intelligence économique », mais qui, en parler franc, signifie ni plus ni moins l’espionnage économique.

L’actualité récente est là pour nous rappeler de manière récurrente que ces pratiques déloyales ne cessent de se développer entre entreprises, parfois avec l’appui de services de renseignement de pays supposément alliés, voire amis.

Je souhaite remercier notre collègue de la commission des affaires européennes, Philippe Bonnecarrère, du cadrage général externe et interne qu’il a effectué et rappeler le rôle de la commission des affaires européennes du Sénat sur ce texte, dès 2013. Au moment de l’élaboration de la directive, nous avions auditionné Mme la rapporteur au Parlement européen et nous avions mis en lumière, bien avant que cela fasse polémique, le droit des journalistes et des lanceurs d’alerte, ce qui avait permis, déjà, de corriger le texte.

Cette proposition de loi n’a pas manqué d’animer les débats au sein du Parlement, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, car elle renvoie à une valeur fondamentale de nos démocraties : la liberté d’expression, pilier de nos institutions et principe fondamental de l’État de droit.

L’ambition du Gouvernement, que nous partageons, a toujours été de protéger par ce texte les intérêts économiques de nos entreprises dans un environnement concurrentiel, tout en préservant la liberté d’expression et en protégeant le rôle essentiel du travail journalistique et des lanceurs d’alerte. Les travaux de l’Assemblée nationale en première lecture reflétaient bien, selon nous, cet exercice délicat d’équilibre entre protection de nos acteurs économiques stratégiques et respect de nos libertés fondamentales.

On peut, à ce titre, citer la création d’une amende civile destinée à lutter contre les « procédures bâillons » exercées à l’encontre d’un individu, d’une association ou d’une organisation et qui visent à intimider et à dissuader ceux-ci de dévoiler publiquement des informations en leur possession.

Le passage au Sénat a permis d’enrichir certains aspects du texte, notamment en précisant la définition du détenteur légitime du secret et la caractérisation de l’obtention illicite du secret des affaires. Les procédures judiciaires mises en place pour garantir une protection efficace du secret des affaires ont également été clarifiées.

Au fil de la discussion, le texte a toutefois été durci sur certains points, s’éloignant de l’ambition initiale de la proposition de loi et du droit européen, avec notamment la suppression de l’amende civile pour lutter contre les « procédures bâillons » et l’insertion d’un volet pénal. L’accord trouvé en commission mixte paritaire a heureusement permis de corriger ces évolutions. Nous nous en réjouissons et nous félicitons les deux rapporteurs, en particulier celui du Sénat, Christophe-André Frassa.

Tout d’abord, la rédaction de l’article 1er, qui caractérise la nature de l’information protégée par le secret des affaires, est parfaitement alignée avec la définition suggérée par la directive européenne. L’information protégée doit ainsi revêtir, du fait de son caractère secret, une valeur commerciale effective ou potentielle. Cette notion, moins extensive que celle de valeur économique, se rapproche davantage de la définition prévue par la directive. De cette manière, nous écartons le risque d’une surtransposition potentiellement abusive, donc condamnable, du droit européen.

Ensuite, l’amende civile permettant de lutter contre les procédures abusives ou dilatoires a été rétablie. Ce point est crucial pour répondre aux inquiétudes des journalistes, des lanceurs d’alertes et des ONG. À présent, les entreprises engageant des procédures abusives ou dilatoires à l’encontre des journalistes, des lanceurs d’alerte ou des représentants des salariés s’exposeront à une amende pouvant aller jusqu’à 60 000 euros ou 20 % du montant des dommages et intérêts demandés.

Enfin, l’infraction pénale insérée lors de l’examen du texte au Sénat, qui permettait de sanctionner le détournement d’une information économique protégée, a été retirée. Cette disposition n’apparaissait pas nécessaire pour répondre à l’objectif de la proposition de loi.

Les travaux effectués par les rapporteurs de nos deux assemblées ont donc été utiles et méritent d’être salués, car l’accord trouvé vise bien l’objectif commun de protection des entreprises françaises contre le pillage industriel, tout en respectant la liberté d’expression et le droit à l’information.

C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Michèle Vullien applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, ce texte avait comme intitulé, à l’origine, « Protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites ». Ce n’est pas anodin : le Gouvernement a fait adopter le texte sur la protection du secret des affaires derrière un nom trompeur et sans réelle concertation.

Cette proposition de loi a pour seul objectif de protéger, même contre l’intérêt général, toute information revêtant une valeur commerciale du fait de son caractère secret.

Rarement un texte aura fait ainsi l’unanimité contre lui dans le monde, au sens large. Les rédactions sont unanimes, quelle que soit leur sensibilité, des Échos à Fakir, et plus d’un demi-million de citoyens se sont mobilisés, car ce que vous proposez en guise de liberté d’informer, c’est la mise en place d’une forme de censure. Il en va de même pour toutes les ONG, regroupées dans le collectif Stop secret des affaires, qui se battent pour que l’intérêt particulier de quelques-uns n’impose pas la loi du silence à tous les autres.

Toutes ces personnes seraient-elles à ce point dans l’erreur ? Cinquante-deux organisations feraient-elles fausse route ? Sommes-nous si nombreux à ne pas avoir compris ce texte et à surestimer les dangers qu’il comporte ?

Pourtant, ainsi que nous en avons fait la démonstration lors des débats, avec ce texte, la recherche de la vérité s’arrêtera trop souvent aux portes de l’entreprise. En faisant le lien avec le projet de loi dit « contre les fausses informations », les Fake News, on constate que cette vérité sera même demain définie par l’État !

Vous nous répétez à l’envi que ce texte, bien entendu, ne sert qu’à protéger nos entreprises d’une concurrence féroce – et réelle –, mais vous avez refusé nos nombreux amendements qui visaient, justement, à réduire le champ d’application du secret des affaires à l’entreprise et à protéger les PME et les sous-traitants de ce secret si largement défini.

Ce qui est mis en cause aujourd’hui, comme le rappelle un éminent journaliste, c’est « cette vérité qui procède de la raison par la déduction, le recoupement, la recherche, la vérification, la précision. Bref, cette vérité qui suppose l’enquête. Derrière ce mot apparemment simple, il y a un travail patient, minutieux et complexe, essentiellement collectif, où la vérité est produite, trouvée, dénichée, accouchée, débusquée… »

Cette vérité que révèlent, dans un souci de protection de l’intérêt général, en faisant fi de leur propre situation et des conséquences parfois lourdes sur leur vie personnelle et professionnelle, des chercheurs, des journalistes, des salariés, des représentants du personnel – la liste n’est pas exhaustive.

Aujourd’hui, ce que vous faites avancer, c’est la protection de l’optimisation fiscale, le chantage au fournisseur, la sous-traitance en cascade, les techniques de management douteuses, les pratiques à la limite de la légalité, mais aussi de possibles risques sanitaires et environnementaux majeurs présents et à venir : rôles des perturbateurs endocriniens, impact des pesticides sur la santé ou l’environnement, ou toute information que l’entreprise qualifiera de secrète.

Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit de quelques activistes extrêmes. Aujourd’hui, de nombreux juristes dénoncent également ce texte. Deux avocats spécialisés le font en ces termes : « Imaginez que quelqu’un, au sein d’une entreprise pharmaceutique, estime qu’un produit dangereux, néfaste pour la santé ou l’environnement, a été mis sur le marché. Eh bien, la dérogation à la protection du secret des affaires serait alors probablement suspendue à l’issue d’investigations et de procédures pouvant durer des années. Dès lors qu’elle ne pourrait pas être d’un effet immédiat, elle prive mécaniquement le lanceur d’alerte de toute protection. »

Comme nous l’avons dit lors des débats, l’arsenal juridique français est déjà très bien fourni en ce qui concerne la propriété intellectuelle, le secret médical, les secrets de fabrique ou encore la protection des secrets d’État, avec le fameux secret défense. Cette loi de transposition, voire de surtransposition, n’était donc pas indispensable !

Aujourd’hui, vous prenez aussi le risque de provoquer l’autocensure, parce que la loi prévoit des sanctions tellement énormes qu’elles peuvent atteindre, en cas de préjudice commercial à réparer, plusieurs millions d’euros. Si cette menace est brandie, les gens n’oseront plus divulguer d’informations et chacun s’imposera l’autocensure.

Comme le souligne l’observatoire des médias Acrimed, ce texte s’inscrit dans une tendance durable, de la part des détenteurs du pouvoir économique, à mobiliser les ressources du droit pour dissuader les enquêtes portant sur la façon dont ils mènent leurs affaires et soustraire ainsi à l’attention du public des informations d’intérêt général.

C’est une étape supplémentaire dans un travail de sophistication des outils juridiques permettant l’opacité, en lieu et place de la nécessaire transparence, et autorisant la définition de thèmes et d’objets considérés pouvant légalement faire l’objet d’investigations. Cette loi sera une arme au service des intérêts privés contre l’intérêt général.

En guise de conclusion, je citerai cette analyse de Roberto Scarpinato, procureur général de Palerme et spécialiste de la lutte contre la haute criminalité mafieuse, qui déclarait à Mediapart : « Le secret et le mensonge sont incompatibles avec la démocratie. La différence entre démocratie et autocratie réside dans le rapport qu’elles entretiennent avec le secret. La démocratie est le gouvernement du pouvoir visible : le gouvernement public, en public. Dans l’autocratie le secret est la règle, tandis qu’en démocratie le secret est l’exception, lorsque la raison d’État le demande, et même dans ce cas, il doit être contrôlé par le pouvoir visible. »

Madame la garde des sceaux, je voudrais saluer votre insistance à cette tribune à rassurer les journalistes et les lanceurs d’alerte, mais je suis au regret de vous dire que, à la fin de ce débat, nous ne sommes pas convaincus. Nous voterons par conséquent contre les conclusions de cette commission mixte paritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi est un texte de défense de nos entreprises, donc de l’emploi de leurs salariés.

Elle part d’un constat de bon sens : nous devons défendre les entreprises françaises contre l’espionnage industriel, je dirais même parfois le pillage de certaines de nos industries, qui s’est développé tout spécialement ces dernières années dans un contexte de mondialisation et de concurrence exacerbée entre les acteurs économiques.

