La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
En application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, ainsi que de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 prises pour son application, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable - 21 voix pour, 1 voix contre - à la reconduction de Mme Élisabeth Ayrault aux fonctions de présidente du directoire de la Compagnie nationale du Rhône.
J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein des éventuelles commissions mixtes paritaires chargées d’élaborer un texte commun, d’une part, sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017 étendant et adaptant à la Polynésie française certaines dispositions du livre IV du code de commerce relatives aux contrôles et aux sanctions en matière de concurrence et, d’autre part, sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que la commission des lois propose des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination en remplacement de démissionnaires.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
L’ordre du jour appelle la nomination des vingt et un membres de la mission d’information sur la pénurie de médicaments et de vaccins, créée sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (projet n° 525, texte de la commission n° 571, rapport n° 570, tomes I et II, avis n° 563).
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux, au début de l’examen de ce texte, même si nous avons commencé hier la discussion des amendements, vous rappeler que de nombreux débats sont à venir, avec, au total, près de 760 amendements – c’est beaucoup moins qu’à l’Assemblée nationale, qui, de mémoire, a en examiné 2 400.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Je remercie l’ensemble de mes collègues d’avoir fait preuve de sobriété.
Sourires.
Je tiens cependant à vous dire, monsieur le ministre, que nous ne sommes pas tout à fait satisfaits des conditions dans lesquelles nous légiférons, eu égard, notamment, au temps dont nous disposons.
Nous avons terminé il y a quelques heures à peine l’examen des amendements « extérieurs », au rythme de 230 par heure, …
Sourires.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. Le débat aura donc lieu dans l’hémicycle. C’est pourquoi je vous saurais gré de bien vouloir dire à votre collègue chargé des relations avec le Parlement que le Parlement n’est pas long à légiférer, mais qu’il aimerait mieux légiférer.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
J’ajoute que l’exercice est d’autant plus difficile pour notre commission des affaires économiques qu’elle examinera dès la semaine prochaine le projet de loi ÉLAN.
Mais je m’adresse maintenant à mes collègues.
Pour des questions de calendrier, je vous demande de faire preuve d’un peu de discipline en séance publique ; à défaut, nous siégerons sinon le week-end prochain, ce que le président du Sénat ne souhaite pas, du moins tard vendredi, voire lundi – je vous en informe pour que vous puissiez organiser vos agendas en conséquence. C’est que chacun aura à cœur d’exprimer ses positions et ses motivations…
Je vous invite donc à faire preuve de sobriété ici aussi et fais en ce sens appel à votre bienveillance.
Quoi qu’il en soit, le débat qui nous attend sera, me semble-t-il, passionnant, et mérite d’être mené.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 1er.
TITRE Ier
DISPOSITIONS TENDANT À L’AMÉLIORATION DE L’ÉQUILIBRE DES RELATIONS COMMERCIALES DANS LE SECTEUR AGRICOLE ET ALIMENTAIRE
I. – La section 2 du chapitre Ier du titre III du livre VI du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifiée :
1° L’article L. 631-24 est ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -24. – I A. – Tout contrat de vente de produits agricoles livrés sur le territoire français est régi, lorsqu’il est conclu sous forme écrite, dans le respect des articles 1365 et 1366 du code civil, par les dispositions du présent article. Toutefois, le présent article et les articles L. 631-24-1, L. 631-24-2 et L. 631-24-3 du présent code ne s’appliquent pas aux ventes directes au consommateur, aux cessions réalisées au bénéfice des organisations caritatives pour la préparation de repas destinés aux personnes défavorisées, aux cessions à prix ferme de produits agricoles sur les carreaux affectés aux producteurs situés au sein des marchés d’intérêt national définis à l’article L. 761-1 du code de commerce ou sur d’autres marchés physiques de gros de produits agricoles.
« I. – La conclusion d’un contrat de vente écrit relatif à la cession à leur premier acheteur de produits agricoles figurant à l’annexe I du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et (CE) n° 1234/2007 du Conseil destinés à la revente ou à la transformation en vue de la revente est précédée d’une proposition du producteur agricole, sous réserve des dispositions du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du même règlement dans les cas où la conclusion d’un contrat écrit n’est pas obligatoire.
« Lorsque le producteur a donné mandat à une organisation de producteurs reconnue, dont il est membre, ou à une association d’organisations de producteurs reconnue, à laquelle appartient l’organisation de producteurs dont il est membre, pour négocier la commercialisation de ses produits sans qu’il y ait transfert de leur propriété, la conclusion par lui d’un contrat écrit avec un acheteur pour la vente des produits en cause est précédée de la conclusion et subordonnée au respect des stipulations de l’accord-cadre écrit avec cet acheteur par l’organisation de producteurs ou association d’organisations de producteurs. Le contrat écrit respecte les stipulations dudit accord-cadre. L’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs propose à l’acheteur un accord-cadre écrit conforme aux prescriptions du présent article. La proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit est le socle unique de la négociation au sens de l’article L. 441-6 du code de commerce. Tout refus de la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit par le premier acheteur ainsi que toute réserve sur un ou plusieurs éléments de cette proposition doivent être motivés et transmis à l’auteur de la proposition dans un délai raisonnable au regard de la production concernée.
« II. – La proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit mentionnée au I et le contrat ou l’accord-cadre écrit conclu comportent a minima les clauses relatives :
« 1° Au prix ou aux critères et modalités de détermination et de révision du prix ;
« 2° À la quantité et à la qualité des produits concernés qui peuvent ou doivent être livrés ;
« 3° Aux modalités de collecte ou de livraison des produits ;
« 4° Aux modalités relatives aux procédures et délais de paiement ;
« 5° À la durée du contrat ou de l’accord-cadre ;
« 6° Aux règles applicables en cas de force majeure ;
« 7° Aux délai de préavis et indemnité éventuellement applicables dans les différents cas de résiliation du contrat. Dans l’hypothèse où la résiliation est motivée par une modification du mode de production, le délai de préavis et l’indemnité éventuellement applicables sont réduits.
« Les critères et modalités de détermination du prix mentionnés au 1° du présent II prennent en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux coûts pertinents de production en agriculture et à l’évolution de ces coûts, un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur et à l’évolution de ces prix ainsi qu’un ou plusieurs indicateurs relatifs aux quantités, à la composition, à la qualité, à l’origine, à la traçabilité ou au respect d’un cahier des charges. Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles. À défaut, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou l’établissement mentionné à l’article L. 621-1 du présent code proposent ou valident des indicateurs. Ces indicateurs reflètent la diversité des conditions et des systèmes de production.
« Les contrats, accords-cadres et propositions de contrats et accords-cadres mentionnés au premier alinéa du présent II comportent également, le cas échéant, la clause mentionnée à l’article L. 441-8 du code de commerce ou celle prévue à l’article 172 bis du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 précité.
« III. – La proposition d’accord-cadre écrit et l’accord-cadre conclu mentionnés au premier alinéa du II précisent en outre :
« 1° La quantité totale et la qualité des produits agricoles à livrer par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association ;
« 2° La répartition des quantités à livrer entre les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association et les modalités de cession des contrats ;
« 3° Les modalités de gestion des écarts entre le volume ou la quantité à livrer et le volume ou la quantité effectivement livrés par les producteurs membres de l’organisation ou les producteurs représentés par l’association ;
« 4° Les règles organisant les relations entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs, notamment les modalités de la négociation définies par l’interprofession sur les quantités et le prix ou les modalités de détermination du prix entre l’acheteur et l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs ;
« 5° Les modalités de transparence instaurées par l’acheteur auprès de l’organisation de producteurs ou de l’association d’organisations de producteurs, précisant les modalités de prise en compte des indicateurs figurant dans le contrat conclu avec son acheteur en application de l’article L. 631-24-1.
« L’acheteur transmet chaque mois à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs avec laquelle un accord-cadre a été conclu les éléments figurant sur les factures individuelles des producteurs membres ayant donné un mandat de facturation à l’acheteur et l’ensemble des critères et modalités de détermination du prix d’achat aux producteurs. Les modalités de transmission de ces informations sont précisées dans un document écrit.
« IV. − Dans le cas où l’établissement de la facturation par le producteur est délégué à un tiers ou à l’acheteur, il fait l’objet d’un mandat écrit distinct et qui ne peut être lié au contrat.
« Le mandat de facturation est renouvelé chaque année par tacite reconduction.
« Le producteur peut révoquer ce mandat à tout moment, sous réserve d’un préavis d’un mois.
« V. – Le contrat écrit ou l’accord-cadre écrit est prévu pour une durée, le cas échéant, au moins égale à la durée minimale fixée par un accord interprofessionnel étendu en application de l’article L. 632-3 et est renouvelable par tacite reconduction pour une période équivalente, sauf stipulations contraires. Il fixe la durée de préavis applicable en cas de non-renouvellement. Lorsque ce préavis émane de l’acheteur, il ne peut être inférieur à trois mois.
« VI. – La proposition de contrat ou la proposition d’accord-cadre soumise à l’acheteur en application du I par le producteur agricole, l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs est annexée au contrat écrit ou à l’accord-cadre écrit. » ;
2° Les articles L. 631-24-1 et L. 631-24-2 deviennent, respectivement, les articles L. 631-24-4 et L. 631-24-5 ;
3° Les articles L. 631-24-1 et L. 631-24-2 sont ainsi rétablis :
« Art. L. 631 -24 -1. – Lorsque l’acheteur revend des produits agricoles ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles, le contrat de vente prend en compte les indicateurs mentionnés à l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 631-24 figurant dans le contrat d’achat conclu pour l’acquisition de ces produits.
« Dans l’hypothèse où le contrat conclu pour l’acquisition de ces produits comporte un prix déterminé, le contrat de vente mentionné au premier alinéa du présent article prend en compte un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles concernés.
« L’acheteur communique à son fournisseur, selon la fréquence convenue entre eux et mentionnée dans le contrat écrit ou l’accord-cadre écrit, l’évolution des indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés sur lesquels il opère.
« Art. L. 631 -24 -2. – I. – La conclusion de contrats de vente et accords-cadres écrits mentionnés à l’article L. 631-24 peut être rendue obligatoire par extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632-3 ou, en l’absence d’accord étendu, par un décret en Conseil d’État qui précise les produits ou catégories de produits concernés.
« Toutefois, le premier alinéa du présent I ne s’applique pas aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à un seuil défini par l’accord interprofessionnel ou le décret en Conseil d’État mentionné au même premier alinéa.
« Au cas où un accord est adopté et étendu après la publication d’un tel décret en Conseil d’État, l’application de celui-ci est suspendue pendant la durée de l’accord.
« II. – L’accord interprofessionnel ou le décret en Conseil d’État mentionnés au I fixent la durée minimale du contrat de vente, qui ne peut excéder cinq ans, sauf renonciation expresse écrite du producteur. Ils peuvent prévoir que la durée minimale des contrats portant sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans est augmentée dans la limite de deux ans.
« Les contrats portant sur un produit dont le producteur a engagé la production depuis moins de cinq ans ne peuvent être résiliés par l’acheteur avant le terme de la période minimale, sauf en cas d’inexécution par le producteur ou cas de force majeure. Ils fixent la durée de préavis applicable en cas de non-renouvellement.
« Lorsqu’un acheteur a donné son accord à la cession par le producteur d’un contrat à un autre producteur engagé dans la production depuis moins de cinq ans, la durée restant à courir du contrat cédé, si elle est inférieure à la durée minimale fixée en application du premier alinéa du présent II, est prolongée pour atteindre cette durée.
« Est considéré comme un producteur ayant engagé une production depuis moins de cinq ans l’exploitant qui s’est installé ou a démarré une nouvelle production au cours de cette période ainsi qu’une société agricole intégrant un nouvel associé répondant aux conditions fixées au présent alinéa et détenant au moins 10 % de son capital social.
« Un décret en Conseil d’État précise les produits considérés comme relevant de la même production pour l’application du présent article. Le décret en Conseil d’État ou l’accord interprofessionnel mentionné au I fixe le délai de mise en conformité des contrats en cours à la date de son intervention conclus avec un producteur ayant engagé la production depuis moins de cinq ans.
« Les dispositions relatives à la durée minimale du contrat prévues au premier alinéa du présent II ne sont applicables ni aux produits soumis à accises, ni aux raisins, moûts et vins dont ils résultent. » ;
4° Après l’article L. 631-24-2, tel qu’il résulte du 3° du I présent article, il est inséré un article L. 631-24-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -24 -3. – I. – Les articles L. 631-24 à L. 631-24-2 sont d’ordre public.
« II. – Les articles L. 631-24 à L. 631-24-2 ne sont pas applicables aux relations des sociétés coopératives agricoles mentionnées à l’article L. 521-1 avec leurs associés coopérateurs, non plus qu’aux relations entre les organisations de producteurs et associations d’organisations de producteurs bénéficiant d’un transfert de propriété des produits qu’elles commercialisent et les producteurs membres si leurs statuts, leur règlement intérieur ou des règles ou décisions prévues par ces statuts ou en découlant comportent des dispositions produisant des effets similaires à ceux des clauses mentionnées aux 1° à 6° du II de l’article L. 631-24. Un exemplaire de ces documents est remis aux associés coopérateurs ou aux producteurs membres de l’organisation de producteurs ou de l’association d’organisations de producteurs en cause.
« Lorsque la coopérative, l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs commercialise des produits agricoles dont elle est propriétaire ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles livrés par ses membres, le contrat de vente prend en compte les indicateurs utilisés pour la rémunération des producteurs de ces produits.
« Lorsqu’une entreprise commercialise des produits agricoles ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles livrés dans le cadre d’un contrat d’intégration conclu, au sens des articles L. 326-1 à L. 326-10, entre un producteur agricole et cette entreprise, le contrat de vente prend en compte, le cas échéant, les indicateurs utilisés et mentionnés dans le contrat d’intégration qui les lie.
« III. – Les articles L. 631-24 à L. 631-24-2 ne sont pas applicables aux contrats passés avec les entreprises sucrières par les producteurs de betterave ou de canne à sucre.
« IV
« Les contrats types mentionnés au premier alinéa du présent IV peuvent néanmoins comporter des références aux indicateurs mentionnés à l’article L. 631-24. »
II. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa de l’article L. 665-2 est supprimé ;
2° À la fin du b de l’article L. 932-5 et aux articles L. 952-5 et L. 953-3, la référence : « au I de l’article L. 631-24 » est remplacée par les références : « aux 1° à 7° du II de l’article L. 631-24 ».
III. – Le chapitre Ier du titre IV du livre IV du code de commerce est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l’article L. 441-2-1, la référence : « L. 631-24 » est remplacée par la référence : « L. 631-24-2 » ;
2° À la troisième phrase du sixième alinéa du I de l’article L. 441-6, les mots : « prévu au I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, soit d’un accord interprofessionnel étendu prévu au III du même article L. 631-24 » sont remplacés par les mots : «, soit d’un accord interprofessionnel étendu, prévus à l’article L. 631-24-2 du code rural et de la pêche maritime » ;
3° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article L. 441-10, les mots : « prévu au I de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime, soit d’un accord interprofessionnel étendu en application du III du même article L. 631-24 » sont remplacés par les mots : «, soit d’un accord interprofessionnel étendu, prévus à l’article L. 631-24-2 du code rural et de la pêche maritime ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons évoqué hier, nous attaquons le point important de ce texte, le titre Ier et l’article 1er, celui que vous avez voulu mettre en avant comme l’inversion de la construction du prix.
Permettez-moi tout d’abord de vous dire, monsieur le ministre, que les États généraux de l’alimentation ont globalement été un succès : cette méthode a permis de mobiliser la société civile, les femmes et les hommes qui travaillent dans l’agriculture, le monde politique, ce qui est, me semble-t-il, une bonne chose.
Pour siéger dans cette assemblée depuis dix ans – j’ai pris mon cahier ! –, je puis vous dire que nous en sommes à la troisième loi agricole en huit ans. Trois lois, trois ministres et trois mêmes objectifs : la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, avec Bruno Le Maire, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, avec Stéphane Le Foll, et la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, avec Stéphane Travert.
Trois mêmes objectifs pour ces trois lois : une agriculture de qualité, une agriculture qui rémunère ces paysans et une agriculture qui se modernise.
M. Le Maire disait : « Il faut que les agriculteurs vivent de leur travail », tandis que M. Le Foll affirmait : « Il faut que les agriculteurs vivent du revenu de leur travail », et vous, monsieur le ministre, vous dites qu’il faut que les agriculteurs vivent du revenu de la production de leur travail ! §Espérons que nous y parvenions avec cette loi – j’en serais vraiment ravi.
Il y a deux jours s’est passé un événement très important pour l’agriculture française, que vous n’avez pas évoqué hier, monsieur le ministre, à savoir la signature de contrats en Chine. Cela fait des années que les gouvernements précédents et vous-même y travaillez. Le fait que les Chinois puissent avoir du bœuf français dans leurs assiettes à partir du mois de septembre est une grande victoire diplomatique, une grande victoire économique et, surtout, une grande victoire pour l’élevage français !
Très bien ! sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Enfin, je dirai quelques mots sur l’article 1er. Nous vous faisons confiance, beaucoup de choses ont été essayées, des évolutions ont eu lieu, tout n’a pas fonctionné ; vous proposez une nouvelle méthode, celle de la construction du prix. Alors, je vous dis : banco ! Banco pour faire en sorte que cela fonctionne parce que notre objectif à toutes et à tous est de permettre aux agriculteurs d’avoir plus de revenus et de vivre de leur travail.
Cependant, nous devons rester attentifs au comportement de la grande distribution et des transformateurs : en dépit des bonnes intentions et des mesures contenues dans ce texte, je crains que les uns et les autres n’aient encore les mains libres, mais nous en reparlerons.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant d’intervenir sur l’article, je tiens à abonder dans le sens de la présidente de la commission. J’ajouterai même que l’on ne s’y prendrait pas mieux si l’on voulait que le Parlement dysfonctionne.
Pendant plusieurs mois nous n’avons pas eu à notre ordre du jour de textes importants, et là on les enchaîne, avec le texte Immigration, droit d’asile et intégration la semaine dernière, le texte ÉGALIM cette semaine, puis le projet de loi ÉLAN la suivante. Je le dis, c’est un peu trop. Il faut que le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement lisse mieux dans le temps l’examen des projets de loi.
Pour en revenir au fond, j’abonde aussi dans le sens de l’orateur précédent. Pensez-vous – je le dis comme je le pense ! – que cette loi Agriculture et alimentation répondra à la problématique du revenu paysan ? Vous connaissez les chiffres – je vais vous les rappeler –, en moyenne – même s’il est très compliqué de faire des moyennes –, nous parlons de 15 000 euros de revenus mensuels.
Exclamations.
Je voulais dire « de revenus annuels ». Cela dit, l’objectif est bien celui-là, mes chers collègues…
C’est plus complexe selon les régions : le Sud-Ouest et le Centre sont en situation de déséquilibre parce que la paupérisation y est plus forte. De même, il existe des différences en fonction des secteurs agricoles. Les viticulteurs sont, si je puis dire, un peu mieux lotis que les exploitants laitiers, avec 19 000 euros en moyenne pour les premiers, contre 10 000 euros pour les seconds. Je vous livre un autre chiffre : 20 % des exploitants ne pouvaient pas se verser de salaire et 30 % d’entre eux touchent moins de 350 euros.
Monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu devant la commission des affaires économiques, vous avez dit : on veut un nouveau pacte social. Ce mot est fort !
Or vous avez refusé d’augmenter les retraites agricoles. Il ne faudrait pas qu’il en soit de même pour le revenu paysan ; la montagne ne doit pas accoucher d’une souris. Nos agricultrices et nos agriculteurs attendent cette loi avec impatience.
Enfin, j’ai une dernière interrogation : comment pouvons-nous discuter de ce sujet, alors que, dans le même temps, vous prolongez les politiques libérales en signant des traités de libre-échange - le CETA, le TAFTA, le MERCOSUR -, …
… qui organisent un dumping social et environnemental très fort ? Par exemple, l’Argentine utilise le glyphosate non réglementé ; le Brésil, le soja transgénique, le Mexique, les farines animales, ou encore l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les hormones de croissance.
Alors je vous pose une question simple : est-ce que vous considérez que l’agriculture doit être un bien de l’humanité et qu’elle doit être sortie de ces traités de libre-échange ? C’est là une question essentielle, car c’est le fond du sujet. Nous pourrons ensuite discuter du revenu paysan et d’une autre agriculture, saine et durable.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Joël Labbé et Daniel Chasseing applaudissent également.
Monsieur le président, comme cela vient d’être très bien dit, l’article 1er est au cœur du projet de loi dont nous entamons l’examen. Fait assez rare dans cette assemblée, les orientations et les objectifs annoncés font plutôt consensus : on est tous d’accord sur les objectifs. Tout le monde, même les plus libéraux, reconnaît que la main invisible du marché étrangle nos agriculteurs et qu’il est indispensable d’établir des règles pour les protéger de la concurrence.
Ainsi, comme cela a été rappelé, le Gouvernement poursuit l’œuvre des deux précédents gouvernements en étoffant une nouvelle fois le mécanisme de contractualisation mis en place par la loi de 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sans cesse renforcé depuis lors, sans répondre à la crise structurelle que connaît le monde agricole.
Nous approuvons l’inversion du mode d’établissement des contrats, qui seront désormais proposés par le producteur et non plus par l’acheteur, ce qui constitue une véritable avancée. Dans la même logique, la prise en compte, dans les contrats, d’indicateurs relatifs au coût de production va également dans le bon sens. On regrette néanmoins, comme l’a expliqué Fabien Gay, que la loi ne précise pas la manière de les prendre en compte ni ne détermine d’indicateur unique à même de consolider les contrats. Le projet ne prévoit en fait aucune contrainte pour l’acheteur.
Il est quand même à espérer une légère amélioration de la répartition de la valeur, ce qui redonnera un peu d’air à nos paysans, mais rien n’est moins sûr.
Outre ce manque d’ambition, nous déplorons vivement que ce projet de loi ne s’attaque pas aux véritables problèmes que sont la concurrence exacerbée au sein de l’Union européenne et la multiplication des accords de libre-échange – Fabien Gay vient d’en parler –, qui exposent nos agriculteurs à la concurrence déloyale de denrées alimentaires venant du monde entier et qui sont produites dans des conditions sociales et environnementales souvent douteuses. Cette injustice sociale se double en plus d’une aberration écologique !
Pour protéger les bénéfices à l’export de quelques grands agriculteurs, on continue à exposer les autres à une concurrence délétère, qui entraîne une baisse incessante du prix de revient des agriculteurs et de la qualité de la production.
Aussi, pour permettre aux femmes et aux hommes qui nous nourrissent au prix d’un dur labeur de vivre dignement de leurs productions, il faut changer de logique économique. C’était d’ailleurs l’orientation des amendements tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er, qui visaient à créer une exception agriculturelle, mais qui ont été malheureusement rejetés hier soir. J’ai bien peur que, dans ce contexte commercial, sans une dose de protectionnisme, toutes les mesures prévues à l’article 1er ne suffisent pas à garantir un revenu paysan acceptable.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons tous ici la même volonté d’assurer une rémunération plus juste à nos agriculteurs. C’est cette volonté qui a porté les États généraux de l’alimentation et qui est la finalité principale de ce projet de loi.
La rénovation du cadre contractuel pour le secteur agricole et alimentaire offre une sécurisation des débouchés, de la visibilité aux acteurs et permet, surtout, d’inverser les rapports de force en faveur de nos agriculteurs.
Pour que ce dispositif soit effectif et aboutisse à un partage de la valeur ajoutée plus juste, tous les maillons de la chaîne alimentaire doivent prendre leur responsabilité et se coordonner. Le rôle confié actuellement à l’Observatoire de la formation des prix et des marges permet aux acteurs de déroger à leurs responsabilités. Nous soutiendrons donc les modifications proposées par le Gouvernement, afin que l’OFPM ne soit qu’une aide apportée aux interprofessions dans leur élaboration d’indicateurs et non un palliatif à leur manque de coordination.
Ce projet de loi établit un cadre commun à toutes les filières, ce qui améliorera leurs relations contractuelles. Il ne s’agit donc pas d’établir d’exception pour telle ou telle filière.
Enfin, certains amendements qui nous sont aujourd’hui proposés visent à améliorer le dispositif présenté. Ils prévoient de conserver la liberté contractuelle et permettent de clarifier le rôle de chaque acteur dans la transformation de notre modèle agricole. Nous les soutiendrons donc.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la juste reconnaissance du travail des agriculteurs est au cœur de ce projet de loi et de son titre Ier.
Dans mon département du Gers – j’aurais pu tout aussi bien citer d’autres exemples, l’Aude, notamment –, 109 éleveurs sont en ce moment même injustement victimes de la révision des zones défavorisées. Ils vont perdre d’ici à quelques mois la quasi-totalité de leurs indemnités compensatoires de handicaps naturels, les ICHN, une perte de 1 million d’euros sur un total de 6 millions d’euros pour le département. C’est un drame, et nous ne sommes pas là sur un cas d’école, si j’ose dire, puisque vous entendez – je partage avec vous cet objectif, monsieur le ministre – redonner de la valeur à la production.
À cause de petites régions agricoles découpées il y a soixante ans - comme si les choses n’avaient pas bougé depuis lors ! - les critères de révision de la carte aboutissent à des non-sens : là où l’on a toujours pratiqué de l’élevage, il faut arrêter ; là où l’ICHN forme la totalité ou l’essentiel du revenu de l’éleveur, on l’interrompt !
La répartition de la valeur résulte tout au long de la chaîne de rapports de force, et, avec ce texte, nous allons travailler à ce qu’il en soit autrement. Mais, ici, elle résulte directement des aides publiques, et vous avez, monsieur le ministre, le pouvoir de préserver cette valeur.
Aussi, je vous suggère, avec les éleveurs, d’ajuster leurs droits à paiement de base à la moyenne nationale et d’étudier, par exemple, le classement de ces territoires en zone intermédiaire de type Piémont pour coller à la réalité, tout simplement. Je vous proposerai un amendement en ce sens.
Une nouvelle fois, monsieur le ministre, je vous demande de faire preuve de pragmatisme et – pourquoi ne pas le dire ? – de sensibilité et même d’humanité dans la façon de gérer au mieux, et dans l’esprit de votre texte, la situation de ces éleveurs qui ne demandent qu’à vivre de leur travail et de leur vocation. Je vous invite à venir vous rendre compte par vous-même sur le terrain des caractéristiques de ces territoires – vous y serez bien reçu, et l’évidence s’imposera à vous. En même temps, vous apporterez la considération et le respect que méritent ces agriculteurs éleveurs gersois.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, l’article 1er de ce projet de loi cherche à obtenir un prix équitable de façon que les agriculteurs vivent décemment, tout simplement. Nous le savons tous, l’agriculture française est reconnue dans le monde entier pour sa diversité et son immense qualité, mais, il faut bien le reconnaître, elle est fragilisée par les crises successives – crises climatiques, sanitaires, économiques – ; d’où la nécessité d’intervenir pour, comme le prévoit le titre Ier, un meilleur équilibre des relations commerciales et une agriculture saine et durable.
Avant la discussion de ce texte en séance publique, j’ai rencontré des agriculteurs et les syndicats de mon département : ils espèrent, monsieur le ministre, des retombées positives, même s’ils reconnaissent des difficultés d’application.
Bien sûr, l’inversion du processus du prix payé aux agriculteurs est théoriquement positive. Mais il faut savoir ou avoir conscience qu’un agriculteur est obligé de vendre son produit dès qu’il est prêt à la consommation, tout simplement parce qu’il ne peut pas le conserver indéfiniment. Par conséquent, peu importe le prix, il doit s’en séparer.
Les agriculteurs espèrent que cette loi permettra de prendre en compte le coût de la production ; c’est acté dans l’article 1er. C’est une avancée importante, puisque les prix de vente de leur production n’étaient pas jusqu’à présent construits à partir de ce coût. Il est évidemment nécessaire d’encadrer les promotions et de fixer un seuil de revente à perte afin d’éviter la course aux prix bas et de toujours payer le prix le moins élevé au producteur.
Mais le doute et la difficulté résident dans le fait que l’agriculture est mondiale. Et il faudra bien sûr contrôler les grandes surfaces. C’est un premier pas. Vous devez, monsieur le ministre, interdire, en plus, l’importation de produits ayant subi des traitements proscrits en France et en Europe ; harmoniser la politique européenne en matière de normes et de charges ; effacer la crainte que suscite l’accord avec le MERCOSUR et, bien sûr, maintenir la politique agricole commune, la PAC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous l’avons évoqué hier et comme l’a rappelé notre collègue Fabien Gay à l’instant, le risque est grand que la montagne qu’est cette loi ÉGALIM n’accouche d’une souris, ou, mieux peut-être, d’un gros rat !
Les États généraux de l’alimentation ont été prolixes et ont suscité un certain espoir, mais le résultat est en grande partie décevant.
Le contexte européen, nous le connaissons, puisque la Commission européenne envisage très ouvertement une baisse du budget de la PAC. Nous sommes très vigilants, ici, au Sénat, et nous enjoignons à nos dirigeants de préserver la politique agricole commune, lors du Conseil européen de demain et vendredi, cette PAC qui est la politique la plus ancienne et la plus intégrée de l’Union, alors même que notre agriculture doit faire face à de nouveaux défis en matière de souveraineté, de sécurité alimentaire, de performance, de durabilité.
Le financement de la PAC doit non seulement garantir notre souveraineté alimentaire, mais aussi assurer une juste rémunération de ses acteurs, à commencer par les producteurs. Or la baisse du budget de la PAC se traduira, demain, par une nouvelle baisse du revenu des agriculteurs, nous le savons. C’est une lourde responsabilité, monsieur le ministre, alors que leurs revenus ne cessent déjà de s’effondrer, à tel point qu’ils ont atteint, pour certains, un niveau indécent.
L’article 1er, et les suivants, en traitant de la contractualisation, doit impérativement permettre une juste redistribution des marges entre les producteurs, les transformateurs et les distributeurs. Le fait même que l’on doive légiférer une nouvelle fois, cela a été dit, montre bien que les relations entre les professionnels sont aujourd’hui déséquilibrées. Les victimes de ce déséquilibre sont nos producteurs et nos éleveurs, alors que ce sont précisément eux qui nous nourrissent !
Je rappelle que, selon le dernier rapport de l’Observatoire de la formation des prix et des marges remis le 19 juin, « les prix payés aux agriculteurs ont été à nouveau inférieurs à la réalité des coûts de production et n’ont pas couvert la rémunération du travail et du capital, et cela même en tenant compte des aides européennes ». La grande distribution continue, quant à elle, à conforter ses marges : cherchez l’erreur !
Ce télescopage d’informations et de rendez-vous européens dans notre actualité doit stimuler nos débats dans le cadre de ce texte, mes chers collègues.
En inversant le mécanisme de construction des prix, en intégrant le coût des produits agricoles, il y a nécessité de revaloriser de manière concrète et significative le revenu de nos agriculteurs. Cependant, il faudra que l’État se donne les moyens de faire respecter ce nouveau cadre commercial.
Pour conclure, je veux évoquer le secteur du sucre, moi qui représente ici le premier département sucrier, secteur dont le régime des quotas a pris fin en 2017 et pour lequel on constate une forte plongée des cours, comme ce fut le cas pour le secteur laitier en 2015. À cet égard, j’ai déposé un amendement tendant à renforcer la contractualisation au sein de cette filière, notamment en affermissant le rôle de l’interprofession, dans le strict respect du droit de la concurrence, assurant ainsi aux producteurs les mêmes garanties qu’aux autres agriculteurs.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par les mécanismes qu’il propose, l’article 1er est l’un des axes forts du projet de loi visant à rééquilibrer les relations commerciales entre les producteurs et les acheteurs. Il enrichit la contractualisation, amorcée depuis la loi de 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et déjà renforcée depuis lors, comme cela a été rappelé.
