Au titre de sa compétence sur la formation initiale et l'orientation scolaire, la commission de la culture s'est naturellement saisie pour avis des dispositions du projet de loi qui la concernent : il s'agit des articles 8 bis, 10 à 11 bis, des articles 14 bis et 14 ter ainsi que certaines dispositions de l'article 17, soit onze articles.
Au préalable, je dois relayer la préoccupation dont ont fait part, à l'unanimité, les membres de la commission s'agissant de l'architecture globale de la réforme de l'apprentissage. La dépossession des régions de leurs prérogatives en matière d'organisation et de financement de l'apprentissage a été unanimement regrettée. Notre commission s'interroge sur la capacité des branches professionnelles à prendre en charge l'ensemble des formations en apprentissage ; le risque est réel que les territoires et les populations les plus fragiles soient les grands perdants de cette réforme.
Nous ne pouvons être que déçus par les mesures en matière d'orientation scolaire. Le rapport d'information sur l'orientation scolaire de notre collègue Guy-Dominique Kennel, fait au nom de la commission il y a deux ans, préconisait une simplification du paysage institutionnel de l'orientation, car il se caractérise actuellement par un grand nombre d'acteurs, dépendant de réseaux et de ministères différents. Les conséquences en sont une complexité et un manque de lisibilité préjudiciables aux jeunes comme à l'efficacité de l'action publique. Les régions sont dans l'incapacité de jouer le rôle de coordination qui leur a été reconnu dans le cadre du service public régional de l'orientation. Notre collègue demandait un transfert clair aux régions de la compétence en matière d'information sur les voies de formation et les métiers, y compris à destination des publics scolaires ; celles-ci se verraient confier en conséquence les CIO et le réseau information jeunesse.
Alors même que cette préconisation avait été relayée par la Cour des comptes en décembre dernier, nous regrettons que le Gouvernement ne l'ait pas suivie. Je n'ignore pas les raisons invoquées, à savoir les réticences qui existent de part et d'autre.
En somme, le texte ne propose qu'une demi-mesure. Le transfert des Dronisep et d'une partie de leurs personnels fait figure de mesure secondaire ; elle n'est qu'une réponse très insuffisante à un problème qui demeurera.
Les règles de l'irrecevabilité financière réduisant fortement notre marge de manoeuvre en la matière, nous ne pouvons simplifier la répartition des compétences. Néanmoins, nous avons tenté d'aménager le cadre de l'orientation scolaire dans le sens d'une plus grande cohérence.
Les dix-sept amendements qu'a adoptés notre commission favorisent l'accès de tous les jeunes à une information et à un accompagnement de qualité en vue de leur orientation et approfondissent les liens entre l'éducation nationale et le monde économique et professionnel. Ces amendements seront présentés au cours de la discussion. Je me permets seulement d'évoquer celui à l'article 17, qui porte sur les contributions finançant l'apprentissage et notamment sur le « hors quota », c'est-à-dire la fraction du produit de la contribution bénéficiant aux formations professionnelles initiales hors apprentissage. Notre amendement restreint la part du « hors quota » pouvant être versée à des organismes n'étant pas des établissements de formation. Nous considérons que si, comme l'a annoncé le Président de la République, l'argent de l'apprentissage doit aller à l'apprentissage, il ne faut pas déstabiliser les établissements d'enseignement secondaire ou supérieur ; pour certains de ces établissements, le « hors quota » représente une part importante de leurs ressources. Cette question révèle un parti-pris critiquable du projet de loi, sans doute lié au fait qu'il est porté par le ministère du travail : celui de ne considérer l'apprentissage que par le prisme du CFA. Ce serait d'ailleurs une erreur de penser que l'apprentissage n'a lieu qu'en CFA : les lycées professionnels accueillent 20 % environ des apprentis des formations menant au CAP et au baccalauréat professionnel, tandis que le nombre d'apprentis dans les établissements d'enseignement supérieur augmente d'année en année. Cette dynamique ne doit pas être brisée.
L'apprentissage ne doit pas être traité à part, mais au contraire être pleinement intégré dans les cursus de l'enseignement secondaire et supérieur. L'apprentissage doit devenir un mode normal de formation dans l'ensemble des formations menant à l'emploi.
Nous ne pouvons aussi que déplorer que l'apprentissage soit davantage un objet de concurrence que de partenariat, ce qui freine son développement : d'une part, les enseignants craignent que leurs classes ferment du fait du développement de l'apprentissage, de l'autre, certains conseils régionaux, encouragés par les directeurs de CFA, freinent le développement de l'apprentissage en lycée professionnel par crainte d'une concurrence. Cette vision concurrentielle, somme toute assez malthusienne, est peu ambitieuse et doit être combattue.
Je crains néanmoins que le projet de loi n'aille pas dans le sens d'une plus grande intégration de l'apprentissage mais maintienne, voire accroisse, les clivages existants, alors même que la réforme annoncée du lycée professionnel va dans le sens d'une plus grande intégration, voire d'une banalisation, de l'apprentissage dans les parcours de formation.
Voici donc l'esprit dans lequel la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a étudié ce texte. Si elle n'en partage pas toutes les orientations, elle s'est attachée, par les amendements qu'elle vous propose d'adopter, à l'améliorer dans l'intérêt des jeunes de ce pays.