Il s’agit non pas d’un risque abstrait et futur, mais d’une réalité dont nous subissons les effets chaque jour. Ces pratiques contribuent à l’érosion de nos avantages compétitifs, à la perte de notre savoir-faire, au rachat de nos firmes et, finalement, à la perte d’emplois.

Pendant ce temps, les pays qui sont les principaux partenaires économiques de l’Europe sont aussi souvent les premiers à prendre des mesures, afin de protéger leur savoir-faire commercial. La France était à la traîne. L’arsenal législatif européen et français n’est plus adapté à ces réalités. Il n’offrait pas même une définition unifiée du concept de secret des affaires, et cela a rendu notre économie vulnérable. Cette proposition de loi est donc bienvenue.

Nos entreprises attendaient cette protection depuis plusieurs années. Le débat est ancien. Plusieurs tentatives ont eu lieu sous les gouvernements précédents, quelles que soient les majorités de gauche et de droite. Toutes ont échoué jusqu’au moment où la France a porté ce débat au niveau européen.

La directive européenne que cette proposition de loi transpose a été en effet présentée sur l’initiative de la France par M. Cazeneuve, alors ministre délégué aux affaires européennes. La directive a été adoptée le 8 juin 2016 et votée par près de 80 % des parlementaires français au Parlement européen.

Après de longs débats détaillés et approfondis, on doit se féliciter que le texte qui nous est présenté ait recueilli un très large accord sur l’essentiel.

Protéger le savoir-faire de nos entreprises sans pour autant sacrifier la liberté de la presse : à première vue, ces objectifs peuvent paraître totalement contradictoires et opposés. Les équilibres à trouver sont « subtils », pour reprendre l’adjectif que vous avez employé, madame la garde des sceaux, et, avez-vous ajouté, ils doivent être définis « dans un cadre européen très contraint », qui suscite des inquiétudes et des interrogations.

En réalité, les deux objectifs de défense des entreprises et de protection des journalistes et des lanceurs d’alerte m’apparaissent non pas concurrents, mais complémentaires. Il faut remercier les deux rapporteurs des commissions compétentes, particulièrement notre collègue Christophe-André Frassa, d’avoir su trouver un bon terrain d’entente.

Le texte adopte une définition claire du secret des affaires, jusqu’alors fondé sur le droit commun de la responsabilité civile et la jurisprudence. Cela facilitera la tâche des entreprises et des juges. Il retient des critères cumulatifs particulièrement stricts, dans les termes de la directive.

Il y avait débat sur la nature des informations protégées : fallait-il prendre en compte la valeur économique ou la valeur commerciale ? Toutes les données de nature économique détenues par une entreprise ne relèveront pas du secret des affaires. Seules le pourront celles qui font l’objet de mesures raisonnables de protection et qui revêtent une valeur commerciale effective ou potentielle pour son détenteur, lequel devra en apporter la preuve.

Le texte apporte des garanties de procédure qui ont été renforcées durant les débats. Le dispositif a ainsi été étendu à l’ensemble des procédures devant les juridictions civiles, commerciales et administratives.

Le Sénat avait souhaité créer une infraction spécifique sanctionnant l’atteinte au secret des affaires et l’espionnage économique. Nos collègues de l’Assemblée nationale penchaient plutôt le recours au droit commun – vol, recel, abus de confiance, intrusion dans un système informatique – ces qualifications leur paraissant suffisantes pour engager des poursuites.

Sur ce point, je partage entièrement l’opinion de notre rapporteur : nous sommes dans une guerre économique ; un volet civil ne suffit pas, il faut un volet pénal.

Faute de temps, nous n’avons pu procéder à toutes les consultations que nous aurions souhaité mener. Lors des travaux de la commission mixte paritaire, le président Philippe Bas a obtenu l’engagement de son homologue à l’Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet, sur la poursuite de nos travaux sur cette question.

Certains médias ont dénoncé ce texte comme instaurant une nouvelle forme de censure de la presse, pourtant abolie par la loi du 29 juillet 1881. Tel n’est pas le cas. Le texte comporte à ce sujet des garanties très claires et précises, sous le contrôle du juge. Le secret des affaires garanti par cette loi n’est pas absolu ; il est strictement encadré.

Une entreprise ne pourra évidemment s’en prévaloir pour s’opposer aux enquêtes judiciaires ou administratives. Elle ne pourra pas davantage s’opposer à la révélation d’un secret des affaires, lorsque cette révélation est nécessaire pour l’exercice du droit syndical. Elle ne pourra pas obtenir de dommages et intérêts contre un salarié qui, de bonne foi et dans un but d’intérêt général, a porté à la connaissance d’un journaliste une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible.

En cas de révélation d’un secret des affaires, journalistes comme lanceurs d’alerte pourront toujours se prévaloir d’avoir agi dans le cadre de l’exercice légitime de leur liberté d’expression et d’information. Ces principes sont très clairement énoncés dans le texte qui vous est soumis.

Le champ de la protection a d’ailleurs été élargi par la commission mixte paritaire par le rétablissement de la procédure d’amende civile, afin de répondre au risque de ce que l’on a appelé les « procédures bâillons ». Je persiste à penser, avec M. le rapporteur, que cette procédure n’était pas indispensable et qu’elle présente des risques d’inconstitutionnalité, que la décision du Conseil constitutionnel du 23 mars 2017 a mis à jour.

À l’Assemblée nationale, vous avez annoncé, madame la garde des sceaux, que le Gouvernement avait décidé de confier à M. le député Gauvain et à M. le sénateur Frassa, rapporteur de la proposition de loi, une mission d’analyse des mesures de protection des entreprises françaises confrontées à des procédures judiciaires ou administratives de portée extraterritoriale. Vous avez évoqué, notamment, la loi de blocage de 1968.

Je profite de ce débat pour vous demander si le Gouvernement entend prendre des initiatives à ce sujet au niveau européen. Alors que se met en place une guerre commerciale venant d’outre-Atlantique, l’Europe est-elle prête à réagir ?

En conclusion, je voterai ce texte, avec les autres membres de mon groupe.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.

Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.

Le livre Ier du code de commerce est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« DE LA PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES

« CHAPITRE Ier

« De lobjet et des conditions de la protection

« Section I

« De linformation protégée

« Art. L. 151 -1. – Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :

« 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

« 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

« 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

« Section II

« De la détention légitime et de lobtention licite dun secret des affaires

« Art. L. 151 -2 A. – Est détenteur légitime d’un secret des affaires celui qui en a le contrôle de façon licite.

« Art. L. 151 -2. – Constituent des modes d’obtention licite d’un secret des affaires :

« 1° Une découverte ou une création indépendante ;

« 2° L’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l’obtention du secret ;

« 3°

Supprimé

« Section III

« De lobtention, de lutilisation et de la divulgation illicites

« Art. L. 151 -3. – L’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte :

« 1° D’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ;

« 2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

« Art. L. 151 -4. – L’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne qui a obtenu le secret dans les conditions mentionnées à l’article L. 151-3 ou qui agit en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.

« La production, l’offre ou la mise sur le marché, de même que l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires sont également considérés comme une utilisation illicite lorsque la personne qui exerce ces activités savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite au sens du premier alinéa du présent article.

« Art. L. 151 -5. – L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l’article L. 151-4.

« Section IV

« Des exceptions à la protection du secret des affaires

« Art. L. 151 -6. – Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives.

« Art. L. 151 -7. – À l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :

« 1° Pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

« 2° Pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte défini à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ;

« 3° Pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.

« Art. L. 151 -8. – À l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque :

« 1° L’obtention du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants ;

« 2° La divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice.

« L’information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l’égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance.

« CHAPITRE II

« Des actions en prévention, en cessation ou en réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -1. – Toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L. 151-3 à L. 151-5 engage la responsabilité civile de son auteur.

« Art. L. 152 -1 -1. – Les actions relatives à une atteinte au secret des affaires sont prescrites par cinq ans à compter des faits qui en sont la cause.

« Section I

« Des mesures pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -2. – I. – Dans le cadre d’une action relative à la prévention ou la cessation d’une atteinte à un secret des affaires, la juridiction peut, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts, prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte. Elle peut notamment :

« 1° Interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires ;

« 2° Interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires ou l’importation, l’exportation ou le stockage de tels produits à ces fins ;

« 3° Ordonner la destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné ou dont il peut être déduit ou, selon le cas, ordonner leur remise totale ou partielle au demandeur.

« II. – La juridiction peut également ordonner que les produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, modifiés afin de supprimer l’atteinte au secret des affaires, détruits ou, selon le cas, confisqués au profit de la partie lésée.

« III. – Lorsque la juridiction limite la durée des mesures mentionnées aux 1° et 2° du I, la durée fixée doit être suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique que l’auteur de l’atteinte au secret des affaires aurait pu tirer de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret des affaires.

« IV. – Sauf circonstances particulières et sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés, les mesures mentionnées aux I à III sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte.

« Il peut y être mis fin à la demande de l’auteur de l’atteinte lorsque les informations concernées ne peuvent plus être qualifiées de secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 pour des raisons qui ne dépendent pas, directement ou indirectement, de lui.

« Art. L. 152 -2 -1 A. – Pour prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, la juridiction peut, sur requête ou en référé, ordonner des mesures provisoires et conservatoires dont les modalités sont déterminées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 152 -2 -1. – Sans préjudice de l’article L. 152-3, la juridiction peut ordonner, à la demande de l’auteur de l’atteinte, le versement d’une indemnité à la partie lésée au lieu des mesures mentionnées aux I à III de l’article L. 152-2 lorsque sont réunies les conditions suivantes :

« 1° Au moment de l’utilisation ou de la divulgation du secret des affaires, l’auteur de l’atteinte ne savait pas, ni ne pouvait savoir au regard des circonstances, que le secret des affaires avait été obtenu d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite ;

« 2° L’exécution des mesures mentionnées aux I à III de l’article L. 152-2 causerait à cet auteur un dommage disproportionné ;

« 3° Le versement d’une indemnité à la partie lésée paraît raisonnablement satisfaisant.

« Lorsque le versement de cette indemnité est ordonné en lieu et place des mesures prévues aux 1° et 2° du I du même article L. 152-2, cette indemnité ne peut être fixée à une somme supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser ledit secret des affaires pour la période pendant laquelle l’utilisation du secret des affaires aurait pu être interdite.

