Tout juste est-il indiqué que l'on a eu confirmation d'éléments que l'on connaissait déjà et de la présence d'occupations rurales anciennes.
Chacun sait que la France a été habitée au cours des millénaires par plus d'un milliard d'individus, ce qui peut laisser supposer qu'il est possible de trouver des traces de leur présence à chaque fois que le sous-sol de notre pays est exploré.
Si la lecture des deux tomes peut laisser penser que tout va globalement bien, je ne peux cependant oublier d'autres publications extérieures. Un récent rapport ayant pour objet d'auditer la gestion et le fonctionnement de l'INRAP et d'examiner le rendement de la redevance pointe de nombreux dysfonctionnements. En tiendrez-vous compte, monsieur le ministre ?
Les collectivités et les entreprises dénoncent de plus en plus le caractère inacceptable des coûts, des délais, de l'arbitraire, du manque d'information.
Par ailleurs, le personnel de l'INRAP ne paraît pas être très satisfait de sa situation. Comment voulez-vous être serein quand vous évoluez dans un système sans perspective claire ?
Point n'est besoin de lire entre les lignes le rapport de la Cour des comptes pour comprendre que le système est plus que perfectible.
L'excellent rapport de notre collègue Yann Gaillard comporte des chapitres à l'énoncé évocateur. Notons « le déficit chronique de l'INRAP, et la dérive relative du recrutement », « des solutions séduisantes mais illusoires », « des perspectives incertaines » ou encore « pour une politique de programmation de l'archéologie préventive ».
Monsieur le ministre, ce rapport qui a été remis voilà déjà un an, ce qui, je le reconnais, est bien peu à l'échelle du temps de l'archéologie, du paléolithique, du néolithique, etc., a-t-il suscité des interrogations ?
Pour ma part, lorsque je lis tous ces documents fort argumentés, je n'ai pas le sentiment qu'ils aient influé sur la vie quotidienne de l'archéologie.
Malgré mon expérience très réduite, mais en raison des euros qui ont été apportés par les collectivités et entreprises du département, ainsi que du temps passé à étudier des solutions pour limiter les conséquences économiques, je me permets de formuler quelques remarques et même quelques propositions.
Je ferai référence à la région Centre. Étant donné que vous la connaissez, comme certains de mes collègues, monsieur le ministre, vous aurez certainement en mémoire certains de ces exemples.
Tout d'abord, les prescriptions de diagnostics archéologiques signées dans cette région par le directeur régional des affaires culturelles, par délégation du préfet de région, se heurtent depuis un bon semestre environ à de réelles difficultés d'exécution.
L'INRAP, qui dispose d'une sorte de monopole, étant seulement en concurrence avec les structures dépendant des collectivités territoriales là où ces dernières ont pu être créées, n'a plus les capacités financière et humaine de remplir sa mission.
Selon les calculs des responsables locaux de l'INRAP, les prescriptions de diagnostics en région Centre, qui sont établies à partir des frais de fonctionnement des chantiers, auraient augmenté de près de 125 % sur dix-huit mois et de 365 % si sont prises en compte les procédures de l'autoroute A 19. Dès lors, se pose un inextricable problème pour les aménageurs et pour l'administration, aboutissant à de sérieuses difficultés pour le développement économique de ce territoire. Les lignes suivantes, reprenant la législation et la réglementation qui l'accompagne, esquissent de possibles solutions.
Tout d'abord, pour ce qui concerne la saisine en matière d'archéologie préventive, l'administration saisie d'une demande provenant d'un aménageur dispose d'un délai d'un mois, porté à deux mois dans le cas d'un dossier soumis à étude d'impact, pour édicter, le cas échéant, une prescription de diagnostic. En l'absence de décision dans les délais, l'État est réputé y avoir renoncé.
Il s'agit bien d'une possibilité mais, dans la région Centre, elle prend un caractère systématique, ce qui aboutit mécaniquement aux difficultés actuelles. Il serait donc intéressant qu'en la matière la loi puisse mieux encadrer la saisine en demandant à l'administration de se référer, par exemple, à une politique préalable de fouilles arrêtée par le préfet de région, sur proposition de la commission interrégionale de la recherche archéologique.
À cet égard, est-il indispensable pour la recherche et la connaissance scientifiques de fouiller toutes les anciennes fermes gauloises de la grande plaine de Beauce ?
