En la matière, je vous propose de comparer la France et l’Allemagne. En 2016, l’Allemagne a procédé à 26 000 expulsions vers des pays tiers ; la France en a effectué 24 000. Au cours de cette même année, l’Allemagne a totalisé 1 800 placements en rétention ; la France, 9 000. Il est donc possible d’éloigner plus avec moins de placements en rétention.
En outre, sur ce sujet, nous regrettons l’évolution qu’a connue le présent texte en commission des lois. Non seulement la commission a considéré que l’augmentation de la durée maximale de rétention, de 45 jours à 90 jours, pouvait être maintenue, mais elle a restreint le contrôle exercé par le juge des libertés et de la détention !
Jusqu’à présent, ce juge accomplit cinq contrôles ; notre rapporteur n’en propose que deux, et le premier serait effectué 5 jours après l’entrée en rétention. Or, à ce titre, nous sommes face à une très grande hypocrisie. Si l’on retarde ainsi l’intervention du juge des libertés et de la détention, pendant 5 jours, on ne peut pas vérifier si la personne a été placée en rétention dans des conditions correctes ; et, pendant ce temps, cette personne peut être expulsée.
L’efficacité même de ce type de mesures est sujette à caution. Les statistiques le montrent bien : les mesures d’éloignement sont effectuées lors des premiers jours de rétention. Dans tous les cas, cela ne sert à rien d’aller au-delà de 20 jours. En voici la meilleure preuve : depuis que le gouvernement de Nicolas Sarkozy a porté la durée maximale de rétention de 32 jours à 45 jours, en proportion, le nombre d’éloignements a diminué.
Enfin, la police de l’air et des frontières voit son métier changer profondément : elle se transforme petit à petit en administration pénitentiaire, en passant du contrôle des frontières à la gestion de centres de privation de libertés, où les retenus sont appelés à rester de plus en plus longtemps. Or les tensions constatées au sein de ces centres depuis le mois d’octobre dernier sont particulièrement graves, et elles ne pourront pas durer.
Bref, cet allongement de la durée maximale de rétention n’est pas efficace, il n’est pas respectueux des droits et il pose des problèmes au sein des CRA, qu’il s’agisse des conditions de travail ou des conditions de rétention.