« Section II

« De la réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -3. – Pour fixer les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice effectivement subi, la juridiction prend en considération distinctement :

« 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;

« 2° Le préjudice moral causé à la partie lésée ;

« 3° Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte.

« La juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le secret des affaires en question. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

« Art. L. 152 -4. –

Supprimé

« Section III

« Des mesures de publicité

« Art. L. 152 -5. – La juridiction peut ordonner toute mesure de publicité de la décision relative à l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite d’un secret des affaires, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu’elle désigne, selon les modalités qu’elle précise.

« Lorsqu’elle ordonne une telle mesure, la juridiction veille à protéger le secret des affaires dans les conditions prévues à l’article L. 153-1.

« Les mesures sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte.

« Section IV

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152 -6. – Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 €.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

« CHAPITRE III

« Des mesures générales de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales

« Art. L. 153 -1. – Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :

« 1° Prendre connaissance seul de cette pièce afin de décider, s’il l’estime nécessaire, de limiter sa communication ou sa production à certains de ses éléments, d’en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou d’en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;

« 2° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;

« 3° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de la publication de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.

« Art. L. 153 -2. – Toute personne ayant accès à une pièce ou au contenu d’une pièce considérée par le juge comme étant couverte ou susceptible d’être couverte par le secret des affaires est tenue à une obligation de confidentialité lui interdisant toute utilisation ou divulgation des informations qu’elle contient.

« Dans le cas d’une personne morale, l’obligation prévue au premier alinéa du présent article s’applique à ses représentants légaux ou statutaires et aux personnes qui la représentent devant la juridiction.

« Les personnes ayant accès à la pièce ou à son contenu ne sont liées par cette obligation ni dans leurs rapports entre elles ni à l’égard des représentants légaux ou statutaires de la personne morale partie à la procédure.

« Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties ne sont pas liées par cette obligation de confidentialité à l’égard de celles-ci, sauf en cas de mesures prises par le juge au titre du 1° de l’article L. 153-1 pour restreindre l’accès d’une ou de plusieurs pièces à certaines personnes.

« L’obligation de confidentialité perdure à l’issue de la procédure. Toutefois, elle prend fin si une juridiction décide, par une décision non susceptible de recours, qu’il n’existe pas de secret des affaires ou si les informations en cause ont entre-temps cessé de constituer un secret des affaires ou sont devenues aisément accessibles.

« CHAPITRE IV

« Conditions dapplication

« Art. L. 154 -1. – Les conditions d’application du présent titre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Au livre VI, il est ajouté un titre Ier ainsi rédigé :

« TITRE Ier

« LA PROCÉDURE ORDINAIRE

« CHAPITRE Ier

« La communication de la requête et des mémoires

« Section I

« Dispositions générales

« Section I bis

« Dispositions propres à la communication électronique

« Section II

« Dispositions applicables devant les tribunaux administratifs

« Section III

« Dispositions applicables devant les cours administratives dappel

« Section IV

« Dispositions applicables devant le Conseil dÉtat

« Section V

« De la protection des pièces couvertes par le secret des affaires

« Art. L. 611 -1. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires répondant aux conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de commerce. » ;

bis La section VI du chapitre Ier du titre IV du livre VII est complétée par un article L. 741-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 741 -4. – La motivation de la décision et les modalités de la publication de celle-ci peuvent être adaptées aux nécessités de la protection du secret des affaires. » ;

2° Le titre VII du même livre VII est ainsi modifié :

aa) Après le mot : « réserve », la fin de l’article L. 775-1 est ainsi rédigée : « des articles L. 153-1 et L. 153-2 du même code et du titre VIII du livre IV dudit code. » ;

a) L’article L. 775-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 775 -2. – L’article L. 77-13-2 est applicable au présent chapitre. » ;

b) Il est ajouté un chapitre XIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE XIII

« Le contentieux relatif à la prévention, la cessation ou la réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 77 -13 -1. – Lorsqu’elles relèvent de la juridiction administrative, les actions tendant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte portée au secret des affaires sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve du titre V du livre Ier du code de commerce.

« Art. L. 77 -13 -2. – Par dérogation à l’article L. 4 du présent code, l’exécution de l’ordonnance enjoignant la communication ou la production d’une pièce ou d’une catégorie de pièces dont il est allégué qu’elle est couverte par le secret des affaires est suspendue jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou, le cas échéant, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel. »

(Supprimés)

I A. – Le titre IV du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du V de l’article L. 440-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au troisième alinéa de l’article L. 441-8, les mots : « du secret en matière industrielle et commerciale et » sont supprimés.

I. – À la fin du a du 1° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

II. – Au premier alinéa du II de l’article 349 sexies du code des douanes, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « secret des affaires ou un secret ».

III. – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 233-1 du code de l’énergie, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

IV. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du second alinéa du IV de l’article L. 120-1, les mots : «, du secret industriel et commercial » sont supprimés ;

2° Au II de l’article L. 412-7, au III de l’article L. 412-8, à la première phrase du premier alinéa du I, au second alinéa du même I et à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 521-7 ainsi qu’au dernier alinéa de l’article L. 523-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° À la fin de la première phrase du I de l’article L. 412-17, les mots « industriel ou commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

4° À la fin de la première phrase de l’article L. 592-46-1, les mots : « en matière industrielle ou commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

V. – Au premier alinéa du II de l’article L. 283 D du livre des procédures fiscales, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « des affaires ou un secret ».

VI. – Au a du 1° du I de l’article L. 213-2 du code du patrimoine, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

VII. – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « de fabrication et de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

VIII. – La section I du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifiée :

1° Au 1° de l’article L. 311-6, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° À la fin du 1° de l’article L. 311-8, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

IX. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase de l’article L. 201-3, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au premier alinéa et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 253-2, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° Au premier alinéa du II de l’article L. 612-5, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « des affaires ou un secret ».

X. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase de l’article L. 1313-2, de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1333-29 et du 7° de l’article L. 5311-2, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 1313-3, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° À la première phrase du II de l’article L. 1413-9, les mots : « industriels ou commerciaux » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

4° À la fin de la première phrase du 1° de l’article L. 1413-12-3, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 5324-1, les mots : « présentant un caractère de confidentialité industrielle ou commerciale ou relevant » sont remplacés par les mots : « relevant du secret des affaires ou ».

XI. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 162-18, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° À l’article L. 455-3, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

XII. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1511-4 du code des transports, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

XIII. – Au premier alinéa du I de l’article 44 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

I. – Le I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 151-1 à L. 154-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires ; »

2° Le tableau constituant le second alinéa du 4° est ainsi modifié :

a) La douzième ligne est ainsi rédigée :

Article L. 440-1

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

b) La dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Article L. 441-8

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

Article L. 441-9

l’ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014

c) La quarante-sixième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Article L. 483-1

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 483-4 à L. 483-11

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

II. – Les dispositions de l’article 3 de la présente loi modifiant le code du patrimoine, le code des relations entre le public et l’administration, le code des transports, le code de la propriété intellectuelle, les articles L. 412-7, L. 412-8 et L. 412-17 du code de l’environnement, les articles L. 1333-29, L. 1413-9 et L. 1413-12-3 du code de la santé publique ainsi que l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Nous allons maintenant examiner les amendements déposés par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 1, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 78

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s’il l’estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l’avis, pour chacune des parties, d’une personne habilitée à l’assister ou la représenter, afin de décider s’il y a lieu d’appliquer des mesures de protection prévues au présent article ;

« 1° bis Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;

II. – Alinéa 84

Après le mot :

sauf

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

dans le cas prévu au 1° de l’article L. 153-1.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ayant déjà exposé l’objet du présent amendement dans mon intervention lors de la discussion générale, je considère qu’il est défendu, ainsi que l’amendement n° 2 que nous examinerons ensuite.

Ces deux amendements ayant été votés par l’Assemblée nationale avec l’accord du Gouvernement lors de la lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je crois pouvoir espérer, sans préjuger de ce que va dire Mme la garde sceaux, que son avis sera favorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Je confirme l’accord que vous pressentiez, monsieur le rapporteur : le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande la parole ?…

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 2, présenté par M. Frassa, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 10, tableau, première colonne

Remplacer la référence :

Article L. 483-1

par les références :

Articles L. 481-1 à L. 483-1

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement est également défendu, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement émet un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande la parole ?…

Le vote est réservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande la parole ?…

Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de la commission, l’ensemble de la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 147 :

La proposition de loi est adoptée définitivement.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (projet n° 464, texte de la commission n° 553, rapport n° 552, tomes I et II, avis n° 527).

Dans la discussion du texte de la commission, nous reprenons, au sein du chapitre III du titre Ier, l’examen de l’article 8.

TITRE Ier

ACCÉLÉRER LE TRAITEMENT DES DEMANDES D’ASILE ET AMÉLIORER LES CONDITIONS D’ACCUEIL

Chapitre III

L’accès à la procédure et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile

(Non modifié)

Le chapitre III du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le mot : « formé », la fin de la première phrase de l’article L. 743-1 est ainsi rédigée : « dans le délai prévu à l’article L. 731-2 contre une décision de rejet de l’office, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de la notification de celle-ci. » ;

2° L’article L. 743-2 est ainsi modifié :

a) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :

« 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l’office a pris une décision d’irrecevabilité en application du 3° de l’article L. 723-11 ; »

b) Après le 6°, sont insérés des 7° et 8° ainsi rédigés :

« 7° L’office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l’article L. 723-2 ;

« 8° L’office a pris une décision de rejet ou d’irrecevabilité dans les conditions prévues à l’article L. 571-4. » ;

3° L’article L. 743-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l’article L. 743-2, l’étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l’article L. 512-1 contre l’obligation de quitter le territoire français de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l’étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la cour. » ;

4° L’article L. 743-4 est ainsi modifié :

a) La référence : « L. 743-2 » est remplacée par la référence : « L. 571-4 » ;

b) Après le mot : « exécution », la fin est ainsi rédigée : « tant que l’étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2. » ;

c) Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire français a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l’article L. 743-2, l’étranger qui fait l’objet, postérieurement à la décision de rejet de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, d’une assignation à résidence ou d’un placement en rétention administrative dans les conditions prévues au livre V, en vue de l’exécution d’une obligation de quitter le territoire français notifiée antérieurement à la décision de l’office et qui n’est plus susceptible d’un recours devant la juridiction administrative, peut, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision prononçant son placement en rétention administrative ou son assignation à résidence, demander au président du tribunal administratif de suspendre l’exécution de la mesure d’éloignement jusqu’à l’expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu’à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s’il est statué par ordonnance, jusqu’à la date de notification de celle-ci. La mesure d’éloignement ne peut être mise à exécution pendant ce délai de quarante-huit heures ou, en cas de saisine du président du tribunal administratif, avant que ce dernier ou le magistrat qu’il désigne à cette fin parmi les membres de sa juridiction ou les magistrats honoraires inscrits sur la liste mentionnée à l’article L. 222-2-1 du code de justice administrative ait statué. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue dans les conditions prévues au III de l’article L. 512-1 du présent code. Il fait droit à la demande de l’étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire durant l’examen de son recours par la cour.

