Intervention de Marie Mercier

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 31 mai 2018 : 1ère réunion
Audition de Mme Marie Mercier sur les conclusions du groupe de travail de la commission des lois sur les infractions sexuelles commises à l'encontre des mineurs

Photo de Marie MercierMarie Mercier, rapporteur :

Il y a des vignettes et des synopsis, tout peut être visionné. Un enfant sur deux de moins de dix ans a consulté un site pornographique et s'en prend plein la figure, nombreux sont ceux qui ont vu un film entier à tout juste 14 ans... Le problème est que cela constitue leur éducation sexuelle, ils vont vouloir faire comme Rocco Siffredi, puis se retrouver en situation d'échec et perdre leur estime de soi. À cause de YouPorn, c'est l'idée de performance qui domine, pas la tendresse ni le plaisir. Les enfants finissent par visionner ces films à longueur de journée. Le couple mis en cause dans le procès d'Outreau visionnait des films pornographiques en permanence. Je ne parle pas de la pornographie entre adultes consentants, mais devant des enfants. Notre société doit être capable de poser des interdits et faire davantage de prévention, pour prévenir et réduire les violences.

J'ai rencontré des responsables d'associations : cela fait trente ans qu'ils s'épuisent, sans qu'ils puissent avoir l'impression que la maltraitance se réduit. Redonnons-leur de l'optimisme ! Cela ne passe pas forcément par la loi. La valeur du respect de son corps doit être donnée par l'éducation, dès le plus jeune âge. Un pédiatre me demandait non pas de lui montrer la photographie d'un enfant, mais celle de celui qui le soigne et l'éduque, car l'enfant n'est rien sans celui-ci. Tout ne peut pas être inscrit dans la loi, mais on peut dire qu'en France, on ne touche pas à nos enfants !

Le recueil de la parole des victimes nécessite également de former des professionnels pour qu'ils puissent détecter de faux témoignages. En effet, il arrive qu'un enfant devienne un objet de marchandage dans un divorce, et qu'il dénonce faussement l'un de ses parents, me rapportaient les gendarmes. Certains adultes ont ainsi vu leur vie basculer et être l'objet d'erreurs judiciaires. C'est tout aussi inacceptable !

Nous proposons aussi de renforcer la répression pénale. Nous avons la tentation de faire une loi très précise. Or la vie est imprécise : la maturité des enfants est différente selon les individus. On ne va pas subordonner l'entrée au CP à une taille ou un poids standard ! C'est une courbe de Gauss, chaque enfant évolue à son rythme ; il faut aussi s'occuper des extrêmes et non seulement de la majorité. C'est pourquoi nous proposons d'allonger le délai de prescription.

L'évolution phare que nous proposons est la présomption de contrainte. Dans un procès, les preuves sont discutées entre le ministère public et le prévenu. Le procureur a la charge de la preuve. Le prévenu peut se défendre comme il l'entend : il peut prétendre que la victime s'est laissé faire, qu'il était convaincu qu'elle avait dix-neuf ans, et les jurés déclarer qu'elle l'avait cherché par la longueur de sa jupe ou son maquillage... Aujourd'hui, vous le savez aussi bien que moi, condamner quelqu'un pour viol suppose de démontrer qu'il y avait « contrainte, menace, violence ou surprise ». Nous proposons de supposer la contrainte, à l'auteur de démontrer le contraire, en cas de viol, en l'absence de discernement ou s'il y a une différence d'âge significative entre l'enfant et l'auteur présumé des faits. Il y a de facto une contrainte morale entre un instituteur et son élève. Inverser la charge de la preuve évite de parler de consentement, notion qui n'existe pas dans la loi. C'est notre mesure phare. Je vous rappelle l'audition de Flavie Flament3(*) par votre délégation, à laquelle j'ai assisté.

Enfin, désacralisons le recours au procès pénal. Depuis que je travaille sur ce sujet, j'entends de nombreux témoignages dans mon cabinet de médecin. Une de mes patientes avait été violée par son père à quatre ans. À mes questions, elle a répondu qu'elle n'aurait pas souhaité que son père aille en prison, mais que sa mère, ses frères et ses soeurs, qui étaient au courant, reconnaissent ce qu'elle avait subi. Cette femme doit admettre que ce n'est pas son histoire, ce n'est pas sa faute et qu'elle ne doit pas construire sa vie dessus. C'est l'histoire de son père, qui doit en prendre conscience et être soigné, le plus tôt possible. Lorsqu'un agresseur est passé une fois à l'acte, il ne doit plus être relâché dans la nature comme cela a malheureusement été le cas récemment, occasionnant le meurtre d'une petite fille. Il faut le souligner : les victimes elles, prennent perpétuité. Le discernement ne peut pas avoir d'âge, un viol est un viol, et ne peut être consenti. Je compte sur vous pour nous aider dans notre travail.

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