Intervention de Michel Raison

Réunion du 27 juin 2018 à 21h30
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Article 6

Photo de Michel RaisonMichel Raison :

Notre rédaction n’est pas du tout contraire à l’esprit du texte, je vais essayer de vous le démontrer. On l’a vu lors de la crise du beurre, l’année dernière, le refus de la grande distribution de modifier ses prix, alors que le prix de la matière première, la crème, avait beaucoup augmenté et connaissait une flambée, a conduit à une pénurie pour les consommateurs. Cette clause entend apporter une réponse à ce problème.

J’ai moi-même, voilà quelques années, fait office de médiateur avec le ministre de l’agriculture pour un certain nombre de produits dont la grande distribution refusait d’augmenter le prix, alors qu’il y avait une forte augmentation du cours de la matière première. On connaît tout de même leur fonctionnement…

La commission a prévu un mécanisme simple et circonscrit strictement aux produits dont le prix est composé à plus de 50 % du prix des matières premières. Je m’explique. Prenons l’exemple d’un produit fini, le paquet de pâtes ; le prix de ce paquet est composé à 60 % du prix du blé dur. Comme le cours du blé dur fluctue assez facilement, s’il augmente, le coût de revient augmente considérablement. Si vous retirez le coût du blé d’une baguette de pain, cela ne changera pas beaucoup le prix de la baguette, mais sur un certain nombre d’autres produits, ce ne sera pas la même chose.

Lorsque le cours des matières premières connaîtra une augmentation considérable en quelques mois, c’est-à-dire supérieure à un seuil qui serait défini par décret ou par accord interprofessionnel, les industries transformatrices pourront répercuter en temps réel cette hausse dans leurs prix de vente. Si, après une flambée, le cours de la matière première baisse – j’ai bien ajouté cette précision –, la clause de révision s’appliquera bien sûr à la baisse pour coller le plus possible aux prix qui fluctuent sur des marchés volatils.

J’ajoute qu’il s’agit bien d’une révision de prix et non d’une renégociation, car, lors d’une renégociation avec la grande distribution, on peut augmenter le prix de 10 %, mais le distributeur peut répercuter sur le producteur deux ou trois autres charges – livraison ou autre –, ce qui annule l’augmentation. Il ne s’agit donc bien que d’une révision de prix.

Cette clause est un pari. Certes, elle est de nature à durcir les négociations commerciales – je ne sais pas si elles peuvent être encore durcies ! –, comme tous les instruments que nous donnons aux producteurs et aux industriels pour les renforcer face à la grande distribution.

C’est un pari pour sauver nos industries qui ne peuvent pas contracter leurs marges en cas de hausse des prix des matières premières, eu égard à la concentration de la grande distribution, qui refuse d’augmenter ses prix, sachant que la négociation opérée au début de l’année a déjà été fort difficile. Pour reprendre l’exemple des pâtes alimentaires, le nombre de fabricants en France est passé de 200 à 7 en cinquante ans : notre pays est importateur net dans ce secteur, et c’est un drame pour nos territoires. L’une des raisons expliquant cette désindustrialisation tient au fait que le prix du kilogramme de coquillettes, par exemple – vous aimez tous les coquillettes ?…

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