« La suspension de l’exécution de la mesure d’éloignement met fin à l’assignation à résidence ou à la rétention administrative de l’étranger, sauf lorsque l’office a pris une décision de rejet dans le cas prévu au 5° du III de l’article L. 723-2.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du deuxième alinéa du présent article. Il précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité du demandeur d’asile et, le cas échéant, de ses besoins particuliers. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 93, présenté par M. Antiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L’article L. 743-2 est abrogé.

La parole est à M. Maurice Antiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Antiste

Dans le souci de garantir le droit au recours effectif de tous les demandeurs d’asile, le Défenseur des droits a recommandé l’abandon des dispositions de l’article 8 de ce projet de loi. Il se réfère notamment à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire I. M. contre France du 2 février 2012, selon laquelle « l’effectivité du recours garantie par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme suppose, en cas de refoulement susceptible de faire naître un risque de traitements contraires à l’article 3, l’existence d’un recours de plein droit suspensif » pour motiver son avis.

Or les modifications introduites par l’article 8 reviendraient à priver de caractère suspensif la plupart des recours introduits par des demandeurs d’asile en procédure accélérée, alors même que la réforme de 2015 avait consacré le caractère suspensif des recours introduits par ces derniers.

Cet amendement vise donc à supprimer l’article L. 743-2 du CESEDA, le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, conformément à l’avis du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous tenons à l’article 8. En outre, le présent amendement vise à supprimer non seulement les apports du texte, mais aussi les conditions déjà existantes.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix l’amendement n° 93.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 148 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, je vous informe que je suspendrai la séance à treize heures.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L’amendement n° 230 rectifié bis est présenté par MM. Marie et Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 561 rectifié est présenté par Mme Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Rachid Temal, pour présenter l’amendement n° 230 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Permettez-moi tout d’abord de formuler une remarque générale. Il n’était peut-être pas opportun de traiter dans un même texte à la fois de l’asile et de l’immigration… Il me semble que nous en avons vu l’illustration lors des deux derniers jours de débats, avec les passions qui se sont exprimées de part et d’autre. À titre personnel, je le regrette ; je tenais à le dire.

Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 2 de l’article 8. En effet, le projet de loi prévoit que le droit au maintien sur le territoire, garantie introduite par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile prendra fin désormais à compter de la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d’asile, et non plus à compter de la notification de la décision au demandeur.

Or le demandeur est rarement présent lors de la lecture de la décision et ne pourra donc en prendre connaissance – même dans le cas où celle-ci serait affichée, il ne pourra pas prendre connaissance des motifs exacts de la décision.

En conséquence cette mesure altère le droit du demandeur à un recours effectif, puisque, en cas de rejet de sa demande, il se trouve dans l’incapacité de faire valoir ses arguments. Nous considérons que cet alinéa réduit de fait à la fois le délai et la capacité de recours. C’est pourquoi nous proposons sa suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Maryse Carrère, pour présenter l’amendement n° 561 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Je voudrais simplement ajouter que les dispositions prévues par cet alinéa vont à l’encontre de la notion de notification, qui impose un envoi, mais aussi une réception, qu’il faudrait par exemple attester par un recommandé.

Cela constitue à notre avis un affaiblissement du droit de recours effectif pour des réfugiés qui, si leur demande est refusée, pourraient ne plus faire valoir leurs arguments. L’objet de cet amendement est donc de supprimer les dispositions allant dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 56 rectifié, présenté par M. Karoutchi, Mme Canayer, MM. Poniatowski, Cambon et Kennel, Mme Garriaud-Maylam, M. Mayet, Mme Procaccia, MM. Bizet, Brisson et Duplomb, Mmes Deroche et Micouleau, M. Daubresse, Mme Berthet, MM. Courtial, Morisset et Savary, Mme Dumas, MM. Revet, Longuet, Danesi et Ginesta, Mme Thomas, M. Schmitz, Mme Lanfranchi Dorgal, MM. Genest, Joyandet, Piednoir, Charon et Dallier, Mme Deseyne, M. B. Fournier, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, M. J.M. Boyer, Mmes Chain-Larché, de Cidrac et Delmont-Koropoulis, MM. P. Dominati, Gilles, Gremillet, Mandelli, Milon, Pierre, Sido et Vogel et Mme Lamure, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut, en attendant cette date, faire l’objet d’un arrêté d’assignation à résidence.

La parole est à M. Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Cet amendement vise à remédier à une situation à laquelle les magistrats et les forces de police sont confrontés.

Lorsqu’un demandeur d’asile qui a été débouté par l’Office français de protection des réfugiés, l’OFPRA, dépose un recours devant la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, l’obligation de quitter le territoire français dont il peut faire l’objet par la suite risque de ne pouvoir être appliquée dans le cas fréquent où, craignant d’être de nouveau débouté, le demandeur a disparu sans laisser d’adresse.

Le présent amendement vise à permettre à l’autorité administrative, en fonction du profil du demandeur, d’assigner celui-ci à résidence en attendant une éventuelle décision d’obligation de quitter le territoire français, ou OQTF.

Après le dépôt de cet amendement, le rapporteur m’a informé que celui-ci était déjà satisfait par la pratique. S’il me le confirme, ainsi que M. le ministre d’État, je retirerai mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

En ce qui concerne les amendements identiques n° 230 rectifié bis et 561 rectifié, nous souhaitons maintenir la rédaction actuelle de l’article 8.

Permettez-moi de rappeler que, si le prononcé de la décision a une force juridique, il ne saurait dispenser, tant s’en faut, de la notification de cette décision, qui fera courir les délais de recours. Il n’y a donc pas de difficulté sur le plan des garanties individuelles.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

En ce qui concerne l’amendement n° 56 rectifié, je vous confirme qu’il est déjà satisfait par la rédaction actuelle, monsieur Karoutchi. S’agissant des recours suspensifs, un demandeur d’asile pourra faire l’objet d’une expulsion pour motif d’ordre public. Dans ce cas, il pourra être assigné à résidence ou placé en rétention. S’agissant des recours non suspensifs, un demandeur d’asile peut faire l’objet d’une OQTF et être assigné à résidence dans l’attente de son éloignement.

La commission demande donc le retrait de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

J’émettrai le même avis défavorable sur les deux amendements identiques, dont l’objet est de vider l’article 8 de son contenu.

En ce qui concerne l’amendement n° 56 rectifié présenté par M. Karoutchi, je confirme l’argumentation de M. Buffet et sollicite, moi aussi, le retrait de cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il ne me semble pas absurde d’autoriser une personne qui a fait l’objet d’une décision à rester sur notre territoire jusqu’à la réception de la notification de celle-ci. Franchement, je ne comprends pas pourquoi cela viderait l’article 8 de son contenu, monsieur le ministre d’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

La volonté est bien, ici encore, de raccourcir les délais.

L’ensemble des mesures qui nous sont proposées – la suppression du caractère suspensif du recours devant la CNDA, l’obligation de présenter une demande de séjour fondée sur un motif autre que l’asile concomitamment à la demande d’asile, le fait que cette dernière ne soit ensuite possible qu’en présence d’éléments nouveaux, et maintenant le raccourcissement du délai –, visent à réduire les délais de procédure, en sortant immédiatement le débouté des commissions d’accès aux documents administratifs, les CADA, et en notifiant immédiatement les OQTF.

On voit bien de quelle nature est la démarche du Gouvernement et de la majorité sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, il faudra faire le décompte des coups de rabot, petits ou grands, qui, heure après heure, depuis le début de cette longue discussion, sont donnés à chaque possibilité, à chaque droit, par le passé pourtant largement débattu ; on ne peut pas dire, en effet, que, dans notre pays, les dispositifs n’ont pas été élaborés pour préserver à la fois la possibilité de sanction et la garantie des droits.

À toutes ces tracasseries, à tous ces coups de rabot, s’ajoute maintenant la possibilité d’expulser quelqu’un sur le champ, sans même qu’il ait reçu de notification. On fait comme si c’était normal, et cela continue…

Je vous rappelle, mes chers collègues, pour mettre en perspective nos débats, que nous parlons de personnes, souvent rescapées, qui sont dans une détresse absolue, après avoir traversé des océans. Avez-vous vu la liste, diffusée hier par un journal, des noms et prénoms des 34 000 personnes mortes en Méditerranée ? Vous avez bien entendu : 34 000 personnes. Moi, c’est cela que je regarde d’abord !

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ceux qui ont échappé à tout cela, quand ils arrivent, doivent entreprendre de nombreuses démarches ; nous ne sommes pas laxistes, vous le savez bien. Pourtant, ceux qui, de bonne foi, cherchent à faire valoir leurs droits, on leur complique la vie toujours un peu plus. Franchement, est-ce cela, la France ?

M. Karoutchi lui-même l’a reconnu

M. Roger Karoutchi lève les yeux au ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Puisque l’on m’interpelle, il faut bien que je réponde…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Tout est un problème d’équilibre, comme toujours. La Cour des comptes, entre autres autorités, a constaté que, en 2016 et 2017, entre 4 % et 8 % seulement de ceux qui n’avaient pas obtenu le droit d’asile, ni par l’OFRA ni par la CNDA, avaient été raccompagnés aux frontières – on dispute sur les chiffres, mais c’est globalement cette proportion, ce qui n’est pas glorieux.

