Intervention de Dominique Watrin

Commission des affaires sociales — Réunion du 27 juin 2018 à 8h35
Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Je vous remercie, monsieur le président, pour vos propos chaleureux à mon égard. Je garderai un excellent souvenir des presque sept années passées au sein de cette commission qui travaille beaucoup et qui sait écouter.

Nous saluons le travail des rapporteurs sur ce texte, même si nous ne partageons pas leurs conclusions. Ce texte est clivant : la formation, l'apprentissage, les indemnités chômage sont soumis à un prisme ultra-libéral. Lors de la dernière table ronde, Force ouvrière estimait que trois textes récents - loi travail, projet de loi Pacte (Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises) et le présent texte - passaient d'une logique de promotion des droits collectifs à une logique d'individualisation des droits. Dans une tribune récente, la CGT pointait la volonté du Gouvernement de déconstruire le système social français.

Nous pensons que ce texte fait fausse route : il ne répond pas aux exigences de la société du XXIe siècle et il aggravera les défauts du système actuel au lieu de les corriger. Il tourne le dos à la mise en place d'une véritable sécurité sociale et professionnelle, permettant à tous de trouver leur place et à chacun d'évoluer dans son parcours professionnel en alternant périodes d'activité et de formation qualifiante dans un cadre sécurisé.

L'apprentissage peut permettre à certains jeunes de trouver leur voie mais les formations doivent être mieux structurées, afin de former des futurs professionnels compétents et des citoyens responsables. Ce n'est malheureusement pas la voie choisie par ce texte qui banalise d'importants reculs.

Est-ce en niant les spécificités des jeunes et en alignant leurs droits sur ceux des autres salariés que l'on encouragera l'apprentissage ? Ne risque-t-on pas une fracture territoriale et une mise en concurrence avec les lycées professionnels ?

En étendant les aides financières incitatives aux entreprises jusqu'à 250 salariés, le Gouvernement fait au patronat un nouveau cadeau.

Les auditions ont été particulièrement intéressantes : alors que la transition numérique va transformer 40 % des emplois et implique une hausse généralisée des formations, nous avons appris que sur 13 milliards dédiés à la formation des salariés, 4 milliards seraient économisés.

Le nouveau système génèrera des frustrations et obligera nombre de salariés à différer, voire à renoncer, à des projets de formations qualifiantes ou à des projets personnels qui n'entrent pas dans le moule de l'employabilité.

Parallèlement, les centres d'information et d'orientation (CIO) sont remis en cause et le Gouvernement procèdera à la privatisation partielle du conseil en évolution professionnelle.

Le financement de l'assurance chômage par la contribution sociale généralisée (CSG) représentera bientôt 45 % des recettes : tout est prêt pour passer d'un système de cotisations ouvrant des droits à un système d'assistance. Le Gouvernement reprend la main, il fixe la trajectoire financière et les objectifs à atteindre avant chaque négociation de la convention d'assurance chômage. Il s'autorise à toucher par décret aux règles de cumul allocation-salaire. Les salariés risquent de payer le coût des quelques droits accordés aux démissionnaires et aux indépendants tandis que les employeurs, seuls responsables de l'explosion des contrats courts, seront globalement épargnés avec le système du bonus-malus.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRCE ne votera pas ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion