Intervention de Pierre Ouzoulias

Réunion du 26 juin 2018 à 21h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 28 et 29 juin 2018

Photo de Pierre OuzouliasPierre Ouzoulias :

La Commission européenne considère la Turquie comme un « pays sûr ». Manifestement, il ne l’est pas pour les parlementaires français, et encore moins pour les milliers d’intellectuels, d’universitaires, de journalistes et de défenseurs des droits de l’homme qui y ont été emprisonnés ou privés de travail, de passeport et de droits sociaux.

Il ne faudrait pas que les accords passés avec le gouvernement d’Ankara pour qu’il détourne de l’Union européenne le flux des réfugiés, au prix, notamment, d’un généreux soutien financier, nous conduisent cyniquement à dénier ses dérives autoritaires. Celles-ci l’éloignent inéluctablement des conditions démocratiques d’un État de droit, qui est pourtant l’une des conditions essentielles de la candidature turque à l’Union européenne.

Il est vrai qu’il serait injuste de reprocher cela à la Turquie alors même que nous acceptons, par calcul ou par faiblesse, que les valeurs humanistes que nous continuons de considérer comme le socle de la construction européenne soient de plus en plus souvent bafouées, sans vergogne et sans retenue, par plusieurs États membres.

Il me faut, à mon grand regret, vous en donner quelques exemples par un relevé malheureusement bien peu exhaustif.

Commençons par la Hongrie, dont l’homme fort déclarait, en mars dernier, à propos de Georges Soros, parce que sa famille est d’origine juive : « Nous avons affaire à un adversaire qui est différent de nous. Il n’agit pas ouvertement, mais caché, il n’est pas droit, mais tortueux, il n’est pas honnête, mais sournois, il n’est pas national, mais international, il ne croit pas dans le travail, mais spécule avec l’argent, il n’a pas de patrie parce qu’il croit que le monde entier est à lui. »

Poursuivant dans ce registre qui évoque la pire propagande des périodes les plus sombres de notre histoire commune, le même éructait ainsi : «Des dizaines de millions de personnes sont prêtes à envahir nos pays, ces masses amènent des crimes et la terreur. Ces masses humaines, venant d’autres civilisations, sont un danger pour notre mode de vie, notre culture, nos coutumes, nos traditions chrétiennes. »

Au Juif et à l’étranger, dans un enchaînement rhétorique typique de l’extrême droite, le vice-premier ministre et ministre de l’éducation de la Pologne ajoutait les homosexuels, dont il considérait que « la croissance n’est dans l’intérêt d’aucune nation ».

Sur ce même terrain nauséabond, le nouveau ministre de la famille italien est allé encore plus loin.

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