Il y a un problème budgétaire : sans argent pour le transport et la police, on ne raccompagne pas aux frontières. Mais tout le monde sait qu’un autre problème se pose, celui que je soulevais au travers de mon amendement n° 56 rectifié : un certain nombre de demandeurs d’asile, qui ne sont considérés comme tels ni par l’OFPRA ni par la CNDA, disparaissent dans la nature sans attendre chez eux, bien assis dans un fauteuil, la notification annonçant leur raccompagnement aux frontières. §Ceux-là vont grossir les rangs des sans-papiers qui, dans les faits, ne sont plus à la disposition des autorités françaises.

Mes chers collègues, si vous voulez que le droit d’asile soit parfaitement défendu pour ceux qui l’obtiennent, si vous voulez que les personnes à qui nous accordons le statut de réfugié parce qu’elles le méritent soient correctement traitées, il faut aussi que ceux qui ne le méritent pas, selon les règles de l’OFPRA et de la CNDA, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… soient reconduits aux frontières.

S’il n’y a pas de règles, pas d’équilibre, et si, que l’on obtienne le droit d’asile ou non, on reste sur le territoire, accorder le droit d’asile n’a plus aucun sens. Je suis pour la défense et l’intégration réussie de tous ceux qui obtiennent le statut de réfugié parce qu’ils le méritent. Si l’on banalise le droit d’asile, si, de toute façon, tout le monde reste, l’OFPRA, la CNDA et les procédures ne servent à rien. Respectons les procédures et intégrons bien ceux qui méritent d’être là !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

M. Karoutchi a raison de parler d’équilibre. Malheureusement, le projet de loi n’est pas équilibré : il tombe ! Parce qu’il réduit la capacité à déposer les demandes d’asile et les délais, parce qu’il modifie le point de départ de ces délais, il n’y a plus d’équilibre ; c’est bien ce que nous déplorons.

Notre collègue dit aussi : il faut mieux intégrer ceux à qui l’asile est accordé. Nous en sommes tous d’accord, mais ce n’est là le sens ni du projet de loi ni des amendements dont nous parlons. La question posée est celle du point de départ du délai, qui, selon nous, ne doit pas être modifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 56 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 562 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, M. Arnell, Mme Costes, MM. Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 8

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Josiane Costes.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Le commissaire aux droits de l’homme auprès du Conseil de l’Europe a jugé que le caractère non suspensif du recours devant la CNDA était susceptible de remettre en cause « l’effectivité de ce recours, laquelle suppose sa disponibilité et son accessibilité, non seulement en droit, mais aussi en pratique ».

Une fois de plus, la volonté de réduire les délais va à l’encontre du droit à un recours effectif, principe auquel les auteurs de cet amendement sont attachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 231 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Rachid Temal.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Cet amendement vise à supprimer un cas nouveau dans lequel le caractère suspensif du recours ne s’appliquerait pas : en cas de demande de réexamen jugée irrecevable.

Outre que le recours suspensif doit demeurer le principe pour le demandeur d’asile, le CESEDA prévoit déjà que le recours suspensif ne s’applique pas en cas de demande de réexamen jugée irrecevable présentée en vue de faire échec à une mesure d’éloignement, ce qui devrait rassurer M. Karoutchi.

La coexistence de deux cas similaires, mais aux périmètres distincts, nous paraît soulever une difficulté au regard du principe d’intelligibilité de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 232 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Rachid Temal.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Cet amendement vise à supprimer la multiplication des cas dans lesquels le droit au recours suspensif ne s’appliquerait pas : décision de rejet pour une demande examinée en procédure accélérée pour pays d’origine sûr, demande de réexamen ou menace à l’ordre public.

En effet, ces exceptions reviendraient à couvrir un nombre considérable des décisions de l’OFII et donc à faire du caractère suspensif du recours un droit résiduel. La France se placerait ainsi en contradiction avec le droit européen, qui garantit le principe du droit au recours.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous avons déjà traité de ces sujets. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 233 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 9 et 10

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement a pour objet de supprimer la construction baroque que le Gouvernement a conçue pour essayer d’éviter les condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme à la suite de la suppression des recours suspensifs.

Le demandeur d’asile pourrait former un recours devant le tribunal administratif, parallèlement à son recours devant la Cour nationale du droit d’asile, afin d’obtenir le droit de se maintenir sur le territoire jusqu’à sa convocation par la CNDA. Cette construction baroque doit être dénoncée, d’autant qu’elle va engorger les juridictions.

Bien entendu, nous voterons contre l’article. Toutefois, dès lors qu’il s’agit de la dernière manière de protéger les demandeurs dans une conception où les droits sont difficiles à établir, je retire l’amendement, non sans renouveler ma condamnation de ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 233 rectifié bis est retiré.

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet article, je le répète, est l’un des plus scandaleux du projet de loi.

Il est utile que nous continuions d’échanger sur ces questions, car les analyses de fond exposées par certains orateurs, dont M. Karoutchi, éclairent beaucoup les appréciations portées sur tel ou tel amendement.

Nous construirions la loi parce que certains veulent y échapper. Telle est l’analyse de M. Karoutchi, s’agissant notamment de la notification : un demandeur de mauvaise foi, dit-il, se sachant non éligible à l’asile, n’attendra pas la notification tranquillement chez lui.

Toutefois, pour cette personne, qu’est-ce que le nouveau dispositif changera concrètement ? Parce que le caractère irrégulier de sa situation sur le territoire sera proclamé plus tôt, ce demandeur, qui s’attend à cette décision, ne tentera pas d’y échapper ? En réalité, pour lui, cela ne changera absolument rien !

En revanche, ceux, de bonne foi, qui attendent la notification – c’est là le sujet de notre discussion –, ceux qui, dans le cadre de la procédure normale, pouvaient exercer leurs droits jusqu’au bout seront, eux, en difficulté !

Toute la construction des rabots sur les droits existants opérés par ce projet de loi vise, prétendument, à empêcher un appel d’air, à prévenir les fraudes et les contournements. Mais, toutes les lois, il y a des gens qui veulent les contourner ! Nous avons à faire des lois avec des droits, pour que ceux qui doivent pouvoir exercer leurs droits aient tous les moyens de le faire.

Chaque fois, ce sont eux que l’on atteint, eux qui subiront plus de tracasseries et de difficultés. Les autres, de toute façon, s’émancipent des règles et ont tous les moyens de le faire ; ce ne sont pas, monsieur Karoutchi, les rabots prévus dans le projet de loi qui les en empêcheront.

L ’ article 8 est adopté.

Après le 2° de l’article L. 5223-3 du code du travail, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis De représentants des collectivités territoriales ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 442 rectifié, présenté par MM. Karam, Mohamed Soilihi et Hassani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article L. 5223-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La composition du conseil d’administration assure une représentation des départements et collectivités d’outre-mer, en tenant compte de leurs flux migratoires. »

La parole est à M. Antoine Karam.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

L’une des missions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration est de coordonner et animer le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés. Il prend ainsi en charge la gestion des entrées dans les centres d’hébergement et participe au dispositif du premier accueil des demandeurs d’asile.

Comme je l’ai fait remarquer hier encore, qu’il s’agisse de l’hébergement ou de l’interprétariat, les conditions d’accueil des demandeurs d’asile en Guyane restent préoccupantes, certainement plus qu’ailleurs.

Si le raccourcissement des délais répond à une situation particulière, il est indispensable de veiller à ce que les droits des demandeurs d’asile soient préservés, et leur accueil dignement assuré.

Dans le cadre de l’article 8 bis, notre rapporteur a souhaité inclure des représentants des collectivités territoriales dans le conseil d’administration de l’OFII, afin de garantir une meilleure concertation avec les territoires. Eu égard aux situations spécifiques en matière d’asile et d’immigration que connaissent certains territoires ultramarins, en particulier la Guyane et Mayotte, les auteurs de cet amendement proposent que la composition de ce conseil d’administration assure une représentation des départements et collectivités d’outre-mer.

Les collectivités territoriales de nos territoires – je le rappelle en permanence – sont en première ligne. C’est pourquoi j’ai toujours souhaité un partage de compétences, dans un domaine qui reste trop souvent encore régalien, alors que la pratique est tout autre.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Le conseil d’administration de l’OFII est aujourd’hui composé de dix-huit membres : un président nommé par décret, huit représentants de l’État, cinq personnalités qualifiées, deux parlementaires et deux représentants du personnel.

La commission a décidé d’y assurer une représentation des collectivités territoriales. La problématique ultramarine est importante ; elle a été intégrée dans plusieurs textes sur notre initiative. Il est important que les départements et collectivités d’outre-mer soient représentés aussi au sein de l’OFII.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous voterons cet amendement, mais il sera important de multiplier la représentation des territoires, de manière à ce que celle d’un territoire ne se fasse pas au détriment de celle d’un autre. J’espère que, dans le cadre de la navette, les dispositions nécessaires seront prises.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 8 bis est adopté.

I. – Le chapitre IV du titre IV du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1°A L’article L. 744-1 est ainsi modifié :

a)

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « social », il est inséré le mot : «, juridique » ;

c)

1° L’article L. 744-2 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés fixe la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région ainsi que la répartition des lieux d’hébergement qui leur sont destinés. » ;

a bis AA)

a bis A) La deuxième phrase du même deuxième alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Il fixe les orientations en matière de répartition des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile et réfugiés sur le territoire de la région, présente le dispositif régional prévu pour l’enregistrement des demandes d’asile ainsi que le suivi et l’accompagnement des demandeurs d’asile et définit les actions en faveur de l’intégration des réfugiés. Il définit également les actions mises en œuvre pour assurer l’éloignement des déboutés du droit d’asile et l’exécution des mesures de transfert prévues à l’article L. 742-3. » ;

a bis)

Supprimé

b) Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – Lorsque la part des demandeurs d’asile résidant dans une région excède la part fixée pour cette région par le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et les capacités d’accueil de cette région, le demandeur d’asile peut être orienté vers une autre région dans laquelle un hébergement lui est proposé, où il est tenu de résider le temps de l’examen de sa demande d’asile.

« L’Office français de l’immigration et de l’intégration détermine la région de résidence en fonction de la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région en application du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile. Au regard de l’évaluation prévue à l’article L. 744-6, il tient compte de la situation personnelle et familiale du demandeur, de son état de vulnérabilité, de ses besoins et de l’existence de structures permettant leur prise en charge.