Rendre l’initiative du contrat au producteur et construire le prix autour d’indicateurs prenant en compte, notamment, les coûts pertinents de la production agricole permettra – je l’espère, nous l’espérons tous – un meilleur partage de la valeur.
À ce stade des discussions, le dispositif est plus équilibré qu’il ne l’était dans le projet de loi initial.
L’Assemblée nationale a transféré l’émission des indicateurs aux interprofessions. La liberté qui était laissée aux parties de choisir leurs propres indicateurs n’était pas, à l’évidence, de nature à garantir des négociations sereines. Le groupe du RDSE proposera d’aller plus loin, avec l’intervention de l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
Quelle que soit la voie qui sera retenue, il n’est plus admissible que les producteurs vendent en dessous des coûts de production. Aucun autre acteur économique n’accepterait de le faire ! Beaucoup d’agriculteurs ont assez souffert de la volatilité des prix et d’un rapport de force trop favorable aux centrales d’achat. Lors de la crise du lait, en 2015, dans les territoires ruraux, tous ici nous avons croisé le regard d’agriculteurs en situation de détresse, abandonnant leur exploitation, pour ne pas parler du pire.
L’année dernière, le Premier ministre a conclu les États généraux de l’alimentation en souhaitant « non des compromis, mais des solutions durables ».
Monsieur le ministre, il est en effet temps de tout mettre en œuvre pour garantir aux exploitants des solutions pérennes afin que, tout simplement, ils vivent décemment de leur travail.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux à l’avoir rappelé dans cet hémicycle, la situation que connaissent beaucoup d’agriculteurs est aujourd’hui absolument intenable et insoutenable : un tiers des agriculteurs auraient, on l’a dit, un revenu mensuel de moins de 350 euros, et on a évoqué les suicides au sein du monde agricole, dans le silence.
L’article 1er prévoit des mesures visant à modifier le cadre applicable aux contrats : si celles-ci vont dans le bon sens, elles ne seront néanmoins pas suffisantes pour assurer l’équilibre des relations commerciales. Je proposerai plusieurs amendements pour aller plus loin, notamment en vue de garantir que les indicateurs utilisés pour la formation des prix soient clairs, accessibles, transparents, équilibrés et prennent réellement en compte les coûts de production. Mais, nous le savons tous, ces mesures, même renforcées, ne seront pas suffisantes pour garantir une juste rémunération aux agriculteurs.
Notre système ultralibéral, il faut le dire, fait que nous sommes limités tout à la fois par le droit international et par le droit européen, pour favoriser les prix à la production.
La loi de 2008 de modernisation de l’économie, issue du rapport pour la libération de la croissance française, a conduit à la dérégulation.
La libéralisation complète des marchés, souhaitée par les gouvernements de l’époque, en cogestion avec le syndicat majoritaire, nous amène aujourd’hui à la situation catastrophique que nous connaissons.
Je continuerai à le rappeler dans cet hémicycle, à l’heure du CETA et des autres traités internationaux, il est plus que nécessaire que les produits alimentaires soient sortis, dans notre intérêt, des accords avec les autres pays du monde, notamment des pays du Sud, des accords de libre-échange et des logiques de dérégulation des marchés.
Je souhaite aussi, avant d’entamer la discussion du titre Ier, préciser que je m’inscris en faux contre la présentation faite par certains, qui ne voient pas d’autre partie dans ce texte susceptible de concerner le revenu des agriculteurs. Le titre II serait alors une simple réponse aux demandes du reste de la société et ne serait constitué que de contraintes pour des agriculteurs déjà à bout de souffle. Cette lecture est trompeuse. La promotion d’une alimentation durable via la relocalisation des productions, la sortie des pesticides, sont, elles aussi, autant de moyens pour nos agriculteurs de trouver des revenus.
Ce n’est pas en tentant de regagner des parts de marché dans la compétition mondiale et en fonçant tête baissée dans la course au moins-disant social et environnemental que l’on retrouvera du revenu. C’est au contraire en développant la valeur ajoutée, la qualité et les circuits de proximité que l’on pourra assurer une transition de l’agriculture qui bénéficiera à la fois aux producteurs et à la société tout entière, sans oublier les générations futures.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture est un secteur stratégique pour notre pays et pour nos territoires ruraux.
Avec 450 000 exploitations agricoles et 2 millions d’emplois directs, la France agricole permet notre souveraineté alimentaire. En outre, notre agriculture s’exporte partout dans le monde.
Pourtant, elle est soumise à trop de charges, trop de normes, trop de contrôles. Bien plus, nos agriculteurs ne sont pas suffisamment payés de leur travail. Ils attendent des solutions concrètes et pérennes depuis longtemps déjà – je l’entends régulièrement sur le terrain dans mon département, la Mayenne.
Les États généraux de l’alimentation ont créé des espoirs de rémunérations plus justes. Cela devrait être notre préoccupation première. Pourtant, le projet de loi n’a pas été fidèle à cet objectif : à l’origine davantage alimentaire qu’agricole, le texte remodelé par le Sénat revient à l’essentiel, à savoir permettre aux agriculteurs de vivre décemment de leur travail, réduire leurs charges et leurs contraintes, promouvoir les productions locales de qualité.
Ainsi, on relève plusieurs avancées visant notamment à rééquilibrer les rapports de force dans les relations commerciales, à mieux partager la valeur ajoutée, à supprimer les surcoûts de charges et de contraintes pour les agriculteurs qui ont été introduits lors des débats à l’Assemblée nationale, à stopper la transposition des directives européennes.
J’insiste sur la nécessité de soumettre les produits importés aux mêmes contraintes que les produits français. Exiger une réelle réciprocité des normes de production témoigne du bon sens.
Le texte initial était une forte déception. Le Sénat est mobilisé pour répondre aux grandes attentes des agriculteurs. Souhaitons que le débat soit l’occasion de relever ce défi.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au début de l’examen de ce projet de loi, il faut rappeler ce que l’agriculture française représente à l’échelon européen et à l’échelon mondial. Elle représente à peine 1 % de l’espace agricole mondial, mais 20 % de l’espace agricole européen, soit environ 28 à 29 millions d’hectares sur 140 millions d’hectares.
Quand nous parlons du revenu des agriculteurs, il faut prendre en compte la mondialisation, l’Organisation mondiale du commerce. Des négociations sont en cours avec le MERCOSUR : si, comme je viens de le rappeler, la France compte 28 à 29 millions d’hectares de terres agricoles, le Brésil en compte 300 millions et les États-Unis 375 millions. Si les Chinois recherchent des terres en France, c’est parce qu’ils ne disposent que de 140 millions d’hectares de terres agricoles pour 1, 4 milliard d’habitants. Nous avons, en France, à peu près un demi-hectare de terres agricoles par habitant. Actuellement, le contexte est tel que les agriculteurs ne vivent plus de leurs produits.
Joël Labbé a soulevé tout à l’heure la question du revenu des agriculteurs – pour une fois, je suis d’accord avec lui
M. Joël Labbé s ’ exclame.
J’ai les statistiques des centres de gestion des exploitations agricoles : les revenus annuels peuvent osciller entre 10 000 et 15 000 euros par unité travailleur. Aucune autre profession en France ne peut accepter cette situation ! Aucune activité économique ne peut tenir dans ces conditions ! Il faut que les agriculteurs aient un revenu décent.
Nous assistons même à des dépôts de bilan des exploitants agricoles, à des ruptures familiales, voire à des suicides. Dans le département dont je suis l’élu, la Saône-et-Loire, l’an passé, onze jeunes se sont suicidés. Ce sont autant de disparitions pour nos territoires.
Je le répète, l’agriculture en France couvre 50 % de notre territoire. Si nous, sénateurs, nous ne la défendons pas, l’espace rural se transformera en friche ! J’ose espérer que ceux qui sont contre le glyphosate prendront de petits sarcloirs pour entretenir la nature…
L’examen de ce projet de loi est l’occasion pour nous de défendre le revenu des agriculteurs. Je compte beaucoup sur la contractualisation. Nous l’avions déjà évoquée avec Bruno Le Maire, lors d’un précédent texte : il faut la renforcer pour dégager un revenu pour nos agriculteurs de demain, si nous voulons que des jeunes s’installent.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons s’appuie sur deux piliers extrêmement importants, qui répondent à de vrais enjeux : des enjeux de société, mais aussi des enjeux de territoire.
Le premier pilier, c’est garantir un revenu décent aux agriculteurs. Dans certaines régions, il y va de l’avenir même de l’agriculture ; or, je le rappelle, l’agriculture, c’est la nourriture des hommes. Elle concerne aussi l’aménagement du territoire. Je suis élu d’un département rural où l’activité agricole assure la vie au quotidien des communes rurales.
Ce texte porte donc sur des sujets déterminants et de véritables enjeux de société et d’aménagement du territoire.
En réalité, puisqu’ils ont le produit, les producteurs devraient détenir la clef. Malgré cela, on sait très bien que, dans les négociations, le poids des différents maillons de la chaîne est tel que ce sont toujours eux les grands perdants des contractualisations.
Le second pilier, il ne faut pas l’oublier – je rejoins ce qu’a dit Joël Labbé –, c’est fournir une alimentation de qualité à nos concitoyens, aux consommateurs et inverser la tendance des dernières décennies qui porte toujours plus atteinte à la santé publique.
Je pense vraiment que ce texte peut redonner confiance aux agriculteurs et aux territoires – je le répète, l’avenir, la survie même de certains territoires sont en jeu – et redonner confiance aux consommateurs.
Toutefois, comme l’a très bien rappelé Didier Guillaume dans son intervention, il ne faut pas que ce projet de loi soit le énième texte qui fixe des objectifs et des orientations sur lesquels nous sommes tous d’accord, mais qui ne se traduisent pas par des mesures concrètes sur le terrain.
Il faut donc que nous gravions dans le marbre de la loi les mesures qui nous assureront que ces objectifs seront atteints et que l’esprit de ces dispositions ne pourra pas être détourné au fil du temps.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Arnaud de Belenet applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour faire ce constat : l’agriculture est dans une impasse. Nos divergences apparaissent sur les moyens et outils à mettre en place pour redonner une agriculture dynamique à notre pays.
Monsieur le ministre, tout au long de ces débats, je serai attentif à la cohérence de nos propos et à celle de vos réponses. Lorsque vous avez été auditionné par la commission des affaires économiques, je vous ai demandé si vous étiez prêt à modifier votre texte à la suite de nos discussions. Je commence déjà à avoir quelques craintes !
M. Mathieu Darnaud rit.
Hier, lorsqu’il était question d’exceptions agriculturelles, vous avez très clairement répondu que, pour vous, l’agriculture française n’était pas une exception. Nous ne sommes pas du même avis.
Monsieur le ministre, vous avez, comme d’autres, relevé que, depuis 1992, l’agriculture française reposait sur deux piliers : l’environnement et la production. Faisons attention à ne pas opposer les deux, à ne pas opposer les professionnels et les réflexions sociétales – je l’ai évoqué ce matin en commission. Nous devons vraiment travailler ensemble.
Si nous voulons parvenir à un projet de loi qui sorte l’agriculture française de cette impasse – nous pouvons tous citer des cas dramatiques de suicides dans nos départements –, il faut faire la synthèse du premier et du second pilier, selon les termes mêmes de la PAC.
Monsieur le ministre, j’appelle également votre attention sur la cohérence avec les accords de libre-échange, comme le CETA ou le TAFTA. Comment peut-on soutenir l’élevage français quand on permet, à la suite des accords avec le MERCOSUR, de faire entrer de la viande brésilienne dans notre pays ?
M. Jean-Claude Tissot. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de ce débat.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profite de l’examen de l’article 1er pour fixer le cadre. Comme l’a souligné le rapporteur, le revenu d’un agriculteur n’est pas uniquement constitué du prix payé de son produit ; il dépend aussi de l’augmentation des charges et de tout autre impact négatif que celles-ci subiront et qui diminueront son revenu.
Je regrette que le titre Ier traite seulement des relations commerciales et non de la problématique des charges. En fait, ce n’est pas un projet de loi agricole que nous examinons, c’est un texte qui, une fois de plus, réglementera les relations commerciales.
Ce texte oublie aussi des pratiques qui, malheureusement, sont aujourd’hui scellées dans le marbre, voire irrévocables : la France est le seul pays au monde à avoir centralisé la totalité de ce qui peut être acheté en un si petit nombre de centrales d’achat. Aujourd’hui, monsieur le ministre, il existe trois centrales d’achat, contre sept sous le gouvernement précédent. Vous aviez accepté que ce nombre passe à quatre, mais, dernièrement, vous avez admis qu’il s’établisse à trois.
En France, 13 000 fournisseurs sont obligés de passer par un goulot d’étranglement de trois centrales d’achat.
Qu’y changera ce texte ? Rien du tout !
On nous explique que des limites seront fixées à ces pratiques commerciales, mais on sait pertinemment que ces trois centrales d’achat ont des pratiques quasi mafieuses !
Exclamations sur diverses travées.
Par ailleurs, monsieur le ministre, en raison de la politique de forte augmentation des prélèvements sur nos revenus que mène le Gouvernement, la variable d’ajustement est depuis des décennies le pouvoir d’achat. Si l’on veut continuer de prélever autant d’impôt, il faut bien maintenir une certaine forme de capacité de pouvoir d’achat. On en revient à ce système où le seul bon partage de la valeur, c’est de créer celle-ci avant de la partager. Or comment partager la valeur que l’on n’a pas ?
Aujourd’hui, le système est tel que, même si l’on contraint les Leclerc et autres, il n’y a presque plus de valeur, car on est arrivé au plus bas du prix. Par conséquent, pour redonner des revenus aux agriculteurs, la seule solution consiste à accepter une augmentation des prix. Mais cela, monsieur le ministre, vous n’êtes pas prêt à l’entendre : sans cesse, vous augmentez les impôts et, ce faisant, votre marge de manœuvre ne cesse de se réduire. Sur ce sujet, je ne vois pas quelles évolutions ce texte apportera.
Enfin, dernier élément, …
Mon cher collègue, je ne peux pas vous laisser poursuivre.
J’accepte que les orateurs dépassent leur temps de parole d’une dizaine de secondes, mais pas de trente secondes, comme vous venez de le faire !
Je rappelle que nous n’avons pas encore commencé la discussion des amendements à l’article 1er !
L’amendement n° 714, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5, première phrase
1° Après le mot :
précédée
insérer les mots :
, pour les secteurs dans lesquels la contractualisation est rendue obligatoire en application de l’article L. 631-24-2,
2° Après les mots :
conclusion et
insérer les mots :
, dans tous les cas,
La parole est à M. le ministre.
J’aurai l’occasion de répondre à chacune des interrogations qui ont été soulevées au cours du débat. Un point, cependant : j’ai beaucoup trop de respect pour le débat parlementaire pour faire des raccourcis comme d’autres ont pu en faire. J’ignore si ce projet de loi accouchera, comme cela a été dit, d’une souris ou d’un rat. En tout cas, c’est du revenu des agriculteurs et de la qualité alimentaire que nous offrirons aux Françaises et aux Français que je veux m’occuper.
Nous attendons des agriculteurs qu’ils fassent des efforts.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Stéphane Travert, ministre. Ces efforts, ils les font. Nous leur demandons beaucoup. Nous sommes ici pour leur donner un cadre et des outils dont ils doivent se saisir pour répondre aux attentes sociétales et aux attentes de nos consommateurs.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez assurés que je considère qu’il s’agit bel et bien d’un projet de loi agricole, qui vise, notamment dans son titre Ier, à fixer les nécessaires conditions pour restituer aux agriculteurs leur revenu, c’est-à-dire à déterminer la façon de répartir la valeur entre les producteurs, les distributeurs et les transformateurs avec les outils que nous proposons. En effet, c’est cette valeur qui permettra demain d’avoir des exploitations plus compétitives, d’investir et d’innover au service d’une agriculture plus durable et plus résiliente.
Cela n’empêche pas de défendre l’image de notre agriculture. Certains d’entre vous ont parlé des traités internationaux. Nous sommes bien évidemment très attentifs à ces mesures sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir, lors de l’examen du titre II, par exemple en évoquant les questions d’étiquetage, ce qui me permettra de rappeler ce qui a été fait.
M. Didier Guillaume l’a souligné : nous devons nous féliciter – et vous aussi, monsieur Duplomb – de la réouverture du marché chinois à la viande bovine, avec un quota d’environ 30 000 tonnes la première année. C’est une bonne nouvelle pour nos filières d’élevage et notre filière bovine. Nous pourrons d’ailleurs accentuer cette tendance grâce aux dispositions relatives à la restauration collective prévues au titre II qui pourront offrir de nouveaux débouchés commerciaux, lesquels dégageront du revenu complémentaire à notre agriculture.
J’en viens à l’amendement n° 714.
Dans les secteurs qui ont déjà ancré dans leurs usages la contractualisation et pour lesquels la contractualisation écrite a été rendue obligatoire par décret ou par accord interprofessionnel – c’est le cas du secteur du lait de vache –, je comprends l’intention et l’importance d’une contrainte forte qui exclut tout contournement de l’accord-cadre par l’acheteur.
En revanche, dans les secteurs où la contractualisation écrite n’est pas obligatoire et pour lesquels tant les plans de filières que le projet de loi font mention d’une ambition de développer la contractualisation, de développer les organisations de producteurs, en donnant à ces dernières plus de pouvoir et de force pour mieux négocier avec les distributeurs et les transformateurs, il convient d’adopter une approche pragmatique.
Aujourd’hui, dans le secteur de la viande bovine, on ne compte que 2 % de contractualisation. Je suis persuadé que parvenir à augmenter les taux de contractualisation, notamment dans cette filière, donnera des résultats.
Il nous faut préserver la possibilité pour le producteur de signer un contrat individuel dans le cadre d’une négociation avec un acheteur, si l’organisation de producteurs, une OP, à laquelle il appartient, pour une raison ou pour une autre, est en situation d’échec. À défaut, les producteurs seront incités à ne pas se réunir en OP pour éviter tout risque de situation de blocage, ce qui les empêchera, par la suite, de vendre leur production ou les incitera à s’affranchir d’un contrat écrit, ce qui n’est pas ce que nous voulons. Nous souhaitons ce contrat.
En tout état de cause, dès qu’un accord-cadre est signé par l’OP ou l’AOP, l’association d’organisations de producteurs, tout contrat individuel doit le respecter.
C’est pourquoi cet amendement vise à ajuster la rédaction de l’alinéa 5 de l’article 1er.
M. le président. Monsieur le ministre, certes, votre temps de parole n’est pas limité, mais la discussion de ce texte vient à peine de commencer…
Sourires.
M. Stéphane Travert, ministre. Vous avez raison, monsieur le président !
Nouveaux sourires.
Monsieur le ministre, nous sommes prêts à reconnaître qu’il y a des demandes sociétales nouvelles qui évoluent en permanence. Toutefois, nous devons réaffirmer tout au long de ce débat que, aujourd’hui, les agriculteurs produisent une alimentation saine et que, pour ce faire, ils contractualisent au mieux, par le biais de leurs organisations de producteurs.
En cas de blocage des négociations, si certaines organisations de producteurs sont déjà habituées à contractualiser – pour certaines même, c’est obligatoire, principalement dans la filière du lait –, pour les secteurs où la contractualisation n’est encore pas fréquente, par exemple la filière bovine, l’adoption de cet amendement donnera de la souplesse.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Michel Raison, rapporteur. Ce ne sera pas tout le temps comme cela !
Sourires.
M. Laurent Duplomb. Monsieur le président, je profite des deux minutes de temps de parole qui me sont accordées en explication de vote sur cet amendement pour terminer mon intervention sur l’article !
Nouveaux sourires.
À la problématique du pouvoir d’achat s’ajoute celle de la PAC. Un peu d’histoire : la PAC a été créée pour faire face aux problématiques liées à l’augmentation des prix. En d’autres termes, on a donné aux agriculteurs des aides pour éviter que les prix n’augmentent. Ainsi, un producteur de lait – comme moi ou comme d’autres qui sont dans cet hémicycle – a, depuis 25 ans, vu le prix du lait stagner : voilà 25 ans, le litre coûtait 2 francs, contre 300 euros la tonne aujourd’hui.
Le problème, c’est que les aides de la PAC se sont sans cesse accompagnées de contraintes supplémentaires. Or, je le répète, l’idée de la PAC, c’était de compenser, en quelque sorte, le pouvoir d’achat, c’est-à-dire de faire en sorte que le pouvoir d’achat de tous les Français consacré à l’alimentation baisse, passant de 40 % à 10 % ou 12 % aujourd’hui.
À chaque fois que des contraintes s’ajoutent, par exemple le verdissement, la charge pour les agriculteurs s’alourdit. Or, quoi qu’en dise Joël Labbé, ce projet de loi, notamment au titre II, ne prévoit quasiment que des contraintes supplémentaires !
Parallèlement, le budget de la PAC n’augmente pas. Et vous avez même milité pour sa diminution, …
… même si vous nous dites l’inverse, monsieur le ministre. Autrement dit, on aura encore moins de compensation liée au prix et en termes de pouvoir d’achat, mais on aura encore plus de contraintes supplémentaires.
Continuons ainsi et nous achèterons la totalité de notre alimentation à l’étranger, nos paysages disparaîtront et nous pourrons dire que le milieu agricole existait voilà encore quelques années, mais n’existe plus aujourd’hui !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, nous sommes un peu réservés sur votre amendement.
L’article 1er a pour objet de donner davantage de responsabilités aux organisations de producteurs pour qu’elles puissent avoir les moyens de négocier.
Cet amendement vise à préserver la possibilité pour un producteur de signer un contrat. Nombre de mes collègues ont souligné la difficulté des négociations entre des structures qui sont très organisées et qui se comptent sur les doigts d’une main et des organisations professionnelles nombreuses, qui n’ont pas toujours les compétences pour négocier. Si un agriculteur seul se lance dans la négociation, je crains qu’il ne fasse pas le poids face à des interlocuteurs qui ont les moyens de négocier et de serrer encore davantage la corde qui le lie.
Pour ma part, je fais mienne la philosophie générale de ce dispositif, mais, dans ces contrats types, il est question des « modalités de détermination […] du prix ». Je comprends bien le rôle des interprofessions, mais, si l’on veut prendre en compte les coûts de production, ceux qui déterminent les prix, ce sont les centres de gestion ! Eux seuls peuvent donner des bilans de l’année précédente pour avoir des indices ou des indicateurs. On le voit bien avec le fermage !
Pour moi, les interprofessions sont incontournables dans la mesure où elles sont les signataires. Pour avoir des références fiables, il faut se fier aux comptabilités des exploitations agricoles.
J’appelle votre attention sur le fait qu’il faut confier ce travail à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires. Les références nationales sont données aux ministères par les centres de gestion ; c’est par les interprofessions des agriculteurs que vous pourrez déterminer les prix puisque cela prendra en compte les coûts de production.
Je m’interroge moi aussi sur le sens de cet amendement.
Le premier maillon de la chaîne, ce sont les OP et les AOP. J’ai peur que, avec cette disposition, monsieur le ministre, vous ne leur coupiez l’herbe sous le pied ! L’adoption de cet amendement aura en effet pour conséquence d’affaiblir le rôle des OP dans l’élaboration du coût, puisqu’un seul agriculteur sera en mesure de fixer lui-même le prix.
Tout cela témoigne d’une certaine incohérence. C’est pourquoi je milite pour un renforcement du rôle des OP et des AOP dans la fixation du prix. Je défendrai d’ailleurs deux amendements en ce sens.
Je souhaite apporter une précision. Le producteur reste lié à son OP pour la durée du mandat qu’il lui confie. Il n’y a pas de problème de ce point de vue.
C’est d’ailleurs l’objectif de ce texte : nous souhaitons que le producteur puisse donner ce pouvoir de négociation à une OP ou une AOP, afin que celle-ci soit la plus forte possible pour négocier avec un transformateur ou un distributeur. Toutefois, si la négociation bloque – cela arrive parfois –, le producteur, qui a individuellement un débouché commercial sur un objectif précis, se voit entravé par le mandat qu’il a confié à son OP dans sa capacité à pouvoir livrer ailleurs une partie de sa production.
Nous souhaitons lui offrir la souplesse de bénéficier du mandat qu’il donne à son OP, mais, en cas de blocage, de pouvoir conclure un marché dans les meilleures conditions si cela lui permet d’avoir des débouchés commerciaux et de gagner sa vie.
Par conséquent, avec cet amendement, on ne revient pas à la situation où le producteur serait seul face à un très grand transformateur ou un très grand distributeur. Il a déjà le marché. Il s’agit de lui donner de la souplesse pour pouvoir livrer son client, tout en conservant le contrat qui le lie à l’organisation de producteurs à laquelle il appartient, organisation qui doit trouver les moyens avec l’Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires et FranceAgriMer de définir les conditions de vente.
Cet amendement est très important. À l’Assemblée nationale, c’est le groupe La République En Marche qui a supprimé cette disposition, alors qu’elle figurait dans le texte initial. Pourquoi en a-t-il été ainsi ? En raison des craintes et des arguments qui viennent d’être avancés par Claude Bérit-Débat ou Henri Cabanel.
Au regard des explications que vient d’avancer M. le ministre, je pense au contraire que ce dispositif est un plus, et non un moins. En effet, la négociation globale fixe les prix, mais, si un agriculteur est en difficulté, pour éviter qu’il ne quitte son OP, il peut discuter directement.
Que le ministre veuille revenir à la rédaction initiale du texte, à rebours du choix de la majorité de l’Assemblée nationale, me semble une bonne chose, car cela donne un peu de souplesse.
C’est la raison pour laquelle, à la suite du rapporteur, je suis favorable à cet amendement et appelle à son adoption.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 42, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
« … – Les organisations interprofessionnelles reconnues organisent chaque année, pour chaque production agricole, une conférence sur les prix rassemblant producteurs, fournisseurs et distributeurs ainsi que le ministère chargé de l’agriculture et de l’alimentation.
« L’ensemble des syndicats agricoles sont conviés à y participer.
« Cette conférence donne lieu à une négociation interprofessionnelle sur les prix, destinée à trouver un accord sur un niveau plancher de prix d’achat aux producteurs pour chaque production agricole, et tenant compte notamment de l’évolution des coûts de production, du système de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production.
« Le niveau plancher de prix d’achat se base sur les indicateurs fournis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
« À l’issue des négociations, le ministère chargé de l’agriculture et de l’alimentation fixe les différents prix planchers.
« Les établissements mentionnés aux articles L. 621-1 et L. 696-1 du présent code sont, respectivement, chargés de la mise en application et du respect par l’ensemble des opérateurs, au sein de chaque filière, du prix plancher d’achat fixé annuellement.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Nous ne sortirons pas de la crise structurelle dans laquelle se trouve notre agriculture par le biais de réponses ponctuelles ou de mesures à la marge. Cela fait de trop nombreuses années que des projets ou propositions de loi sont débattus et adoptés sans que rien ne change ! Il n’est qu’à se rappeler les interventions précédentes.
Il est nécessaire de remettre en cause la domination sans partage sur la valeur ajoutée au sein des filières de la grande distribution. Il faut mettre un terme à la déréglementation des relations commerciales et remettre en cause le principe même de libre négociation des conditions générales de vente qui a affaibli les producteurs dans les négociations.
Lors des États généraux de l’agriculture, ce constat a été unanimement reconnu : si l’on veut sauver l’agriculture française, l’amener vers plus de qualitatif, il faut des prix minimaux garantis. On a besoin dans ce pays de régulation, et cela fait environ trente ans que l’agriculture est la variable d’ajustement à la guerre des prix.
Tel sera l’objet de l’ensemble de nos amendements déposés sur cet article : décliner au maximum la nécessité d’une intervention publique.
Cela fait des années que nous prônons la nécessité d’instaurer des prix planchers d’achat aux producteurs pour chaque production agricole, en tenant notamment compte de l’évolution des coûts de production, du système de production et des revenus agricoles sur chaque bassin de production.
Ces prix planchers doivent être déterminés par l’État, à partir des indicateurs fixés par l’Observatoire de formation des prix et des marges des produits alimentaires et à l’issue de négociations interprofessionnelles annuelles.
L’État doit reprendre une place centrale dans le processus de négociations commerciales en garantissant un prix de vente plancher aux producteurs. Comme je l’ai dit hier, nous avons besoin que l’État intervienne, garantisse ces négociations commerciales ; sans cela, la loi du marché, qui fragilisera toujours le plus faible, s’imposera.
Donc, oui, nous avons besoin d’une intervention de la puissance publique pour permettre un rééquilibrage des relations commerciales dans le monde agricole.
Cela permettra, par exemple, de contrer la grande distribution, qui organise une politique active d’importation et de promotion en fonction de l’arrivée des productions françaises sur les marchés, pour faire pression à la baisse sur les prix d’achat.
J’en termine – et je ne ferai pas d’explication de vote, monsieur le président – : chaque été, l’exemple le plus remarquable de cette stratégie concerne les fruits et légumes. Les producteurs sont alors contraints d’écouler leur production auprès de la grande distribution à des prix inférieurs au coût de production.
Vous aurez tout le temps d’expliquer votre vote si vous le souhaitez, madame Cukierman. Essayons de respecter les règles établies.
Quel est l’avis de la commission ?
Cet amendement est satisfait, pourrai-je dire, mais très partiellement. En effet, il existe déjà une conférence annuelle de filière, prévue dans le code rural.
En revanche, il me semble un peu délicat de demander au ministre de fixer les prix. Je ne suis pas certain qu’il soit d’accord !
En outre, et surtout, le fait que FranceAgriMer soit dans le coup, si je puis dire, et que les agriculteurs s’organisent pour fixer un prix plancher est tout à fait contraire au droit européen.
C’est la raison essentielle pour laquelle l’avis de la commission est défavorable.
Pour les raisons que vient d’indiquer M. le rapporteur, l’avis du Gouvernement est également défavorable. J’ajouterai que les prix planchers deviennent souvent des prix plafonds. Pour ma part, je crois à la négociation, à la concertation pour obtenir encore de meilleurs prix dans le futur.
Les cas sont nombreux, dans d’autres secteurs, où l’on fixe des prix planchers. Et ceux-ci deviennent des prix plafonds, que l’on ne parvient plus à dépasser. Il me semble que, à travers la discussion et la négociation, les producteurs ont la capacité de négocier de meilleurs tarifs.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de onze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 302 rectifié est présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains, MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Vanlerenberghe, Longeot, Mizzon et Kern, Mme Sollogoub et MM. Canevet, Le Nay et D. Dubois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux modalités précises de prise en compte des coûts de production dans la détermination du prix. La prépondérance de cet indicateur doit être effective pour garantir une rémunération équitable du producteur ;
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 44.
Je sais que l’on dira probablement, à propos de nos amendements, qu’ils sont satisfaits, partiellement ou pas, et que nous demandons une intervention trop forte de l’État, mais je veux tout de même insister sur le fond. Il s’agit, ici, de revenir aux fondamentaux des États généraux de l’alimentation qui n’étaient autres que de redonner un revenu aux paysans !
