Intervention de Nicole Bonnefoy

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission, amendements 559 14

Photo de Nicole BonnefoyNicole Bonnefoy :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je vais concentrer mon propos sur un seul sujet, important, qui a fait l’objet d’âpres discussions lors de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale. Il s’agit de la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytopharmaceutiques, au premier rang desquelles les agriculteurs.

Le 1er février 2018, le Sénat a voté une proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation financé par les firmes elles-mêmes. Ce fonds permettra d’accompagner les victimes atteintes de maladies liées à l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, en facilitant leurs démarches, en leur offrant un cadre global pour une plus grande égalité et en les indemnisant en réparation du préjudice intégral subi.

Une mission interministérielle menée par le conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux – CGAAER –, l’Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et l’Inspection générale des finances – IGF – a été chargée d’étudier l’opportunité de mettre en place ce fonds d’indemnisation.

Ses conclusions, rendues en janvier 2018, sont édifiantes. Les experts des trois ministères – agriculture, santé et finances – considèrent que le régime accidents du travail et maladies professionnelles agricoles, géré par la Mutualité sociale agricole, la MSA, ne permet de prendre que partiellement en charge les victimes de produits phytopharmaceutiques. Ils estiment ensuite que la reconnaissance des maladies professionnelles liées à l’usage de produits phytopharmaceutiques enregistrées depuis dix ans – moins de 1 000 cas – n’est pas à la hauteur de la réalité du nombre estimé de victimes potentielles. Pour eux, cela peut s’expliquer par la difficulté à établir un lien de causalité entre la maladie et l’exposition à des substances nocives.

Une estimation du nombre de victimes potentielles pour lesquelles il existe une présomption forte de causalité entre la maladie et l’exposition a été réalisée : environ 10 000 personnes seraient concernées sur dix ans, dont les deux tiers pour la maladie de Parkinson et un tiers pour les leucémies et les lymphomes.

Monsieur le ministre, vous avez proposé à plusieurs reprises d’adapter le régime AT-MP pour mieux prendre en charge les victimes présumées des maladies liées aux produits phytopharmaceutiques, ce qui justifie, selon vous, de rejeter la création d’un fonds d’indemnisation.

Pourtant, le rapport de l’IGAS, dont la rédaction est issue de trois ministères, y compris le vôtre, affirme en toutes lettres que des adaptations du régime AT-MP ne suffiraient pas pour indemniser l’ensemble des victimes présumées et qu’un fonds spécifique d’indemnisation s’avère pertinent.

Alors, pourquoi s’obstiner à nier la vérité et ne pas permettre aux victimes d’obtenir une juste réparation ?

Après le rapport de la mission d’information du Sénat de 2012, dont j’étais la rapporteur et Sophie Primas la présidente, qui a été voté à l’unanimité et dont des recommandations se sont déjà traduites dans la loi, après le rapport d’expertise de l’INSERM de 2013, qui confirmait, voire amplifiait, nos recommandations, après le rapport de janvier 2018 des inspections de l’État, que je viens d’évoquer, le temps est venu, monsieur le ministre, mes chers collègues, de réparer la souffrance de ces victimes que notre société n’a pas su, à ce jour, prendre en considération.

Les victimes nous le demandent, elles attendent de nous que nous inscrivions maintenant, dans le présent texte, la création d’un fonds spécifique d’indemnisation. C’est le sens de l’amendement n° 559 rectifié bis portant article additionnel après l’article 14 quinquies, que je vous proposerai d’adopter. Je compte sur vous tous pour le voter, parce que la santé n’a pas de prix ni de couleur politique.

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