« Sauf en cas de motif impérieux ou de convocation par les autorités ou les tribunaux, le demandeur qui souhaite quitter temporairement sa région de résidence sollicite une autorisation auprès de l’office, qui rend sa décision dans les meilleurs délais, en tenant compte de la situation personnelle et familiale du demandeur.

« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent II. » ;

bis Après l’avant-dernier alinéa de l’article L. 744-3, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les normes minimales en matière d’accompagnement social et administratif dans ces lieux d’hébergement sont définies par décret en Conseil d’État.

« L’État conclut avec les gestionnaires des lieux d’hébergement pour demandeurs d’asile une convention visant à assurer, sur une base pluriannuelle, l’harmonisation progressive des conditions de prise en charge dans ces structures. » ;

2° L’article L. 744-5 est ainsi modifié :

a) À la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « à l’expiration du délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d’asile » sont remplacés par les mots : « au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 a pris fin » ;

b)

– les mots : « et les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive » sont supprimés ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Sauf décision motivée de l’autorité administrative, les personnes ayant fait l’objet d’une décision de rejet définitive de leur demande d’asile ne peuvent pas s’y maintenir. » ;

3° Après le cinquième alinéa de l’article L. 744-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le service intégré d’accueil et d’orientation mentionné à l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles communique mensuellement à l’Office français de l’immigration et de l’intégration la liste des personnes hébergées en application de l’article L. 345-2-2 du même code ayant présenté une demande d’asile ainsi que la liste des personnes ayant obtenu la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. » ;

4° L’article L. 744-7 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le bénéfice des conditions matérielles d’accueil prévues à l’article L. 744-1 est subordonné :

« 1° À l’acceptation par le demandeur de la proposition d’hébergement déterminée en application de l’article L. 744-2. Ces propositions tiennent compte des besoins, de la situation personnelle et familiale de chaque demandeur au regard de l’évaluation prévue à l’article L. 744-6, des capacités d’hébergement disponibles et de la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région ;

« 2° Au respect de l’ensemble des exigences des autorités chargées de l’asile, afin de faciliter l’instruction des demandes, notamment en se rendant aux entretiens, en se présentant aux autorités et en fournissant les informations utiles. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le demandeur est préalablement informé, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu’il la comprend, que le fait de refuser ou de quitter le lieu d’hébergement proposé en application du 1° du présent article ainsi que le non-respect des exigences des autorités chargées de l’asile prévues au 2° entraîne de plein droit le refus ou, le cas échéant, le retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil. » ;

c)

5° L’article L. 744-8 est ainsi modifié :

a) Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Outre les cas, mentionnés à l’article L. 744-7, dans lesquels il est immédiatement mis fin de plein droit au bénéfice des conditions matérielles d’accueil, le bénéfice de celles-ci est : » ;

b) Au début du troisième alinéa, la mention : « 2° » est remplacée par la mention : « 1° » ;

c) Au même troisième alinéa, la première occurrence du mot : « ou » est remplacée par le signe : «, » et, après le mot : « familiale », sont insérés les mots : « ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes, » ;

c bis) Au début du quatrième alinéa, la mention : « 3° » est remplacée par la mention : « 2° » ;

d) Les trois derniers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de retrait des conditions matérielles d’accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l’intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. » ;

6° L’article L. 744-9 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi modifié :

– la première phrase est complétée par les mots : «, dont le versement est ordonné par l’Office français de l’immigration et de l’intégration » ;

– la seconde phrase est supprimée ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le versement de l’allocation prend fin au terme du mois au cours duquel le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues aux articles L. 743-1 et L. 743-2 a pris fin ou à la date du transfert effectif vers un autre État si sa demande relève de la compétence de cet État. Pour les personnes qui obtiennent la qualité de réfugié prévue à l’article L. 711-1 ou le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l’article L. 712-1, le bénéfice de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision. »

II. –

Non modifié

III

Les décisions d’admission et de sortie de ces centres sont prises par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, en prenant en compte l’état de vulnérabilité des intéressés ainsi que leur situation personnelle et familiale.

Les places en centre d’accueil et d’examen des situations sont prises en compte dans le décompte des logements locatifs sociaux, au sens du IV de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation.

Cette expérimentation fait l’objet d’un rapport d’évaluation transmis au Parlement, au plus tard six mois avant la fin de l’expérimentation.

IV

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

La loi française prévoit que « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ».

Le même article de loi précise : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. »

L’article 9 du présent projet de loi porte excessivement atteinte aux droits fondamentaux des demandeurs d’asile, dans la mesure où il contrevient à ce droit inconditionnel à l’accueil et au maintien en hébergement d’urgence de toutes les personnes au regard du seul critère de détresse.

En effet, cet article vise à légaliser la circulaire du 12 décembre 2017, en prévoyant des modalités d’échange d’informations entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration et le service intégré d’accueil et d’orientation s’agissant des demandeurs d’asile et des personnes ayant obtenu une protection. Il s’agit de la mise en place d’un fichier recensant les personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence, afin de connaître leur situation administrative – Dublin, fuite, débouté –, pour déterminer si elles ont toujours droit à cet hébergement.

Ce dispositif inquiète, notamment, et à juste titre, les travailleurs sociaux, qui pourraient être sollicités en vue d’établir la liste des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale devant être transmise par le SIAO à l’OFII. Or, comme le Défenseur des droits l’a souligné dans une de ses récentes décisions, les missions d’accompagnement des travailleurs sociaux sont difficilement compatibles avec des missions de sélection ou de contrôle.

De fait, ces dispositions servent la politique du chiffre en matière d’expulsions et organisent la surveillance et le contrôle des migrants dès le début de leur parcours en France, au détriment de l’accueil et des droits fondamentaux des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Plusieurs de nos collègues, dont M. Assouline, ont insisté sur les divers coups de rabot et complications de droits prévus dans le cadre du projet de loi.

L’article 9 aussi va dans ce sens, en s’attaquant aux conditions d’aide matérielle. Outre qu’il légalise votre circulaire, monsieur le ministre d’État, cet article pose de nombreuses difficultés.

En particulier, il renforce le caractère directif du schéma national d’accueil des demandeurs d’asile, puisque le demandeur sera désormais orienté vers une région précise, où il sera tenu de résider. Le contrôle des autorités est intensifié, et de nouvelles hypothèses de retrait ou de suspension des conditions matérielles d’accueil sont prévues : si l’étranger a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ou s’il a quitté la région désignée par l’OFII sans en informer celui-ci. Le retrait de ces conditions matérielles d’accueil – hébergement ou allocation – est d’effet immédiat.

Le Défenseur des droits estime que la mise en œuvre du schéma national d’hébergement ne peut se réaliser que si elle est faite dans l’intérêt des demandeurs d’asile, sans que l’assignation à résidence aboutisse à un système de prérétention administrative, et qu’elle doit, en tout état de cause, s’accompagner d’une augmentation de l’offre des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, les CADA. C’est ce qu’il préconisait déjà lors de la mise en place de ce schéma par la loi de 2015.

Rappelons que, si la directive Accueil autorise les États à prendre de telles mesures, il ne s’agit que d’une possibilité. Son article 7 précise que « les demandeurs peuvent circuler librement sur le territoire de l’État membre d’accueil ».

Par ailleurs, si certaines améliorations ont été apportées au projet de loi, comme la prise en compte de la vulnérabilité du demandeur, le droit des demandeurs qui souhaitent être hébergés dans leur famille ou chez un tiers ne paraît pas expressément garanti.

Or, en excluant du bénéfice des conditions matérielles d’accueil les demandeurs d’asile souhaitant être hébergés dans leur famille ou chez un tiers, le projet de loi va bien au-delà de ce qu’autorise la directive Accueil, qui n’a jamais exclu le principe de l’hébergement chez un particulier.

Pour toutes ces raisons, nous nous inquiétons, comme d’ailleurs l’Observatoire de l’enfermement des étrangers, de la porosité croissante entre l’accueil et la détention. Sous couvert d’un accueil encadré et efficace, cette politique migratoire organise la surveillance des personnes étrangères, des violations massives de leurs droits et, finalement, leur rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’article 9 traite de la question, primordiale, de l’hébergement.

L’enjeu est ici celui de l’accueil inconditionnel. Les exilés sont des personnes démunies, vulnérables et dans le besoin : ils ont besoin, avant que l’on demande leurs papiers et vérifie leurs droits, d’un toit au-dessus de leur tête, pour ensuite entreprendre sereinement les démarches nécessaires à l’obtention d’un titre de séjour.

Pourtant, les mesures contenues dans l’article 9 ne sont pas satisfaisantes. En effet, cet article rend plus coercitifs et directifs les dispositifs relatifs à l’hébergement prévus par le CESEDA : le demandeur d’asile sera orienté vers une région précise, où il sera obligé de résider. Par ailleurs, rien n’est prévu pour les requérants qui souhaitent être hébergés dans leur famille ou chez un tiers.

Plus grave encore, cette fois sur le plan éthique : par cet article, entrerait dans le champ législatif l’inique circulaire Collomb du 12 décembre 2017. Rappelons que celle-ci prévoyait l’échange d’informations entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration et le service intégré d’accueil et d’orientation, afin de permettre la création d’un fichier recensant la situation administrative des exilés hébergés. L’objectif est de déceler ceux qui ne devraient plus bénéficier du droit à l’hébergement.

De manière évidente, cet article contrevient au droit inconditionnel à l’accueil et au maintien en hébergement d’urgence des exilés en détresse !

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Iacovelli

Je profiterai de la discussion de cet article pour aborder une problématique malheureusement absente de votre projet de loi, monsieur le ministre d’État – une de plus. Je veux parler de la formation linguistique du demandeur d’asile.

Nous le savons, l’apprentissage du français est un vecteur essentiel d’autonomie pour le demandeur d’asile. La langue constitue une barrière ; elle rend les demandeurs d’asile dépendants des structures et des intervenants sociaux qui les accueillent. Au-delà des cours de français stricto sensu, la formation linguistique peut passer par des ateliers culturels, par exemple du théâtre, par le sport et par l’éducation. Il s’agit d’une demande des associations qui œuvrent au quotidien pour l’autonomie des demandeurs d’asile.

La culture, l’éducation et le sport sont des vecteurs importants d’intégration et d’émancipation pour les nouveaux arrivants. Ils permettent de créer du lien social et d’apprendre la langue et la culture françaises dans un environnement diversifié et mixte.