La prise en compte des coûts de production est une nécessité, car le prix doit réellement être déterminé en fonction de cela. J’insiste sur ce point : s’appuyer en priorité sur cet indicateur doit être la norme, si nous voulons que nos agriculteurs puissent vivre de leur activité.
Les diverses études sur le sujet le montrent. Je prendrai pour exemple les données pour l’année 2017 collectées par l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, lequel nous indique : « les prix payés aux agriculteurs ont été à nouveau inférieurs à la réalité des coûts de production et n’ont pas couvert la rémunération du travail ni du capital, et cela même en tenant compte des aides européennes ».
La question du juste prix est donc centrale, car elle conditionne l’existence d’une rémunération pour nos agriculteurs.
J’ajouterai que cette rémunération du producteur doit être assurée par un dispositif de contractualisation, permettant de rééquilibrer les relations commerciales entre producteurs agricoles et acheteurs. Si nous n’aboutissons pas à un accord sur ce sujet, alors la future loi pourra être considérée comme un simple « enfumage » !
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 302 rectifié.
Nous l’avons dit, les uns et les autres, dans nos propos introductifs, l’enjeu du texte que nous examinons aujourd’hui est, non pas de nous mettre d’accord sur des objectifs – nous sommes très majoritairement d’accord sur ceux que le projet de loi vise –, mais de pouvoir inscrire dans la loi des mesures concrètes, garantissant que les orientations retenues soient réellement respectées sur le terrain.
Cet amendement vise donc à introduire une clause supplémentaire dans la rédaction de l’article 1er.
Dans son état actuel, le texte fixe une liste de sept clauses devant être incluses dans les contrats. Aucune d’entre elles ne concerne les coûts de production. D’où ma proposition d’ajouter, après l’alinéa 7 de l’article, une huitième clause, relative à ces coûts de production, avec la précision suivante : « La prépondérance de cet indicateur doit être effective pour garantir une rémunération équitable du producteur ».
L’amendement n° 503 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Guillaume et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Aux modalités précises de prise en compte des coûts de production dans la détermination du prix, qui garantissent la prépondérance de cet indicateur ;
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement, comme les précédents, vise à revenir sur l’un des fondamentaux des États généraux de l’alimentation : garantir un revenu à nos agriculteurs.
Dans son discours de Rungis, le Président de la République s’était engagé à modifier la loi pour inverser la construction des prix, afin de partir des coûts de production. Nous l’avons tous entendu.
Or, selon nous, le texte que nous examinons ne va pas suffisamment loin. Sans une prééminence d’un indicateur relatif aux coûts de production, l’objectif d’une juste rémunération du producteur assurée par le dispositif de la contractualisation ne pourra en aucun cas être atteint.
Je veux également rappeler qu’il faudra bien un jour ou l’autre – et sans tarder – prendre en compte, dans la rémunération, ce qui concerne les paiements pour services environnementaux pouvant être pris sur les fonds en provenance de Bruxelles. N’oublions tout de même pas que 20 % des agriculteurs, en gros, bénéficient de 80 % des aides européennes. Il faut encourager l’agriculture vertueuse, celle qui s’oriente vers des plus-values de production agricole.
L’amendement n° 46, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’Observatoire de la formation des prix et des marges établit les indicateurs de coût de production pour chaque filière agricole, reflétant la diversité des conditions et des modes de production, intégrant une rémunération décente pour les producteurs à travers une formule de prix. Les critères et modalités de détermination du prix mentionnés au 1° prennent en compte ces indicateurs pour garantir un revenu décent aux agriculteurs.
La parole est à M. Fabien Gay.
Reprenant une proposition de la Confédération paysanne, et en cohérence avec nos amendements précédents, nous souhaitons simplifier et réformer. Vous voyez, monsieur le ministre, que nous aussi, nous sommes en marche, …
Sourires.
… mais vers le progrès social !
Les questions posées dans le cadre de l’atelier n° 5 des États généraux de l’alimentation portaient notamment sur les indicateurs de coût de production, de prix de revient ou de valorisation des marchés qu’il convenait d’intégrer dans le contrat. Qui pouvait construire ces indicateurs et comment les rendre publics, afin que les opérateurs puissent s’y référer ?
Nous ne nions pas les améliorations rédactionnelles apportées par la commission des affaires économiques du Sénat et le renforcement du rôle consultatif de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Toutefois, nous pensons qu’il faut aller plus loin. Les indicateurs doivent être établis par l’Observatoire, commission administrative à caractère consultatif, indépendante des différents acteurs. Il est primordial qu’ils soient déterminés par un organisme public et qu’ils soient acceptés par toutes et tous.
Ils doivent s’appuyer sur des chiffres provenant, notamment, des interprofessions et des instituts techniques agricoles, mais il reviendra in fine à l’Observatoire de proposer les indicateurs de référence servant à la construction du prix de vente.
En effet, si l’on fait reposer les prix de vente sur une multitude d’indicateurs mesurant des choses différentes, ceux-ci finiraient par s’annuler entre eux, chacun utilisant celui qui va dans son intérêt ou le construisant lui-même. Cela ne permettrait pas une juste rémunération des productrices et producteurs.
L’amendement n° 47, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
1° Première phrase
a) Après la première occurrence du mot :
indicateurs
insérer le mot :
publics
b) Supprimer les mots :
un ou plusieurs indicateurs relatifs aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur le ou les marchés sur lesquels opère l’acheteur et à l’évolution de ces prix
c) Après la troisième occurrence du mot :
indicateurs
insérer le mot :
publics
2° Dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Fabien Gay.
Tous dans cette enceinte, je pense, nous sommes animés par la même préoccupation : garantir un revenu décent aux agricultrices et agriculteurs.
Cela passe par la construction du prix de vente à partir des coûts de production. Or dans la version actuelle du projet de loi, il est prévu que ce prix de vente prenne en compte aussi bien des indicateurs de coûts de production du paysan français que les prix de vente sur des marchés où opère l’acheteur, ces marchés pouvant se situer dans des pays étrangers où la main-d’œuvre est moins chère et les standards sanitaires et environnementaux moins exigeants.
Nous allons poursuivre ce débat pendant plusieurs jours, monsieur le ministre, et il nous mènera, notamment, à la question du libre-échange. Car, je vous l’avoue, je n’ai pas bien compris votre réponse à ce sujet…
Sommes-nous d’accord pour dire que l’agriculture doit être sortie des traités de libre-échange, au titre de bien commun de l’humanité ? Nous avons été un certain nombre à vous poser la question et vous n’avez pas répondu. J’aimerais vraiment entendre ce que vous avez à dire à ce propos !
Rien n’est donc véritablement précisé dans le projet de loi et, en mettant en concurrence les deux types d’indicateurs précités, il y a un risque de promotion du dumping social et environnemental. Il est par conséquent nécessaire que la construction du prix de vente se fasse uniquement à partir des indicateurs de coûts de production et que l’on supprime la mention aux prix de vente sur des marchés où l’opérateur ou l’acheteur opère.
Tel est le sens de cet amendement.
L’amendement n° 675 rectifié, présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 14
1° Première phrase
Après les deux premières occurrences du mot :
indicateurs
insérer les mots :
publics
2° Deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ces indicateurs publics sont définis par l’établissement mentionné à l’article L. 682-1 du même code ou par accord interprofessionnel.
La parole est à M. Franck Menonville.
Cette présentation fait écho aux propos qu’Yvon Collin a tenus lors de la discussion générale.
L’article 1er du projet de loi jette les bases d’une construction des prix autour d’indicateurs. Il faut bien reconnaître que, depuis la rédaction initiale, les députés ont apporté des améliorations en supprimant la possibilité, pour les parties au contrat, de construire elles-mêmes le prix.
Laisser aux interprofessions l’élaboration et la diffusion d’indicateurs adaptés à leur filière est une avancée, mais nous proposons d’aller plus loin pour sécuriser et rendre plus neutres et indiscutables les prix, tout comme ces indicateurs.
Le présent amendement vise donc à rappeler le caractère public des indicateurs et à en confier la définition à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
L’Observatoire a pour mission d’éclairer les pouvoirs publics sur la formation des prix. Il étudie les coûts de production, les coûts de transformation, les coûts de distribution et examine la répartition de la valeur ajoutée tout au long de la chaîne de commercialisation des produits agricoles. Il a donc toute compétence, mais aussi la légitimité pour produire les meilleurs indicateurs publics.
L’amendement n° 713, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14, deuxième et troisième phrases
Rédiger ainsi ces phrases :
Les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer ou diffuser ces indicateurs qui peuvent servir d’indicateurs de référence. Elles peuvent le cas échéant, s’appuyer sur l’observatoire mentionné à l’article L. 682-1 ou sur l’établissement mentionné à l’article L. 621-1.
La parole est à M. le ministre.
À travers cet amendement, le Gouvernement propose que les interprofessions puissent élaborer ou diffuser les indicateurs, en s’appuyant sur l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou sur FranceAgriMer.
Pendant les États généraux de l’alimentation, nous avons mis en avant la nécessité de responsabiliser les interprofessions. C’est un objectif important.
Il est tout aussi important que les OP puissent conserver la possibilité de proposer à leurs acheteurs des indicateurs adaptés à leur situation, en tenant compte des caractéristiques de leur production, ainsi que de la stratégie qu’elles veulent poursuivre. Si l’on considère la filière laitière, par exemple, le coût de production et de collecte du lait dans la plaine normande ou en Bretagne est totalement différent de celui que l’on constatera dans les zones de montagne.
Nous devons prendre en considération ces impératifs.
Cet amendement vise donc à préserver l’équilibre nécessaire, tout en tenant compte des inquiétudes exprimées par les OP lors des États généraux de l’alimentation, notamment en adaptant les indicateurs à leur niveau et en leur permettant de conserver un certain nombre de garde-fous.
Il s’agirait, avec cette dernière précaution, de répondre à la crainte légitime, formulée par certains, de voir la partie la plus forte imposer systématiquement ces indicateurs, ce qui serait totalement contraire à l’esprit de la loi, laquelle vise, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, à inverser la contractualisation et à rééquilibrer le rapport de force au sein de la filière.
Pour cette raison, nous avons soutenu plusieurs amendements concernant les articles 4 et 5 quater, nous y reviendrons plus tard. Ces dispositifs contribueront à éviter qu’une partie n’impose à l’autre un indicateur qui ne soit pas pertinent.
Pour voir les interprofessions travailler, puisque nous les recevons régulièrement, je peux dire, aujourd’hui, que la nécessité du compromis se fait ressentir. Lorsqu’une interprofession travaille sur les indicateurs, il ne peut y avoir une partie qui impose à l’autre des éléments constitutifs du prix susceptibles d’être défavorables aux agriculteurs.
Dans le cadre de la responsabilisation nécessaire des interprofessions, je vous présente donc cet amendement n° 713, que je vous demande d’adopter en lieu et place des autres amendements en discussion commune.
L’amendement n° 308 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Dagbert, J. Bigot, Daudigny et Tissot, Mme Féret, MM. Lalande, Duran, Vaugrenard et Lozach, Mme Conway-Mouret, M. Manable et Mmes G. Jourda, Grelet-Certenais et Ghali, est ainsi libellé :
Alinéa 14, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Les organisations interprofessionnelles diffusent les indicateurs choisis qui peuvent être ceux construits par les organisations de producteurs ou les associations de producteurs elles-mêmes.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Cet amendement va dans le même sens que le vôtre, monsieur le ministre, mais en empruntant un chemin différent, c’est-à-dire en faisant en sorte que les OP soient prééminentes.
Ainsi, afin de garantir la liberté contractuelle, la négociation libre et volontaire par les OP, mais aussi de placer les OP et les AOP en responsabilité, il convient de s’assurer que le choix des indicateurs reste le plus ouvert possible au sein d’un panel d’indicateurs disponibles, et ce au bénéfice des producteurs, qui peuvent en être eux-mêmes auteurs.
S’il faut saluer la mise en place de ces indicateurs, et surtout la construction du prix autour d’eux, ces indicateurs ne doivent pas, d’après moi, devenir des carcans ou revêtir une dimension contraignante pour les producteurs.
Il paraît dès lors nécessaire de réinscrire dans le texte du Sénat la rédaction positive issue des travaux de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale qui prévoyait que « les parties peuvent utiliser tous indicateurs disponibles ou spécialement construits par elles. »
Les indicateurs conservent ainsi leur vocation à éclairer les parties dans leur choix, ce qui ne peut que contribuer à renforcer le rôle des OP dans leur expertise et à améliorer l’équilibre de la relation contractuelle.
À cet égard, je pourrais reprendre votre argument concernant l’OP ou les AOP de la filière laitière. Nous avons, dans ce secteur, des exemples de fonctionnement donnant d’excellents résultats. Nous nous sommes ainsi retrouvés, à la fin des quotas laitiers, avec une contractualisation qui, dès lors qu’elle avait été bien menée par les OP et les AOP, était positive.
L’amendement n° 517 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges
La parole est à M. Franck Montaugé.
Cet amendement vise à préciser que les indicateurs de prix proposés par les organisations interprofessionnelles reçoivent un avis de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Il ne s’agit pas de remettre en cause la logique actuelle du texte qui consiste à donner un rôle moteur aux organisations interprofessionnelles, en leur laissant l’initiative de la proposition de ces indicateurs. Nous sommes favorables à cette démarche, nous l’avons déjà dit, qui leur donnera davantage de pouvoirs, mais aussi de responsabilités.
Toutefois, nous pensons que certaines organisations interprofessionnelles seront moins bien armées que d’autres pour définir leurs indicateurs et les défendre, le cas échéant.
C’est la raison pour laquelle il nous semble intéressant que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires émette des avis, non contraignants, sur la pertinence de ces indicateurs, notamment au regard de l’objectif d’une juste rémunération des producteurs.
Ces avis permettront, si nécessaire, de renforcer le choix des interprofessions, en leur donnant une forme de caution de la part d’un organisme public.
Nous avons bien conscience, comme nous l’a rappelé le rapporteur en commission, que l’article 5 quater du projet de loi prévoit que l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires puisse être saisi par les interprofessions ou le médiateur pour donner son avis. Nous estimons toutefois préférable que cet avis soit donné automatiquement, d’où cet amendement.
L’amendement n° 49, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
La pertinence des indicateurs interprofessionnels est évaluée par l’Observatoire de la formation des prix et des marges. Cette évaluation peut servir, le cas échéant, le médiateur des relations commerciales, l’arbitrage public, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, notamment dans le cadre de la procédure de caractérisation d’un prix abusivement bas.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Cet amendement vise, dans l’esprit de suite qui nous caractérise, à éviter qu’un acheteur en position de force n’impose un indicateur, ce qui entraînerait de fait un déséquilibre dans la fixation d’un prix juste payé aux producteurs.
La notion d’équilibre entre les parties est, à nos yeux, très importante, car elle est la condition qui permettra au dispositif de contractualisation de fonctionner correctement, c’est-à-dire sans léser les producteurs.
Encore une fois, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires jouera le rôle d’arbitre – je dis bien d’« arbitre », monsieur le rapporteur ; nous n’appelons pas à la mise en place d’une économie complètement administrée, comme vous sembliez vouloir nous en accuser –, mais avec une mission d’évaluation fondée sur la pertinence d’un indicateur.
Par ce contrôle, nous souhaitons encourager le recours à des indicateurs équilibrés.
Personne, dans cet hémicycle, n’est dupe ou naïf. J’ai bien entendu, monsieur le ministre, ce que vous-même disiez sur l’existence possible de cas où, à l’intérieur de l’interprofession, certains tentent d’imposer des indicateurs.
C’est précisément pour éviter de tels cas de figure, avec un rapport de force qui entraînerait un déséquilibre, que nous présentons cet amendement.
L’amendement n° 507 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme N. Delattre et MM. Guillaume et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La pertinence des indicateurs interprofessionnels est évaluée par l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement vise à confier un rôle d’évaluation des indicateurs utilisés pour la détermination des prix à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Le projet de loi a, certes, été amélioré en permettant que l’Observatoire propose ou valide un indicateur, en cas d’absence d’accord professionnel. Mais il y a un fort besoin de renforcement du contrôle de cet acteur pour encourager le recours aux indicateurs équilibrés.
Rappelons que, au sein des interprofessions, l’aval conserve un droit de veto. Cet amendement a donc pour objet d’éviter que l’acheteur en position de force n’impose un indicateur, source de déséquilibre dans la fixation d’un prix juste payé au producteur.
L’avis de la commission est défavorable sur ces onze amendements.
Je m’attarderai un peu plus sur celui du Gouvernement, mais, auparavant, je veux rappeler que la commission a validé le dispositif voté par l’Assemblée nationale. Après toutes les auditions que nous avons menées, celui-ci nous a semblé équilibré.
Ce sont les interprofessions qui, en priorité, doivent déterminer leurs indicateurs, et l’on parle bien d’indicateurs de prix de revient.
À ce sujet, je confirme les propos précédemment tenus par Jean-Paul Émorine : les centres de gestion seront au centre de l’action, car l’indicateur ne va pas sortir d’un chapeau. Il émanera d’organismes capables de faire un certain nombre d’observations et de calculs : les chambres d’agriculture, les centres de gestion, les instituts techniques agricoles, etc. En d’autres termes, tous ceux qui sont en mesure de chiffrer ce qu’est un coût de production en agriculture.
C’est pour cela que l’Assemblée nationale a décidé, au travers d’un amendement qu’elle a adopté, que l’interprofession, si elle ne parvient pas à se mettre d’accord, demandera à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de trancher et de fournir un indicateur de prix de revient.
L’Observatoire travaille avec les chiffres qu’on lui donne. Ce n’est pas lui qui fait les calculs ou établit les comptes d’exploitation, mais c’est lui qui tranchera sur un indicateur !
Je sais que, en ce moment, les négociations commencent au sein d’Interbev, l’interprofession de la viande, qui est l’une des plus complexes. Les parties n’ont pas l’air de se mettre d’accord. Peut-être y parviendront-elles, mais si ce n’est pas le cas, l’Observatoire prendra la décision. Sans cela, nous rencontrerions un certain nombre de problèmes.
S’agissant de l’amendement gouvernemental, je vous le dis avec toute l’estime que j’ai pour vous, monsieur le ministre : ce que le Gouvernement fait là, je crois que c’est ce que le ministre tait !
Concrètement, cet amendement tend à laisser aux parties la possibilité de construire leurs indicateurs. Or, sur ce point, je rejoins mes collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, si on laisse cette possibilité aux parties, c’est toujours le plus faible qui va se trouver coincé.
Pour cette raison, nous ne pouvons soutenir votre amendement et, vraiment, nous l’avons étudié et plutôt, me semble-t-il, bien compris. D’ailleurs, peut-être qu’une fois mes explications entendues, vous allez émettre un avis défavorable sur votre propre amendement ! Ce n’est pas impossible !
Sourires.
Certaines OP pourront utiliser leurs propres indicateurs s’ils sont validés par l’Observatoire. J’ajoute que la liberté contractuelle n’est pas remise en cause dans ce cas, puisque les parties demeurent libres de choisir parmi les indicateurs disponibles et de construire leur formule de prix.
C’est un point également très important au regard du droit européen. Je voulais le rappeler, car nous sommes bien tenus par le droit européen, qui peut toujours être négocié, mais pas ici, pas dans ce cadre !
Je rappelle également que le comité de pilotage de l’Observatoire réunit l’ensemble des maillons de la filière. Ce seront donc bien les acteurs économiques qui détermineront l’indicateur, et non la puissance publique.
Je le rappelle, dans cette nouvelle rédaction de l’alinéa 14 de l’article 1er, le Gouvernement a voulu préserver les points clés tirés des États généraux de l’alimentation et du débat parlementaire, c’est-à-dire le rôle central des interprofessions et l’expertise, en appui, des organismes publics – l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ; FranceAgriMer –, tout en supprimant le risque de désinciter les opérateurs et les interprofessions.
Il revient aux professionnels eux-mêmes, qui connaissent leurs coûts de production, leurs métiers, les difficultés d’application, d’établir leurs indicateurs de prix. Si on laisse l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires ou FranceAgriMer fixer ces indicateurs, on risque d’encourager la déresponsabilisation et de ne pas obtenir les effets de contractualisation que nous souhaitons.
Nous voulons donc que les interprofessions construisent des indicateurs pertinents, et que les OP puissent aussi jouer leur rôle dans la négociation. Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable sur l’ensemble des amendements, hormis sur l’amendement n° 713, que je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, d’adopter.
J’ai bien entendu vos explications, monsieur le ministre. Pour autant, pardonnez-moi, je ne comprends pas…
Dans votre amendement, vous proposez la rédaction suivante : « les organisations interprofessionnelles peuvent élaborer ». Cela sous-entend que les industriels et la grande distribution pourraient, eux-mêmes, proposer des indicateurs établis par leurs propres experts. Nous ne sommes pas d’accord avec cela !
C’est étonnant, d’ailleurs, car ce point a suscité des débats à l’Assemblée nationale et, parfois même sur l’initiative de votre propre majorité, il a été question de supprimer cette possibilité.
Votre amendement tend à introduire ce caractère facultatif, laissant la porte ouverte à une construction des indicateurs par toutes les parties du contrat. Contrairement à ce qui est indiqué dans son objet, nous considérons qu’il ne va pas du tout dans le sens d’un renforcement des interprofessions.
De plus, votre rédaction retire toute possibilité pour l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires de proposer des indicateurs, mesure qui nous semble plutôt intéressante en cas de défection d’une OP.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous ne voterons pas en faveur de votre amendement.
Mes chers collègues, je veux apporter une précision quant au déroulement des débats.
Onze amendements étant présentés en discussion commune, le rapporteur et le Gouvernement donnent leur avis sur ces onze amendements. Ensuite, avant la mise aux voix de chacun des amendements, les explications de vote ont lieu. En l’occurrence, nous en sommes aux amendements identiques n° 44 et 302 rectifié. Il n’est pas prévu d’explication de vote générale sur les onze amendements.
Si tel était le cas, je vous l’assure, nous perdrions en clarté.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 44 et 302 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je ne sais pas ce qui est logique, ou pas, et je n’entends pas faire modifier le règlement. Mais on a jugé pertinent d’avoir une présentation commune de ces onze amendements ayant un lien entre eux. D’ailleurs, la commission comme le Gouvernement ont donné un avis groupé.
Alors, vous avez raison, monsieur le président, la règle veut que l’on fasse une explication de vote sur chaque amendement. Mais pour ma part, et je pense que cela aidera aussi à la clarification des débats, je souhaite simplement indiquer que mon groupe votera la majorité de ces onze amendements : tous ceux qui vont dans le sens de ce que nous avons défendu, c’est-à-dire le renforcement des indicateurs, de leur construction et de leur évolution.
Et je mets cette annonce en balance avec, notamment, l’amendement du Gouvernement, puisque je ne reprendrai pas la parole pour évoquer ce seul amendement. Celui-ci tend à revenir en arrière sur les travaux menés, y compris par la commission du Sénat.
À force de pouvoir faire, dans ce pays, on ne fait jamais ! Voilà pourquoi j’ai une réserve sur cet amendement, à la différence de tous les autres amendements, qui ont été présentés conjointement, et successivement, car répondant à une certaine logique dans la construction du texte.
Donc j’indique, en gagnant du temps puisque cette explication de vote vaudra aussi pour les autres amendements, que mon groupe votera l’amendement n° 503 rectifié, ainsi que tous ceux qui, parmi les suivants, viseront l’objectif qu’il a indiqué défendre.
Monsieur le président, que se passe-t-il si l’un de ces onze amendements en discussion commune est voté ? Tous les autres tombent-ils ? Tant qu’aucun d’entre eux n’est adopté, les suivants sont-ils soumis au vote ?
Oui, mon cher collègue. D’ailleurs, afin que personne ne soit piégé, chaque fois que l’adoption d’un amendement ferait tomber les suivants, je l’indiquerai pour permettre à ceux qui souhaitent expliquer leur vote de le faire.
Je mets aux voix l’amendement n° 503 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote sur l’amendement n° 713.
Monsieur le ministre, tous les autres amendements vont globalement dans le même sens. À cet égard, votre amendement aurait mérité d’être plus précis pour être adopté, conformément à votre souhait, par la Haute Assemblée. Tel qu’il est rédigé, il laisse trop de portes ouvertes. Si vous aviez indiqué que l’ensemble de la filière peut être partie prenante, alors, me semble-t-il, certains auraient pu changer d’avis. En tout cas, cela aurait fait changer le mien !
Je regrette de devoir m’abstenir sur cet amendement tel qu’il est rédigé, qui, je le répète, faute d’être suffisamment précis, ouvre la voie potentiellement à des dérives.
Je précise que, si l’amendement n° 713 est adopté, les amendements n° 308 rectifié et 517 rectifié deviendront sans objet.
La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour explication de vote.
Pour l’avenir, les filières doivent s’organiser, se coordonner et se mettre d’accord pour parvenir à une plus juste répartition de la valeur ajoutée. Donc, il est de notre rôle de leur donner tous les outils pour tendre vers ce but, pour les inciter à faire converger leurs intérêts.
Pour autant, pensez-vous qu’il est de notre rôle, du rôle de l’État, de se substituer à ces négociations ? Pensez-vous qu’un organisme pourra prendre en compte à lui seul toutes les spécificités des coûts de production d’une filière ? Pensez-vous que ce même organisme permettra la mise en place de contrats efficients sans désavantager une partie du contrat ?
L’Observatoire doit donc se placer comme un outil au service des interprofessions et non comme un palliatif à leur manque de coordination.
La nouvelle rédaction de l’article 1er proposée par le Gouvernement respecterait cette vision selon laquelle les filières prennent leurs responsabilités.
Je partage l’avis de mon collègue Cabanel sur l’amendement du Gouvernement. Celui-ci indique que les organisations interprofessionnelles « peuvent » élaborer ou diffuser ces indicateurs. Pour avoir vu passer de nombreuses lois agricoles, je puis vous dire que l’emploi du verbe « pouvoir » ne veut pas dire grand-chose : en l’occurrence, si les organisations ne sont pas d’accord, il ne se passe rien !
S’agissant des indicateurs, en particulier ceux des coûts de production, c’est bien à l’échelon de l’exploitation agricole qu’ils doivent être déterminés, même s’ils sont rassemblés au niveau de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, dont on a vu, dans le passé, l’action sur les marges : les agriculteurs n’ont pas bénéficié d’importants revenus supplémentaires.
Ce qui me rassure, c’est que les organisations interprofessionnelles pourront également s’appuyer sur FranceAgriMer. Mais il appartient bien aux organismes comptables des exploitations agricoles de déterminer le coût de production, qui devra prendre en compte le revenu de l’agriculteur.
Monsieur le ministre, il est important de faire savoir que ce sont les organismes comptables qui pourront déterminer ce coût de production par exploitation, lequel sera plus ou moins élevé selon les exploitations. Et c’est cette moyenne que prendront en compte l’Observatoire et FranceAgriMer.
Nous avons été nombreux à indiquer tout à l’heure que ce texte devait garantir l’application concrète des orientations qu’il propose et que nous approuvons. Or, tel qu’il est rédigé, il me semble que l’amendement du Gouvernement ouvre la porte à de possibles dérives, sans rien garantir ni sécuriser les producteurs. Par conséquent, je ne le voterai pas.
Je veux apporter quelques précisions.
D’abord, le règlement OCM ne permet pas d’imposer des missions aux interprofessions. Et le présent amendement est conforme aux conclusions des États généraux de l’alimentation, c’est-à-dire encourager les interprofessions à créer les indicateurs, chaque opérateur étant ensuite libre de les utiliser s’il en a besoin.
Ensuite, je rappelle que, en cas de désaccord au sein d’une interprofession, l’un de ses membres – c’est ce que nous verrons ultérieurement au cours de l’examen de ce texte – peut saisir le médiateur des relations commerciales agricoles pour trouver avec lui les voies d’un compromis sur l’utilisation de ces indicateurs.
Enfin, nous devons répondre à cette question : que fait-on, ce qui peut arriver, en l’absence d’interprofession ? Que fait-on si une organisation de producteurs laitiers, par exemple, ne souhaite pas utiliser les indicateurs de l’interprofession ? En l’état, l’alinéa 14 de l’article 1er ne permet pas de répondre à cette question et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement a déposé cet amendement. Aujourd’hui, les interprofessions doivent se saisir de toutes les opportunités pour créer les indicateurs, et, en cas de désaccord, l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires va trouver les moyens de parvenir à un accord permettant d’avoir recours à ces indicateurs. À défaut, les données fournies par FranceAgriMer pourront aussi être utilisées.
Nous ne confions pas une responsabilité à l’Observatoire ; cela reviendrait à verser dans une forme d’économie administrée, ce qui n’est pas souhaitable pour notre agriculture. Au contraire, nous responsabilisons les interprofessions.
Je soutiens totalement la position du rapporteur. Monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l’agriculture de notre pays, mais l’agriculture française n’est pas toute seule dans l’Union européenne. Ce qui me gêne dans ce débat, c’est que l’on parle des indicateurs français, et non pas des indicateurs européens, qui protègent aussi notre agriculture française, qui nous placent devant les réalités.
Monsieur le ministre, vous faites peser sur les interprofessions une responsabilité, mais c’est plus complexe, car celle-ci est partagée. Ainsi, il faut comparer l’évolution des coûts de production à la fois en France, mais aussi à l’échelon communautaire.
La loi Sapin II en faveur de laquelle, dans une autre vie, vous avez votée me semble-t-il, fait référence à deux indicateurs : un indicateur national et un indicateur européen, parce que l’agriculture française s’inscrit dans l’Union européenne.
Il faut protéger nos agriculteurs. Le grand danger, c’est qu’effectivement la France ne devienne pour les autres leur bouffée d’oxygène, parce qu’on ne voudra pas voir ce qui se passe à côté de chez nous, où l’on travaille sur les coûts de production, où les charges sont plus faibles que celles que supporte l’agriculture française.
C’est pour cette raison que mon groupe, dans sa grande majorité, soutient le rapporteur.
Je ne suis pas agriculteur, mais je suis quand même effrayé par la manière dont vont être calculés les prix : on organise la concurrence entre les agriculteurs français ! Dévoiler, par les indicateurs, ses prix de revient – c’est ce à quoi l’on va aboutir –, justifier le prix demandé auprès de ceux qui sont soumis à la même réglementation – les agriculteurs français – permettra aux agriculteurs européens, en particulier ceux du Sud, dont certaines productions ont une saisonnalité avancée par rapport aux nôtres, de mettre facilement sur le marché leurs produits sans qu’ils aient de compte à rendre, contrairement aux agriculteurs français.
Compte tenu de l’ensemble des filières concernées, la loi ne pourra pas régler tous les problèmes. Preuve en est, monsieur le ministre : vous souhaitez introduire dans ce texte une disposition nouvelle, alors même qu’il vient d’être débattu par l’Assemblée nationale.
On le voit bien, en ce qui concerne le calcul des prix, ce texte n’est pas au point : franco-français, il ignore la concurrence internationale. Aussi les explications du rapporteur doivent-elles être prises en compte. Je voterai donc contre cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote sur l’amendement n° 308 rectifié.
Je veux rappeler les termes de notre amendement n° 308 rectifié, qui propose une nouvelle rédaction de la deuxième phrase de l’alinéa 14, lequel dispose : « Les indicateurs sont diffusés par les organisations interprofessionnelles. » Je propose d’écrire à la place : « Les organisations interprofessionnelles diffusent les indicateurs choisis qui peuvent être ceux construits par les organisations de producteurs ou les associations de producteurs elles-mêmes. »
Je propose donc la reconnaissance des organisations de producteurs, et l’on me renvoie dans mes vingt-deux mètres... Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas pourquoi, vous qui êtes plein de raison
Sourires.
