Intervention de Catherine Fournier

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 juin 2018 à 8h35
Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine FournierCatherine Fournier, rapporteure :

Comme souvent lorsqu'il est question de réforme de la formation professionnelle, les partenaires sociaux ont été appelés à négocier par la ministre du travail, qui leur avait fourni une lettre de cadrage très précise. À l'exception de la CGT, tous les syndicats de salariés ainsi que les organisations d'employeurs ont signé l'accord national interprofessionnel (ANI) le 22 février dernier. Toutefois, l'encre de l'accord n'était pas encore sèche quand le Gouvernement a annoncé sa propre réforme qui, sur de nombreux points, contredit le consensus élaboré par les partenaires sociaux. Dès le départ, cette réforme est donc marquée par une volonté de l'État de reprendre la main en passant par-dessus les corps intermédiaires. Ce projet de loi devait marquer un big bang pour la formation professionnelle selon les termes choisis par la ministre. S'il remet en cause de nombreux dispositifs existant, il n'est certainement pas à la hauteur des ambitions affichées.

Le premier sujet est celui de la monétisation du compte personnel de formation (CPF). Cet outil a été créé par la loi du 5 mars 2014 et se déploie progressivement depuis le premier semestre 2015. Il n'a été ouvert aux fonctionnaires et aux indépendants que le 1er janvier dernier. Le CPF constitue un droit portable ouvert à tous les actifs et qui leur permet d'accumuler des droits à la formation. En 2014, il a été décidé de le comptabiliser en heures, dans le but de permettre à chacun d'avoir accès à la formation qu'il désire suivre compte tenu de son parcours, en gommant les différences de coût. De l'avis de tous les acteurs, ce système est perfectible. Pour autant, ni l'inspection générale des affaires sociales, ni les partenaires sociaux n'ont appelé à sa disparition. Or, le Gouvernement a proposé la monétisation du CPF : il s'agit, de l'aveu même de la ministre, d'un pari. L'étude d'impact ne fournit d'ailleurs aucune estimation quant à ses effets attendus. Nous sommes donc dubitatifs, d'autant que la monétisation pourrait entraîner un certain nombre d'effets pervers et que le taux de conversion en euros envisagé par le Gouvernement nous semble insuffisant. Toutefois, il nous est apparu plus pertinent de vous proposer des amendements visant à améliorer le dispositif plutôt que de s'y opposer frontalement.

Le projet de loi reprend par ailleurs un des points de l'ANI du 22 février 2018 concernant la transformation du congé individuel de formation (CIF) en modalité spécifique de mobilisation du CPF. Il réforme également le financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Sur ce point, nous avons aussi constaté une forme d'improvisation qui n'est pas satisfaisante au vu des montants en jeu. Le texte initial prévoyait la fusion de la contribution des entreprises au financement de formation professionnelle et de la taxe d'apprentissage, ce qui constituait une réforme profonde. L'article 17 a totalement été réécrit par la rapporteure du texte à l'Assemblée nationale et il propose désormais une réforme nettement moins ambitieuse, dont les effets demeurent relativement flous du fait de l'absence d'étude d'impact. La question de la taxe d'apprentissage et de l'actuel « hors quota » a suscité des inquiétudes qui semblent aujourd'hui pour l'essentiel levées. Les contributions formation seront collectées par les Urssaf et versées à France compétences qui en assurera la répartition. En conséquence, les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) perdront leur rôle de collecteur et deviendront des opérateurs de compétences (Opco), appelés à recentrer leurs missions sur l'offre de services aux entreprises, en particulier les plus petites d'entre elles. Les branches devront réduire le nombre d'Opco selon des critères qui seront précisés par décret.

Nous aborderons aussi, lors de l'examen des amendements, le renforcement du conseil en évolution professionnelle ou la nouvelle définition de l'action de formation. En définitive, la réforme de la formation professionnelle ne constitue pas un choc de simplification et ses conséquences demeurent difficiles à mesurer.

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