Intervention de Georges Tron

Réunion du 16 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances rectificative pour 2010 — Articles additionnels après l'article 18

Georges Tron, secrétaire d'État :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je m’efforcerai de répondre avec la plus grande précision possible sur ces sujets, dont la complexité ne m’échappe pas et qui ont fait l’objet de travaux récurrents et approfondis menés par un certain nombre d’entre vous depuis des lustres.

Je commencerai par rappeler que vous aviez accepté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011, de retirer l’ensemble de vos amendements sur ce sujet, pour en reporter l’examen dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, ce dont je vous remercie une nouvelle fois, en me tournant plus particulièrement vers M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général.

Il est donc normal que la discussion reprenne aujourd’hui. J’ajoute que des échanges nourris avec la commission des finances nous ont permis de procéder à un examen approfondi de l’ensemble des propositions que vous aviez formulées et, pour entrer dans le vif du sujet, de leur coût.

Vous avez choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de présenter un amendement unique sur l’ensemble de ces sujets. Le coût total de vos propositions, je tiens à le dire, est assez élevé, pour ne pas dire très élevé, notamment en 2012, puisqu’il dépassera les 100 millions d’euros. Au cours de ces dernières semaines, François Baroin et moi-même, lorsque j’ai eu l’honneur de le remplacer devant la Haute Assemblée, l’avons dit l’un et l’autre : nous ne pourrons dégrader le solde de l’État ni en 2011 ni en 2012, pas plus que les années suivantes ; je rejoins bien évidemment sur ce point la position de la commission des finances.

Par ailleurs, la réduction des recettes de l’ADEME que vous proposez n’est pas envisageable à un tel niveau. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable sur ces amendements identiques.

Toutefois, je souhaite apporter une réponse précise sur les différentes mesures proposées, car plusieurs d’entre elles, malgré la question des coûts, ont retenu l’attention du Gouvernement, qui aurait pu donner un avis favorable ou, pour le moins, s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, si les dispositions en question avaient fait l’objet d’amendements distincts.

Je rappelle d’abord quelques éléments de contexte, que vous connaissez bien. L’augmentation de la TGAP sur le stockage et la création d’une TGAP sur l’incinération ont été décidées il y a deux ans, en 2008, pour répondre à un engagement du Grenelle de l’environnement. L’argent recueilli est ensuite utilisé par l’ADEME pour soutenir la politique de prévention et de gestion des collectivités, en particulier des collectivités locales. Il avait été voté une progression sur sept ans, afin de donner une visibilité à l’ensemble des acteurs.

Concernant ensuite vos propositions, elles ont retenu tout notre intérêt, car elles sont issues d’un travail important, que vous avez rappelé, messieurs Pastor et Braye, effectué par la mission d’information du Sénat sur le traitement des déchets. Comme je vous l’indiquais, je suis favorable à un certain nombre d’entre elles.

En particulier, les mesures relatives à la valorisation du biogaz et aux bioréacteurs me paraissent aller dans le bon sens, car elles permettent de résoudre des problèmes importants liés à l’application des dispositions actuelles.

De même, je suis favorable à l’application dès 2011 de la mesure d’exonération des déchets liés aux catastrophes naturelles, votée dans le cadre du projet de loi de finances.

En matière d’information, je suis favorable à une obligation de communication de la déclaration de TGAP aux personnes auprès desquelles on la répercute, ainsi qu’à la remise, dès 2011, d’un rapport au Parlement sur cette taxe. Ainsi différents points méritent-ils d’être étudiés, voire approuvés.

Concernant le lissage de l’augmentation de la TGAP sur l’incinération en 2011, c’est-à-dire le fait de prévoir une progression de 60 % sur 2 ans – en 2011 et 2012 –, plutôt que sur la seule année 2011, l’adoption d’une telle disposition reviendrait à changer les règles votées en 2008 pour les sept années suivantes, seulement deux ans après que le dispositif, consécutif aux conclusions du Grenelle de l’environnement, a été instauré. De ce point de vue, comme je l’ai dit tout à l’heure à propos d’autres sujets, la crédibilité de la loi est clairement engagée. En outre, la baisse des recettes serait de l’ordre de 10 millions d’euros en 2011. Toutefois, sur ce point, j’aurais pu m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.