Un certain nombre d’entre elles souhaitent être rassurées pour qu’on ne les oublie pas dans la fixation des prix.
J’aime le débat, mais votre amendement est satisfait, mon cher collègue. Il faut démystifier cette histoire d’indicateurs : bien sûr, ils seront élaborés avec les organisations de producteurs.
Je rappelle également, contrairement à ce que j’ai cru entendre à certains moments de notre débat, qu’il n’y aura pas un indicateur par agriculteur. Que l’on ne s’y trompe pas ! Les indicateurs pourront être nationaux, régionaux, tout dépendant des productions et des interprofessions. Par ailleurs, il existe plusieurs indicateurs, sans compter l’indicateur de prix de marché : les prix ne seront pas déterminés artificiellement, en fonction des seuls prix de revient.
J’en profite pour souligner l’inconvénient, selon moi, de ce fameux indicateur de prix de revient. Lors de l’achat d’une voiture, si le concessionnaire vous dit qu’elle a coûté 12 000 euros tout en vous la proposant à 20 000 euros, vous voudrez négocier son prix. Coucher sur le papier un prix de revient, c’est donc prendre le risque qu’il devienne un prix minimal.
Je poursuis mon raisonnement : lorsque le cours sera très bas, on a beau dire, mais il sera difficile de l’atteindre ; lorsque le cours sera très haut, ce que je souhaite et ce qui se passera peut-être avec le lait en 2019, il se trouvera bien quelqu’un pour estimer qu’il faudrait être fou de payer – dans le cas du lait – 420 euros la tonne, alors que le prix de revient est de 400 euros la tonne.
Je voulais rappeler ces dangers.
Je le répète, cet amendement est satisfait – contrairement à vous, mon cher collègue !
Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 45 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 515 rectifié est présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 677 rectifié est présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cas d’une conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 du code rural et de la pêche maritime, la modification du mode de production n’entraîne pas d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 45.
Par cet amendement, nous proposons de briser un des obstacles à la transformation de la production agricole française en introduisant une clause permettant de ne pas appliquer d’indemnité de résiliation de contrat en cas de passage à un mode de production biologique.
En effet, le monde agricole change ; de plus en plus, les agriculteurs se tournent vers des modes de production responsables, respectueux des sols, de l’environnement, de la biodiversité et des citoyens. Il nous semble donc essentiel d’accompagner cette transformation de la production voulue par nombre de producteurs et de consommateurs en levant le maximum de freins possible, transformation utile également pour l’amélioration du revenu paysan.
La production biologique est déjà trop peu soutenue en France ; retirer les entraves à la liberté de choisir le type de production nous semble un minimum pour assurer l’indispensable transition agricole.
La parole est à M. Joël Bigot, pour présenter l’amendement n° 515 rectifié.
L’article 1er du projet de loi dresse la liste des clauses minimales qui doivent être obligatoirement présentes dans les contrats ou accords-cadres écrits. Son alinéa 13 prévoit des délais de préavis et une indemnité réduits en cas de résiliation de contrat dans l’hypothèse d’un changement de mode de production. Par cet amendement, nous proposons de ne pas appliquer d’indemnité de résiliation de contrat en cas de modification du mode de production vers une production biologique.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous souhaitons encourager la transition vers des modes de production biologique en ne pénalisant pas les agriculteurs qui décident de s’engager dans cette voie. Pendant une certaine période, ils subissent une perte de revenus.
La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 677 rectifié.
Puisque votre objectif, monsieur le ministre, est le développement de l’agriculture biologique, il nous semble opportun, en marge de l’article 11 relatif à la restauration collective, qui sera un vrai levier de développement du bio, que ce projet de loi prévoie des mécanismes d’encouragement à la conversion. Dans cet esprit, cet amendement vise à ce que la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit comporte une clause permettant de ne pas appliquer l’indemnité de résiliation dans le cas de la conversion d’une exploitation vers le bio.
L’amendement n° 490 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Arnell et Artano, Mme M. Carrère et MM. Collin, Corbisez, Guérini et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
En cas de conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article 17 du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, la modification du mode de production ne peut entraîner à elle seule d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement a pour objet de réduire de 100 % l’indemnité de résiliation du contrat en cas de passage au mode de production bio.
Quand un producteur se convertit au bio et que son collecteur ne valorise pas son mode de production, il est en effet courant, notamment dans le secteur laitier, que ce dernier lui réclame des indemnités non négligeables pour l’équilibre économique de l’exploitation. On a ainsi évoqué devant moi des cas où ces indemnités réclamées étaient supérieures à 15 000 euros.
Or le bio constitue parfois une porte de sortie pour les producteurs en difficulté, qui vont vers ce mode de production pour retrouver du revenu. Comment accepter qu’un producteur, dont l’équilibre économique de l’exploitation est parfois fragile, qui va vers un mode de production à la fois bénéfique pour son exploitation, mais aussi pour l’ensemble de la société soit tenu de payer une telle indemnité ?
Cette mesure a été rejetée par l’Assemblée nationale, les députés invoquant la liberté contractuelle. Mais je tiens à rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne établit que le droit européen n’empêche pas les États membres d’appliquer des règles nationales qui ont un objectif d’intérêt général, même si ces règles sont susceptibles d’avoir une incidence sur le fonctionnement du marché.
Peut-on nier que l’agriculture biologique représente l’intérêt général ? La protection de l’environnement est un principe que nul ne conteste et qui est consacré par le traité de l’Union européenne et par notre Constitution. Or l’agriculture biologique protège notre environnement, toutes les études le montrent et le droit européen le reconnaît explicitement. Cette disposition est donc compatible avec la réglementation européenne.
On m’a aussi opposé la rupture d’égalité, mais l’agriculture biologique n’est pas n’importe quel système : elle s’appuie sur un cahier des charges européen et est reconnue comme répondant à un droit fondamental, celui de jouir d’un environnement sain.
Monsieur le ministre, je ne comprends pas que l’on puisse, d’un côté, programmer des plans de développement de l’agriculture biologique, inscrire des objectifs de surfaces bio dans ce projet de loi, proposer un plan de sortie des pesticides, et, de l’autre, continuer à autoriser des pratiques qui freinent les conversions.
Nous devons limiter la liberté contractuelle face à l’intérêt général.
L’amendement n° 516 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Si l’acheteur est informé dans un délai raisonnable ne pouvant être supérieur à un an, la conversion à l’agriculture biologique au sens de l’article L. 641-13 ne peut pas entraîner d’indemnités de résiliation du contrat.
La parole est à M. Henri Cabanel.
Il s’agit d’un amendement de repli.
Nous proposons qu’une conversion à l’agriculture biologique ne puisse entraîner d’indemnités de résiliation de contrat dès lors que l’acheteur est informé dans un délai raisonnable de cette conversion. Nous avons fixé ce délai à un an, mais, monsieur le ministre, nous sommes ouverts à la discussion si vous êtes prêt à soutenir cet amendement.
Première remarque, je ne suis pas tout à fait d’accord avec M. Labbé, parce que le règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles garantit la libre négociation des éléments du contrat, notamment les clauses de résiliation, ce qui interdit aux États membres de priver totalement les parties de la possibilité de prévoir de telles indemnités dans leur droit national.
Même si je n’ai pas fait un tour de France, je n’ai encore jamais rencontré le cas d’un producteur qui serait passé en bio et qui ne pourrait pas valoriser son lait en bio. Que ce soit une coopérative ou un établissement privé, le collecteur ramasse le lait ou le fait ramasser par un collègue qui traite le bio. Il y a toujours une solution !
Deuxième remarque : on dispose de trois ans de reconversion pour passer en bio, ce qui laisse quand même le temps de trouver une solution pour signer un autre contrat ou dénoncer son contrat – au maximum de cinq ans.
Troisième remarque : le texte prévoit déjà des indemnités réduites.
Dernière remarque : un agriculteur peut aussi, ce qui est plus rapide, opter pour un cahier des charges spécifiant une production de lait avec du foin, alors qu’il produisait auparavant du lait d’ensilage. Il faudra bien trouver une solution. Il n’y a pas que le bio dans la vie ! Entendre le contraire m’énerve parfois un peu.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Daniel Chasseing applaudit également.
Avis défavorable.
Il y a le bio, mais il y a aussi les productions conventionnelles en appellation d’origine protégée ou en appellation d’origine contrôlée, fruit du très bon travail de nos producteurs et qui valent la peine d’être mises sur le marché !
Monsieur Labbé, mesdames, messieurs les sénateurs qui avez défendu ces amendements, je partage totalement cet objectif de défense et de promotion de l’agriculture biologique. D’ailleurs, j’ai donné un avis favorable sur un amendement des députés qui visait à ce que le délai de préavis et l’indemnité préalable applicable soient réduits en cas de modification du mode de production. Cela figure dans le projet de loi. Mais imposer l’absence totale et systématique d’indemnité n’est pas possible au regard de la liberté contractuelle et une telle disposition s’inscrit en opposition avec l’objectif que nous poursuivons, à savoir mettre en valeur la relation contractuelle pour déterminer à la fois le meilleur prix, le meilleur cahier des charges pour la meilleure qualité possible et pour faire en sorte que le prix qui sera fixé entre un acheteur et un producteur puisse permettre à ce dernier de vivre dignement de son travail.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous sommes bien d’accord : il n’y a pas que le bio dans la vie. Mais il y a aussi le bio ! La Haute Assemblée le dit depuis des années : en agriculture, il ne faut pas opposer les uns aux autres. Nous avons besoin de l’agriculture conventionnelle productiviste, qui exporte, qui produit de la valeur ajoutée, laquelle est indispensable à notre balance commerciale. Cette agriculture conventionnelle, nous devons la défendre, nous devons travailler sur la recherche, nous devons vendre du bœuf en Chine et ailleurs, parce que c’est cela qui produit de la valeur ajoutée et qui donne de la rentabilité à nos exploitations. Je le répète, n’opposons pas le conventionnel et le bio, mais nous avons besoin de l’agriculture biologique pour répondre à la demande de nos concitoyens.
Or, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si l’agriculture conventionnelle existe depuis des décennies, l’agriculture biologique est apparue il y a bien moins longtemps, ce qui rend sa pratique beaucoup plus difficile. C’est la raison pour laquelle nos collègues ont déposé ces amendements qui font l’objet d’une discussion commune et qui tendent à aider les agriculteurs bio en faisant en sorte qu’ils ne soient pas trop pénalisés.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je partage votre analyse : pas d’opposition entre le conventionnel et le biologique, pas de stigmatisation, pas de dogmatisme – c’est absolument indispensable –, mais, monsieur le ministre, pour donner plus de force à votre projet de loi, il faudrait pousser un peu plus dans la direction du bio, montrer que vous avez envie d’aller dans ce sens.
Félicitations pour votre programme Ambition bio 2022, dans lequel vous mettez beaucoup d’argent – il y en a besoin ! –, ce qui répond à une demande très forte des acteurs du secteur bio. Vous n’êtes donc pas en cause. Mais, je le répète, il faut que ce projet de loi adresse de petits signes.
Je veux réagir aux propos de mon collègue Didier Guillaume.
Je suis surpris d’entendre ce que j’ai entendu. Nous venons tout juste d’essayer de faire en sorte que les agriculteurs de notre pays s’organisent en encourageant la contractualisation – nous nous rejoignons sur ce point, monsieur le ministre. Ce n’est pas si ancien.
Auparavant, hormis ceux qui étaient organisés en coopératives, il n’y avait rien. Et cette contractualisation va même devenir obligatoire, pour permettre aux agriculteurs de sortir de leur isolement, de leur fragilité. Alors, effectivement, il ne faut pas opposer les différents types d’agriculture – volontairement, je ne prononcerai pas le nom de l’une d’entre elles –, mais c’est ce que vous faites !
Certains nous expliquent que, finalement, un contrat ne vaut rien, qu’on peut faire ce qu’on veut, qu’on peut revenir sur sa parole.
Comme l’a dit M. le rapporteur, donnez-nous des exemples concrets d’un agriculteur s’étant retrouvé au bord du chemin après être passé d’un type d’agriculture à un autre. Il n’y en a pas ! Il faut être très sérieux parce qu’ouvrir cette faille pourrait avoir des effets contraires à ceux que l’on attend.
Il peut arriver qu’une entreprise perde son marché. Pourrait-elle donc soudainement refuser de collecter la production d’un agriculteur, alors qu’elle a conclu un contrat avec lui ? Eh bien non ! Un contrat vaut pour les deux parties.
Soyons réalistes et honnêtes. Dans le système en vigueur, un contrat est conclu pour cinq ans ; cela passe vite, vous savez !
En outre, un contrat n’est pas une affaire solitaire, il implique des collègues paysans, il est conçu en lien avec l’environnement local. Pourtant, un signataire pourrait décider seul de fragiliser les autres !
Un contrat est un engagement collectif sur un territoire et il doit être respecté.
Nous venons d’avoir une discussion sur les meilleurs moyens de rééquilibrer le contrat en faveur du producteur, mais les intérêts du transformateur doivent également être respectés.
Quand un agriculteur s’est engagé à fournir du lait à une coopérative ou à un autre transformateur et qu’il retire sa production, cet acte pose une difficulté au transformateur.
On peut, bien sûr, souhaiter que le bio se développe, mais il ne peut en aucun cas se généraliser, et il existe d’autres moyens d’améliorer l’agriculture raisonnée. Ne soyons pas fétichistes du bio et gardons-nous de mettre en place des dérogations excessives à l’équilibre du contrat, alors même que nous souhaitons que celui-ci soit correctement équilibré.
Un producteur de lait qui veut passer au bio ne le fait pas du jour au lendemain ; le rapporteur vient de rappeler qu’un délai de trois ans est obligatoire avant qu’il soit reconnu producteur bio. En conséquence, il dispose de tout le temps nécessaire pour adapter sa relation avec le transformateur.
Je parle du lait parce que, étant élu d’un département laitier, c’est une spécialité que je connais mieux que la viticulture, mais il me semble important de ne pas avoir une approche idéologique de ces problèmes. Si nous voulons faire comprendre aux transformateurs qu’il est nécessaire que le prix de revient moyen soit pris en compte sur des bases objectives, ne chargeons pas la barque en rendant plus difficile l’exécution des contrats.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
M. Gremillet nous appelle à être sérieux, ce qui signifierait que nous ne le serions pas lorsque nous défendons ce type d’amendements.
Nous avons argumenté, et nous sommes censés défendre le monde agricole. Ce sont les agriculteurs, les victimes, et non les transformateurs ! Ce sont pourtant ces derniers que vous défendez contre les agriculteurs qui souhaitent faire la conversation vers le bio !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est absolument clair !
Vous nous enjoignez de ne pas être dogmatiques, mais je tiens à vous dire que c’est vous qui l’êtes en défendant ces positions !
Vives protestations sur les mêmes travées.
Le débat que nous avons est important, mais nous ne parlons pas beaucoup des consommateurs, qui sont pourtant ceux qui le trancheront. Ils font leur choix : certains veulent les produits courants de l’agriculture, d’autres recherchent des appellations d’origine contrôlée, des AOC, d’autres encore des produits bio.
Or nous n’avons pas assez d’agriculteurs qui se convertissent au bio pour répondre à la demande et une grande partie des produits de la filière bio provient de l’étranger, surtout de pays européens.
Je ne suis donc pas choqué par les amendements qui nous sont présentés, parce qu’il faut accompagner massivement les agriculteurs dans la conversion vers le bio afin qu’ils bénéficient de prix plus rémunérateurs. Cela ne s’oppose pas à l’agriculture conventionnelle, mais cela correspond à la demande des consommateurs.
Dans la ville dont j’ai été maire pendant vingt ans, nous sommes passés il y a une dizaine d’années à une alimentation bio dans la restauration scolaire.
Quelles difficultés n’avons-nous pas rencontrées pour nous approvisionner !
Si la filière bio n’est pas suffisamment puissante, cela suscitera des importations supplémentaires. Prenons donc les choses en main. En adoptant les amendements qui nous sont soumis, faisons en sorte que ceux qui font ce choix soient accompagnés.
Il est vrai qu’il y a des niches, mais certains produits sont plus rémunérateurs que d’autres, parce que la production baisse pendant plusieurs années. Les producteurs ne profitent donc pas immédiatement des niches.
Sachons prendre le train de l’histoire. Aujourd’hui, la demande existe, et, selon moi, elle sera encore plus importante demain. Ceux qui souhaitent consommer des produits bio doivent pouvoir s’en procurer et, surtout, l’agriculture française doit pouvoir répondre à leur demande.
Et bien nous voilà en plein dedans ! Je le disais, soyons attentifs à la cohérence. Nous verrons ultérieurement que l’on nous demande d’augmenter les surfaces agricoles en bio ; si nous ne nous donnons pas les moyens d’accompagner les agriculteurs vers ce mode de production, nous ne parviendrons pas à atteindre cet objectif.
Il faut toutefois être raisonnable, ou sérieux, comme disait Daniel Gremillet, bien sûr ! Et nous le sommes lorsque nous demandons que les éleveurs et les agriculteurs qui souhaitent passer en bio disposent des moyens nécessaires.
En outre, quel volume les agriculteurs qui se convertiront au bio représenteront-ils pour les transformateurs ? Quatre fois rien ! En euros, au regard du chiffre d’affaires des grands producteurs laitiers que nous connaissons, c’est peanuts, sauf si nous enregistrions un nombre très important de conversions. Alors, nous pourrions réviser ce que nous aurions décidé aujourd’hui. Je doute pourtant que le nombre de personnes qui passeront au bio dans les prochaines années, et que ces dispositifs pourraient accompagner, mette en péril l’équilibre d’entreprises comme Lactalis.
C’est exactement cela, il faut être sérieux. Nous évoquons le bio, et, en vous entendant, mes chers collègues, j’ai l’impression que c’est le secteur dominant, et que l’on ne parle plus que de lui. Aujourd’hui, le bio représente 6, 6 % de la surface agricole française !
Il me semble que l’on peut encore beaucoup progresser, qu’il est nécessaire de progresser encore, et nous pouvons tous en convenir. Cette mesure ne mange pas de pain – si je puis dire ! –, mais elle peut améliorer les choses pour aller dans ce sens.
Je vous rappelle – il faut l’avoir à l’esprit – que l’agriculture traditionnelle perd des emplois, alors que dans la filière bio, qui est un secteur dynamique, ceux-ci augmentent de plus 13 %. Et toute mesure qui favorise l’emploi dans l’agriculture est bonne.
J’interviens parce qu’il me semble que nous nous trompons de sujet. Je suis d’accord avec Didier Guillaume, il ne s’agit pas d’opposer les agricultures les unes aux autres.
Toutefois, je comprends l’exaspération que suscite parfois le fait que le bio soit porté au pinacle dans toutes les communications médiatiques et dans nos préoccupations.
Nous débattons du mauvais sujet. Il s’agit en l’espèce seulement de faire respecter un contrat, et non d’opposer le bio au reste ou d’empêcher les conversions en bio. Celles-ci sont accompagnées par ailleurs par un certain nombre de dispositifs, que le Gouvernement est en train de renforcer, ce qui aura sans doute pour effet de faire franchir le pas à un certain nombre d’agriculteurs.
Aujourd’hui, nous entendons seulement faire appliquer, dans des conditions raisonnables, les clauses d’un contrat bipartite qui engage un producteur et un transformateur, lequel n’est pas nécessairement important. Il ne s’agit pas toujours de Lactalis ou d’une autre coopérative puissante. D’ailleurs, ces grands opérateurs font aussi du bio, comme le rappelait M. le ministre. Nos débats concernent également les petits transformateurs qui ont conclu des contrats avec les producteurs.
Le rapporteur a rappelé que la conversion en bio exige un délai de trois ans, que, pendant ce temps, on peut trouver des arrangements et que personne ne laisse un producteur sur le côté en refusant de collecter son lait ou ses produits au seul prétexte qu’il a engagé la transformation de son entreprise.
Il me semble donc que nous versons dans l’irrationnel, et si nous poursuivons à ce train de sénateur, nous risquons de discuter de ce projet de loi pendant trois mois et demi ! Revenons à l’essentiel : il s’agit pour tout le monde de respecter le contrat.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Je ne me permettrais pas de parler de train de sénateur, parce que je défends la maison, mais faites attention, mes chers collègues ! Alors que nous étions sur le point de passer au vote, l’un d’entre vous a demandé la parole pour explication de vote, puis, de réaction en réaction, une dizaine d’intervenants se sont exprimés.
Bien sûr, vous êtes libres de faire comme vous le souhaitez…
Je mets aux voix les amendements identiques n° 45, 515 rectifié et 677 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 50 rectifié est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 303 rectifié est présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains, MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Vanlerenberghe, Longeot et Mizzon, Mme Billon, M. Kern, Mme Sollogoub et MM. Canevet, Le Nay et D. Dubois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix doit être déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible. La connaissance, par les parties et par les pouvoirs publics, des indicateurs utilisés et de leur pondération respective doit suffire à calculer le prix.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
Dans son rapport de 2009 intitulé Les modalités de formation des prix alimentaires : du producteur au consommateur, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, rappelait qu’en matière agricole « les mécanismes de concurrence ne sont pas encore optimaux au niveau de la distribution. Les étapes de négociation entre fournisseurs et distributeurs dominent les filières agroalimentaires et le pouvoir de marché n’est pas équilibré (au détriment des agriculteurs et des consommateurs, qui subissent les baisses de prix pour les premiers et les hausses de prix pour les seconds). »
Dix ans après, ce constat est toujours d’actualité, preuve que la production agricole ne peut être soumise aux seules lois du marché et qu’il est urgent de remettre en place des mécanismes pour lutter contre l’opacité en matière de fixation des prix agricoles.
L’une des préconisations du rapport précité était d’ailleurs d’assurer une plus grande transparence dans la formation des prix au stade de la production, de la transformation et du commerce, ce qui implique une identification claire des marges de chacun des acteurs.
Tel est le sens de notre amendement, qui vise à garantir que, lorsque les contrats sont conclus, les prix déterminés ou déterminables reposent sur des critères clairs, lisibles et rendus publics, afin que les exploitants aient une parfaite connaissance des modalités de calcul.
Vous le savez, les acheteurs sont des spécialistes de la règle à calcul, et se moquent bien des conséquences concrètes que peuvent avoir leurs règles dans la vie de nos exploitations. Cet amendement tend donc à rendre transparent le mode de construction des indicateurs et à rééquilibrer l’asymétrie d’information actuelle dans le fonctionnement économique des filières.
Malgré la sacro-sainte liberté contractuelle, monsieur le ministre, il ne nous semble pas normal qu’un producteur ne parvienne pas à comprendre comment le prix a été déterminé.
Il est essentiel que les pouvoirs publics aient une connaissance des prix fixés dans la proposition de contrat ou dans l’accord-cadre, afin de garantir à la fois l’équilibre et la transparence, dans le cadre de la relation commerciale entre un producteur et un acheteur.
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 303 rectifié.
L’objet de cet amendement a été bien présenté. S’agissant des critères et des modalités de détermination des prix, celui-ci vise à assurer aux producteurs une lisibilité totale sur les modalités de calcul des prix, et, surtout, sur leur évolution.
L’amendement n° 502 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Guillaume et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix est déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible.
La parole est à M. Didier Guillaume.
Cet amendement est proche des précédents. Il s’agit de faire en sorte que le producteur puisse comprendre la formule qui régit les prix.
Nous avons déjà débattu de cela en discutant de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche et de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ces formules sont tellement bizarres que personne ne les comprend, et, à l’arrivée, on ne sait pas comment le prix est fixé.
L’introduction de cette notion de prix déterminé ou déterminable avait été adoptée en commission à l’Assemblée nationale, avant d’être rejetée en séance publique. Nous proposons de la réintroduire dans le texte.
Je ne sais pas lequel de ces amendements est le plus approprié, mais notre volonté est très claire : l’agriculteur doit comprendre, grâce à une formule très simple, comment est fixé le prix. À défaut, il devient spectateur et n’est plus acteur, ce qui pose un vrai problème dans le cadre de la nouvelle construction des prix. Il s’agit d’éviter que d’autres ne soient acteurs à sa place. Il doit savoir demain comme aujourd’hui ce qu’il va toucher en produisant.
Il serait bon de répondre au besoin de transparence en faisant en sorte que tout cela soit compréhensible par tous les producteurs.
L’amendement n° 652 rectifié, présenté par M. Tissot, Mmes Préville et Taillé-Polian, M. M. Bourquin, Mme Guillemot, M. Iacovelli, Mme Lienemann, MM. Lurel, Vaugrenard et Antiste, Mme Conconne, M. Dagbert, Mmes Espagnac, Ghali et G. Jourda, M. Kerrouche et Mme Rossignol, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les contrats, le prix est déterminé ou déterminable par une formule claire et accessible. La connaissance, par les parties et par les pouvoirs publics, des indicateurs utilisés et de leur pondération respective doit suffire à calculer le prix.
La parole est à Mme Angèle Préville.
Cet amendement vise à rendre transparente la fixation des prix.
Il n’est pas normal qu’un producteur n’arrive pas à comprendre comment le prix a été déterminé. Avec une formule claire, précise et accessible, les instances publiques ayant connaissance du contrat peuvent facilement suivre l’évolution des prix, sur la base de l’évolution des indicateurs utilisés.
Il s’agit, selon nous, d’une question d’honnêteté. Quand j’étais professeur et que je donnais des contrôles à mes élèves, je leur communiquais le barème. Cela me paraissait relever de la moindre des honnêtetés et de la pédagogie la plus élémentaire.
Très sincèrement, je ne comprends pas bien la justification de ces amendements. Tout d’abord, je ne vois pas pourquoi on devrait diriger l’ensemble des données vers les pouvoirs publics.
Ensuite, la plupart des contrats sont signés dans le cadre d’organisations de producteurs, qui disposent amplement des compétences nécessaires pour décortiquer les prix.
Lorsqu’un agriculteur conclut un contrat individuel, je ne vois pas pourquoi il ne comprendrait pas. Un agriculteur, c’est intelligent ! De plus, il signe un contrat, ce n’est pas n’importe quoi. La liberté contractuelle existe.
On a beaucoup parlé du lait, mais il existe d’autres productions. Avant 2010 et la contractualisation obligatoire, les premiers contrats avaient été conclus par des producteurs avec McDonald’s. En 2010, j’étais rapporteur de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et j’étais allé voir comment fonctionnaient les McDonald’s : la transparence était complète.
Non, ce n’est pas ma tasse de thé !
Les contrats sont clairs ! Demandez aux éleveurs des deux départements les plus producteurs de viande, vous verrez qu’ils savent comment se construisent les prix quand ils vendent leur produit ; il en va de même des producteurs laitiers.
Je ne comprends donc pas très bien la raison d’être de ces amendements, mais quoi qu’il en soit, je me range derrière la commission, qui a émis un avis défavorable.
Je veux ajouter que l’objectif de ce projet de loi, c’est bien que la formule des prix négociés par le producteur, ou son organisation de producteurs, et l’acheteur soit claire et permette à chacun de connaître les prix et de garantir ainsi l’équilibre et la transparence entre les parties.
C’est sur cet équilibre que nous devons travailler, parce que c’est sur lui que repose la répartition de la valeur que nous appelons de nos vœux dans ce titre Ier.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Il s’agit évidemment d’amendements d’appel. Personne n’a dit qu’un agriculteur était un âne et incapable de comprendre ! Mais avec la contractualisation obligatoire par organisation de producteurs ou par filière, tout un secteur peut faire l’objet d’une construction des prix que l’agriculteur ne sera pas supposé connaître. Il saura combien il touchera, mais il ignorera pourquoi.
Nous en appelons donc à vous, monsieur le ministre. Tous les acteurs concernés doivent être attentifs à ce que l’agriculteur comprenne pourquoi il touche telle somme pour son produit. Tel est l’objet de ces amendements.
Je l’ai dit : parfois, vous devez envoyer des signes. Pour le moment, nous n’en voyons aucun, mais je ne doute pas qu’il y en aura durant les trois jours de discussion qui restent.
Plus on maîtrise la formule, plus on la comprend.
Nous défendons les agriculteurs en leur permettant de savoir et de comprendre, et savoir, c’est aussi pouvoir agir. Nous cherchons donc à leur donner de la force dans l’équilibre qu’évoquait M. le ministre et qu’apparemment tout le monde appelle de ses vœux.
Monsieur le rapporteur, personne ne sous-entend, en proposant ses amendements, que les agriculteurs seraient des idiots qui ne comprendraient pas les formules. Mes chers collègues, des élus locaux ou des directeurs d’hôpitaux ont été amenés à signer des contrats toxiques contenant des formules illisibles, parfois volontairement conçues pour conduire à la catastrophe que nous avons connue. J’espère que, dans cet hémicycle, personne ne considère qu’ils étaient idiots !
La simplification de la formule, afin qu’elle soit accessible et compréhensible par tous ceux qui sont concernés, est aussi une exigence de démocratie. Il s’agit précisément de rétablir l’équilibre.
Ces quatre amendements en discussion commune, quelle que soit leur rédaction, vont tous dans le même sens : conforter effectivement l’équilibre et ne pas se contenter de bonnes intentions louables, au risque de découvrir, une fois la loi promulguée, que nous en sommes au même point. Nous nous retrouverions alors dans quelques années pour discuter d’un nouveau texte, avec un nouvel intitulé, dans une sorte de débat éternel.
Cela dit, nous voterons en faveur de ces amendements.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 50 rectifié et 303 rectifié, dont l’adoption ferait devenir sans objet les deux suivants.
En conséquence, les amendements n° 502 rectifié et 652 rectifié n’ont plus d’objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 291 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par le mot :
« et »
La parole est à M. Cyril Pellevat.
Lors de l’examen du présent texte par l’Assemblée nationale, l’adoption de différents amendements a permis d’intégrer les dispositions du règlement Omnibus sur la répartition de la valeur, notamment quant à la négociation de clauses de partage de valeur par les agriculteurs ou par leurs associations. Cette disposition est une avancée importante pour le pouvoir de négociation des agriculteurs.
Toutefois, il ne faut pas confondre clause de renégociation et clause de répartition de la valeur, dont les objectifs ne sont pas tout à fait similaires.
De plus, il convient de conserver le caractère facultatif de la clause de répartition de la valeur.
L’amendement n° 309 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Dagbert, J. Bigot, Daudigny, Tissot, Roux, Lalande, Duran, Vaugrenard et Lozach, Mme Conway-Mouret, M. Manable et Mme G. Jourda, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par les mots :
« et, éventuellement »
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Cet amendement est presque identique au précédent, son dispositif n’ajoutant que le mot « éventuellement ».
En étroite discussion avec l’une des AOP majeures de mon département, s’agissant de la production laitière, l’AOP Sunlait, j’ai souhaité déposer cet amendement, qui traduit une inquiétude légitime de la part de cet acteur. D’ailleurs, les signataires de l’autre amendement représentent sans doute les territoires d’origine des douze organisations de producteurs qui se sont réunies pour créer cette AOP représentant 2 600 producteurs, 1, 2 milliard de litres de lait et 40 % des besoins de Savencia. C’est donc une AOP qui compte.
C’est le deuxième amendement que je défends pour essayer de renforcer la possibilité de renégocier les contrats en cas d’évolution significative du marché. La négociation de la répartition de la valeur doit alors rester le domaine des producteurs et de leurs associations et doit donc demeurer facultative.
