Intervention de Muriel Pénicaud

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 19 juin 2018 à 9h00
Projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017 — Exécution des crédits de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » - Audition de Mme Muriel Pénicaud ministre du travail

Muriel Pénicaud, ministre :

J'ai déjà évoqué les contrats aidés et, sans revenir sur l'insincérité budgétaire, je rappelle que le maintien en 2017 du niveau de contrats aidés consommés en 2016 aurait demandé un milliard d'euros supplémentaires. Certes, cette situation était récurrente, mais en ce qui nous concerne, nous ne ferons pas de même.

Les contrats aidés ne doivent pas servir à la gestion conjoncturelle du chômage ; ils constituent l'un des outils de la politique de l'emploi, sont destinés à certains publics très éloignés de l'emploi et permettent une mise en situation professionnelle, en particulier depuis que nous avons renforcé les aspects liés à la formation. Les dispositifs d'insertion par l'activité économique font aussi partie de la palette des instruments dont nous disposons pour cela, et j'ai décidé d'augmenter de 200 millions d'euros les crédits qui leur sont consacrés.

Certaines collectivités territoriales et associations ont fait un travail remarquable, et nous nous sommes appuyés sur ces expériences pour mettre en place le Parcours emploi compétences, qui repose sur un triptyque : mise en situation, accompagnement personnalisé et formation.

Une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), le service statistique du ministère, a montré que la sélectivité des publics était plus grande dans le secteur marchand et que 65 % des personnes embauchées dans une entreprise après un contrat aidé l'auraient été dans les mêmes conditions sans ce contrat. L'effet d'aubaine était donc important. Pour autant, nous avons conservé le secteur marchand en outre-mer compte tenu de la faiblesse du tissu économique.

Beaucoup de départements cofinancent les contrats aidés pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ce qui me paraît très positif et correspondre pleinement à la démarche d'insertion de ces personnes.

Pour le secteur marchand, nous avons renforcé le dispositif de Pôle emploi appelé POEC, préparation opérationnelle à l'emploi collective, qui est plus réactif et correspond mieux aux besoins.

Quant aux emplois francs, la durée de l'aide - trois ans pour les embauches en contrats à durée indéterminée - permettra d'éviter l'effet de rotation afin que les personnes concernées, qui résident dans un quartier prioritaire éligible de la politique de la ville, soient capables de faire leurs preuves et de monter en compétences au sein de l'entreprise.

En ce qui concerne la Garantie jeunes, la loi de finances initiale pour 2017 prévoyait 150 000 entrées et 81 265 se sont effectivement réalisées. C'est un bon dispositif, financé par l'Union européenne, et l'année 2017 était celle de la généralisation. Nous avons prévu 100 000 places en 2018 ; je pense que le dispositif va continuer de monter en puissance.

Les Parcours emploi compétences donnent une certaine priorité aux quartiers de la politique de la ville, puisque 15 % de l'enveloppe leur est réservée, alors qu'ils représentent 8 % de la population. Comme je vous le disais, ce dispositif vise prioritairement, en termes de publics, les demandeurs d'emploi de longue durée, les handicapés et les seniors et, en termes de territoires, les quartiers de la politique de la ville, les zones rurales enclavées et les Outre-mer.

L'an dernier, Pôle emploi a constaté que 300 000 emplois étaient non pourvus. Il est tout de même dommage que les PME ne puissent pas conquérir certains marchés faute de compétences, tandis que 2,7 millions de personnes ne trouvent pas d'emploi. Il est donc très important de réduire le décalage, qui touche de nombreux secteurs économiques. Or les études montrent que, dans la moitié des cas, l'absence de compétences est responsable de cette situation. Je vous donne un exemple : il y a quelques semaines, j'étais en déplacement en Alsace et on m'a expliqué que les employeurs ne réussissaient pas à recruter de soudeurs, même à 6 000 euros par mois !

En ce qui concerne le travail détaché, je vous rappelle que, dès son élection, le Président de la République s'est fortement mobilisé sur cette question, et l'action de la France a permis de faire bouger les lignes de manière très sensible. La directive vient d'être approuvée par l'Union européenne, elle doit être transposée dans les deux ans et la France a l'intention de faire au plus vite.

Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel contient deux mesures complémentaires : la possibilité pour le préfet de faire arrêter un chantier et la numérisation de la carte professionnelle du secteur du BTP. Nous avons aussi l'intention d'interdire le travail détaché de Français en France - cela existe et ce n'est pas vraiment l'esprit du travail détaché...

Le sujet le plus important concerne la formation. C'est pourquoi le projet de loi autorisera davantage d'acteurs, notamment les filières industrielles, à créer des centres de formation des apprentis. Le travail détaché, qui continuera évidemment d'exister, constitue un marqueur de certains déficits accumulés par la France en termes de formation.

En ce qui concerne les effectifs de Pôle emploi, aucun chiffre n'est fixé a priori : une méthodologie doit être définie pour que leur décrue accompagne, et non précède, celle du chômage.

Je n'ai pas compétence sur la question générale des aides sociales, qui concerne ma collègue ministre des solidarités et de la santé, mais, dans mon champ ministériel, il est vrai qu'il existe une petite minorité de chômeurs qui ne recherchent pas d'emploi activement - je ne parle pas de ceux qui sont légitimement découragés et qu'il est nécessaire d'accompagner pour les remobiliser. Il faut renforcer les contrôles pour trouver un équilibre entre les droits et les devoirs. Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel va dans ce sens et prévoit de rendre plus logique et progressive l'échelle des sanctions.

La stratégie du Gouvernement pour l'emploi repose, depuis le début, sur trois piliers : le renforcement du dialogue social, dont les ordonnances que nous avons prises l'été dernier sont l'exemple - les PME nous disent clairement que, dorénavant, elles n'ont plus peur d'embaucher - ; l'amélioration des compétences grâce à la formation professionnelle et à l'apprentissage ; l'inclusion, qui passe par des emplois aidés, l'insertion par l'activité économique, etc. Tous les leviers doivent être utilisés pour que la croissance soit riche en emplois, car, si la croissance ne permet pas d'inclure tout le monde, nous nous dirigeons vers de graves fractures sociales.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 10 h 35.

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