La motivation du diagnostic est prise, quant à elle, au nom du préfet de région, par le directeur régional des affaires culturelles du Centre, sur proposition du service régional de l'archéologie, le SRA. Elle ne réclame pas de motivation particulière autre que la motivation générale et propre aux décisions administratives ordinaires. Elle n'impose pas non plus d'explications précises à caractère technique et scientifique.
Dans la région Centre, la prescription est quasiment automatique à partir d'une certaine superficie, en l'occurrence 2, 5 hectares, que l'état des informations scientifiques disponibles porte ou non à soupçonner la présence de vestiges, alors que la carte archéologique est assez pauvre chez nous.
Par ailleurs, la prescription de diagnostic n'est assortie d'aucun délai de réalisation s'imposant à l'opérateur public ou à un opérateur dépendant d'une collectivité locale, et cela pour une raison très simple : un aménageur peut à tout moment renoncer à son projet et la durée d'un chantier est aussi fonction de son étendue. Dans l'hypothèse où l'absence de commencement d'exécution de la prescription serait imputable à l'opérateur public du fait de ses engagements et de sa charge de travail, le SRA peut proposer au préfet de région la fixation de délais de réalisation à l'INRAP.
Aujourd'hui, dans la région Centre, du fait de l'augmentation du nombre de diagnostics au cours des deux dernières années, le système est engorgé, d'autant que l'INRAP refuse, à juste titre, de signer des conventions que son budget ne lui permet pas d'honorer.
Dès lors, quelques modifications pourraient transformer le cadre législatif afin de prononcer plus rapidement la caducité de la prescription de diagnostic. Pourrait être fixé un délai automatique d'intervention à partir de la demande d'un aménageur sollicitant un opérateur public.
Mais le préfet a toute liberté pour prescrire une date de démarrage de chantier de diagnostic et pour en repousser le commencement de plusieurs mois. La fixation des délais d'intervention serait comptabilisée dans ce cas à partir de la saisine. Cette hypothèse éviterait un examen administratif par le SRA, au cas par cas, de tous les dossiers en souffrance, faute pour I'INRAP de pouvoir aujourd'hui les assurer.
J'en viens maintenant à la procédure administrative postérieure au travail de diagnostic archéologique.
La législation ne fixe aucune durée au chantier de diagnostic archéologique. Il s'agit là d'une affaire concernant l'aménageur et l'opérateur public, les deux étant liés sur ce point par un engagement contractuel. Il en va autrement à l'issue du chantier, tous les délais encadrant les décisions administratives étant comptabilisés à partir de la date de remise des rapports par les responsables de diagnostic. L'administration dispose à partir de ce moment-là d'un délai de trois mois pour prendre la décision d'effectuer des fouilles.
Les difficultés de l'INRAP, conjuguées dans la région Centre aux exigences particulièrement pointilleuses du SRA, ont conduit à une certaine dérive en matière de délais. En effet, quelques rapports jugés insuffisants d'un point de vue scientifique, ayant été estimés sommaires ou évasifs par leurs censeurs, furent retournés à leurs auteurs pour compléments et précisions. Dès lors, lorsque l'administration n'a pas considéré le document comme recevable, l'aménageur, faute d'alternative, demeure suspendu à la seule décision du SRA et à la diligence du responsable du rapport, condamné à reprendre son travail. Sur ce point, il serait intéressant d'apporter quelques changements à la législation.
Ainsi, l'administration devrait être tenue de se prononcer dans un délai de trois mois à partir de la date de libération des terrains par l'opérateur et non plus de celle de la remise des rapports, comme aujourd'hui. Dans ce délai, l'administration prendrait les décisions qui lui reviennent soit sur le fondement d'un rapport, soit à partir de fiches techniques que les responsables de chantier viendraient présenter devant la CIRA.
Enfin, à l'issue de ce délai de trois mois, pour un projet donné, la contrainte archéologique serait automatiquement levée pour les superficies non touchées par une prescription de fouille, sans qu'il soit nécessaire de prendre une décision administrative particulière.
Les difficultés budgétaires de l'INRAP, quant à elles, ont été largement évoquées par les orateurs précédents. Je ne m'y attarderai donc pas. Cependant, je souhaite citer quelques exemples d'opérations locales précises.
Dans un cas de figure, il a été indiqué aux acteurs locaux que la présence humaine de l'époque mérovingienne, attestée par des restes de constructions et divers objets, nécessiterait des fouilles approfondies. En l'espèce, en fonction du cahier des charges qui sera imposé par le SRA, le coût des fouilles pourrait peser particulièrement sur l'équilibre financier de l'opération. Mes chers collègues, je ne vous donnerai pas de plus amples détails. En tout cas, lorsque l'on fait le bilan d'une telle opération et que l'on prend en considération le coût potentiel des fouilles archéologiques, on peut s'interroger sur son utilité...