Comme l’a dit M. Pellevat, lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale, l’adoption de différents amendements a permis d’intégrer des dispositions positives à ce sujet, issues du règlement européen, notamment, la mise en place de clauses de partage de valeur par les agriculteurs ou par leurs associations.
Cette orientation du texte constitue une avancée importante pour le pouvoir de négociation des agriculteurs.
Toutefois, la rédaction actuelle de l’alinéa 15 de l’article 1er fait référence de manière indifférenciée aux clauses tant de renégociation que de répartition de la valeur, dont les objectifs ne sont pas tout à fait similaires.
Sans revenir sur la nécessité de prévoir dans les accords-cadres des clauses de renégociation des contrats, la rédaction proposée prévoit de conserver le caractère facultatif de la clause de répartition de la valeur.
Cela dit, je suis prêt à rectifier cet amendement pour le rendre identique à l’amendement n° 291 rectifié, si l’adoption de ce dernier devait l’emporter en raison de sa rédaction.
La commission est favorable à l’amendement n° 291 rectifié, déposé par M. Bizet. Quant à l’amendement n° 309 rectifié, nous sommes gênés par l’adverbe « éventuellement ». Nous en demandons donc la rectification ou le retrait.
M. Stéphane Travert, ministre. Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n° 291 rectifié. En raison de la présence du mot « éventuellement », qui n’est pas conforme, dans le dispositif de l’amendement présenté par M. Bérit-Débat, j’en demande le retrait au profit de celui qu’a déposé M. Bizet, mais cela n’a rien à voir avec le fait que ce dernier soit élu du département de la Manche, bien entendu !
Sourires.
Monsieur le président, je souhaite le rectifier, afin d’en ôter le mot « éventuellement » et de le rendre ainsi identique au précédent.
Je ne vois aucune relation de cause à effet avec le fait que vous soyez de la Manche, monsieur le ministre, mais le vice-président comme la secrétaire générale de Sunlait sont en Dordogne. Cela représente tout de même une force en termes de négociation et c’est ce qu’il faut en matière de contractualisation.
Pour ne rien vous cacher, cette AOP a été créée en 2015 grâce au travail de votre prédécesseur, lequel avait réuni les partenaires dans mon bureau de vice-président du Sénat.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 309 rectifié bis, présenté par MM. Bérit-Débat, Courteau, Dagbert, J. Bigot, Daudigny, Tissot, Roux, Lalande, Duran, Vaugrenard et Lozach, Mme Conway-Mouret, M. Manable et Mme G. Jourda, et ainsi libellé :
Alinéa 15
Remplacer le mot :
« ou »
par le mot :
« et »
Je mets aux voix les deux amendements désormais identiques n° 291 rectifié et 309 rectifié bis.
Les amendements sont adoptés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 220, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent comporter des normes de calibrage abusives ne se justifiant pas au regard des obligations réglementaires en vigueur et des contraintes techniques de production.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
De manière assez logique et pragmatique, nous proposons de restreindre aux normes réglementaires en vigueur les obligations de calibrage contenues dans le cahier des charges des professionnels de l’alimentation.
Instauré dans les règlements européens pour faciliter les échanges commerciaux, le calibrage a été réduit en 2009, pour se limiter à dix types de fruits et légumes. Pourtant, ces normes sont toujours incluses de manière abusive dans de nombreux cahiers des charges, notamment dans la grande distribution.
Il en résulte un gaspillage titanesque de produits alimentaires, qui sont directement jetés aux ordures. Selon une étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture datant de 2011, le gaspillage alimentaire européen, pour la seule production, est supérieur à 160 kilogrammes par personne et par an.
Il est inimaginable qu’un tel gaspillage soit autorisé quand des millions d’êtres humains sont mal nourris, que les agriculteurs peinent à vivre et que les ressources agricoles sont de plus en plus limitées !
Il est temps de sortir de cet artifice de la société de consommation où les légumes et les fruits sont normés et sans défaut. La notion de perfection n’existe pas en agriculture, pas plus que dans le reste du vivant. D’ailleurs, la forme parfaite d’un fruit, si elle fait joli sur un étal, ne garantit en rien sa qualité.
La nature n’est pas uniforme ; ainsi, une tomate peut être déformée. Bien plus, la diversité des formes est gage de qualité. Il faut redonner, en quelque sorte, la vérité des aliments à nos concitoyens !
Enfin, les agriculteurs seront les premiers bénéficiaires de cette mesure, puisque la fin du calibrage leur permettra de vendre plus en gaspillant moins.
L’amendement n° 676 rectifié, présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent comporter des normes de calibrage abusives au regard des obligations réglementaires en vigueur et des contraintes des techniques de production.
La parole est à M. Franck Menonville.
Mon groupe propose d’exclure les normes de calibrage abusives des obligations contractuelles des producteurs agricoles, afin d’éviter des pratiques abusives.
Depuis 2009, heureusement, seuls dix produits sont encore concernés par le calibrage, au lieu de vingt-six précédemment. Mais alors que les normes ont été instaurées pour favoriser la transparence des échanges commerciaux entre les États membres de l’Union européenne, les acheteurs en France les imposent dans leurs relations contractuelles avec les producteurs. Ces clauses abusives doivent être retirées des contrats de vente.
Comme vient de le souligner M. Menonville, le nombre de produits concernés par des normes de calibrage a été considérablement réduit – de vingt-six à dix.
Sauf pour ces quelques produits, prévoir un calibrage précis dans un contrat relève de la liberté contractuelle, qui doit demeurer. L’objectif est de répondre à une demande existante pour ces produits.
D’ailleurs, on constate que, comme il a été dit, ce n’est pas parce que les produits sont bien calibrés ou beaux sur un rayon qu’ils se vendent bien. A-t-on besoin d’une disposition législative, puisque le consommateur lui-même fait ses choix ?
Dernièrement, j’étais sur un marché où un paysan proposait en vente directe des carottes propres et les mêmes avec de la terre. Les secondes se vendaient mieux, parce qu’elles faisaient plus naturelles…
Si le consommateur veut des pommes non calibrées, il achètera des pommes non calibrées. Laissons un peu faire le marché, sans tout fixer dans la loi ! L’avis de la commission est défavorable.
Je partage l’ambition de lutter contre le gaspillage alimentaire ; nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de l’examen du titre II du projet de loi, où nous nous montrons très volontaristes.
Reste qu’il paraît difficile d’interdire aux parties contractantes de prévoir des conditions spécifiques concernant le calibre des produits. En effet, on peut imaginer qu’un acheteur ait besoin de s’approvisionner uniquement en produits d’un certain calibre ou d’une certaine qualité ou qu’il soit à la recherche de calibres spécifiques.
En outre, l’interdiction de prévoir librement les conditions relatives au calibre limiterait les stratégies de différenciation et de montée en gamme que nous appelons de nos vœux.
Par ailleurs, les contrats visés ne peuvent pas avoir d’incidence dans la lutte contre le gaspillage alimentaire.
Enfin, supprimer le calibre dans les contrats et laisser les distributeurs continuer à les exiger serait un facteur de désorganisation.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à M. Franck Menonville, pour explication de vote sur l’amendement n° 676 rectifié.
Compte tenu des explications qui ont été données, je le retire, monsieur le président.
L’amendement n° 676 rectifié est retiré.
L’amendement n° 518 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 15
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’Observatoire de la formation des prix et des marges rend une évaluation publique, tous les deux ans à compter de la promulgation de la loi, sur la mise en œuvre du présent article et de ses conséquences sur la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs de la chaîne de production.
La parole est à M. Roland Courteau.
Cet amendement vise à donner à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires le rôle d’évaluer tous les deux ans l’application de l’article L.631-24 du code rural et de la pêche maritime, qui est la disposition centrale introduite par ce projet de loi.
Il s’agit de prévoir un suivi de la mise en œuvre de la loi, notamment en ce qui concerne l’inversion de la relation contractuelle et la construction du prix, afin de mesurer concrètement ses conséquences en termes de répartition de la valeur ajoutée entre les producteurs et les industriels.
Nous avons bien conscience qu’il appartient au Parlement de suivre l’application de la loi, mais nous connaissons également les difficultés que nous rencontrons pour mener à bien cette mission d’évaluation et de contrôle, tant son étendue est importante.
Réformé par ce projet de loi, l’Observatoire occupera une place centrale dans le nouveau dispositif. C’est pourquoi nous considérons qu’il serait le meilleur acteur pour dresser, tous les deux ans, un bilan de la mise en œuvre des nouvelles règles contractuelles.
Pour répondre par anticipation à M. le rapporteur, qui sans doute fera valoir, comme en commission, que les moyens de l’Observatoire ne lui permettront pas de mener à bien cette mission, nous souhaitons justement que ce dernier dispose de moyens renforcés…
M. le rapporteur n’est pas un grand défenseur de l’excès de dépenses publiques, et le ministre ne le contredira pas…
C’est le rôle de l’Observatoire d’analyser les effets de la future loi et, plus généralement, tout le cheminement des marges au cours de l’évolution du produit ; mais c’est aussi et surtout le rôle du Parlement. À cet égard, comme je vous l’ai annoncé au cours de la discussion générale, monsieur le ministre, le Parlement ne va pas se gêner ! D’autant qu’il a quelques doutes sur l’efficacité réelle de la future loi.
Nous ferons donc notre travail de suivi de la loi. Le grand public l’oublie souvent un peu : le Parlement n’est pas seulement législateur, mais aussi contrôleur du Gouvernement.
M. le ministre opine.
Ce travail est celui des rapporteurs, mais pas uniquement : c’est avec la présidente de la commission, dans le cadre de la commission et peut-être aussi du groupe d’études Agriculture et alimentation – nous verrons comment nous nous organisons –, que nous vérifierons les faits et décortiquerons les chiffres, pour déterminer si la future loi aura eu quelque effet positif et la corriger dans l’éventualité où nous ne la jugerions pas suffisante.
Je considère donc, monsieur Courteau, que votre amendement est excellent, mais satisfait. Avis défavorable.
L’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires transmet chaque année un rapport au Gouvernement. Ce rapport pourra être pris en compte dans l’évaluation du dispositif de contractualisation et des autres mesures prévues par le titre Ier du présent projet de loi.
Pour autant, il n’appartient pas à l’Observatoire d’évaluer les mesures gouvernementales. Ce rôle est celui du Parlement, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur.
Parce que nous sommes attachés aux droits, au travail et aux prérogatives du Parlement, j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Nous votons la loi, contrôlons un peu moins le Gouvernement et évaluons très peu les politiques publiques. C’est le sens de l’amendement que nous présentons.
Monsieur le rapporteur, je ne vois pas en quoi il résulterait de l’article 5 quater du projet de loi que notre amendement serait satisfait. Aux termes de cet article, l’Observatoire donne « un avis sur des indicateurs de coûts de production ou des indicateurs de prix des produits agricoles et alimentaires ou des méthodes d’élaboration de ces indicateurs » ; il sera aussi chargé de fournir des indicateurs appropriés. En revanche, rien n’est prévu en matière d’évaluation.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui pensent que la mission d’évaluation des politiques publiques doit être assumée pleinement par le Parlement, avec ses moyens. Reste que le Parlement ne pourra pas l’exercer de manière complètement autonome, sans travailler avec des organismes extérieurs.
S’agissant du sujet qui nous intéresse, c’est bien l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires qui nous alimentera en données pour que nous puissions porter une appréciation sur l’efficacité du dispositif prévu au titre Ier de la future loi.
Nous maintenons donc bien entendu notre amendement. Son adoption nous permettrait vraiment de progresser dans l’exercice du rôle que nos concitoyens attendent de nous en matière d’évaluation des politiques publiques, sur le sujet, éminemment important, du revenu des agriculteurs.
M. Roland Courteau opine.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.
La séance est reprise.
L’amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer les mots :
définies par l’interprofession
La parole est à M. Cyril Pellevat.
Les modalités de la négociation sur les volumes et le prix dans le contrat ou l’accord-cadre ne sauraient être définies par l’interprofession, dont ce n’est pas le rôle. Face aux risques d’insécurité juridique, il convient de supprimer la prérogative de définition de ces modalités par les interprofessions.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 279 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Piednoir, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 33
Compléter cet alinéa par les mots :
en priorisant les viandes bovines commercialisées sous signes d’identification de la qualité et de l’origine
La parole est à M. Cyril Pellevat.
Le plan de filière de la viande bovine française, réalisé par Interbev à la demande du Président de la République, fixe un objectif ambitieux en matière de développement de la production et de la commercialisation des viandes bovines sous signe d’identification de la qualité et de l’origine, ou SIQO : la filière s’est engagée à commercialiser 40 % de viandes bovines sous label rouge d’ici à cinq ans.
Cette montée en gamme ne sera possible qu’à travers un encadrement strict des relations commerciales au sein de la chaîne d’approvisionnement de ces viandes sous SIQO, incitant les producteurs à s’engager dans cette voie.
C’est pourquoi, alors que la filière viande bovine française n’est pas soumise à contractualisation obligatoire, les auteurs de cet amendement proposent d’encourager l’interprofession à rendre obligatoire à très court terme la conclusion de contrats de vente et accords-cadres écrits mentionnés à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime spécifiquement pour les viandes bovines commercialisées sous SIQO.
Nous ne proposons nullement d’imposer cette évolution aux interprofessions, qui travaillent aujourd’hui librement, mais avec des difficultés liées à leur mode de fonctionnement, à la bonne application de leur plan de filière.
D’abord, ce n’est pas à la loi de définir la stratégie de filière.
Ensuite, la disposition proposée peut être considérée comme une sorte d’injonction au Gouvernement ; elle serait dès lors anticonstitutionnelle.
Enfin, on n’a jamais constaté, dans quelque filière que ce soit, que ce sont les produits SIQO qui posent le plus de problèmes. En général, ces produits ont des systèmes contractuels ou de débouchés qui fonctionnent plutôt bien.
L’avis de la commission est donc défavorable.
J’ajouterai un quatrième argument à ceux de M. le rapporteur : aujourd’hui, dans la filière bovine, il n’y a que 2 % de contractualisation. Nous avons besoin d’encourager le développement de celle-ci, ce que prévoit d’ailleurs le plan de filière. Dans le cadre du suivi de ce plan, nous ne devons rien enlever, pour favoriser la contractualisation sur toute l’échelle de valeur de la filière. Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. Bizet, Buffet, Cornu, Danesi, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Duranton et Garriaud-Maylam et MM. D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 33
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les articles L. 441-6 et L. 441-10 du code de commerce s’appliquent pour les produits agricoles ou les produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles mentionnés au présent article.
II. – Après l’alinéa 55
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après le sixième alinéa du I de l’article L. 441-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le prix prévisionnel moyen proposé mentionné au sixième alinéa du présent I est précisé par accord interprofessionnel ou, à défaut par décret. » ;
…° Au VI de l’article L. 441-6, après les mots : « à ce même alinéa », sont insérés les mots : «, le fait de ne pas indiquer de prix prévisionnel moyen proposé par le vendeur au producteur de ces produits agricoles mentionné au I du présent article ou les critères et modalités de détermination des prix prévus à l’article L. 441-10 du code de commerce » ;
La parole est à M. Cyril Pellevat.
La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II, a créé un dispositif devant permettre une meilleure transparence pour les acteurs du secteur concernés par la contractualisation obligatoire. Pour des raisons de calendrier, elle s’est effectivement appliquée pour les négociations commerciales de 2018 entre transformateurs et acheteurs.
Le présent projet de loi intervient moins d’un an après l’entrée en vigueur effective de la loi Sapin II. S’appuyant sur les conclusions des États généraux de l’alimentation, il doit compléter et renforcer les dispositions de la loi précitée.
Il est donc proposé de laisser vivre le dispositif instauré pour la contractualisation rendue obligatoire, mais également de créer une sanction dans le cas où le prix prévisionnel moyen n’est pas indiqué dans les conditions générales de vente. Nous proposons aussi que la définition de ce prix prévisionnel moyen soit précisée par accord interprofessionnel ou, à défaut, par voie réglementaire.
Il s’agit plutôt d’un amendement d’appel en faveur de la conservation des dispositifs actuels, qui ne sont d’ailleurs pas remis en cause par le projet de loi. J’émets un avis défavorable, mais je pense que M. le ministre devrait expliquer la façon dont il orientera les ordonnances dans ce domaine.
On doit en effet veiller à la cohérence entre le dispositif de la contractualisation tel qu’il a été introduit à l’article 1er du projet de loi et le dispositif prévu par la loi Sapin II. Lors des travaux des États généraux de l’alimentation, les parties prenantes ont partagé le diagnostic sur les difficultés rencontrées par les acteurs en la matière.
L’automne dernier, j’ai moi-même pu vérifier, lors des comités de suivi des relations commerciales, que j’ai pilotés, qu’un certain nombre de difficultés se posaient ; c’était vrai pour la dernière campagne de négociation.
Ce diagnostic a conduit à la proposition du dispositif de cascade : les indicateurs présents dans les contrats, c’est-à-dire ceux qui sont utilisés dans la détermination du prix du producteur, seront pris en compte dans chacun des contrats passés ensuite avec un acteur en aval de la filière.
Il s’agit de tirer les leçons de l’application de la précédente loi, bien qu’elle soit très récente, et de proposer un dispositif d’une plus grande efficacité.
Pour cette raison, je suis défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 491 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guillaume, Mme Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Remplacer les références :
aux 1° à 6° du II de l’article L. 631-24
par les mots :
à ces articles
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement vise à revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale de l’alinéa 44 de l’article 1er.
En effet, la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques exempte les coopératives d’une réduction de l’indemnité de rupture de contrat en cas de changement de mode de production.
Or, en cas de changement du mode de production ne pouvant être valorisé par l’acheteur, la sortie du contrat doit être facilitée, afin de favoriser la montée en gamme de l’agriculture et de ne pas pénaliser les producteurs qui changent de système.
Cette disposition doit s’appliquer également aux coopératives, car ces structures appliquent des indemnités élevées pour rupture de contrat. Des agriculteurs bio m’ont confirmé que ces indemnités, parfois honteusement élevées, sont plus souvent réclamées par les coopératives que par les structures privées.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, il serait nécessaire que ces indemnités soient nulles, et pas seulement réduites. Je n’y reviens pas, mais aller encore plus loin en exemptant les coopératives d’indemnités réduites en cas de changement de mode de production est tout simplement injustifié.
La montée en gamme de notre agriculture est l’un des moyens de garantir un revenu à nos agriculteurs et la recherche de valeur ajoutée est également bénéfique pour l’environnement, la vie dans nos campagnes, la qualité de l’alimentation. Nous devons donc défendre les producteurs, les territoires, la biodiversité et choisir de lever tous les freins qui empêchent les producteurs d’aller vers des systèmes vertueux.
L’amendement n° 712, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 44, première phrase
Remplacer la référence :
aux 1° à 6° du II de l’article L.631-24
par la référence :
au II de l’article L.631-24
La parole est à M. le ministre.
Le texte adopté par la commission des affaires économiques du Sénat exclut pour les coopératives la définition d’une clause relative aux délais de préavis et à l’indemnité applicable lors de la résiliation du contrat.
Pourtant, la sortie du contrat coopératif ou le retrait de l’associé coopérateur sont prévus par les statuts coopératifs et ne peuvent qu’exceptionnellement intervenir avant la fin de la période d’engagement du coopérateur.
Il ne s’agit pas d’y porter atteinte, mais seulement de prévoir que les délais et les pénalités qui demeurent à l’appréciation du conseil d’administration doivent, en coopérative comme dans le cas général, tenir compte des situations dans lesquelles le départ de l’associé coopérateur est lié à un changement de mode de production, par exemple à la conversion à l’agriculture biologique, qui n’est pas valorisé par la coopérative.
Tel est l’objet du présent amendement, que je vous invite à adopter.
Si vous le permettez, monsieur le président, j’en profite pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 491 rectifié, défendu par M. Labbé. Je lui préfère l’amendement du Gouvernement, ce dernier étant plus clair quant aux objectifs.
Je suis d’accord avec M. Labbé, notre objectif est de défendre les agriculteurs. Or, depuis quelques décennies, le meilleur moyen que nos agriculteurs aient trouvé pour se défendre…
… est de se regrouper en coopératives. Les coopératives ont adopté des statuts semblables à ceux des coopératives d’autres pays européens.
Comme je vous l’avais dit lors d’une discussion en tête-à-tête, monsieur le ministre, il ne faut pas déstabiliser certains grands systèmes, comme la loi de 1905 – cette loi est un bon exemple, bien qu’elle n’ait rien à voir avec le sujet du présent débat –, le statut du fermage dans lequel on veut mettre un coin à chaque loi agricole – le plus souvent, sur l’initiative des propriétaires – et le statut de la coopération.
Le départ d’un associé est prévu. Le contrat peut durer jusqu’à cinq ans, ce qui est un minimum si l’on veut que la coopérative puisse s’organiser et avoir des approvisionnements suffisamment sécurisés pour amortir ses investissements et pour faire quelques prévisions pour l’avenir. Sans cela, elle n’aurait pas lieu d’être.
Je veux aussi rappeler que 550 coopératives accompagnent déjà leurs associés coopérateurs dans la transition vers le bio sans qu’aucune sortie de ceux-ci ait eu à être envisagée.
Nous devons faire très attention lorsque nous écrivons la loi, car celle-ci n’a pas vocation à régler quelques cas particuliers. Ce n’est pas parce que quelques grincheux ont menacé de quitter leur coopérative pendant les États généraux de l’alimentation que nous devons changer la loi.
Pour toutes ces raisons, je vous propose d’en rester à la rédaction de la commission et j’émets un avis défavorable.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’amendement n° 491 rectifié est adopté, l’amendement n° 712 n’aura plus d’objet.
La parole est à M. Henri Cabanel, pour explication de vote.
Je partage totalement les propos du rapporteur.
Diminuer les pénalités reviendrait à dénaturer le statut de la coopération, car, comme l’a très bien expliqué le rapporteur, lorsque l’associé coopérateur s’engage, il le fait pour une durée minimale de cinq ans. Or la coopérative réalise des investissements dont l’amortissement est souvent plus long – dix, douze, voire quinze ans pour des bâtiments.
L’engagement de l’associé coopérateur constitue une sécurité pour la coopérative, en termes tant d’apports que d’amortissement des investissements. Il faut donc laisser le soin au conseil d’administration des coopératives d’appliquer les pénalités correspondant à leur situation.
Nous sommes défavorables à l’amendement n° 491 rectifié.
Le retrait des associés coopérateurs est un sujet qui a été régulièrement traité par notre assemblée, lors de l’examen tant du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire – pour les coopératives agricoles comme non agricoles – que du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce dernier texte définitivement adopté fixant un cadre qui me paraît satisfaisant pour les coopératives, je ne vois aucune raison de le modifier.
Si je rappelle que nous avons eu ces débats, c’est parce que nous avons tendance à vouloir transformer les relations intracoopératives à l’image des autres relations commerciales
M. Laurent Duplomb applaudit.
Les capacités de retrait existent. Elles sont d’ailleurs très calibrées dans le statut des coopératives qui doit fixer non seulement les conditions de retrait, mais aussi une partie des critères pris en compte pour calculer, non pas les pénalités, car le terme est impropre, mais les remboursements des investissements que l’associé qui se retire devra aux autres coopérateurs.
Le calcul en est très rigoureux, et les conflits sont extrêmement rares. Dans leur grande majorité, les agriculteurs qui ont fait une transition vers le bio n’ont d’ailleurs pas rencontré de difficulté majeure dans leur coopérative.
M. le rapporteur a eu raison de citer les 550 cas de coopératives qui ont accompagné la mutation vers le bio.
Quand il y a eu jugement, le tribunal a fait référence aux frais afférents, et le montant des remboursements a rarement été dissuasif.
Je ne vois pas l’intérêt de modifier ce cadre. Tenons-nous-en à la philosophie de la solidarité, et pas du rapport commercial !
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
…mais je trouve gênant que le ministre de l’agriculture soutienne la même position.
Premièrement, une coopérative ne distribue pas de dividendes. L’argent qu’elle gagne, elle le redistribue à ses producteurs. Mme Lienemann a raison, la coopérative est le socle du mutualisme et de la solidarité.
Le principe même de la coopérative est de collecter la totalité de ce que produit le coopérateur. Il est donc totalement faux, monsieur Labbé, d’affirmer que des producteurs n’ont pas pu passer au bio parce que la coopérative ne l’aurait pas voulu.
Deuxièmement, en vertu de leur fonctionnement mutualiste et solidaire depuis vingt ans, les coopératives ont non seulement continué de collecter les produits des producteurs bio, mais ont payé ceux-ci plus cher que les producteurs conventionnels. Le mutualisme joue aux dépens de ces derniers.
Vous le savez, et vous avez tort de ne pas le dire, monsieur Labbé ! Un producteur bio est payé 400 euros, alors qu’un producteur conventionnel n’est payé que 300 euros, et pourtant, la production du premier, s’il s’agit par exemple de lait, finira noyée dans le lait conventionnel parce qu’il n’est pas possible de collecter un seul producteur avec un camion séparé.
Monsieur le ministre, c’est une honte que vous souteniez une telle disposition. Le problème est que vous connaissez trop mal notre système agricole.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.
Je ne répondrai pas une invective par une autre invective.
Comme cela est précisé clairement dans l’objet de l’amendement, celui-ci vise le cas « de changement du mode de production ne pouvant être valorisé par l’acheteur ».
Nous demandons simplement que ce cas soit pris en compte, et cela afin d’encourager la montée en gamme.
Mon amendement est presque identique à celui du Gouvernement, mais comme il est appelé en discussion en premier, je demande à M. le ministre bien vouloir retirer son amendement.
Sourires.
Nous sommes au premier jour de l’examen des articles du présent projet de loi, et je veux dire amicalement à mon collègue Laurent Duplomb que chaque sénateur en vaut un autre.
Si !
Joël Labbé est un militant qui défend ses convictions. Que l’on soit d’accord ou non, il faut le laisser les défendre.
Il serait bon de ne pas dénigrer le travail d’autrui.
S’agissant de l’amendement, je pense qu’il y a une confusion.
J’ai eu l’honneur d’être rapporteur pour le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt…
Oui, et j’en suis très fier ! J’ai modestement contribué à l’écriture du texte définitivement adopté, car, comme je l’ai dit tout à l’heure, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de Bruno Le Maire, qui devait tout régler, n’a rien réglé du tout.
Vous étiez contre la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui prévoyait la contractualisation, notamment, et aujourd’hui vous dites qu’elle ne va pas assez loin !
Le problème est que vous ne voulez jamais avancer parce que pour vous, l’agriculture est figée. Eh bien non, elle n’est pas figée ! Si ça ne marche pas, il faut essayer d’avancer ! C’est pour cette raison que je soutiens les amendements présentés par M. Labbé et par le Gouvernement.
Leur adoption n’aurait pas pour conséquence de détruire les coopératives. En l’espèce, il ne s’agit pas de coopératives HLM. Certaines comptent 2 000, 3 000 voire 4 000 coopérateurs. Nous ne discutons que de quelques cas particuliers. Pourquoi empêcher quelqu’un qui pour diverses raisons ne voudrait pas rester dans une coopérative d’en partir ? Donner de la liberté aux agriculteurs ne déstructurerait pas les coopératives !
Nous sommes tous des défenseurs des coopératives – moi le premier –, dont certaines fonctionnent globalement très bien, mais cela n’est pas incompatible avec le fait de donner la possibilité aux agriculteurs de sortir de leur coopérative lorsqu’ils rencontrent un problème de rémunération ou de statut. Comme vous l’avez dit, madame Lienemann, une telle mesure ne concerne du reste que très peu de personnes.
En n’adoptant pas ces amendements, comme la Haute Assemblée s’apprête vraisemblablement à le faire, nous n’allons pas dans le sens d’une plus grande liberté des coopérateurs.
Il s’agit d’un sujet de fond, dont le rapporteur a très bien souligné l’importance. Ne touchons pas aux coopératives !
Permettez-moi de souligner que la coopération est un projet collectif de femmes et d’hommes qui s’engagent financièrement, un projet collectif de moyens et un projet collectif de production. Et deux choses sont précieuses : la notion de partage et l’obligation pour la coopérative de collecter la totalité de la production du coopérateur, et ce quelle que soit la qualité du produit.
Contrairement à ce qui a pu être affirmé, la coopérative n’empêche en rien un coopérateur de changer de système de production, notamment de passer à l’agriculture biologique.
Cela étant, l’engagement coopératif dure cinq ans. C’est court ! Et songeons au déséquilibre qui existe entre les obligations de la coopérative et de l’associé et qui ne doit pas être modifié. Ainsi, en aucun cas la coopérative ne peut mettre un coopérateur dehors. C’est un modèle précieux et assez exceptionnel sur notre territoire.
Même s’il est perdu dans un secteur géographique où personne ne veut aller et qu’il ne livre pas beaucoup de lait – étant élu du département des Vosges, je peux en parler en connaissance de cause –, chaque producteur est collecté tous les deux jours et au même prix que les autres producteurs.
Soyons prudents ! Ne cassons pas cet outil extraordinaire, qui, d’ailleurs, monsieur le ministre, permettra d’atteindre en partie l’objectif que vous vous êtes fixé concernant les revenus des agriculteurs.
Je soutiens donc complètement l’avis de notre rapporteur. Au-delà du présent texte, il s’agit d’un enjeu essentiel pour nos territoires et pour les femmes et les hommes de nos territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.
Monsieur Duplomb, vous n’êtes pas le seul dépositaire de la connaissance en matière agricole. Par ailleurs, vous le savez, les coopératives distribuent des dividendes après la dotation des réserves obligatoires.
L’amendement qui est proposé par le Gouvernement tend à déterminer les clauses de sortie, mais aussi à prendre en compte les indicateurs visés à l’alinéa 14 pour la détermination du prix des apports.
Il ne s’agit pas de remettre en cause le statut des coopératives. Nous sommes tous très attachés aux valeurs de la coopération, et à ne pas fragiliser les coopératives, qui irriguent l’économie de nos territoires et qui représentent des emplois et des débouchés commerciaux importants pour nos agriculteurs.
Pour autant, les coopérateurs se heurtent à un certain nombre de difficultés. Lorsqu’un débouché commercial n’est pas pris en compte par la coopérative, le coopérateur doit avoir la possibilité d’engager une partie de sa production sur ce marché.
Il faut toutefois y mettre des limites, afin de ne pas fragiliser la coopérative, je le répète. Un coopérateur s’engage sur deux points essentiels : un volume et une qualité de produit. Il suffit de faire en sorte que le délai de prévenance du producteur qui souhaite se retirer soit suffisant, afin de ne pas mettre la coopérative en difficulté.
Les statuts le prévoient, certes, mais ils ne sont pas suffisamment précis – nous le verrons lorsque nous débattrons de l’habilitation à légiférer par ordonnance sur le statut de la coopération.
Des difficultés existent : les échéances parfois ne sont pas synchronisées, les différents engagements prévus par le contrat d’apport peuvent rendre tout départ impossible, ou encore il peut s’agir de la durée de remboursement des parts sociales.
N’ayons pas peur ! Il s’agit non pas de remettre en cause le statut de la coopération, mais de laisser la possibilité à un coopérateur de s’engager sur un débouché commercial nouveau, même si sa coopérative ne le valorise pas – il peut s’agir, par exemple, de la transformation de produits à la ferme –, et de créer ainsi les conditions de la diversification et de l’augmentation de son revenu agricole, objectifs qui sont les nôtres au travers de ce texte.
L’amendement n° 491 rectifié est retiré.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
Je suis un peu surpris de la tournure que prend le débat.
