Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 26 juin 2018 à 21h45
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 28 et 29 juin 2018

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il s’agit certainement du Conseil européen le plus ambitieux depuis l’élection du Président de la République. Malheureusement, le défi migratoire a pu éclipser certains points de son ordre du jour. C’est pourquoi je me permettrai de revenir sur ceux, abordés ou non précédemment, qui intéressent particulièrement la commission des finances.

Concernant tout d’abord le sommet de la zone euro, celui-ci intervient quelques jours après la déclaration de Meseberg, qui détaille les propositions communes de la France et de l’Allemagne. Cette déclaration pourrait certes agir comme un catalyseur de la réforme de la zone euro, mais il faut noter qu’elle reste en deçà des ambitions initiales de la France, et que le sommet pourrait se heurter à la persistance de désaccords entre les États membres.

L’Allemagne semble avoir surmonté son refus d’un budget propre de la zone euro, mais sa concrétisation demeure floue, puisque ni son montant ni ses sources de financement n’ont fait l’objet d’un accord. Par ailleurs, plusieurs États membres, tels que les Pays-Bas, la Suède et le Danemark, ont exprimé leur refus de ce budget de stabilisation, à l’occasion de l’Eurogroupe de la semaine dernière.

Madame la ministre, si la perspective d’un budget de la zone euro devait se concrétiser à moyen terme, nous resterons vigilants sur les termes de sa concrétisation et nous veillerons à ce qu’il n’échappe pas à la surveillance des parlements nationaux.

Quant à l’achèvement de l’union bancaire – autre sujet qui intéresse la commission des finances –, nous ne pouvons que nous réjouir de l’accord concernant la création d’un filet de sécurité pour le Fonds de résolution unique, dont la fonction reviendra au Mécanisme européen de stabilité, le fameux MES.

En particulier, le fait que le secteur bancaire soit dans l’obligation de rembourser les fonds prêtés dans un délai de cinq ans constitue à nos yeux un gage de crédibilité : le principe du bail-in est respecté et les deniers publics ne seront pas utilisés pour pallier les pertes d’une banque défaillante.

Néanmoins, la feuille de route franco-allemande renvoie discrètement l’examen des modalités de la mise en œuvre de la garantie européenne des dépôts bancaires à une date ultérieure. Étant donné que les débats relatifs au troisième pilier de l’union bancaire ont débuté il y a plus de trois ans maintenant, et que le nombre de prêts non performants au sein de la zone euro a décru, l’absence d’un engagement plus ferme traduit sans doute un abandon progressif de cette mesure.

En ce qui concerne les questions économiques et fiscales à l’ordre du jour du Conseil européen, trois points principaux doivent être soulignés.

Premièrement, le Conseil européen approuvera les recommandations par pays du semestre européen. Celui-ci a notamment été marqué par la sortie de la France de la procédure de déficit excessif.

S’il faut s’en féliciter, madame la ministre, j’attire votre attention sur le fait que cette sortie ne signifie pas la fin des efforts budgétaires de la France. Je rappelle que le Haut Conseil des finances publiques vient de souligner que la réduction du déficit structurel constaté en 2017 résulte davantage de l’élasticité des prélèvements obligatoires – en clair, de nos bonnes recettes fiscales – que d’un resserrement de la dépense publique. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler bientôt à travers « Action publique 2022 ».

La crédibilité budgétaire de la France passe donc par la continuité de nos efforts en matière de réduction et de rationalisation de la dépense publique.

Deuxièmement, les annonces de la Commission européenne du 2 mai dernier concernant le prochain cadre financier pluriannuel seront discutées par les États membres.

Dans un contexte perturbé par le retrait du Royaume-Uni et la volonté de redéployer les crédits du budget de l’Union européenne vers de nouvelles priorités politiques, plusieurs politiques communes devraient faire l’objet de coupes budgétaires.

Si la France apparaît relativement préservée par rapport à ces voisins européens, deux sujets interpellent la commission des finances.

D’une part, comme l’a souligné le Parlement européen en adoptant une résolution à la fin du mois de mai, il est regrettable que la Commission européenne ait tardé à transmettre des prévisions budgétaires chiffrées avec exactitude. L’opacité des modalités de calcul a complexifié la tenue d’un débat démocratique de qualité.

D’autre part, la position du gouvernement français dans les négociations à venir semble parfois contradictoire. En effet, ici même au Sénat, nous avons entendu le commissaire en charge du budget, Günther Oettinger, mettre en exergue le discours ambigu, voire le double discours de la France. Ainsi, les autorités françaises à Bruxelles ne défendraient apparemment pas une augmentation globale du budget de l’Union européenne, et ne font pas de la réduction des crédits alloués à la politique agricole commune une ligne rouge, contrairement aux communiqués de presse du ministère de l’agriculture.

Madame la ministre, au regard de ces propos un peu dissonants, pourriez-vous clarifier la position du gouvernement français quant aux annonces de la Commission européenne sur le prochain cadre financier pluriannuel ?

Troisièmement, le chantier de la fiscalité n’a pas fait l’objet de progrès depuis le dernier Conseil européen de mars dernier. Nous pouvons par exemple regretter que les propositions de la Commission européenne en matière de taxation des entreprises du secteur numérique, notamment les GAFA, n’aient pas été intégrées dans le volet « ressources » des annonces pour le prochain cadre financier pluriannuel.

Depuis mon déplacement récent à Berlin, j’ai rencontré un certain nombre de représentants de l’administration fiscale et de membres de la commission des finances du Parlement, et j’ai conscience qu’il sera probablement très difficile de mettre en place cette taxe transitoire à 3 %.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne se sont accordées pour défendre la proposition de directive de la Commission européenne concernant l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, sans pour autant s’engager sur un calendrier. Par conséquent, je ne peux que réitérer mes propos de mars dernier en encourageant la France à s’investir pour permettre une prise de décision plus rapide en la matière.

Enfin, le Conseil européen se réunira dans la configuration prévue par l’article 50 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le TFUE, pour examiner l’état d’avancement des négociations du Brexit.

Alors que le dernier Conseil européen avait permis de trouver un accord sur la période de transition et sur l’inclusion des services financiers dans le futur accord de libre-échange, les négociations sont aujourd’hui au point mort. L’inextricable question irlandaise et les difficultés politiques rencontrées par Theresa May éloignent la perspective d’un accord prochain sur la relation entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Le Conseil européen devrait acter l’inertie des négociations, mais ce simple constat n’est pas satisfaisant.

Madame la ministre, pourriez-vous nous expliquer comment la France compte agir pour surmonter le blocage actuel des négociations ?

Voilà quelques-unes des nombreuses questions que je souhaitais vous poser sur des sujets diversifiés, qui intéressent particulièrement la commission des finances.

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