Intervention de Ivan Renar

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Politique de l'archéologie préventive — Débat sur un rapport d'information

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l'archéologie préventive a été reconnue par les lois de 2001 et 2003, et on ne peut que se réjouir de cette avancée de civilisation tant l'archéologie préventive est indispensable à une meilleure connaissance scientifique de la longue histoire de nos sociétés.

Il nous revient de toujours mieux mettre en lumière ce formidable héritage enfoui et surtout de le transmettre aux générations futures, d'autant qu'il existe une forte demande de nos concitoyens pour mieux connaître et comprendre l'histoire de l'humanité et l'expérience des générations qui nous ont précédés.

Découvrir nos racines, pour mieux comprendre le présent et préparer l'avenir, c'est une exigence à la fois scientifique et populaire dont il faut se féliciter.

Nous constatons en effet une forte prise de conscience collective sur l'importance de cette discipline scientifique que constitue l'archéologie préventive. Si, pendant bien des décennies, nos musées n'ont fait la part belle qu'aux découvertes archéologiques menées à l'étranger, en Grèce, en Égypte ou en Italie, par exemple, aujourd'hui, les amateurs de plus en plus nombreux savent que notre sous-sol est riche d'un patrimoine remarquable, trop longtemps négligé.

Il est heureux que les pouvoirs publics se soient dotés d'une loi et d'un établissement public national favorisant les fouilles. Ainsi, il est indéniable que l'archéologie préventive renouvelle l'approche du passé et a permis de revoir certaines idées reçues sur l'organisation sociale et territoriale des sociétés gallo-romaines, pour ne citer que ce seul exemple.

Bref, si l'archéologie préventive et l'INRAP n'existaient pas, il faudrait les inventer ! Car le patrimoine archéologique est comme un incunable précieux dont chaque page déchirée est à jamais détruite. De nombreux vestiges ont scandaleusement été détruits au cours de la seconde partie du siècle dernier, ce qui n'a pas manqué de susciter une vive émotion chez nos concitoyens.

Aujourd'hui, l'activité d'aménagement du territoire national reste très intense : l'équivalent d'un terrain de football est retourné en profondeur toutes les huit minutes et l'on découvre en moyenne un site important par kilomètre de nouvelle infrastructure routière ou ferrée, sans parler des multiples aménagements urbains. C'est dire l'importance des enjeux !

Plus personne ne conteste que le patrimoine archéologique constitue un véritable trésor pour l'humanité. Il est donc légitime que ce soit la collectivité, par le biais d'un service public de l'État, qui soit habilitée à régir, étudier, diffuser cette mémoire collective irremplaçable.

La recherche archéologique dans notre pays relève bien de l'intérêt général et, par conséquent, l'archéologie préventive est bien une mission de service public. Pour des raisons d'argent ou à cause de l'impatience des aménageurs, trop de découvertes ont été anéanties à jamais.

C'est pourquoi l'archéologie ne peut être livrée aux seules lois du marché et de la rentabilité. Pourtant, depuis sa promulgation en 2001, la loi est remise en question et les moyens de l'INRAP sont régulièrement amputés.

On ne peut pas, comme vous l'écrivez, cher Yann Gaillard, décrire la grande compétence de l'INRAP et de ses archéologues et, dans le même temps, demander une réduction des moyens de l'établissement.

Bien sûr, votre rapport n'est pas un document uniquement à charge contre l'archéologie préventive. Sans nier certaines difficultés réelles de l'INRAP, je constate que plusieurs ministères voudraient jeter le bébé avec l'eau du bain.

Cela s'inscrit dans l'air du temps : de nombreux technocrates nous vantent les vertus d'une concurrence libre et non faussée en s'efforçant de nous faire croire que la notion même de service public appartiendrait au passé et, à ce titre, ne serait plus qu'un vieil objet n'intéressant que... l'archéologie.

Comme le disait déjà mon ami Jack Ralite en 2003, « le budget est malmené, comme mis en examen, et je pressens qu'est en train de s'ouvrir un vrai débat de la dépense culturelle, comme si, sans le dire, on lui reprochait d'exister ».

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