Depuis Proudhon, la Franche-Comté est le pays des coopératives. Quand un producteur veut sortir d’une coopérative, il est accompagné, et les statuts de la coopérative permettent de trancher d’éventuels problèmes.
Je ne voudrais pas que les coopératives soient mises au pilori au prétexte de difficultés ponctuelles
M. Laurent Duplomb applaudit.
Avec une coopérative, nous n’aurions pas les problèmes que nous connaissons aujourd’hui avec les trois grands groupes de la distribution !
Ce sont les coopératives qui permettent aux paysans de défendre au mieux leurs intérêts. Les paysans de mon département qui passent au bio sont d’ailleurs accompagnés par leur coopérative.
Réglons ce problème dans les statuts de la coopérative, mais ne légiférons pas sur cette question, sauf à commettre une grave bêtise. Nous devons défendre les coopératives comme la prunelle de nos yeux !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le ministre, vous avez dit que les associés coopérateurs s’engageaient sur un volume et sur une qualité, mais ils s’engagent aussi sur une durée.
Une coopérative est une entreprise. Elle doit faire des investissements, et elle doit les sécuriser au regard de ses contrats.
Je comprends que vous voulez traiter de cas qui vous semblent marginaux, mais nous devons nous garder d’ouvrir la boîte de Pandore. Si un coopérateur peut quitter la coopérative, un deuxième pourra invoquer, au nom d’une forme de jurisprudence, la possibilité de partir à son tour, et c’est tout l’édifice que nous fragiliserions.
J’apporte donc le soutien de l’ensemble de la commission à M. le rapporteur.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 683 rectifié bis, présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Guérini, Mme Jouve et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 45
Remplacer les mots :
utilisés pour la rémunération des producteurs de ces produits
par les mots :
mentionnés au II de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime
La parole est à M. Franck Menonville.
Il est proposé que le contrat d’apport fasse référence aux indicateurs mentionnés dans le pacte coopératif et non aux indicateurs utilisés pour la rémunération des producteurs associés coopérateurs. En effet, la notion de rémunération est une notion plus large en coopérative que celle de prix.
Il s’agit d’une précision rédactionnelle.
L’avis est favorable.
Monsieur Guillaume, vous avez cité deux lois, qui, selon vous, n’auraient servi à rien. Permettez-moi de rappeler que la contractualisation sur laquelle porte notre débat a été rendue en partie obligatoire par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010. Tout n’est peut-être pas parfait, mais la situation serait bien différente sans la contractualisation.
En 2010, les quotas laitiers allaient être supprimés.
Imaginez la situation des producteurs de lait sans la contractualisation obligatoire ! Aujourd’hui nous modifions certaines dispositions de la loi, et c’est bien normal, car la vie continue.
Monsieur le ministre, vous avez dit l’autre jour que vous posiez une première pierre. Je crois que c’est une erreur, et qu’il vaudrait mieux dire que vous posez une pierre. Nous bâtissons un grand mur où chacun cale des pierres. C’est pourquoi il ne faut pas dire qu’une loi n’a servi à rien sans aucune donnée à l’appui.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 124 rectifié sexies est présenté par MM. Decool, Guerriau, A. Marc, Chasseing, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et MM. Daubresse et Moga.
L’amendement n° 175 rectifié bis est présenté par M. Lefèvre, Mme Gruny, MM. Cuypers et Pellevat, Mme Canayer, M. Charon, Mme Imbert, MM. Revet, Bonne, Bazin, Kennel, Dallier, Chatillon, Mayet et Huré, Mme Deromedi et MM. Rapin et Sido.
L’amendement n° 266 rectifié ter est présenté par M. Adnot et Mme Perrot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 47
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. – Sans préjudice des dispositions du règlement portant OCM unique concernant le secteur du sucre, lesdits articles L. 631-24 à L. 631-24-2 sont applicables aux contrats passés avec les entreprises sucrières par les producteurs de betterave ou de canne à sucre.
La parole est à M. Alain Marc, pour présenter l’amendement n° 124 rectifié sexies
Cet amendement vise à assurer aux producteurs de betteraves et de canne à sucre les mêmes garanties qu’aux autres agriculteurs.
Les planteurs, dont la rémunération baisse, sont particulièrement intéressés par l’obligation pour le contrat de faire référence aux indicateurs utilisés pour la rémunération de leurs betteraves, et ce d’autant plus que, d’une part, les discussions avec certains fabricants sur le prix définitif des betteraves pour la période 2017-2018 sont très tendues, et que, d’autre part, les engagements pluriannuels pris par d’autres fabricants sur un niveau de rémunération des betteraves ne seront pas respectés au vu de la très forte dégradation des prix du sucre ces derniers mois.
Si la filière de la betterave sucrière bénéficie d’une réglementation européenne étoffée, en matière de contrats de vente de betteraves, le droit national s’est toujours appliqué sous réserve des règlements européens.
Ainsi, l’exclusion des betteraviers et canniers du bénéfice des nouvelles dispositions relatives aux contrats de vente de produits agricoles, au motif que seul le droit communautaire s’appliquerait, n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne – compétente pour interpréter le droit de l’Union européenne, selon l’article 267 du traité – selon laquelle « si l’organisation commune des marchés prévoit des règles générales relatives à la vente et l’achat des betteraves, il en ressort cependant clairement que les accords et contrats visés continuent, sous réserve du respect desdites règles générales, d’être régis par le droit national des contrats sous lequel ils sont conclus ».
Il est donc particulièrement important dans le contexte actuel de renforcer la contractualisation au sein de la filière, notamment en renforçant le rôle de l’interprofession, qui pourrait fournir des indicateurs et définir les modalités de partage de la valeur, ce que permet le projet de loi en discussion, dans le strict respect du droit de la concurrence.
Les présentes dispositions ne sont d’aucune manière contradictoires avec l’accord interprofessionnel signé par la filière betterave-sucre en cours d’application ; il n’est nullement question de remettre en cause cet accord. A contrario, les avancées contenues dans le présent projet de loi pourraient venir compléter utilement le futur accord interprofessionnel qui s’appliquera à compter de 2020.
Ainsi, l’exclusion dont les betteraviers et les canniers font l’objet dans le présent projet de loi n’est pas une nécessité au regard du droit de l’Union européenne et elle n’est pas cohérente avec les réalités que connaît la filière sucrière française.
La parole est à M. Pierre Cuypers, pour présenter l’amendement n° 175 rectifié bis.
Le contexte difficile dans lequel se trouve la filière sucrière aujourd’hui impose de manière très précise de renforcer la contractualisation.
Comment ? En renforçant le rôle de l’interprofession – je dis bien le rôle de l’interprofession – en toute transparence, j’y insiste, ce qui permettrait d’évaluer le partage des valeurs en construisant des indicateurs et de définir justement ce partage de la valeur en respectant le droit de la concurrence.
L’amendement n° 266 rectifié ter n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Puisqu’il paraît que nous mangeons trop de sucre, on aurait pu imaginer que cet amendement soit examiné dans le cadre du titre II du projet de loi, relatif à l’alimentation…
La contractualisation dans le secteur sucrier est exemplaire, puisque, aujourd’hui, 100 % des betteraves achetées sont couvertes par un contrat.
Elle est encadrée intégralement par la réglementation européenne dans le cadre de l’organisation commune des marchés.
Plusieurs différences s’appliquent avec le cadre de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime. Par exemple, l’initiative du contrat revient au fabricant, et non au producteur.
Depuis 2016, la réglementation européenne prévoit déjà la possibilité d’établir des clauses de répartition de la valeur régies par l’accord interprofessionnel. C’est d’ailleurs ce secteur qui a servi d’exemple à l’ensemble des autres, puisque nous appelons tous de nos vœux le recours à des clauses de ce type.
L’interprofession a mis en place cette clause. Une commission de répartition de la valeur est installée dans chaque entreprise, composée des représentants des planteurs et, bien sûr, des sucriers.
Un prix minimal garanti est fixé, avec une prime de revalorisation en fonction des excédents dégagés pour les producteurs.
Modifier le régime contractuel applicable à la filière sucrière reviendrait à remettre à plat l’ensemble des accords que celle-ci a conclus et qui semblent plutôt bien fonctionner, malgré l’existence d’un certain nombre de désaccords.
Or la remise en cause des clauses de répartition de la valeur semble entraîner plus de risques que d’opportunités.
Je suggère que l’on attende de tirer un bilan de cette expérience de trois ans avant de conclure quoi que ce soit.
Je rappelle, enfin, qu’il est de toute façon possible, pour la filière sucrière, de se doter de règles équivalentes à celles que prévoit l’article 1er du projet de loi par un accord interprofessionnel.
Dès lors, j’émets un avis défavorable.
Même avis défavorable, pour les raisons développées par M. le rapporteur.
Si je comprends bien la dernière phrase qu’il a prononcée, M. le rapporteur nous dit que la filière sucrière est, elle aussi, concernée par l’article 1er.
Effectivement, elle peut prendre en compte la construction du prix, en complémentarité des accords déjà existants. Je n’avais pas véritablement considéré cet argument.
De fait, les betteraviers se sentent un peu exclus du dispositif, alors que ces agriculteurs pratiquent d’autres cultures, la culture de la betterave impliquant un assolement alternatif.
Il est important d’évoquer ce sujet.
On parlera de nouveau du sucre lorsque nous examinerons d’autres articles, à propos de la transformation en produits non alimentaires, en particulier en éthanol, de la mélasse ou des dérivés de l’amidon – il faut, en la matière, différencier résidus et déchets.
Cela aussi est important, et la commission l’a bien compris, qui a pris en compte les modifications portant sur la mélasse et l’amidon. On ne doit pas s’interdire ces débouchés, qui concourent à rémunérer le betteravier !
Les betteraviers se sentent un peu exclus des dispositifs, puisqu’ils ne sont ni directement concernés par l’article 1er ni associés quand il s’agit de transformation.
De ce point de vue, les arguments de M. le rapporteur me paraissent rassurants, mais je pense que le projet de loi devra donner un certain nombre de garanties. L’affaire est grave. Le sucre est remis en cause de manière permanente, à l’heure où l’on confond volontiers consommation de sucre et excès de sucre. Il faudra y être attentif – c’est le médecin qui parle ! En outre, les prix ne sont pas garantis, malgré les quotas instaurés à cet effet sur la base d’objectifs de transformation. La filière se retrouve donc brutalement mise en difficulté, avec des conséquences très graves à venir sur le secteur rural.
Il faut être très attentif à ces difficultés et faire en sorte que les producteurs de betterave ou de canne à sucre ne soient pas remis en cause, comme c’est le cas régulièrement.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 124 rectifié sexies et 175 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 711, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 48 et 49
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« IV. - Les contrats types définis dans le cadre d’accords interprofessionnels étendus dans les conditions prévues aux articles L. 632-3 et L. 632-4 peuvent préciser et compléter les clauses mentionnées au II de l’article L. 631-24.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à ce que les contrats types qui sont étendus par accords interprofessionnels puissent préciser et compléter les clauses mentionnées au II de l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime.
Nous ne pouvons accepter que l’on prévoie la possibilité, pour un secteur particulier, de déroger par accord interprofessionnel à la loi.
Cet amendement tend donc à supprimer cette possibilité, introduite par la commission des affaires économiques du Sénat aux alinéas 48 et 49.
Cela étant, il est vrai que les contrats types qui ont été établis par les accords interprofessionnels sont un outil important pour consolider la contractualisation au sein d’une filière. Ils peuvent, par exemple, établir une liste de clauses obligatoires complémentaires ou additionnelles à celles que prévoit le socle de base défini par l’article 1er du projet de loi. Ils peuvent également préciser la rédaction ou le contenu d’une clause type prévue par la loi.
Pour répondre à certaines attentes exprimées par les différentes interprofessions, dont celle du secteur vitivinicole, il est proposé de rappeler explicitement cette possibilité dans le texte de la loi, en y indiquant que les interprofessions peuvent préciser et compléter, par accord interprofessionnel, les clauses prévues par la loi.
J’ai pu constater, dans les récents échanges que j’ai eus avec certaines interprofessions, que cet ajout était de nature à les rassurer et répondait à leurs attentes. J’ai cru comprendre que leurs représentants vous avaient alertés en nombre, mesdames, messieurs les sénateurs, en vous demandant de vous rallier au présent amendement. Je vous invite donc à l’adopter !
L’amendement n° 275 rectifié bis, présenté par MM. Bizet, Buffet, Chatillon, Cornu, Danesi, Darnaud, Daubresse et de Legge, Mmes Deromedi, Deseyne et Duranton, M. B. Fournier, Mme Garriaud-Maylam et MM. Guené, D. Laurent, Lefèvre, Longuet, Mayet, Milon, Morisset, Paul, Pellevat, Priou, Rapin, Revet, Sol, Vaspart et Vogel, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Après le mot :
types
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
dans le cadre d’accords interprofessionnels étendus pris en application des articles L. 632-1 et suivants.
La parole est à M. Michel Vaspart.
D’autres secteurs que le secteur viticole disposent de contrats types. C’est le cas de l’interprofession des semences qui est contractualisée à 100 %.
Il est donc essentiel d’élargir la disposition qui a été adoptée par la commission des affaires économiques au plus grand nombre.
Cela permettra à la loi de prévoir le cas d’accords interprofessionnels étendus, tout en répondant à l’objectif initial, à savoir développer la contractualisation.
L’amendement n° 767, présenté par M. Raison, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 48
Remplacer les références :
des articles L. 632-1 et suivants
par la référence :
de l’article L. 632-2-1
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 163 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Guerriau et A. Marc, Mme Mélot, MM. Capus, Chasseing, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent et M. Daubresse, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 49
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … L’article L. 631-24 peut être précisé et complété par extension d’un accord interprofessionnel en application de l’article L. 632-3. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Cet amendement vise à modifier les mécanismes de la contractualisation pour tenir compte des spécificités de la filière des fruits et légumes.
Afin de prendre en considération ces spécificités, à savoir le caractère météo-sensible, la très grande diversité des produits, la diversité des modes et des coûts de production ainsi que des schémas de commercialisation, il est proposé de laisser à l’interprofession, à partir du moment où elle représente l’ensemble des maillons de la filière, de la production jusqu’à la distribution, la possibilité de préciser, voire de compléter, par accord interprofessionnel, les dispositions de la loi et de prévoir les modalités spécifiques de contractualisation.
Cet accord interprofessionnel permettra d’encadrer de manière volontaire la contractualisation, afin de la rendre attractive et adaptée à la filière.
Nous n’avons pas remarqué que les filières que nous avons auditionnées demandaient une telle exonération ! La raison en est probablement que les éléments minimaux à prévoir dans les contrats sont assez souples et acceptables par tous.
Un contrat est fait pour protéger un producteur dans sa relation avec l’aval, qui est concentré. Pour ce faire, il convient de prévoir des clauses minimales dans un contrat. Si l’on nivelle par le bas, par le recours aux accords interprofessionnels moins-disants, le risque est d’avoir un effet contre-productif. Il faut donc limiter les dérogations.
Toutefois, la commission des affaires économiques a adopté une dérogation spécifique pour le secteur vitivinicole – tout à l’heure, nous avons évoqué les caves coopératives – compte tenu des spécificités du secteur, notamment le recours aux contrats spot, ce qui ne se retrouve que dans très peu de filières.
Le formalisme est mal adapté à la filière viticole, pour laquelle la plupart des contrats, au demeurant ponctuels, pour l’essentiel, via des contrats spot, sont réalisés par l’intermédiaire d’un courtier qui est mandaté par les deux parties au contrat. Or le courtage n’est même pas envisagé dans le projet de loi.
Je maintiens donc la position initiale de la commission, et j’émets un avis défavorable sur les trois amendements.
J’invite à adopter l’amendement du Gouvernement, et j’émets un avis défavorable sur les autres.
Monsieur le président, je veux intervenir avant la fin de l’examen de l’article 1er, puisque je n’ai pas pu le faire tout à l’heure, pour répondre à M. Guillaume concernant la problématique de la contractualisation.
Mon cher collègue, la contractualisation n’a pas servi à rien, …
… pour une simple et bonne raison : dans les coopératives, elle existe, et elle est naturelle.
En revanche, avec la suppression des quotas laitiers, si la contractualisation n’avait pas existé, les entreprises privées auraient pu choisir leurs producteurs à travers le pays. Elles les auraient alors choisis dans les secteurs où le lait est le plus facile à collecter et auraient laissé tomber tous ceux qui travaillent dans des secteurs comme le mien, par exemple en zone de montagne.
Je veux aussi vous rappeler, à propos de coopération, que, chaque fois qu’un collecteur, en France, s’est cassé la figure, a été placé en liquidation ou a rencontré des difficultés financières, bref, chaque fois qu’il a fallu jouer le jeu de la mutualisation et de la solidarité, ce sont toujours les coopératives qui ont servi d’ambulance.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er est adopté.
L’amendement n° 54, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par les mots : «, des viandes et du lait de vache est » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Après consultation des syndicats et organisations professionnelles agricoles, les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture fixent le taux du coefficient multiplicateur, sa durée d’application et les produits visés. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Cet amendement, que nous défendons avec constance depuis de nombreuses années, a pour objet d’étendre le mécanisme du coefficient multiplicateur aux viandes et au lait de vache, suivant d’ailleurs en cela les préconisations formulées par le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, dans l’avis sur la compétitivité de l’agriculture que celui-ci a rendu en février dernier.
Fondé sur un principe simple d’encadrement des prix d’achat en lien avec le prix de vente, cet amendement tend à appliquer un coefficient limitant les taux de marge, plus particulièrement ceux des distributeurs, sur l’ensemble de la filière. Il s’agit d’une régulation par l’État des prix et du marché.
Ce dispositif est déjà l’objet de l’article L. 611-4-2 du code rural et de la pêche maritime, mais il ne concerne actuellement que les fruits et légumes, avec un déclenchement laissé à la libre appréciation des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture.
Si, depuis l’instauration de ce dispositif, son activation a été évoquée à plusieurs reprises, jamais cette démarche n’a été concrétisée. L’argument de la complexité de ce mécanisme est difficile à entendre, étant donné qu’il existe depuis maintenant des années.
S’il était effectivement utilisé, comme le préconise le CESE, le coefficient multiplicateur serait un outil très efficace d’encadrement des marges, pour éviter les situations dans lesquelles les producteurs sont obligés de travailler à perte.
C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à l’étendre à l’ensemble des viandes et au lait de vache, tout en précisant qu’il s’appliquerait bien évidemment aux périodes de crise conjoncturelle ou en prévision de celles-ci.
En s’appliquant également aux produits agricoles importés, cette extension du coefficient multiplicateur constituerait aussi un puissant levier de dissuasion envers les pratiques de mise en concurrence des productions, notamment en fonction de la date d’arrivée sur le marché, et de dumping économique, social et environnemental
Nous pensons que ce mécanisme risque de tendre le dialogue entre les acteurs des filières, raison pour laquelle le dispositif de l’amendement précise également que les ministres chargés de l’économie et de l’agriculture devront, avant de décider du taux et de la durée du coefficient multiplicateur, consulter non seulement les organisations professionnelles concernées, mais également les syndicats agricoles.
Enfin, la limitation à trois mois de l’application du coefficient multiplicateur est supprimée par le biais de cet amendement.
La question du coefficient multiplicateur revient dans tous les textes agricoles que nous examinons, quelle que soit leur importance.
En 2005, sur l’initiative du député UDF Jean Dionis du Séjour, qui connaissait bien le secteur des fruits et légumes, ce dispositif a été introduit dans le code rural et de la pêche maritime, en cas de problèmes conjoncturels.
Force est de le constater, il n’est jamais utilisé, tout simplement parce que, s’il est séduisant, il est aussi très complexe.
On a là un bel exemple d’une loi que l’on a votée mais qui ne fonctionne pas ! En l’occurrence, la complexité du dispositif est telle qu’on ne peut pas le mettre en place.
Je pense sincèrement qu’il est inutile de généraliser le coefficient multiplicateur dans la loi.
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Comme vous venez de le dire, monsieur le rapporteur, ce dispositif n’est pas nouveau. Il a été mis en place afin notamment de protéger les paysans et les consommateurs des pratiques abusives des intermédiaires, particulièrement en matière de marges.
Nous débattons à son sujet de façon récurrente.
L’objectif est bien de permettre la satisfaction des besoins des Français par une maîtrise publique et d’empêcher les spéculateurs de déstabiliser les prix.
Même s’il ne nous surprend pas, nous regrettons votre avis défavorable.
Puisque nous sommes désireux de régler le problème des marges et de protéger les agriculteurs et puisque nous appelons à un minimum de régulation, pour que chacun puisse s’y retrouver, je pense que le coefficient multiplicateur devrait être utilisé. Cela nous éviterait un certain nombre de crises agricoles telles que nous avons pu les connaître par le passé dans les différents secteurs.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 271 rectifié bis est présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled et Paul, Mme Goy-Chavent, M. Daubresse et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires.
L’amendement n° 489 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Guérini, Mme Laborde et M. Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 631-24-5 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 631-24-… ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -24 -… – Lorsque l’acheteur résilie un contrat mentionné à l’article L. 631-24 portant sur l’achat de lait, le producteur peut exiger, s’il n’a pas conclu un nouveau contrat avec un acheteur pour les volumes en cause, un avenant non renouvelable reprenant à l’identique les conditions prévues par le contrat résilié pour une durée de trois mois à compter de la date effective de la résiliation. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l’amendement n° 271 rectifié bis.
Cet amendement vise à lutter contre le chantage à la collecte et le déréférencement des producteurs.
En effet, ces deux instruments pervers donnent une force colossale de négociation aux acheteurs industriels. L’inversion de la construction des prix comporte des risques pour les producteurs et cet amendement tend à les protéger de pratiques de négociation abusives et critiquables.
La peur de ne plus être collecté place les producteurs dans une position de faiblesse à l’égard de leurs acheteurs, à cause de leur dépendance économique.
Conformément aux remarques exprimées par M. le rapporteur en commission et à la suite des échanges avec l’administration, la nouvelle rédaction de cet amendement propose une solution « 3+3 », selon laquelle, outre le délai de préavis à la rupture d’un contrat de trois mois, le producteur de lait ou de denrées périssables dispose de trois mois supplémentaires pour pouvoir, en quelque sorte, se retourner.
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 489 rectifié.
Pour gagner du temps, je vais dire que l’amendement a été très bien défendu !
Sur le fond, ces amendements sont extrêmement importants. Cependant, en commission, nous avions sollicité le retrait de ceux qui nous avaient été soumis, parce qu’ils présentaient des problèmes de rédaction.
Les amendements que nous examinons sont désormais très bien rédigés, raison pour laquelle la commission y est très favorable.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Pour autant, il ne peut y avoir de rupture de collecte en cas de difficulté entre un producteur et sa coopérative ou l’entreprise de collecte avec laquelle il a contractualisé, pour la bonne et simple raison que, tant que le litige n’est pas réglé, le transformateur doit continuer à collecter, quelle que soit l’issue des négociations.
Il est vrai que le chantage à la collecte et au déréférencement ne devrait pas exister – je souscris totalement à cette idée –, mais il n’est pas nécessaire d’introduire de nouvelles dispositions. Utilisons les dispositifs qui existent aujourd’hui !
Par ailleurs, plutôt que d’obliger l’acheteur à signer un avenant pour prolonger de trois mois le contrat arrivé à expiration, ce qui est contraire à la liberté contractuelle, j’invite les participants à anticiper les dates de fin de contrat et à commencer la médiation au moins trois mois avant la date d’expiration, maintenant que les délais en la matière sont très encadrés, pour que cette médiation soit beaucoup plus effective, ce qui devrait permettre aux parties de trouver des solutions.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 271 rectifié bis et 489 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 53, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin d’informer le consommateur de la part de valeur du produit qu’il achète qui revient au producteur primaire, et de ce que représente cette part de valeur relativement aux coûts engagés par le producteur pour fournir le produit que le consommateur, les producteurs, transformateurs et distributeurs signent des conventions tripartites pluriannuelles garantissant le partage de la valeur ajoutée et l’étiquetage de cet indicateur de prix.
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Cet amendement s’inscrit dans la logique du projet de loi, qui a pour ambition de rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
L’un de nos objectifs est de permettre aux producteurs de vendre à un prix rémunérateur et de sortir de la précarité des milliers d’agriculteurs.
Or, si ce projet de loi vise à une répartition plus juste de la valeur ajoutée, l’un des moyens d’y parvenir est d’informer et de responsabiliser les consommateurs.
En effet, en indiquant sur l’étiquette des produits la manière dont est répartie la valeur ajoutée, nous permettons aux Français d’être plus avisés dans leurs achats.
Par ailleurs, les consommateurs pâtissent aussi de cette mauvaise distribution de la valeur ajoutée, puisqu’ils sont floués par le prix. Il est fréquent que les prix soient trop élevés et rémunèrent trop le distributeur, ou, à l’inverse, qu’ils soient trop bas et ne rémunèrent pas assez le producteur.
Par cet amendement, nous permettons aux citoyens de remédier à cette situation. En effet, consommer est devenu un acte citoyen : les Français sont de plus en plus nombreux à adopter un comportement d’achat qui vise à promouvoir des productions locales et responsables, mais aussi les produits dont la valeur ajoutée est équitablement partagée. La croissance constante de la consommation des produits locaux, bio, de saison ou issus du commerce équitable en témoigne.
Les Français souhaitent être exigeants dans leur consommation. Il est du devoir du législateur de permettre cette nécessaire transparence.
M. Michel Raison, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, tout en étant très favorable aux contrats tripartites.
Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.
En effet, madame Cukierman, les contrats tripartites existent déjà aujourd’hui. Ils fonctionnent bien et n’ont attendu aucune législation pour faire leurs preuves. Nous sommes plusieurs à considérer que, si nous commençons à légiférer à leur sujet, à les complexifier, à les rendre obligatoires, nous risquons de les pénaliser.
Nous avons plutôt intérêt à ce que la conclusion de contrats tripartites continue à se faire en toute liberté.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
On s’aperçoit que, aujourd’hui, les contrats tripartites fonctionnent plutôt bien. Citons le dispositif « C’est qui le patron ?! », qui répond à une logique de meilleure rémunération du producteur, du distributeur et du transformateur.
En matière d’étiquetage, il est possible d’encourager des démarches individuelles. Il ne convient pas pour autant de multiplier les normes, qui sont déjà nombreuses. En général, les démarches existantes suffisent à leur propre publicité et la communication se fait pour chaque démarche identifiée par le consommateur.
Monsieur le président, plus qu’expliquer mon vote, je veux revenir sur les paroles de M. le ministre.
Monsieur le ministre, vous prenez l’exemple de C’est qui le patron ?!, mais savez-vous comment cette entreprise est née et pourquoi la laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel paie mieux ses producteurs que les autres entreprises ? Parce que c’est le fruit de l’histoire ! La laiterie a été montée de toutes pièces après la suppression des quotas et s’est développée, depuis quelques années, sur la transformation du lait de consommation, notamment.
Depuis des années, les coopératives et les entreprises historiques du domaine laitier, qui collectent la totalité des producteurs, collectent plus que ce dont elles ont besoin pour leur marché. Elles ont toujours eu à gérer cet excédent. La plupart du temps, elles sont donc obligées d’investir, d’exporter et de faire porter le prix de leurs excédents sur le reste de leur consommation.
J’en reviens à la marque C’est qui le patron ?!. Cette entreprise se développe en « piquant » des producteurs, au gré de l’évolution de ses marchés, à toutes les autres entreprises, qu’il s’agisse de coopératives ou d’entreprises privées ! Apparue après les autres, elle se sert du système ; elle fait son marché, en retenant les meilleurs producteurs.
Pour citer un exemple de ma région, dans l’Allier, des producteurs sont partis de chez C’est qui le patron ?!, qui leur proposait tout simplement 20 euros de plus pour 1 000 litres de lait, alors qu’ils produisaient 1 million de litres de lait et pouvaient être coopérateurs.
Laisser se monter des entreprises qui se servent du système pour faire leurs choux gras et tuent les entreprises alentour, est-ce cela le sens de l’histoire de l’agriculture ?
M. Laurent Duplomb. Je crois rêver quand j’entends le ministre de l’agriculture prendre l’exemple de C’est qui le patron ?!, entreprise qui s’est développée dans l’irrespect total de la totalité des autres acteurs de la filière.
M. Pierre Cuypers applaudit.
Mes chers collègues, je vous invite à ne pas utiliser les explications de vote sur les amendements en lieu et place de prises de parole sur les articles.
Je mets aux voix l’amendement n° 53.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’article L. 631-25 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -25. – Est passible d’une amende administrative, dont le montant ne peut être supérieur à 2 % du chiffre d’affaires hors taxes du dernier exercice clos ou, dans le cas des organisations de producteurs ou associations d’organisations de producteurs assurant la commercialisation des produits sans transfert de propriété, à 2 % du chiffre d’affaires agrégé de l’ensemble des producteurs dont elles commercialisent les produits :
« 1° Le fait, pour un producteur, une organisation de producteurs, une association d’organisations de producteurs ou un acheteur de produits agricoles de conclure un contrat écrit ou un accord-cadre écrit ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation en méconnaissance du IV du même article L. 631-24 ;
« 2° Le fait, pour un producteur ou un acheteur, de conclure un contrat ne respectant pas, en méconnaissance du I dudit article L. 631-24, les stipulations d’un accord-cadre ;
« 2° bis Le fait, pour un acheteur, de ne pas proposer une offre écrite de contrat au producteur qui en a fait la demande, en méconnaissance du paragraphe 1 bis des articles 148 et 168 du règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 précité ou de proposer une offre écrite de contrat ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 ou comprenant une délégation de facturation, en méconnaissance du IV du même article L. 631-24 ;
« 2° ter Le fait, pour un acheteur de produits agricoles, de ne pas donner de réponse écrite au producteur, à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs, en cas de refus de la proposition de contrat ou d’accord-cadre écrit ;
« 3° Le fait, pour un acheteur, de ne pas transmettre les informations prévues au dernier alinéa du III dudit article L. 631-24 et à l’article L. 631-24-1 ;
« 4° Lorsque la conclusion de contrats de vente et d’accords-cadres écrits a été rendue obligatoire dans les conditions prévues à l’article L. 631-24-2 :
« a) Le fait, pour une organisation de producteurs reconnue ou une association d’organisations de producteurs reconnue agissant comme mandataire de ses membres pour négocier la commercialisation des produits dont ces derniers sont propriétaires, de ne pas proposer au premier acheteur de ces produits un accord-cadre écrit ;
« b) Le fait, pour un producteur, de faire délibérément échec à la conclusion d’un contrat écrit en ne proposant pas de contrat à l’acheteur de ses produits ;
« c) Le fait, pour un acheteur, d’acheter des produits agricoles à un producteur sans avoir conclu de contrat écrit avec ce producteur, sans avoir conclu d’accord-cadre écrit avec l’organisation de producteurs ou l’association d’organisations de producteurs à laquelle il a donné mandat pour négocier la commercialisation de ses produits ou sans respecter les dispositions prises en application du II du même article L. 631-24-2 ;
« 5° Le fait, pour un acheteur, d’imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés.
« Le montant de l’amende est proportionné à la gravité des faits constatés, notamment au nombre et au volume des ventes réalisées en infraction. Il peut être porté au double en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la première commission des faits. L’autorité administrative compétente peut, en outre, ordonner la publication de la décision ou d’un extrait de celle-ci dans les publications, journaux ou services de communication au public par voie électronique, dans un format et pour une durée proportionnés à la sanction infligée. Cette publication est systématiquement ordonnée en cas de réitération du manquement dans un délai de cinq ans à compter de la première commission des faits.