C’est pourquoi j’avais déposé, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, un amendement en ce sens. Jugé irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution, il visait à faire bénéficier les demandeurs d’asile d’une formation linguistique dès l’instruction de leur demande, pour favoriser leur intégration. J’espère que, lors de la réforme constitutionnelle, nous débattrons de cet article 40, qui prive allègrement les parlementaires d’initiatives…

Je trouve dommageable que cette disposition soit absente du projet de loi. Cela démontre une nouvelle fois la vision du Gouvernement en la matière : accueillir mal, pour accueillir moins.

Les conditions matérielles faites aux demandeurs d’asile leur permettent d’être dignes sur le territoire français pour défendre leur demande. On voit bien, monsieur le ministre d’État, que votre projet de loi ne va pas dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

L’article 9 du projet de loi réforme les conditions matérielles d’accueil des demandeurs d’asile, comprenant les dispositifs d’hébergement et l’allocation pour demandeur d’asile.

Pour cela, il rend plus directif le schéma national d’accueil des demandeurs, qui déterminera désormais la part des demandeurs d’asile accueillis dans chaque région. Il soumet également l’octroi des conditions matérielles d’accueil à des conditions plus restrictives, telles que la résidence effective dans la région vers laquelle le demandeur a été orienté, ainsi que la bonne coopération avec les autorités françaises durant la procédure d’asile.

Aujourd’hui, quelque 60 % des demandeurs d’asile sont concentrés dans quatre régions métropolitaines : l’Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, les Hauts-de-France et le Grand Est. Aussi cet article ambitionne-t-il de mieux répartir l’effort d’accueil sur l’ensemble du territoire national, ce qui paraît normal.

Il s’agit, d’une part, de désengorger les centres d’hébergement, et, d’autre part, d’éviter la concentration spatiale des demandeurs d’asile. Une concentration dont nous connaissons tous les effets négatifs, notamment le développement de campements insalubres se caractérisant par des conditions de vie précaires, qui ne manquent pas d’inquiéter les riverains.

En conséquence, il serait souhaitable que la mise en œuvre de l’hébergement directif se fasse vers des structures permettant un accompagnement effectif, décent et adapté à la vie privée et familiale de chacun. Il s’agit ici, tout simplement, de garantir aux demandeurs d’asile le respect de leur dignité.

Toutefois, ces questions dépassent notre cadre national, car c’est l’Europe entière qui est touchée par la crise migratoire. Mardi dernier, à Berlin, le conseil des ministres franco-allemand, réunissant Emmanuel Macron et Angela Merkel, a mis en lumière la nécessité d’une réponse européenne commune à la question migratoire, afin que chacun assume, sur son territoire, sa part de l’accueil des demandeurs d’asile.

Mes chers collègues, que ce soit au niveau national ou au niveau européen, nous le voyons bien : une réelle solidarité est nécessaire, afin que l’accueil soit plus justement partagé.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. François Patriat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

L’amendement n° 10, présenté par Mmes Benbassa et Assassi, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je le répète, le présent article comporte des dispositions très problématiques.

La dernière réforme du droit d’asile de juillet 2015 avait déjà introduit des dispositions relatives à l’hébergement dans le CESEDA. Ainsi, le demandeur d’asile est déjà tenu d’accepter l’hébergement qui lui est proposé, sous peine d’être privé du bénéfice de l’ensemble des conditions matérielles d’accueil.

Pourtant, le Gouvernement entend renforcer ce caractère directif et coercitif, dans la mesure où le demandeur d’asile serait désormais orienté vers une région précise, où il serait obligé de résider. Plus grave encore, la circulaire Collomb du 12 décembre 2017 entrerait dans le champ législatif. Je tiens à le répéter, le fichage des exilés pose, cela va sans dire, un grave problème éthique.

Pour ces raisons, les auteurs de l’amendement souhaitent la suppression de l’article 9, qui contrevient de manière évidente au droit inconditionnel à l’accueil et au maintien en hébergement d’urgence des exilés en détresse.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Cet amendement tend à supprimer un article que la commission des lois soutient.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Je veux dire quelques mots à Mme Benbassa. En comptant les 7 800 places qui seront créées en 2018 et en 2019, nous aurons doublé les capacités du DNA, le dispositif national d’asile, telles qu’elles étaient en 2012. Quant à l’hébergement d’urgence, nous disposons actuellement de 138 000 places. Là encore, nous avons doublé le nombre des places disponibles entre 2012 et aujourd’hui.

On peut évidemment augmenter les capacités d’accueil de manière infinie, mais, à un moment donné, un certain nombre de nos concitoyens ne comprendront plus et refuseront tout !

C’est la raison pour laquelle nous essayons de trouver un équilibre dans les propositions que nous formulons : nous essayons de mieux accueillir et d’accueillir davantage de réfugiés et, en même temps, nous tentons de résoudre une situation qui, on le voit bien, est totalement insoutenable.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le ministre d’État, vous savez bien que c’est vous qui formez l’opinion publique ! Quand je dis « vous », ce n’est pas vous personnellement, mais le manque de pédagogie du Gouvernement, auquel se joint, bien sûr, une partie des médias !

Vous êtes vous-même agrégé d’histoire. Vous êtes un homme de culture et savez parfaitement comment les opinions se forment ! Elles ne naissent pas toutes seules. Il est très facile de dire que l’opinion publique ne comprendrait pas : il s’agit d’un alibi, monsieur le ministre d’État.

M. le ministre d ’ État proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

L’article 9, tel qu’il nous a été transmis par l’Assemblée nationale, était encore plus contraignant que celui que nous examinons aujourd’hui.

À cet égard, je crois que l’on peut se féliciter que la commission, grâce à notre insistance, mais tout de même avec l’accord de M. le rapporteur, ait réintroduit la garantie d’un hébergement pour les demandeurs d’asile, dans le cadre du dispositif d’orientation directive.

Le Gouvernement veut conserver l’orientation nationale des demandeurs d’asile, ce qui est une bonne chose, mais il supprime la garantie d’un hébergement. Cela revient à assumer l’idée que l’on enverra des demandeurs d’asile dans des régions qu’ils ne connaissent pas et où ils n’ont aucun contact, sans leur garantir un hébergement au bout.

Il faut avoir à l’esprit, de surcroît, que le respect de cette orientation conditionne l’octroi des aides matérielles aux demandeurs d’asile. Il s’agit donc d’une question fondamentale. Imaginez un demandeur d’asile à qui l’on demanderait d’aller en Normandie, par exemple, et de se débrouiller pour trouver à s’héberger. S’il refusait, il n’aurait en définitive plus droit aux aides matérielles.

Tout le dispositif proposé par le Gouvernement – l’orientation directive sans garantie d’hébergement, l’accord préalable de l’OFII pour sortir de la région, la multiplication des cas de retrait automatique des aides, etc. – revient in fine à parquer les demandeurs d’asile et à faire peser sur eux la menace constante d’une suppression de toute aide matérielle.

Non seulement l’hébergement doit rester la contrepartie de l’orientation directive, mais les schémas régionaux d’accueil doivent prendre en compte les situations personnelles et la vulnérabilité des personnes. Les conditions matérielles doivent pouvoir être sollicitées tout au long de la procédure et des prestations sociales et administratives minimales doivent être assurées dans tous les hébergements !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je crois que M. le ministre d’État a dit une chose qui se trouve au cœur de notre débat et qu’il faut entendre.

Monsieur le ministre d’État, en fait, vous prenez un pari. Vous pointez une évolution possible de l’opinion publique pour justifier des mesures qui permettraient de l’enrayer. C’est votre mode de raisonnement. Pour être clair, vous nous dites qu’il ne faut pas que les populistes arrivent au pouvoir et qu’il faut donc mettre en place une politique qui freinera leur ascension.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Non, monsieur Karoutchi ! Rogner les droits fondamentaux n’est pas une bonne méthode. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Défenseur des droits, dont vous connaissez le parcours politique.

L’histoire nous le montre aussi. Mme Benbassa a raison : M. le ministre d’État est un homme de culture, qui connaît, comme nous, cette histoire. Il n’est jamais payant d’aller dans cette direction pour empêcher des populistes d’arriver au pouvoir. C’est l’échec assuré !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

De plus, le prix à payer est très lourd. On parle en effet de restreindre des droits fondamentaux, qui faisaient pourtant l’objet d’un large accord dans notre société et qui marquent le caractère social de notre République.

En réalité, monsieur le ministre d’État, vous tentez un pari, très risqué, qui pèse lourd dans la balance. Vous mettez notre identité commune – j’insiste sur le pluriel, pour ne pas faire de mauvais procès à qui que ce soit – dans la balance. Cette identité commune est maintenant en danger, et je prends le pari devant vous que votre politique ne freinera en rien la montée du populisme. En rien !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

L’article 9, tout comme les autres articles, est important et porte sur un sujet extrêmement sensible, puisqu’il concerne le volet humain du texte.

Je fais naturellement confiance à nos collègues de la commission des lois, qui s’investissent beaucoup sur ces sujets particulièrement délicats. Dans nos départements respectifs, on est souvent confronté à ces problématiques d’accueil des réfugiés.

Je rejoins l’un des précédents intervenants : la question du lien social est absolument fondamentale, et il faut rendre hommage à tous les bénévoles qui se dévouent pour assurer l’accueil de ces personnes. La question de l’apprentissage de la culture, de la lecture, de l’écrit, de la langue est également prioritaire.

Je ne voterai pas l’amendement tendant à supprimer l’article et je me rallierai à la position de la commission. Cela étant, je crois que les messages envoyés sont vraiment importants. Je pense notamment à la difficulté et la complexité des procédures : même si je puis comprendre qu’il faille être rigoureux dans l’examen des demandes, ces procédures sont particulièrement complexes, y compris pour des individus qui ont à la fois un emploi et un logement, et qu’il conviendrait d’accueillir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, depuis le début des débats, je vous écoute, sinon religieusement, en tout cas avec une attention toute républicaine !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous avez fait preuve, chers collègues, et vous ferez encore preuve dans les jours qui viennent d’une grande technicité.

On sent bien que vous maîtrisez l’historique des lois relatives à l’immigration, et pour cause : hier, vous étiez sans doute déjà sénateurs ou occupiez des fonctions qui vous ont conduits à élaborer les textes de cette politique, cette folle politique d’immigration !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

D’autres jouent et rejoueront la commedia dell ’ arte

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… un sort auquel je ne puis rester insensible, moi non plus.

