Monsieur le président, comme cela vient d’être très bien dit, l’article 1er est au cœur du projet de loi dont nous entamons l’examen. Fait assez rare dans cette assemblée, les orientations et les objectifs annoncés font plutôt consensus : on est tous d’accord sur les objectifs. Tout le monde, même les plus libéraux, reconnaît que la main invisible du marché étrangle nos agriculteurs et qu’il est indispensable d’établir des règles pour les protéger de la concurrence.
Ainsi, comme cela a été rappelé, le Gouvernement poursuit l’œuvre des deux précédents gouvernements en étoffant une nouvelle fois le mécanisme de contractualisation mis en place par la loi de 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sans cesse renforcé depuis lors, sans répondre à la crise structurelle que connaît le monde agricole.
Nous approuvons l’inversion du mode d’établissement des contrats, qui seront désormais proposés par le producteur et non plus par l’acheteur, ce qui constitue une véritable avancée. Dans la même logique, la prise en compte, dans les contrats, d’indicateurs relatifs au coût de production va également dans le bon sens. On regrette néanmoins, comme l’a expliqué Fabien Gay, que la loi ne précise pas la manière de les prendre en compte ni ne détermine d’indicateur unique à même de consolider les contrats. Le projet ne prévoit en fait aucune contrainte pour l’acheteur.
Il est quand même à espérer une légère amélioration de la répartition de la valeur, ce qui redonnera un peu d’air à nos paysans, mais rien n’est moins sûr.
Outre ce manque d’ambition, nous déplorons vivement que ce projet de loi ne s’attaque pas aux véritables problèmes que sont la concurrence exacerbée au sein de l’Union européenne et la multiplication des accords de libre-échange – Fabien Gay vient d’en parler –, qui exposent nos agriculteurs à la concurrence déloyale de denrées alimentaires venant du monde entier et qui sont produites dans des conditions sociales et environnementales souvent douteuses. Cette injustice sociale se double en plus d’une aberration écologique !
Pour protéger les bénéfices à l’export de quelques grands agriculteurs, on continue à exposer les autres à une concurrence délétère, qui entraîne une baisse incessante du prix de revient des agriculteurs et de la qualité de la production.
Aussi, pour permettre aux femmes et aux hommes qui nous nourrissent au prix d’un dur labeur de vivre dignement de leurs productions, il faut changer de logique économique. C’était d’ailleurs l’orientation des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, qui visaient à créer une exception agriculturelle, mais qui ont été malheureusement rejetés hier soir. J’ai bien peur que, dans ce contexte commercial, sans une dose de protectionnisme, toutes les mesures prévues à l’article 1er ne suffisent pas à garantir un revenu paysan acceptable.