« L’action de l’administration pour la sanction des manquements mentionnés au présent article se prescrit par trois années révolues à compter du jour où le manquement a été commis si, dans ce délai, il n’a été fait aucun acte tendant à la recherche, à la constatation, ou à la sanction de ce manquement. »
L’article 2, que nous nous apprêtons à étudier, est d’une importance centrale, puisqu’il permet de sanctionner les manquements aux obligations contractuelles, par la prévention des situations où l’acheteur aurait la tentation de se placer en position de force vis-à-vis d’un ou de plusieurs producteurs.
Dans ce cadre, nous avons déposé plusieurs amendements, qui visent à redonner de la force à notre législation et, surtout, à faire en sorte que les dispositions coercitives dissuadent de toute infraction ou de tout abus de pouvoir.
Dans notre volonté d’une discussion constructive, nous proposerons des mesures échelonnées. D’ailleurs, l’un de nos amendements tend à fixer la sanction à 5 % du chiffre d’affaires.
Mes chers collègues, nous devons travailler à une loi qui protège, afin de donner aux autorités compétentes les moyens de défendre les plus faibles face aux plus forts.
Nous pensons que, pour que ce texte soit crédible dans sa tentative de permettre aux producteurs de percevoir un juste niveau de rémunération, les amendements déposés à l’article 2 qui visent à instaurer des sanctions doivent être adoptés à l’unanimité.
Je le dis très sereinement : il est temps d’envoyer un signal fort à nos agriculteurs, en leur montrant que nous voulons une contractualisation équilibrée, permettant l’émergence de prix justes et, surtout, l’octroi d’un revenu décent.
Nous ne pouvons laisser mourir de faim des femmes et des hommes qui nourrissent les femmes et les hommes de notre pays.
Il appartient dès aujourd’hui à la puissance publique de permettre une régulation visant à s’assurer de ce bon équilibre de la relation entre les producteurs et les acheteurs.
L’amendement n° 55, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« Art. L. 631 -25. – Sans préjudice des articles L. 442-6 du code de commerce et 1112 du code civil, est passible…
le reste sans changement
À l’alinéa 2 de cet article 2, nous proposons de faire référence à l’article L. 442-6 du code de commerce sur les pratiques restrictives de concurrence.
Nous voulons rappeler qu’une action peut être introduite devant une juridiction civile ou commerciale compétente, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate une pratique restrictive de concurrence.
Si une situation illicite est avérée, les autorités compétentes que je viens de citer peuvent faire constater la nullité des clauses ou des contrats illicites et demander la répétition de l’indu.
Elles peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 5 millions d’euros.
La procédure prévue à l’article L. 442-6 du code de commerce étant applicable à tout producteur, commerçant et industriel, il n’est pas utile de complexifier la rédaction de l’article 2 avec ce rappel.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Cet amendement vise à rappeler que les sanctions pour déséquilibre significatif, bien qu’inscrites dans le code de commerce, s’appliquent également aux contrats conclus entre le producteur et son premier acheteur.
Si l’objectif semble satisfait par le texte, la rédaction proposée par Mme Cukierman permet d’apporter une précision, raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 56, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
supérieur à 2 %
par les mots :
supérieur à 5 %
La parole est à M. Fabien Gay.
M. Fabien Gay. Je pense que nous allons vivre un grand moment avec l’adoption unanime de cet amendement.
Sourires.
Comme nous l’avons souligné lors de la discussion générale, chaque fois que le législateur a tenté de remédier, par touches successives, aux effets pervers de la libéralisation du marché agricole, les acteurs de la grande distribution se sont adaptés aux nouvelles contraintes visant à rééquilibrer les relations commerciales. Et malheureusement, ce texte, qui s’inscrit dans la même logique, n’échappera sûrement pas à cette règle.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de porter à 5 % du chiffre d’affaires le taux des sanctions encourues en cas de non-respect des dispositions prévues à l’article 1er du projet de loi, tout en ayant conscience que ces mêmes sanctions pourront désormais s’appliquer aux producteurs.
Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur, deux adaptations protègent ces derniers : d’une part, contrairement à l’acheteur, le producteur ne sera pas sanctionné s’il propose un contrat ne comportant pas toutes les clauses mentionnées à l’article L. 631-24 du code rural et de la pêche maritime ; d’autre part, les sanctions seront adaptées à la taille des organismes concernés et les petits producteurs n’auront pas à payer les mêmes montants que des acteurs réalisant un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros.
Comme l’a souligné M. le ministre à l’Assemblée nationale, 2 %, ce sont « des cacahuètes », mais il s’agit tout de même d’un maximum. Or l’article L. 642-6 du code de commerce, tel que modifié par la loi Macron, prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires en cas d’atteinte au droit de la concurrence, par exemple, mais aussi en cas de déséquilibre significatif ou de rupture brutale des relations commerciales.
C’est la raison pour laquelle, dans un souci de parallélisme des formes et dans un esprit constructif, nous souhaitons porter le taux des sanctions prévues à l’article 2 de ce projet de loi de 2 % à 5 % du chiffre d’affaires.
Je viens de le vérifier : la sanction est également applicable aux producteurs.
Selon les estimations du ministère, avec un taux de 2 %, les montants concernés pourraient atteindre 5 000 euros. Et pour une grosse entreprise, les amendes peuvent aller jusqu’à 40 millions d’euros.
Le taux de 2 % nous semble donc suffisant et celui de 5 %, excessif. Pour cette raison, la commission est défavorable à cet amendement.
La rédaction du texte issue des travaux de la commission, à l’Assemblée nationale, prévoyait une sanction de 75 000 euros.
Les députés ont considéré, et moi avec eux, qu’un tel montant pouvait être très important pour un producteur, eu égard à l’infraction constatée.
Par contre, pour une entreprise bien installée, qui a pignon sur rue, une telle somme peut représenter assez peu au regard du préjudice subi par le producteur, notamment en matière de rémunération.
Nous nous sommes arrêtés sur un pourcentage de 2 % qui permet d’aboutir, en cas de refus de contractualisation, à une sanction financière moyenne de 6 500 euros pour un producteur, ce qui reste une somme raisonnable.
Par ailleurs, les agriculteurs, les producteurs, seront rarement concernés. En effet, je pense qu’un producteur ne saurait à aucun moment être responsable d’un refus de contractualisation. Cette responsabilité est plutôt à chercher du côté de la transformation ou de la distribution.
Ce taux de 2 % nous semble équilibré : il s’agit d’un bon niveau de sanction, cohérent avec le message que nous souhaitons faire passer sur la réussite de la contractualisation entre producteurs, transformateurs et distributeurs.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 269 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Cabanel, Lalande, Bérit-Débat, Vaugrenard et Montaugé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le fait, pour les contrats mentionnés à l’article L. 665-3, de ne pas inclure dans la proposition de contrat écrit une clause relative au versement d’un acompte dans les conditions prévues au même article ;
La parole est à M. Roland Courteau.
Cet amendement est indissociable de l’amendement n° 270 rectifié, à l’article 5.
Quel est le problème ? Pour essayer de mieux me faire comprendre, je vais vous rapporter ce que certains viticulteurs m’ont expliqué.
Selon eux, malgré les engagements contractuels, le vin vendu n’est retiré qu’au bon vouloir du négoce et le paiement n’intervient que soixante jours après la retiraison, ce qui provoque parfois des problèmes de trésorerie.
Ainsi, les viticulteurs doivent supporter les frais de stockage d’un vin qui ne leur appartient plus, et cela durant des mois.
Mais il y a plus important : certains négociants jouent sur l’importance de ces stocks, à la veille des vendanges, par exemple, pour tenter de renégocier les prix à la baisse sous différents prétextes et même parfois, me précise-t-on, pour remettre en cause les contrats.
En l’espèce, c’est donc le pot de terre contre le pot de fer. D’où mon interrogation : que valent, dans certains cas et dans certaines situations, les accords interprofessionnels ?
Face à cette situation, j’avais fait adopter, en 2008, un amendement visant à obliger l’acheteur à verser un acompte de 15 % à la signature du contrat. Malheureusement, cette mesure a été assortie de la possibilité d’y déroger dans le cadre d’accords interprofessionnels étendus.
Le fait que cet acompte n’ait jamais été versé témoigne du déséquilibre des rapports entre vignerons et négociants. Nous proposons donc, par cet amendement, et par l’amendement n° 270 rectifié, de remettre l’ouvrage sur le métier afin de sécuriser les transactions commerciales en garantissant le versement d’un acompte de 15 % dans un délai de dix jours à compter de la signature du contrat.
Il convient d’imposer, lors des premières ventes de vin, la présence d’une clause prescrivant le paiement d’un acompte dans la proposition de contrat écrit que l’acheteur doit remettre au vendeur. Tel est l’objet de cet amendement, indissociable de l’amendement n° 270 rectifié qui sera examiné à l’article 5.
M. Michel Raison, rapporteur. En écoutant M. Courteau, je me disais qu’il était plus agréable d’être parlementaire français que hollandais : il aurait pu nous parler de la blanquette de Limoux, je parlerai de champagne et de vins du Val de Loire. Discuter d’un dossier agricole en France est somme toute plus agréable que dans bien d’autres pays européens.
Sourires.
Dans la mesure où les accords interprofessionnels sont très fréquents, le délai d’acompte prévu à l’article L. 665-3 est assez peu utilisé.
Mais les accords interprofessionnels prévoient que des acomptes seront versés tout au long du contrat. En Champagne, par exemple, le prix est réglé en quatre échéances à partir du mois de décembre qui suit la récolte – la dernière intervenant avant la récolte suivante et la première est au moins de 25 %.
Dans le Val de Loire, les vins achetés hors contrats pluriannuels sont payés dans les délais de droit commun, l’acompte n’est donc pas une préoccupation essentielle.
Je rappelle également que les accords interprofessionnels nécessitent l’unanimité et donc l’accord des producteurs. Cela doit faire l’objet de négociations pour que ce délai de versement soit le plus adapté aux contraintes géographiques vinicoles.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons.
Il me semble nécessaire de bien faire comprendre ce qui se passe en réalité.
Les viticulteurs vont bientôt vendanger la récolte de 2018. En général, la contractualisation a lieu très rapidement, avant la fin de l’année. Comme l’a souligné M. Courteau, l’acheteur ne vient parfois retirer son vin que dix ou douze mois après la signature du contrat : la conservation du vin en l’état, souvent par le froid, est donc à la charge du producteur pendant tout ce temps, ce qui engendre des frais supplémentaires, alors qu’il n’a pas encore touché le moindre euro.
Dans quelle profession voit-on cela ? Imaginez-vous acheter votre baguette et dire au boulanger que vous ne la paierez que dans soixante jours ?
Essayons d’être raisonnables et de protéger les viticulteurs en prévoyant simplement un acompte significatif eu égard aux frais engagés par les producteurs pour maintenir le vin en l’état.
Tout a été dit ou presque par Henri Cabanel, qui parle d’expérience.
Voilà quelque temps, des viticulteurs m’ont raconté avoir signé un contrat avec le négoce sur la base d’un prix. La retiraison devait avoir lieu en avril ; en mai, le vin était encore chez les viticulteurs. En juin, en juillet, en août, aucune retiraison… Ce n’est qu’en septembre, à la veille des vendanges, que le vin a été retiré, avec une baisse significative des prix, à prendre ou à laisser.
Que croyez-vous que les viticulteurs aient dit ? Rien, car ils avaient trop peur que le vin leur reste sur les bras et, surtout, que le négociant ne veuille plus jamais leur en acheter. Nous en revenons à l’histoire du pot de terre contre le pot de fer…
Si j’ai bien compris, avec les avis défavorables émis par la commission et par le Gouvernement, les choses vont perdurer. C’est ainsi, mais il revient à chacun de prendre ses responsabilités.
Il ne faut jamais désespérer, monsieur Courteau, le débat n’est pas fini et le vote n’a pas encore eu lieu…
La parole est à M. Franck Montaugé, pour explication de vote.
J’aurais aimé, sur un amendement aussi important et concret que celui-là, qui a un rapport direct avec le titre Ier de ce texte et la question du revenu des producteurs, que les conditions dans lesquelles nous l’avons examiné en commission soient différentes.
Sans faire aucun reproche à qui que ce soit, il ne nous a pas été permis, pour des raisons de temps que Mme Primas a déjà évoquées, de nous expliquer sur le fondement des amendements que nous présentons.
Je suis convaincu que la commission, sur un tel sujet, qui emporte des conséquences aussi profondes et évidentes pour tout le monde, aurait émis un avis favorable sur cet amendement – tout du moins, je veux le croire.
Monsieur le ministre, c’est parce que nous partageons le même objectif que je vous demande de bien vouloir reconsidérer votre position. Il s’agit d’une question concrète qui a un rapport direct avec le revenu des producteurs – des viticulteurs, en l’occurrence. Ils méritent que l’on se soucie d’eux.
Je connais sans doute assez mal l’organisation de certains territoires viticoles de France, mais je comprends et mesure, à travers les propos qui ont été tenus par nos collègues, les difficultés rencontrées – il ne s’agit même plus de difficultés, ce qu’ils vivent est tout simplement insupportable.
Toutefois, je crains que l’adoption de cet amendement ne règle rien.
Le rapporteur a cité la Champagne en exemple. Permettez-moi de conforter ses propos : c’est bien l’interprofession qui aide à régler ce genre de problème.
Je ne suis pas donneuse de leçons, contrairement à certains de nos collègues dans cet hémicycle, mais je crois qu’il faut un débat et une organisation différente en amont pour régler ces problèmes.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 58, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le fait d’acheter un produit en dessous du coût de production estimé par l’indicateur de l’Observatoire de formation des prix et des marges correspondant ;
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Il s’agit d’un amendement à but punitif, motivé par la volonté d’octroyer un revenu décent à nos agriculteurs.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des filières agricoles vend en dessous de ses coûts de production, ce qui ne permet pas aux producteurs de dégager un salaire.
Dans la filière bovine, par exemple, les éleveurs vendent les carcasses 3, 60 euros le kilo, alors qu’il faudrait les vendre 4, 50 euros pour leur permettre de vivre de leur travail.
Les agriculteurs ne travaillent pas pour rien. C’est la raison pour laquelle nous proposons de sanctionner l’achat de produits en dessous de leur coût de production, déterminé par les indicateurs fournis par l’Observatoire de la formation des prix et des marges.
Dans certains cas très précis et conjoncturels, il peut être nécessaire, pour un producteur, de vendre à perte.
En revanche, dans un tel cas, l’article L. 420-5 du code de commerce relatif aux prix abusivement bas – à savoir une différence non justifiée entre le prix de vente et les coûts de production – s’applique. Dans ce cadre, on pourrait donc considérer que cet amendement est satisfait.
Je tiens surtout à faire une mise en garde : s’il était adopté, cet amendement instaurerait en fait des prix minimums. Or il n’y a rien de plus dangereux, car cela revient à créer une sorte de sous-salaire minimum au profit du producteur. Les prix minimums sont non seulement très administrés, mais aussi contre-productifs.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
L’adoption de cet amendement reviendrait à fixer un prix, ce que le droit communautaire ne permet pas.
Nous en revenons au débat que nous avons tenu voilà quelques instants sur la notion de prix plancher. Nous souhaitons, à travers la négociation, aller au-delà de ces prix planchers pour assurer une meilleure rémunération aux producteurs.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 576 rectifié est présenté par MM. Bérit-Débat, Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le fait, pour un acheteur, de ne pas apporter de justifications ou de contreparties à des obligations pesant uniquement à la charge du vendeur.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 57.
Cet amendement, dans la lignée de ceux qui viennent d’être défendus, n’a qu’un seul but : conserver un équilibre entre les différentes parties au contrat.
En effet, comme le rappelle l’organisation syndicale majoritaire, certaines clauses contractuelles font peser des obligations uniquement à la charge de l’une des parties.
Vous l’aurez compris, cela crée une situation de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, alors que rien ne justifie une telle unilatéralité et qu’aucune contrepartie n’est mise en place.
En outre, ce déséquilibre peut constituer une pratique restrictive de concurrence sanctionnée par l’article L. 442-6 du code de commerce.
Cet amendement vise donc à sanctionner les pratiques constatées entre les producteurs et leurs premiers acheteurs sur la même base que le sont les relations industrie-commerce.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour présenter l’amendement n° 576 rectifié.
Cet amendement part d’un constat unanime et vérifié par de nombreux agriculteurs : les clauses contractuelles font souvent peser des obligations uniquement à la charge de l’une des parties, le vendeur.
De telles pratiques sont non seulement dénuées de signification, mais aussi, le cas échéant, de contrepartie. Or, comme l’a souligné Mme Cukierman, cette situation de déséquilibre manifeste entre les droits et obligations des parties constitue une pratique restrictive de concurrence sanctionnée par l’article L. 442-6 du code de commerce.
Cet amendement vise donc à instaurer une mesure qui relève de la justice à l’égard de nos producteurs, sur l’ensemble de nos territoires. Les pratiques abusives de ce type, constatées entre les producteurs et leurs premiers acheteurs, devront être sanctionnées sur la même base que le sont les relations industrie-commerce.
Cette mesure rejoint un avis de la commission d’examen des pratiques commerciales rendu à la fin de 2017 qui mentionnait déjà la persistance de ces pratiques illégales dans le secteur laitier, après avoir constaté la présence de clauses abusives intégrées par une entreprise dans ses contrats à l’endroit de ses fournisseurs, producteurs de lait. Cet exemple n’est pas anodin, monsieur le ministre.
Cet amendement fait d’une pierre deux coups, puisqu’il traite d’une problématique qui concerne aussi bien les relations entre le producteur et son premier acheteur que les contrats en aval.
Le fait de prévoir des obligations uniquement à la charge d’une partie au contrat sans contrepartie figure déjà parmi les pratiques restrictives de concurrence constituant un « déséquilibre significatif » sanctionnées par l’article L. 442-6 du code de commerce. Cet article s’applique à tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers.
Ce manquement est difficilement contrôlable par les agents chargés de constater les manquements, puisqu’il comporte une part subjective. Un des points forts de ce projet de loi, monsieur le ministre, est d’ailleurs de permettre au médiateur de recommander la modification des contrats présentant un caractère déséquilibré. Il s’agit d’une protection supplémentaire du producteur.
Enfin, l’acheteur a l’obligation d’expliquer ses réserves sur la proposition de contrat dans un délai raisonnable, ce qui permet déjà d’apporter en partie les justifications demandées.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
Je partage pleinement l’objectif de sanctionner des contrats qui ne soient pas équilibrés, mais la rédaction actuelle du texte le permet déjà. Ces amendements sont donc satisfaits.
Par ailleurs, le débat parlementaire a introduit dans le projet de loi l’obligation du retour formel de l’acheteur sur la proposition de contrat. En l’absence de réponse écrite de l’acheteur en cas de refus de la proposition de contrat, une sanction est prévue. Ces amendements sont donc également satisfaits sur ce point.
Il n’y a pas lieu de complexifier davantage le dispositif : le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements identiques.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 577 rectifié, présenté par MM. Tissot, Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, MM. Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, MM. Botrel, Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le fait, pour un acheteur, de suspendre la collecte ou la livraison des produits agricoles concernés, en cas de blocage de la négociation avec le producteur, dans le cas de la production laitière ou de denrées périssables définies par décret.
La parole est à M. Jean-Claude Tissot.
Cet amendement vise à sanctionner tout chantage à la collecte et au déréférencement sur les producteurs.
Cette pratique induit un déséquilibre majeur dans les négociations en faveur des acheteurs industriels, tout particulièrement dans le cas de denrées périssables comme le lait.
Nous proposons donc d’appliquer l’amende administrative prévue à l’article 2 de ce texte à de tels cas.
Cet amendement pose plusieurs problèmes.
Il ne s’applique tout d’abord qu’aux relations entre producteurs et acheteurs. Parler de déréférencement est donc quelque peu erroné, puisque cette notion concerne les relations entre fournisseurs et distributeurs.
De plus, les sanctions ne pouvant s’appliquer que lorsque le contrat est en cours, l’acheteur ne peut arrêter la collecte du produit pendant l’exécution du contrat, sous peine de s’exposer à des sanctions.
Enfin, en cours de contrat, si le chantage a lieu au moment de la renégociation, le producteur peut invoquer les dispositions de l’article L. 442-6 du code de commerce qui sanctionne le fait de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions abusives concernant les prix.
Nous avons complété ce dispositif précédemment en adoptant l’amendement de MM. Labbé et Decool qui garantit trois mois supplémentaires de collecte assurée au prix du contrat pour le producteur qui rencontre des difficultés de renouvellement de son contrat laitier. Cela revient à limiter le chantage à la collecte et laisse au producteur le temps de se tourner vers un autre acheteur.
Votre amendement pouvant pratiquement être considéré comme satisfait, la commission y est défavorable, mon cher collègue.
Cet amendement est satisfait.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion d’un amendement précédent, la collecte ne peut être interrompue en cas de litige, conformément aux dispositions du code de commerce.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 573 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 13, deuxième phrase
Remplacer le mot :
deux
par le mot :
cinq
La parole est à M. Henri Cabanel.
Dans son alinéa 13, l’article 2 du projet de loi prévoit que le montant de l’amende peut être doublé en cas de réitération du manquement aux règles dans un délai de deux ans à compter de la première commission des faits.
Nous proposons de porter ce délai à cinq ans, ce qui ne nous semble pas disproportionné dans des cas de récidive. Si nous souhaitons réellement lutter contre les comportements commerciaux préjudiciables, nous devons prendre des dispositions suffisamment dissuasives.
Ce délai de deux ans correspond à celui encouru en cas de manquement à certaines obligations prévues dans le code de commerce. Ces manquements sont assortis d’une période de prescription de trois ans.
Il nous semble pertinent d’adopter une même approche pour le code de commerce et le code rural et de la pêche maritime, afin de ne pas introduire de décalages.
Bien souvent le caractère dissuasif tient moins au montant de la sanction qu’au dispositif du name and shame que nous avons souhaité mettre en place et que la commission des affaires économiques du Sénat a repris et prolongé de deux à cinq ans. Cette approche me semble plus judicieuse.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 2 est adopté.
L’article L. 631-26 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « Les manquements mentionnés à l’article L. 631-25 sont constatés par des agents désignés par décret en Conseil d’État. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les agents mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à l’auteur d’un des manquements mentionnés à l’article L. 631-25 de se conformer à ses obligations, en lui impartissant un délai raisonnable ne pouvant pas excéder trois mois. Si, à l’issue de ce délai, le manquement persiste, l’agent le constate par un procès-verbal qu’il transmet à l’autorité administrative compétente pour prononcer la sanction, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du présent article. » –
Adopté.
I. – L’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « au I de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il peut demander aux parties communication de tout élément nécessaire à la médiation. » ;
3° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il recommande la suppression ou la modification des projets de contrats et accords-cadres ou des contrats et accords-cadres dont il estime qu’ils présentent un caractère abusif ou manifestement déséquilibré ou qu’il estime non conformes au II de l’article L. 631-24. » ;
4° Le quatrième alinéa est complété par les mots : « ou de sa propre initiative » ;
5° Après le même quatrième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il peut saisir le ministre chargé de l’économie de toute clause des contrats ou accords-cadres qu’il estime illicite afin que le ministre puisse introduire une action devant la juridiction civile ou commerciale compétente pour faire constater la nullité de ces clauses ou contrats. En ce cas, le ministre en informe les parties sans délai.
« Il peut émettre à la demande d’une organisation membre d’une interprofession tout avis ou recommandation sur les indicateurs mentionnés à l’avant dernier alinéa du II de l’article L. 631-24. » ;
5° bis
« Il peut décider de rendre publiques ses conclusions, avis ou recommandations, y compris ceux auxquels il est parvenu au terme d’une médiation, sous réserve de l’accord préalable des parties s’agissant des litiges visés au deuxième alinéa du présent article. » ;
6° À la fin du dernier alinéa, les mots : « même code » sont remplacés par les mots : « code de commerce ».
II. – L’article L. 631-28 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :
« Art. L. 631 -28. – Tout litige entre professionnels relatif à l’exécution d’un contrat ou d’un accord-cadre mentionné à l’article L. 631-24 ayant pour objet la vente de produits agricoles ou alimentaires doit, préalablement à toute saisine du juge, faire l’objet d’une procédure de médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, sauf si le contrat prévoit un dispositif de médiation équivalent ou en cas de recours à l’arbitrage.
« Le médiateur des relations commerciales agricoles fixe la durée de la médiation, qui ne peut excéder un mois, renouvelable une fois sous réserve de l’accord préalable de chaque partie. Le chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative est applicable à cette médiation.
« En cas d’échec de la médiation menée par le médiateur des relations commerciales en application du premier alinéa du présent article, toute partie au litige peut saisir le président du tribunal compétent pour qu’il statue sur le litige en la forme des référés. »
III. –
Non modifié
L’amendement n° 136 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent, MM. Daubresse, L. Hervé, Delcros et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sur demande conjointe des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture, le médiateur peut vérifier que les conditions de transparence sur le marché facilitent un juste retour au producteur agricole.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement tend à accroître les compétences du médiateur des relations commerciales agricoles.
Il s’agit de permettre au médiateur, sur demande conjointe des ministres chargés de l’économie et de l’agriculture, de vérifier que les conditions de transparence sur le marché facilitent un juste retour au producteur agricole.
Il s’agit donc d’organiser une veille de la fonctionnalité du marché agricole et de pouvoir alerter sur un éventuel dysfonctionnement.
Cet amendement est satisfait, puisque la disposition est déjà prévue à l’alinéa 5 de l’article L. 631-27 du code rural et de la pêche maritime, qui précise que le médiateur peut, sur demande des ministres de l’agriculture et de l’économie, émettre des recommandations sur les modalités de partage équitable de la valeur ajoutée.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 136 rectifié quinquies est-il maintenu, monsieur Decool ?
Convaincu par l’argumentation du rapporteur et du ministre, je le retire, monsieur le président.
L’amendement n° 136 rectifié quinquies est retiré.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 159 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Malhuret, A. Marc, Guerriau, Decool et Lagourgue, Mme Mélot, MM. Wattebled, Capus et Fouché, Mmes Vullien et Goy-Chavent, MM. Longeot, Lefèvre, Mandelli et de Legge, Mme Joissains et MM. Henno, Bonnecarrère, Nougein, L. Hervé et Canevet, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour les litiges afférents à la proposition d’accord-cadre écrit mentionné au premier alinéa du II de l’article L. 631-24 et à la clause mentionnée à l’article L. 441-8 du code de commerce, le médiateur des relations commerciales agricoles, justifiant de son intérêt à agir, peut saisir le juge en référé, en l’absence d’accord entre les parties au terme du délai de médiation. Le juge des référés peut imposer aux parties de mettre en œuvre les recommandations du médiateur. L’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Le texte du Gouvernement ne prévoyait aucun recours en cas d’échec de la médiation sur les questions contractuelles – accord-cadre, contrat individuel, clause de renégociation.
Or l’atelier 7 des États généraux de l’alimentation avait conclu à la nécessité de mettre en place un arbitrage public.
Il a donc été introduit à l’Assemblée nationale un alinéa permettant au médiateur de saisir le ministre de l’économie en cas d’échec des négociations. Concrètement, cela ne fera qu’ajouter un intermédiaire. Il serait plus judicieux que le médiateur puisse directement saisir le juge quand il l’estime nécessaire.
C’est pourquoi, par cet amendement, il est proposé que le médiateur des relations commerciales agricoles puisse recourir au juge en cas d’échec de la médiation, à condition qu’il justifie de son intérêt à agir.
L’amendement n° 715, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut saisir le ministre chargé de l’économie de toute clause des contrats ou accords-cadres ou pratique liée à ces contrats ou accords-cadres qu’il estime présenter un caractère abusif ou manifestement déséquilibré afin que le ministre puisse, le cas échéant, introduire une action devant la juridiction compétente.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement tend à apporter des précisions sur la saisine du ministre par le médiateur, afin d’étendre son objet. Seront ainsi concernées les clauses ou pratiques abusives manifestement déséquilibrées et leurs conséquences, au-delà du constat de nullité.
Cet amendement vise non pas à limiter la saisine à la nullité des clauses, mais à permettre au ministre de l’économie de demander une amende civile et la répétition de l’indu. Il tend également à supprimer l’information des parties, mention déjà prévue dans les textes.
Le sous-amendement n° 768, présenté par M. Raison, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Amendement n° 715, alinéa 3
Après le mot :
saisir
insérer les mots :
, après en avoir informé les parties,
La parole est à M. le rapporteur.
Même si le ministre peut décider de ne pas saisir le juge, il est important que le médiateur avertisse les parties du fait qu’il saisit le ministre. La relation de confiance nouée entre le médiateur et les parties, garante de l’indépendance et de l’efficacité de la médiation, en dépend.
Ce sous-amendement, qui partage la même philosophie que l’article 4, est très important. Il s’agit en effet de privilégier la médiation et, si possible, sa réussite.
L’amendement n° 62, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 8
1° Remplacer les mots :
peut saisir
par le mot :
saisit
2° Après le mot :
économie
insérer les mots :
ou le ministre chargé de l’agriculture
3° Supprimer les mots :
qu’il estime illicite
4° Après le mot :
nullité
insérer les mots :
lorsqu’il constate la poursuite d’un déséquilibre manifeste au travers
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
En cohérence avec nos précédents amendements visant à renforcer les compétences du médiateur des relations commerciales agricoles, il s’agit, par cet amendement, d’accélérer la procédure de saisine des ministres de l’économie ou de l’agriculture pour faire constater la nullité d’un contrat, non plus lorsqu’il est jugé illicite, comme le prévoit l’amendement du Gouvernement, mais dès que le médiateur a estimé qu’un déséquilibre contractuel persistait.
En effet, face au caractère périssable des produits concernés par les contrats, il est impératif, conformément aux conclusions de l’atelier 7 des États généraux de l’alimentation, que la procédure en cas d’échec de la médiation prenne le moins de temps possible.
De plus, le présent amendement tend à renforcer l’effectivité de la mesure en supprimant son caractère facultatif.
L’amendement n° 578 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
1° Remplacer les mots :
peut saisir
par le mot :
saisit
2° Remplacer les mots :
de toute clause des contrats ou accords-cadres qu’il estime illicite
par les mots :
ou le ministre chargé de l’agriculture lorsqu’il constate la poursuite d’un déséquilibre manifeste au travers de toute clause des contrats ou accords-cadres
La parole est à M. Olivier Jacquin.
La procédure visant à laisser la possibilité au médiateur des relations commerciales agricoles de saisir le ministre de l’économie pour faire constater la nullité d’un contrat jugé illicite doit être améliorée afin de gagner en efficacité et en temps.
En effet, face au caractère périssable des produits concernés par les contrats, il est absolument nécessaire d’accélérer la procédure ; l’atelier 7 des États généraux de l’alimentation avait conclu en ce sens.
Le présent amendement tend donc à renforcer l’effectivité de la mesure, en supprimant son caractère facultatif. Dès lors que le médiateur a estimé qu’un déséquilibre contractuel persistait, il est logique d’agir vite.
Enfin, le médiateur des relations commerciales agricoles ayant une double tutelle, il est normal que le ministre de l’agriculture puisse également saisir le juge.
L’amendement n° 505 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez et Guillaume, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après le mot :
article,
insérer les mots :
le médiateur des relations commerciales agricoles, justifiant de son intérêt à agir, ou
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement vise à permettre au médiateur des relations commerciales agricoles, et non pas seulement à « toute partie au litige », comme le prévoit l’article, de saisir le juge en cas d’échec de la médiation.
