Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 22 juin 2018 à 9h30
Immigration droit d'asile et intégration — Article 12, amendement 146

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Contrairement à l’amendement que vient de présenter le Gouvernement, celui que j’ai déposé vise à tirer réellement les conséquences de la décision n° 2018-709 QPC du 1er juin 2018 du Conseil constitutionnel.

Le Conseil a censuré les délais de procédure expéditifs de seulement 48 heures pour former un recours contre les OQTF notifiées en détention et de 72 heures accordées au juge pour statuer sur ce recours. Il a donc, sans ambiguïté, déclaré contraire à la Constitution un système qui méconnaissait le droit à un recours effectif.

Si je partage, bien entendu, l’objectif du législateur d’éviter de faire se succéder une période de rétention à une période de détention, ce qui implique que l’administration procède aux diligences nécessaires en notifiant les OQTF suffisamment tôt en amont de la levée d’écrou, je ne peux que contester la rédaction proposée par le Gouvernement dans son amendement n° 146.

En effet, cet amendement, s’il était adopté, ne réglerait rien et ferait toujours encourir un risque d’inconstitutionnalité des dispositions qu’il contient.

Le Gouvernement s’attache à donner davantage de temps au juge pour statuer – 144 heures, soit 6 jours –, mais semble peu regardant quant au délai de recours accordé au détenu pour contester l’OQTF notifiée en détention.

Avec l’amendement n° 353, nous proposons une solution simple, respectueuse du droit à un recours effectif et qui a le mérite d’unifier les procédures, en s’alignant sur les délais prévus au I bis de l’article L.512-1 du CESEDA, à savoir un délai de recours de 15 jours pour contester les OQTF et un délai de 6 semaines laissé au juge pour statuer.

Si toutefois l’administration n’a pas notifié suffisamment tôt l’OQTF et que la date de la levée d’écrou doit intervenir avant la fin du délai de recours, le détenu pourra bénéficier du reliquat du délai restant à la levée d’écrou pour former son recours, sans qu’il soit pour autant « perdu dans la nature ». Bien entendu, il sera alors placé sous le régime du III de l’article L. 512-1 précité et soumis aux délais et procédures applicables aux personnes retenues ou assignées à résidence.

Concrètement, le juge devra alors statuer dans les 72 heures afin d’éviter que ne se prolonge la période de rétention, si elle n’a pu être évitée en raison d’une notification trop tardive de l’OQTF.

En pratique, une majorité des OQTF notifiées en détention le sont du simple fait que leur destinataire se trouve en prison, pour des motifs d’ordre public, et sont soumises au délai de recours de 48 heures pourtant censuré par le Conseil constitutionnel.

Il s’agit donc d’éviter un nouveau risque de censure, mais aussi de permettre un délai raisonnable et respectueux du droit à un recours juridictionnel effectif.

Enfin, il est aussi prévu que l’étranger détenu se verra remettre un document sur lequel figurent la date de la notification de l’OQTF, les voies et délais de recours permettant de la contester et ses droits à demander l’assistance d’un interprète et d’un avocat. C’est essentiel, puisque les détenus ne peuvent pas conserver en cellule de document où figure le motif d’écrou, ce qui est pourtant le cas de la quasi-totalité des OQTF. Il importe donc que la loi prévoie la remise explicite d’un document à cette fin.

La rédaction proposée par le Gouvernement ne résout pas cette difficulté, puisqu’elle ne modifiera pas la pratique actuelle, qui consiste, dans la majorité des cas, à ne communiquer ces informations au détenu qu’oralement.

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