D’autres propositions, qui ont été examinées avec le même intérêt, ne sont pas, à l’inverse, acceptables, en raison de leur impact financier. Je voudrais redire combien ce point est important à nos yeux.

Tout d’abord, je suis défavorable à la mesure consistant à baisser les tarifs prévus en matière de stockage. Un calendrier de taxation pluriannuel ayant été fixé en 2009, il ne paraît pas opportun de le réviser dès maintenant.

La baisse que vous proposez pour 2012, qui consisterait à rester à 17 euros la tonne au lieu des 24 euros prévus, est disproportionnée : son coût atteindrait plus de 80 millions d’euros en 2012 et 45 millions d’euros en 2013.

De la même façon, je ne peux être favorable à votre proposition d’exonération des mâchefers.

En premier lieu, il n’existe pas de double taxation à ce titre. Les déchets ménagers et assimilés supportent la TGAP lorsqu’ils sont incinérés. Les résidus de l’incinération, autrement appelés mâchefers, peuvent être valorisés en sous-couches routières ou faire l’objet d’un simple stockage en centre de déchets ultimes. Les résidus ainsi stockés constituent donc bien un produit différent des déchets initiaux, ils supportent à ce titre la TGAP sur le stockage.

En outre, la TGAP permet d’appliquer le principe pollueur-payeur à tous les stades du traitement du déchet. Il est donc, nous semble-t-il, tout à fait logique, sur le plan environnemental, de fiscaliser davantage les résidus stockés lorsque des alternatives de réemploi en technique routière existent. D’ailleurs, les deux tiers des mâchefers aujourd’hui produits sont effectivement réutilisés : les débouchés existent donc.

Dans ces conditions, l’exonération des mâchefers représente un coût de l’ordre de 20 millions d’euros par an.

Le Gouvernement aurait été prêt à faire un geste concernant les mâchefers qui ne sont pas réutilisables pour des raisons techniques, à savoir les mâchefers issus de centrales à lit fluidisé. Dans ce cas, une exonération pourrait se comprendre et se justifier.

En conclusion, le Gouvernement est évidemment défavorable à ces amendements identiques considérés dans leur globalité.

Il pourrait cependant revoir sa position, eu égard au sous-amendement rectifié, présenté par M. le rapporteur général, lequel mérite sans doute une autre série d’explications.

Monsieur le rapporteur général, si j’ai bien compris, vous proposez de sous-amender les amendements déposés par différents membres de la mission d’information sur le traitement des déchets, en prévoyant une minoration de l’ordre de 10 millions d’euros de l’affectation de la TGAP à l’ADEME en 2011 et en supprimant l’affectation de 485 millions d’euros en 2012 et 2013 prévue par l’article 71 du projet de loi de finances pour 2011.

Vous avez à cœur, monsieur le rapporteur général, de faire en sorte que l’adoption de ces amendements soit neutre pour le budget de l’État. Ce souci de neutralité, qui constitue le point central de votre raisonnement, est bien entendu partagé par le Gouvernement.

Compte tenu de l’avis défavorable émis par le Gouvernement sur les amendements identiques concernant l’ensemble de la TGAP, celui-ci ne pouvait que demander le retrait du sous-amendement initial. En outre, la modification que vous proposiez ne permettait pas d’atteindre l’objectif fixé, puisqu’elle entraînait une perte nette pour l’État. Si les chiffres sont justes, la perte pour l’État serait réduite à environ 9 millions d’euros, la perte financière pour l’ADEME étant majoré de 10 à 20 millions d’euros.

Quoi qu’il en soit, vous avez veillé à préserver le budget de l’État, ce qui n’est pas le cas des amendements identiques.

Pour terminer, je dirai que M. Soulage a fourni à cet égard des explications précises, dans le cadre d’un raisonnement global assez cohérent. Toutefois, le Gouvernement, pour des raisons liées, je le répète, au coût de l’ensemble de ces dispositifs, ne peut se prononcer favorablement sur ces amendements identiques. En revanche, il pourrait être amené à approuver les dispositions du sous-amendement présenté par M. le rapporteur général.

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