L’inscription dans la loi de la possibilité de saisir le juge en la forme des référés est une première avancée par rapport au projet de loi initial. Il est en effet nécessaire, pour les agriculteurs, de pouvoir disposer d’une décision rapide en cas d’échec de la médiation.
Mais une telle disposition ne va pas assez loin. Il faut également que le médiateur puisse saisir le juge en la forme des référés.
En effet, au vu du rapport de force déséquilibré au sein des filières, la possibilité pour un acteur extérieur de saisir le juge est essentielle. Il est nécessaire que le médiateur puisse avoir cette possibilité, pour garantir un recours efficace en cas d’échec de la médiation.
Sans possibilité d’arbitrage en cas d’échec de la médiation, le projet de loi restera largement inefficace au regard de l’objectif de répartition équitable de la valeur dans la chaîne alimentaire.
La possibilité de saisir le ministre est intéressante. Dans la mesure où elle introduit une protection supplémentaire pour les producteurs, elle doit être conservée. En cas d’échec de la médiation, les parties pourront d’ailleurs saisir le juge en la forme des référés, comme l’a prévu la commission des affaires économiques. Autant avoir deux protections plutôt qu’une ! La commission a donc émis un avis défavorable sur l’amendement n° 159 rectifié.
Je suis défavorable à l’idée d’obliger le médiateur à saisir le ministre s’il constate une clause instaurant un déséquilibre manifeste. Le rôle premier du médiateur dans un litige est de trouver une conciliation entre les parties. S’il doit automatiquement transférer tous les litiges au niveau du ministre, ce n’est plus de la médiation, mais un contrôle administratif. En outre, cela contribuera à empiler les parapheurs sur le bureau du ministre, au détriment de son sommeil ou de ses voyages ! Comme vous le voyez, nous avons soin de votre santé, monsieur le ministre, pour ce qui concerne non seulement votre alimentation, mais aussi votre mode de vie !
Sourires.
Plus sérieusement, en cas d’échec de la médiation, autant réserver une telle possibilité aux cas les plus graves. Parallèlement, il faut laisser la possibilité à la partie lésée de saisir rapidement le juge, qui tranchera au fond en la forme des référés, ce que prévoit cet article. La commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements n° 578 rectifié, 62 et 505 rectifié.
La commission est en revanche favorable aux précisions rédactionnelles proposées par le Gouvernement dans son amendement n° 715, s’il est modifié par le sous-amendement de la commission.
Ces amendements soulèvent des questions fondamentales : comment et sur quelles bases saisir un juge quand il n’y a pas d’accord-cadre ? Selon moi, on ne peut pas forcer deux parties à contractualiser. Permettre au médiateur de saisir le juge n’est ni possible ni souhaitable. En effet, au-delà de la question juridique, l’éventualité du recours à la justice par le médiateur pourrait entraîner les parties à renoncer à la médiation. Or nous voulons que le maximum de contrats ne trouvant pas d’aboutissement puisse faire l’objet d’une médiation.
Alors que nous souhaitons promouvoir la médiation, une telle possibilité serait préjudiciable à la qualité des relations commerciales et à la mission du médiateur.
Toutefois, compte tenu d’un rapport de force déséquilibré dans certains cas, je partage l’objectif recherché, à savoir la mise en œuvre d’une solution, au cas où la médiation viendrait à échouer.
Je suis donc défavorable à l’ensemble de ces amendements, et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à soutenir l’amendement n° 715 déposé par le Gouvernement, qui permet de renforcer la possibilité pour le médiateur de saisir le ministre chargé de l’économie de toute pratique qu’il estime présenter un caractère abusif, afin que celui-ci puisse, si nécessaire, saisir le juge compétent.
J’émets un avis défavorable sur le sous-amendement n° 768, qui n’est pas utile. En effet, même si le médiateur saisit le ministre, celui-ci ne saisira pas forcément le juge sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce. En effet, une enquête préalable permettant de caractériser la pratique restrictive de concurrence pourra s’avérer, dans ce cas, nécessaire.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, les amendements n° 62 et 578 rectifié n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’amendement n° 505 rectifié.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 64, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi qu’une évaluation des effets de la contractualisation dans une ou plusieurs filières alimentaires
La parole est à M. Fabien Gay.
Parmi les missions du médiateur des relations commerciales agricoles figure la facilitation du dialogue au sein de la chaîne alimentaire.
Cet amendement a pour objet d’étendre son champ de compétence, afin de lui permettre de rapporter le fruit de ses observations s’agissant des relations commerciales, dans le cadre de la contractualisation.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement de bon sens, qui vise à protéger les exploitations agricoles dans le cadre de la relation entre acheteurs et producteurs, qui est trop souvent une relation de subordination.
Conformément à la devise « mieux vaut prévenir que guérir », il convient que le rapport établi par le médiateur puisse alerter d’un déséquilibre dans le dispositif de contractualisation.
( Mme Cécile Cukierman proteste.) Seule Mme Cukierman n’est pas satisfaite !
Sourires.
Cet amendement est totalement satisfait par la réglementation actuelle. La commission est donc défavorable à cet amendement. §
Monsieur le sénateur, le travail d’évaluation qui fait l’objet de cet amendement relève du domaine économique et non de la médiation. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 99 rectifié septies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mmes Goy-Chavent et Lopez, MM. Daubresse, Dennemont, Moga et Lévrier, Mme Rauscent et les membres du groupe Les Indépendants – République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas de la production laitière, et le cas échéant de denrées périssables définies par décret, le blocage de la négociation entre un producteur, une organisation de producteurs et son acheteur ne doit pas entraîner un arrêt de la collecte ou de la livraison des produits agricoles concernés. En cas de rupture ou d’expiration du contrat, à la demande d’une des parties, l’acheteur a l’obligation de collecter le lait dans un délai de trois mois. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 271 rectifié bis que nous avons adopté tout à l’heure. Il vise à lutter contre le « chantage à la collecte » et le déréférencement des producteurs.
La peur de ne plus être collecté place les producteurs dans une position de faiblesse à l’égard de leurs acheteurs, en raison de leur dépendance économique.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 59 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 236 rectifié bis est présenté par M. Delcros, Mmes Gatel et Vullien, MM. Louault et Henno, Mme Joissains, MM. Moga, Capo-Canellas, L. Hervé, Prince, Vanlerenberghe, Longeot et Mizzon, Mme Billon, M. Kern, Mme Sollogoub et MM. Canevet, Le Nay et Maurey.
Ils sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Dans le cas de la production laitière, et le cas échéant de denrées périssables définies par décret, le blocage de la négociation entre un producteur, une organisation de producteurs et son acheteur ne doit pas entraîner un arrêt de la collecte ou de la livraison des produits agricoles concernés. Tant que la médiation et l’arbitrage ne sont pas rendus, le contrat précédent reste en vigueur.
La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 59.
Par cet amendement, nous cherchons à mettre fin à des pratiques de chantage qui peuvent avoir lieu lors de blocages sur la renégociation de contrats entre producteurs et acheteurs. En effet, ces derniers s’autorisent trop souvent à mettre fin à la collecte des produits lorsque les négociations sur le contrat échouent.
Dans le cas de produits rapidement périssables comme le lait, cela a pour conséquence de mettre sous pression les producteurs, qui craignent de ne plus être collectés et de perdre leur production, ce qui les place en position de faiblesse dans la négociation.
Ainsi, afin de sortir des milliers d’agriculteurs de la précarité et de leur permettre de dégager un prix rémunérateur pour leur activité, nous proposons d’interdire la cessation de collecte lors de la négociation des contrats, tout en précisant que le contrat précédent reste en vigueur en cas de blocage dans la négociation.
Cet amendement vise donc à favoriser des négociations justes et équilibrées entre parties égales et à abolir tout chantage.
La parole est à M. Bernard Delcros, pour présenter l’amendement n° 236 rectifié bis.
Nous le savons très bien, les poids respectifs des acheteurs industriels et des producteurs ne sont pas équilibrés. Il s’agit donc d’éviter que la poursuite de la collecte soit conditionnée, pour les producteurs, à la signature du contrat.
L’adoption de cet amendement permettra d’éviter un tel risque, puisque la collecte devra se poursuivre tant que la négociation n’aura pas abouti.
La commission considère que ces amendements sont satisfaits par des amendements précédemment adoptés.
Nous avons eu l’occasion d’évoquer ce point, il ne peut y avoir de chantage à la collecte ou au déréférencement, que ce soit dans le cadre de la médiation ou dans un autre cadre.
Plutôt que de créer une obligation de collecte au-delà de la date d’expiration, ce qui est contraire à la liberté contractuelle, il faut anticiper les dates, ce que nous avons fait tout à l’heure, en adoptant des amendements en ce sens.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
L’amendement n° 99 rectifié septies est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 59 et 236 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 664 rectifié, présenté par MM. Menonville, Guillaume, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty et Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
médiation
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. Franck Menonville.
Depuis 2010, plus de 1 500 dossiers, dont une majeure partie relève de la filière du lait, ont été traités par le médiateur des relations commerciales agricoles. Le plus souvent, le litige concerne l’élaboration de la formule de prix, la révision ou la négociation de ce prix. Le taux de réussite de l’intervention est actuellement de 30 %, ce qui est significatif. Toutefois, un renforcement du rôle et des actions du médiateur pourrait permettre un meilleur taux de règlement.
L’article 4 prévoit que la publication des conclusions, avis ou recommandations relatifs aux litiges nécessite l’accord des parties. Or l’issue d’une médiation peut avoir valeur d’exemple. Cet amendement vise donc à supprimer cet accord des parties, pour rendre le dispositif plus efficient. Il est évident que la partie à l’origine du blocage n’aura pas envie de rendre public l’état de la médiation.
L’amendement n° 153 rectifié bis, présenté par MM. Longeot et Canevet, Mme Vullien, MM. Janssens, Capo-Canellas, Delcros, Mizzon, Moga et Bonnecarrère, Mme Joissains et M. Kern, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
sous réserve de l’accord préalable des parties s’agissant des litiges visés au deuxième alinéa du présent article
par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cas, l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative n’est pas applicable.
La parole est à M. Jean-François Longeot.
Donner la possibilité au médiateur des relations commerciales agricoles de publier ses conclusions est une bonne mesure. En effet, l’issue d’une médiation peut avoir valeur d’exemple pour l’ensemble des opérateurs placés dans une situation comparable, soit pour reproduire la solution dégagée, soit au contraire pour souligner une situation de blocage imputable à l’une ou l’autre des parties ou aux deux parties.
Cependant, seul le médiateur est en capacité de décider s’il doit publier les éléments, et il n’est pas pertinent de demander l’accord des parties. En effet, si l’une des parties est à l’initiative du blocage de la médiation, il est bien évident qu’elle ne permettra pas la publication des conclusions. Or c’est effectivement dans ces situations que la procédure est utile.
L’amendement permet de ne pas enfreindre l’obligation de confidentialité attachée à toute médiation par la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
L’amendement n° 61, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
1° Supprimer les mots :
sous réserve de l’accord préalable des parties
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Dans ce cas, l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative n’est pas applicable.
La parole est à M. Fabien Gay.
Le médiateur des relations commerciales agricoles peut être saisi en cas de litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat de vente ou pour donner un avis sur toute question relative aux relations contractuelles entre les acteurs d’une filière.
Cet amendement vise donc à permettre que la publication des conclusions d’une médiation ait valeur d’exemple pour l’ensemble des opérateurs placés dans une situation comparable.
Ainsi, la solution dégagée fera « jurisprudence » si elle est reproduite. Les conclusions pourront également souligner une situation de blocage imputable à l’une ou l’autre partie ou aux deux parties.
Dans ce cas précis, seul le médiateur doit être en capacité de décider s’il doit publier les éléments. Il n’est pas pertinent de demander l’accord des parties. En effet, si l’une des parties est à l’initiative du blocage de la médiation, il est bien évident qu’elle ne permettra pas la publication des conclusions. Or c’est effectivement dans ces situations que la procédure est utile.
L’amendement permet de ne pas enfreindre l’obligation de confidentialité attachée à toute médiation par la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
L’amendement n° 504 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et Corbisez, Mme N. Delattre et MM. Guillaume et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer les mots :
sous réserve de l’accord préalable des parties
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement étant quasi identique à celui qui a été déposé par mon collègue Franck Menonville, je le retire.
L’amendement n° 504 rectifié est retiré.
L’amendement n° 520 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
sous réserve de l’accord préalable des parties
par les mots :
après en avoir informé préalablement les parties
La parole est à Mme Angèle Préville.
Cet article vise à permettre au médiateur des relations commerciales agricoles de rendre publiques ses conclusions en cas de litige.
La rédaction actuelle de l’alinéa 11 prévoit que cette publication ne pourra se faire que « sous réserve de l’accord préalable des parties ».
Or il est évident que les parties concernées, à commencer par les auteurs d’éventuelles infractions ou conduites condamnables, refuseront de donner leur accord.
En conséquence, maintenir l’accord préalable des parties détourne le dispositif initial de son objectif, à savoir la dissuasion, et le rend inopérant.
Dans la mesure où il s’agit de cibler et de dénoncer les entreprises qui ne jouent pas le jeu et ont des comportements condamnables, le présent amendement s’inscrit dans la logique de ce projet de loi, en donnant une véritable effectivité au name and shame.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
Ces amendements ont donné lieu, au sein de la commission, à de longues réflexions philosophiques sur le fonctionnement d’une médiation. Je vous le redis, monsieur le ministre, le renforcement de la médiation est un point fort du texte. Nous ne devons donc pas nous « rater » sur ce sujet. Aujourd’hui, 75 % des médiations aboutissent. Le médiateur a besoin d’une liberté. L’obliger à « nommer et dénoncer », pour parler français, risquerait de réduire son indépendance et d’aboutir à ce que certaines parties ne recourent plus à la médiation.
À ce stade, le médiateur ne peut rendre publiques ses conclusions dans le cadre d’un litige qu’avec l’accord des parties. La procédure retenue revient plutôt à valoriser les médiations qui se sont bien déroulées. L’absence de publication en cas d’échec devrait, par effet miroir, permettre de cibler les entreprises avec lesquelles les négociations n’ont pas abouti. C’est beaucoup plus positif et cela engage bien mieux les acteurs à s’engager dans une médiation.
Il s’agit en effet d’encourager le recours à la médiation. Car 75 % de taux de réussite, c’est tout de même considérable ! Prenons donc des précautions pour ne pas perturber le fonctionnement de la médiation.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Je partage l’avis de M. le rapporteur. Ces amendements ne permettent pas de garantir aux parties que le principe de confidentialité sera respecté.
Si ces amendements étaient adoptés, les différentes parties ne s’engageraient peut-être pas dans une médiation, alors même que nous souhaitons promouvoir ce type de règlement. Il me paraît donc plus utile de réserver le name and shame, ou, en bon normand, le « nommer et dénoncer », pour publier les sanctions plutôt que pour diffuser le résultat d’une médiation contre l’avis des parties. Cela reviendrait en effet à fragiliser le médiateur, ce que nous ne souhaitons pas.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 678 rectifié, présenté par MM. Menonville, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guillaume, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Vall, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Il peut confier la résolution des litiges, dans des conditions définies par décret :
« a) Aux médiateurs présents dans les entreprises intervenant dans la chaîne d’approvisionnement alimentaire ;
« b) Au médiateur de la coopération agricole mentionné à l’article L. 528-1. » ;
La parole est à M. Franck Menonville.
Depuis 2015, les transformateurs privés ou coopératives installent en leur sein des médiateurs internes. Sans être obligatoires, ils exercent des missions similaires à celles du médiateur des relations commerciales agricoles, à savoir la recherche d’une solution amiable.
On compte, depuis trois ans, 7 médiateurs internes aux enseignes. Ils ont traité 45 dossiers sur 60 litiges entre fournisseurs et distributeurs. Pour soutenir cette capacité de règlement des litiges, cet amendement prévoit que le médiateur des relations commerciales agricoles puisse, le cas échéant, déléguer des litiges au médiateur interne des entreprises, notamment au médiateur de la coopération agricole.
Aux yeux de la commission, l’adoption de cet amendement risquerait d’affaiblir la médiation. En outre, le législateur n’a pas à s’immiscer dans les pratiques privées internes aux entreprises. Dans la mesure où cela semble assez dangereux, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il n’y a pas besoin de légiférer pour procéder à la mise en place de médiateurs dans les entreprises. Le travail est déjà en cours sous l’égide du médiateur des relations commerciales et agricoles. Il a mis en place dans les enseignes un réseau de médiateurs, qui sera très utile. Il s’agit d’améliorer l’articulation avec le médiateur de la coopération agricole. Cette question sera traitée dans le cadre de l’ordonnance relative à la coopération prévue à l’article 8.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 678 rectifié est retiré.
L’amendement n° 521 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Montaugé, Mme Artigalas, M. M. Bourquin, Mme Conconne, MM. Courteau, Daunis et Duran, Mme Guillemot, MM. Iacovelli, Tissot, Kanner, Botrel, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Bonnefoy, Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mmes Taillé-Polian et Tocqueville, M. Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sur demande du ministre chargé de l’économie ou de l’agriculture, il peut produire un rapport présentant le bilan des médiations qu’il a menées et émettre des recommandations sur les évolutions législatives et réglementaires qui lui paraissent nécessaires pour améliorer son action. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Roux.
Cet amendement vise à permettre au médiateur des relations commerciales agricoles, sur saisine du ministre chargé de l’économie et de l’agriculture, de présenter un bilan de ses actions et de formuler des recommandations sur les pistes d’améliorations législatives et réglementaires permettant d’améliorer son action.
Nous retrouvons la logique qui a inspiré l’amendement que nous avons présenté à l’article 1er pour donner un rôle d’évaluation à l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, l’OFPM. À nos yeux, avec le renforcement de ses prérogatives par la présente loi, le médiateur reste le mieux placé pour tirer un bilan de son travail et formuler des recommandations.
En outre, une telle autoévaluation, si elle est suivie de propositions d’améliorations, nous semble profitable à l’heure où nous souhaitons améliorer le contrôle et renforcer la bonne application de la loi.
Cet amendement est satisfait. Le code rural et de la pêche maritime prévoit que le médiateur des relations commerciales agricoles peut être saisi « sur toute question transversale relative aux relations contractuelles », soit une faculté de saisine plus large que celle prévue dans cet amendement. Le médiateur peut également émettre des recommandations sur le partage de la valeur ajoutée dans une filière à la demande conjointe des deux ministres de l’économie et de l’agriculture. Enfin, l’OFPM réalise déjà une telle étude dans un rapport annuel.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 521 rectifié est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 60, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
, sauf si le contrat prévoit un dispositif de médiation équivalent ou en cas de recours à l’arbitrage
La parole est à M. Guillaume Gontard.
Nous souhaitons réaffirmer l’exclusivité de la compétence du médiateur des relations commerciales agricoles.
Tel qu’il est rédigé, l’alinéa 14 permet d’autres dispositifs de médiation prévus par le contrat, ce qui favorisera la partie la plus forte au détriment des producteurs. Or il a été répété à l’envi qu’il était nécessaire d’assurer une montée en puissance d’un tiers impartial et indépendant et que l’action du médiateur des relations agricoles serait centrale dans la réussite du dispositif adopté à l’article 1er.
Les relations économiques au sein des filières agricoles sont déséquilibrées, toujours au bénéfice de l’aval. Les agriculteurs sont en position de faiblesse par rapport à leur premier client. Les transformateurs, eux, le sont par rapport aux distributeurs ou aux grandes chaînes. Compte tenu du rapport de force actuel, il est difficile d’imaginer qu’une autre médiation soit efficiente.
Pour reprendre les mots de la plaquette d’information disponible sur le site du médiateur, l’accompagnement par un médiateur formé aux négociations est un gage de réussite pour les parties qui souhaitent trouver un terrain d’entente. Le médiateur n’est ni un juge ni un arbitre ; il s’engage et s’astreint à respecter des principes établis et reconnus : confidentialité, indépendance, impartialité et neutralité.
L’amendement n° 506 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez et Guillaume, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
prévoit un dispositif de médiation équivalent
par les mots :
en dispose autrement
La parole est à M. Joël Labbé.
Dans le même ordre d’idées, cet amendement vise à revenir sur une disposition adoptée en commission qui ouvre la porte aux dispositifs de médiation privés. Cela affaiblit le rôle du médiateur et diminue la protection des producteurs, car il n’est pas prévu que les parties au litige ou le médiateur puissent saisir un juge en référé en cas d’échec de ces médiations privées.
L’amendement n° 716, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
un dispositif de médiation équivalent
par les mots :
un autre dispositif de médiation
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur les deux amendements qui viennent d’être défendus.
Cet amendement prévoit la possibilité de passer par un autre dispositif de médiation, dès qu’il est prévu par le contrat, sans exigence d’une équivalence du dispositif de médiation.
Ce point est important, car certaines filières, comme les céréales ou le sucre, disposent aujourd’hui de leur propre système de médiation. Il n’est pas question de remettre en cause ces autres dispositifs de médiation, qui ont fait leurs preuves aujourd’hui.
J’émets donc un avis défavorable sur les deux autres amendements qui viennent d’être présentés.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 60.
L’amendement n° 506 rectifié pose un problème de rédaction et risquerait d’aboutir à un résultat contraire à l’objectif affiché. La commission en sollicite donc le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
Enfin, les modifications rédactionnelles proposées par le Gouvernement nous conviennent ; la commission émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 716.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les amendements n° 63, 154 rectifié bis et 383 rectifié sont identiques.
L’amendement n° 63 est présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 154 rectifié bis est présenté par MM. Longeot et Canevet, Mme Vullien, MM. Janssens, Capo-Canellas, Delcros, Mizzon, Moga et Bonnecarrère, Mme Joissains et M. Kern.
L’amendement n° 383 rectifié est présenté par M. Piednoir, Mme Deroche, M. Mandelli, Mmes Garriaud-Maylam et A.M. Bertrand et MM. Perrin, Pellevat, Paul, Chaize, Savin, Rapin, Sido, Laménie et Bouchet.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
sur la base des recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 63.
Toujours dans un souci de renforcement des compétences et des effets de la médiation, nous souhaitons, par cet amendement, dont nous avons discuté avec la FNSEA, que les recommandations du médiateur des relations commerciales agricoles soient utilisées par le juge en cas d’échec de la médiation.
Ainsi, le juge pourra prendre une décision en la forme des référés en se fondant sur les conclusions du médiateur sans pour autant rouvrir tout le dossier. Cela représente un gain de temps considérable, notamment pour la partie qui a pris l’initiative de la saisine.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour présenter l’amendement n° 154 rectifié bis.
La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour présenter l’amendement n° 383 rectifié.
En cas d’échec du médiateur des relations commerciales agricoles, toute partie peut saisir le juge des référés. Nous proposons que le juge puisse tenir compte des observations du médiateur, afin – cela vient d’être souligné – de gagner du temps.
L’amendement n° 579 rectifié, présenté par MM. Bérit-Débat, Cabanel et Montaugé, Mmes Bonnefoy et Artigalas, M. J. Bigot, Mmes Cartron et M. Filleul, M. Jacquin, Mme Préville, M. Roux, Mme Taillé-Polian, M. Tissot, Mme Tocqueville, MM. Kanner et Fichet, Mme Blondin et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, en tenant compte des recommandations dudit médiateur
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Cet amendement va dans le même sens que les trois amendements identiques qui viennent d’être présentés, avec une rédaction légèrement différente, puisque nous proposons simplement de « tenir compte des recommandations du médiateur ».
Je souhaite d’abord rappeler que la commission a mis en place cette procédure pour ne pas laisser les parties démunies en cas d’échec de la médiation. C’est une mesure très importante.
Compte tenu du calendrier des affaires, surtout dans des filières où les denrées sont périssables, les parties attendent que le litige soit tranché rapidement ; c’est comme pour la viande, qui doit aussi être tranchée rapidement !
Sourires.
La médiation fait déjà un travail remarquable, avec un taux de conciliation de 75 %, mais il fallait aller plus loin. C’est pourquoi un jugement en la forme des référés, qui n’est pas un référé – un référé se contente de bloquer un litige en l’attente d’un jugement sur le fond –, permettra à un juge de statuer rapidement au fond sur le litige en cas d’échec de la médiation, qui demeure un préalable à toute saisine du juge.
Ces délais induisent évidemment que le juge s’appuiera sur l’ensemble des pièces disponibles, un peu comme un juge s’appuie sur les conclusions des avocats. Le juge est souverain dans sa décision. Il doit pouvoir juger sur l’ensemble des pièces qui lui semblent utiles. Les conclusions du médiateur, dont l’indépendance est reconnue, seront évidemment au cœur du dossier, mais ce ne seront pas les seules pièces potentielles si le juge estime qu’il a besoin d’éléments complémentaires.
En outre, la rédaction « sur la base » ou « en tenant compte » des recommandations peut laisser à penser que le juge est lié dans sa décision et qu’il doit entériner les conclusions du médiateur, ce qui limiterait la souveraineté de sa décision.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Le fait de statuer sur la base de l’avis du médiateur implique une transmission automatique des recommandations du médiateur au juge. Dès lors que cette disposition ne renvoie pas à l’accord des parties, ce point n’est pas compatible avec la confidentialité de la médiation.
Par ailleurs, le juge doit bien évidemment garder son indépendance. Or il lui est dicté de statuer sur la base des résultats de la médiation, ce qui n’est pas compatible avec l’indépendance du juge.
Je suis donc défavorable à ces amendements.
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. J’insiste sur l’argument qui vient d’être avancé. Nous n’avons pas, dans cet hémicycle, à donner d’injonctions à un juge ! Un juge est indépendant. Il consulte les pièces qu’il pense utiles dans son dossier. Je soutiens donc vraiment M. le rapporteur et même, par ricochet, M. le ministre !
Sourires.
Apparemment, compte tenu de la diversité des signataires de ces trois amendements identiques, tout le monde se mobilise pour nous rappeler à la raison…
La rédaction que nous proposons ne me semble pas avoir pour conséquence de donner une injonction au juge ; en tout cas, ce n’est pas l’objectif. Nous l’invitons simplement à fonder sa décision sur la base des recommandations du médiateur.
À cet égard, monsieur le ministre, nous trouvons regrettable que tous les textes soient examinés selon la procédure accélérée : avoir une deuxième lecture nous aurait permis d’affiner certains dispositifs.
Nos amendements ne sont pas de simples amendements d’appel. Je pense que nous avons besoin d’envoyer des signaux forts en faisant figurer un certain nombre de mesures dans la loi !
À l’instar de notre collègue qui vient de s’exprimer, je ne vois pas en quoi nous commettrions une ingérence quelconque dans le travail du juge.
Pour ma part, je vois plusieurs avantages à un tel dispositif, que j’ai proposé à l’issue de plusieurs rencontres de terrain avec des représentants syndicaux du département de la Dordogne. Je ne vois pas en quoi ce serait donner injonction au juge. En plus, comme il s’agit des référés, ça ne mange pas de pain !
Une telle mesure serait un gage de rapidité en cas de blocage et permettrait de répondre à des attentes fortes d’un certain nombre d’interprofessions.
L’apport permis par la commission, c’est justement la rapidité du jugement. Le juge devra aller vite. Il n’aura donc pas beaucoup de solutions. Il sera bien obligé de s’appuyer sur les documents du médiateur, mais il peut aussi en consulter d’autres.
Je vous assure, obliger le juge à statuer « sur la base » des recommandations du médiateur, c’est lui adresser une injonction. D’ailleurs, même si ce n’était pas le cas – mais, en l’occurrence, ça l’est –, ces amendements seraient de toute manière inutiles. Les conclusions du médiateur seront l’outil de base du juge, auquel on demandera d’aller vite.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 63, 154 rectifié bis et 383 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 65, présenté par Mme Cukierman, M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 440-1 du code de commerce est complété par deux phrases ainsi rédigées : « À la suite d’un échec de la médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, une chambre d’examen de la commission se constitue en section d’arbitrage. Cette section d’arbitrage comprend un représentant tiré au sort de chaque profession concernée par le litige, deux parlementaires et un magistrat. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Lors des débats à l’Assemblée nationale, l’idée de la création d’une nouvelle juridiction, qui a fait l’objet de plusieurs amendements, a été systématiquement retoquée par le rapporteur et le Gouvernement, qui ne voulaient pas d’un alourdissement des procédures.
L’idée était de créer, comme le prévoyait d’ailleurs une des propositions de l’atelier 7 des États généraux, une commission d’arbitrage qui fonctionnerait comme une juridiction à part entière, sa décision s’imposant à tous les acteurs. Il s’agissait d’instaurer une culture de la négociation qui aboutisse au préalable de cet arbitrage public.
Un des arguments avancés pour rejeter ces amendements était que la création de cette nouvelle commission d’arbitrage aurait constitué une nouvelle juridiction étatique spécialisée de l’ordre judiciaire et que cette commission aurait été compétente en lieu et place des juridictions de droit commun pour connaître des litiges persistant à l’issue de la médiation engagée sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles. Enfin, dans son principe, une telle option s’écartait de l’orientation générale du chantier de simplification de l’organisation judiciaire et de la procédure civile en cours d’étude par le Gouvernement.
Cet amendement, que nous avons travaillé avec la Confédération paysanne, vise à confier une mission d’arbitrage à la Commission d’examen des pratiques commerciales ; il n’y a donc pas création d’une nouvelle juridiction. Cela donne au contraire à la médiation une chance d’aboutir. L’objectif est d’avoir un pouvoir dissuasif à terme plus important que le pouvoir d’arbitrage en soi, afin que les relations commerciales agricoles s’apaisent d’elles-mêmes par l’instauration d’une culture de la négociation permettant le respect de l’autonomie et de la rémunération de chaque partie.
L’amendement n° 97 rectifié quinquies, présenté par MM. Decool, Bignon, Capus, Chasseing, Fouché, Guerriau, Lagourgue, Malhuret et A. Marc, Mme Mélot, MM. Wattebled, Vogel et Paul, Mme Goy-Chavent, MM. Daubresse, Moga et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l’article L. 440-1 du code de commerce est complété par deux phrases ainsi rédigées : « À la suite d’un échec de la médiation par le médiateur des relations commerciales agricoles, une chambre d’examen de la commission se constitue en section d’arbitrage. Cette section d’arbitrage comprend un représentant tiré au sort de chaque profession concernée par le litige et un magistrat. »
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L’amendement n° 97 rectifié quinquies est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 65 ?
Nous reprochons souvent au Gouvernement de ne pas réduire suffisamment les déficits publics, et nous sommes tous conscients que notre système juridictionnel est relativement complexe et manque d’argent. Alors, de grâce : n’aggravons pas la situation au détour d’un amendement !
Et je rappelle l’apport de la commission, qui consiste à demander au juge de se prononcer très vite. Cela constitue une réponse très importante.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 65.
L’atelier 7 des États généraux avait effectivement recommandé la création d’une commission d’arbitrage, mais nous assumons le fait de ne pas donner suite à cette proposition, tout simplement parce que nous ne voulons pas créer de juridiction supplémentaire. Au demeurant, si je puis me permettre, je ne pense pas que la seule commission d’arbitrage qui ait existé en France ait laissé un très bon souvenir à la République…
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 65.
Mme Cécile Cukierman s ’ exclame.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Mes chers collègues, alors que nous avons commencé la discussion des amendements à quinze heures quinze, nous en avons examiné quatre-vingts à cette heure. Nous avançons donc très bien.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.