J’ai tout entendu : l’orgueil d’être un pays attractif, la tradition d’accueil de la France, l’humanisme, les droits de l’homme, l’éthique, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. … la nécessaire écoute, la prise en compte des persécutions, des souffrances – de toutes les souffrances. Je les ai toutes entendues ces souffrances, sauf une. Il existe une souffrance dont personne ne parle ici, c’est la souffrance du peuple français !

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le peuple français souffre de cette folle politique d’immigration, qui se traduit, chaque jour un peu plus, par une immigration non plus de peuplement, mais de remplacement, voire de grand remplacement dans certaines villes et régions !

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Je parle de ce peuple français que vous refusez d’interroger, que vous refusez d’écouter, et qui s’est exprimé par voie de sondage à propos de L ’ Aquarius : quelque 57 % des Français refusent que de nouveaux bateaux puissent accoster dans notre pays. Vous refusez de l’entendre !

L’opinion publique, chère collègue Benbassa, se forge, non pas sur le fondement des discours ou des manœuvres du Gouvernement, mais en fonction de la réalité qu’elle subit ! Cette réalité conduit à vous dire que les Français n’en peuvent plus de votre politique d’immigration, et je suis là pour le faire savoir !

Mme Claudine Kauffmann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est pour cela qu’ils ne vous ont pas élus au second tour de l’élection présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Je me permets de réagir aux propos qui viennent d’être tenus. On comprend mieux ce qu’évoquait tout à l’heure mon collègue Bernard Jomier : courir derrière ne permettra jamais d’arrêter la « bête immonde », pour reprendre les paroles d’un chanteur célèbre.

On le voit bien, ce n’est jamais assez…

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

La stratégie consistant à toujours courir derrière ne sert à rien, parce que l’extrême droite a sa propre théorie. Nous l’avons entendu ici comme dans d’autres pays européens. Les propos sur le « grand remplacement » sont extrêmement choquants, parce qu’ils ne reflètent nullement la réalité de ce que vit notre pays, parce que ce dont nous débattons aujourd’hui, mes chers collègues, c’est de l’avenir d’hommes, de femmes, d’enfants qui sont dans l’obligation de quitter leur pays au risque de leur vie.

Mon cher collègue, vos théories nauséabondes, d’un autre temps, n’ont pas leur place aujourd’hui face à ce drame humain ! Ce que vous venez dire est intéressant, car cela démontre encore une fois – on a d’ailleurs pu voir ce qu’ont voté vos collègues de l’Assemblée nationale, notamment à l’article 5 – que vos propos sont inacceptables.

Nous sommes là pour perpétuer ce qui constitue la tradition de la France, sa capacité d’accueil, non pour suivre votre proposition de rejoindre « l’axe » sécuritaire, que certains ministres de l’intérieur essaient de promouvoir aujourd’hui en Europe !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le ministre d’État, avec cette intervention, on vient d’avoir la démonstration de l’absurdité de votre politique. On vient surtout de comprendre après quoi l’on court. Quelle sera la prochaine étape ? L’Italie, les États-Unis ?…

On voit bien que cette politique est complètement absurde. Cela fait vingt ou trente ans que l’on applique la même politique, qui ne fonctionne pas et qui coûte cher, alors qu’une autre politique serait possible, me semble-t-il, celle de l’accueil.

M. Stéphane Ravier s ’ esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Pourtant, je vais vous donner un exemple. Je vais m’adresser à ce monsieur, qui se situe en face de moi dans l’hémicycle : il a parlé au nom du peuple français. Moi aussi, je puis parler en son nom !

Je suis élu d’un territoire de montagne, qui a connu l’immigration. Celle des protestants, des Italiens, des Algériens. Dans ce territoire de 10 000 habitants, situé dans les montagnes, on a accueilli 80 réfugiés. Or 80 personnes pour 10 000 habitants, cela représente 0, 8 % de la population ; cela représenterait 600 000 demandeurs d’asile à l’échelle de la France. Et cela se passe bien ! La population est heureuse. Il existe un vrai lien social, et les élus se battent pour continuer à garantir cet accueil.

À quel moment changera-t-on de politique ? Quand se montrera-t-on un peu plus pragmatique ? J’entends toujours parler de pragmatisme. Or on voit bien que la politique que vous mettez en place, monsieur le ministre d’État, ne fonctionne pas ! Aussi, changeons de politique, soyons pragmatiques et mettons en place une politique de l’accueil qui fonctionne et qu’attendent, j’en suis sûr, nos concitoyens !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’intervention de M. Ravier devrait au moins servir de sonnette d’alarme et nous faire sortir de la logique et de l’état de tétanie dans lequel nous nous trouvons. Cela fait tout de même plusieurs décennies que le Front national explique, avec une certaine cohérence, que le problème, c’est l’immigration, parce que celle-ci créerait une souffrance insupportable chez les Français.

Le problème, ce ne serait pas les insuffisances d’une politique ne permettant pas aux Français d’accéder à l’emploi ou à un logement décent, de vivre en harmonie les uns avec les autres et dans un bien-être qui ne leur ferait pas chercher ailleurs les raisons de leur malheur. Après tout, c’est vieux comme le monde : le problème, c’est l’autre ! L’extrême droite le dit et le matraque.

À une certaine époque, nous avons connu une forte résistance à ce discours, qui dépassait les frontières de tel ou tel parti politique. Ce n’était pas une problématique de gauche, c’était l’affaire de l’ensemble des républicains. Dans cet hémicycle, en particulier, c’était un autre discours que l’on entendait sur l’ensemble des travées. On défendait une autre logique, consistant à dire que l’immigration n’était pas le problème.

M. Ravier parle de grand remplacement, mais j’ai entendu d’autres intervenants, qui ne sont pourtant pas membres du Front national, parler de « submersion » ! Et j’entends la même chose depuis plusieurs heures et le début de nos débats : il faudrait prendre garde, car, si on laisse les choses en l’état, la situation deviendra tellement insupportable que les Français iront vers les thèses du Front national.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mais non ! Voyez, chers collègues, nous avons durci les lois en matière d’immigration sous Nicolas Sarkozy. Les textes ont été durcis sans arrêt – tous les deux ans. Est-ce que, pour autant, le Front national a baissé ? Non, cela leur a donné raison !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cela a eu pour effet de faire croire à l’opinion publique que l’immigration était le problème !

Or la souffrance des Français n’est pas celle-là ! Nous sommes 66 millions d’habitants.

Marques d ’ impatience sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Le temps de parole est épuisé, monsieur le président !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… grâce à des projets d’intégration répartis sur l’ensemble du territoire, assurant son maillage, que ce soit dans les campagnes ou les villes, dans les villes moyennes comme les grandes villes, la situation serait acceptable !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Les choses sont claires, désormais : c’est la submersion que vous souhaitez, monsieur Assouline !

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il n’y a pas de submersion, il faut arrêter !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je vous prie de rester calmes, mes chers collègues !

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, mes chers collègues, nous discutons de la politique de l’immigration et de l’asile, et il est parfaitement naturel que les points de vue s’opposent, parfois avec enthousiasme, parfois aussi avec une certaine véhémence, car ce sujet nous engage les uns et les autres, à la fois intellectuellement et en vertu de convictions profondes.

Néanmoins, il me semble – je vais essayer de le dire avec tact, avec retenue, avec réserve, sans chercher à faire pression sur aucun d’entre vous – que, lorsque les choses ont été dites une fois, il peut être utile de les dire une seconde fois, mais les répéter dix ou quinze fois, et systématiquement pendant deux minutes et demie, c’est beaucoup !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. C’est l’art de la pédagogie !

Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Naturellement, c’est un droit dont dispose chacune et chacun d’entre nous, mais nous avons aussi l’obligation de faire aboutir ce débat et, après avoir discuté, de voter et de décider.

Or, telles que les choses sont engagées depuis plusieurs jours maintenant, nous n’arriverons pas au terme de cette discussion si nous n’assumons pas, en notre âme et conscience, la responsabilité de contenir ce débat, pour ce qui concerne le temps que nous lui consacrons, dans des limites raisonnables, et à condition, évidemment, que tout soit dit et que tout puisse être dit, sans nécessairement avoir à le répéter.

Nous savons aussi, les uns et les autres, que l’important sera de nous déterminer en fonction de nos convictions, de façon utile et en donnant de notre délibération la meilleure image possible. En effet, nombre de Français s’attendent à ce que la chambre de la réflexion, que représente le Sénat dans notre République, accomplisse son travail sans emportement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Josiane Costes applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix l’amendement n° 10.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 149 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 234 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme de la Gontrie, MM. Marie, Sueur, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kanner, Kerrouche et Assouline, Mme Blondin, MM. Devinaz et Iacovelli, Mmes Lepage, S. Robert et Rossignol, MM. Temal et J. Bigot, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian, Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les conditions matérielles d’accueil sont également proposées au demandeur d’asile de bonne foi qui en fait la demande. » ;

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Je tâcherai d’être rapide, afin que vous puissiez suspendre la séance à l’heure prévue, monsieur le président.

Cet amendement vise à étendre les périodes pendant lesquelles le demandeur d’asile peut demander à bénéficier des conditions matérielles d’accueil auxquelles il a droit. Aujourd’hui, il n’y a accès qu’en début de procédure. Or la situation des demandeurs d’asile peut évidemment évoluer : vous pouvez être accueilli au début, avant que votre situation ne se dégrade et que, finalement, vous n’ayez besoin d’un accès aux conditions matérielles d’accueil en cours de procédure. Aujourd’hui, une telle possibilité n’est pas prévue par le texte.

Dès lors, évidemment, que le demandeur d’asile est de bonne foi, cet amendement tend à proposer que ces conditions d’accueil matérielles lui soient accessibles.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous souhaitons en rester au texte de la commission. J’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce ne sera pas une explication de vote, étant donné que ni la commission ni le Gouvernement ne nous ont donné les raisons pour lesquelles ils étaient défavorables à l’amendement ! Passons tranquillement au vote…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je mets aux voix l’amendement n° 234 rectifié bis.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Tout cela parce que les sénateurs Les Républicains sont partis déjeuner ! Il faut travailler, chers collègues. Il faut mériter son salaire et être présent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 150 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.