Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 21 juin 2018 à 15h00
Immigration droit d'asile et intégration — Article 10 AA

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

L’article 10 AA que nous allons examiner, qui supprime l’aide médicale de l’État, l’AME, pour la remplacer par une aide d’urgence, est particulièrement grave. C’est une atteinte aux acquis sociaux, aux droits des étrangères et des étrangers malades.

Ma collègue Christine Prunaud reviendra plus précisément sur ce sujet en présentant notre amendement de suppression, mais je souhaite apporter un premier éclairage sur les conséquences d’une telle remise en cause.

Toutes les associations membres de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers, l’ODSE, sont unanimes : le respect des droits réservés aux étrangères et étrangers malades, droits notamment encadrés par la loi du 11 mai 1998 introduisant la régularisation pour raisons médicales, est mis à mal par le gouvernement actuel.

Régulièrement attaqués, ces droits ont déjà fait l’objet de nombreuses remises en cause. La plus récente, la loi de mars 2016, a transféré l’évaluation médicale faite par les agences régionales de santé, les ARS, qui sont sous tutelle du ministère de la santé, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, lequel est sous l’autorité du ministère de l’intérieur.

Ce dernier étant davantage animé par des objectifs de contrôle des flux que par la préservation de la santé publique, nous nous étions fermement opposés à cette mesure absolument révélatrice de la logique comptable, déjà portée par le gouvernement précédent, en matière de politique migratoire.

Nos collègues socialistes ont regretté, dans leur motion tendant à opposer la question préalable, que les mesures de cette loi de 2016 n’aient pas encore pu produire leurs effets. Pourtant, sachez que les premiers chiffres disponibles sont éloquents : le nombre de titres de séjour délivrés pour soins a chuté de 37 % entre 2016 et 2017.

Le texte de 2016 a donc ouvert la brèche, et le gouvernement En Marche s’y engouffre.

Ainsi, par exemple, l’article 20 du texte que nous examinons prévoit qu’un ressortissant étranger faisant l’objet d’une mesure d’éloignement fondée sur le rejet de sa demande d’asile ne pourrait plus solliciter un titre de séjour hors du délai fixé, sauf « circonstances nouvelles ». Cela vise de nombreux étrangers malades, car une part importante des déboutés du droit d’asile relèvent de la procédure du droit au séjour pour soins, comme le révèle le rapport sur l’admission au séjour des étrangers malades.

Un texte commun a été signé par 63 associations pour que ces dispositions soient supprimées. Que leur répondez-vous, monsieur le ministre d’État ? Et que leur répond votre collègue Mme Buzyn ?

Supprimer l’aide médicale de l’État fait aussi courir le risque d’une propagation de maladies pour cause de non-recours aux soins. Il s’agit donc d’une question de santé publique.

Cet article étant extrêmement grave, nous allons vous présenter un amendement visant à le supprimer.

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