Tout à l'heure l'un de nos collègues se demandait si l'on pourrait porter de 32 centimes d'euro à 50 centimes d'euro par mètre carré le taux de la redevance d'archéologie préventive. Mais sait-on que certaines terres de la Beauce se vendent à 60 centimes d'euro le mètre carré, valeur estimée par les domaines ? Ainsi, après avoir versé 60 centimes d'euro par mètre carré lors de la vente, l'intervenant devrait payer 50 centimes pour le diagnostic et une somme supplémentaire pour les fouilles. Le propriétaire a quelque mal à comprendre que la valeur de son terrain soit âprement négociée à un centime d'euro près alors qu'on est prêt à consacrer à l'archéologie des sommes qui peuvent être deux, trois ou quatre fois supérieures au prix du terrain. Il conviendrait d'étudier cet aspect avec attention.
Monsieur le ministre, il nous faut aujourd'hui préparer l'avenir. Le sauvetage de l'INRAP passe par une politique de remise en cause de l'établissement tel qu'il est et qui ne répond aux attentes ni des archéologues, ni des aménageurs, ni de la tutelle.
Seule une veille économique permanente peut permettre une rationalisation des projets et la planification de l'activité. Il n'est que temps de mettre en oeuvre, par-delà les querelles partisanes, un projet d'établissement motivant tous les personnels pour construire un concept archéologique acceptable par tous les acteurs.
Il est nécessaire de mener en parallèle une réforme fondamentale, consistant à regrouper un certain nombre de services de l'État intéressés par le sujet. Il est indispensable d'associer les collectivités territoriales à ce dispositif nouveau et de développer le partenariat local.
Le client, souvent la collectivité, voire l'industriel, ne connaît pas, aujourd'hui, la réalité de son investissement en matière archéologique. Il faut simplifier les procédures d'instruction par l'intégration des diagnostics, des évaluations et des fouilles.
Il est essentiel de mutualiser le financement, pour assurer une assiette permettant la pérennisation du dispositif de financement, et de développer le mécénat, en vue d'une meilleure valorisation scientifique.
Un comité de pilotage de cette évolution doit être organisé et présidé par un élu assisté d'aménageurs, de scientifiques et de gestionnaires.
Le nouveau dispositif opérationnel pourrait être bâti sur le schéma suivant : mise en place d'une structure souple fondée sur le projet archéologique le plus proche du terrain pour la partie scientifique et opérationnelle ; regroupement des projets dans des agences de moyens assurant la gestion du partenariat et de la sous-traitance ; création d'un certain nombre de centres scientifiques et techniques fonctionnant en réseau et regroupant les compétences scientifiques, ainsi que d'une structure nationale assurant la cohérence scientifique du tout, la gestion regroupée garantissant les moyens de mise en oeuvre du dispositif et le contrôlant , enfin, dans un second temps, regroupement de tous les services de l'État concernés, ce qui permettrait de redéployer des compétences vers les projets scientifiques.
L'analyse que quelques collègues et moi avons faite montre que des économies de fonctionnement pourraient être réalisées grâce à ce dispositif.
Monsieur le ministre, nous nous accordons, les uns et les autres, à reconnaître la qualité des archéologues ainsi que la nécessité de travailler pour mieux connaître notre passé et, peut-être, mieux comprendre comment les choses se sont organisées sur notre territoire. À cet égard, le département du Loiret, que je représente ici, n'est pas en reste puisqu'il contribue pour un montant non négligeable, à côté de l'État, au financement, notamment, d'un film documentaire valorisant les fouilles archéologiques liées au chantier de l'autoroute A19, L'Autoroute à remonter le temps : cela prouve bien tout l'intérêt que nous portons à ce sujet.
Il reste que la situation actuelle appelle des révisions. Il n'est pas possible de présenter l'emploi comme une priorité et, chaque fois qu'un projet d'investissement est mis au point, nous laisser confrontés à des délais et à des coûts qui se révèlent incompatibles avec cette priorité, comme l'a dit tout à l'heure l'un de nos collègues.
Il faut donc rapprocher la réalité de l'archéologie et celle du terrain afin de trouver une solution intermédiaire qui soit satisfaisante.
En conclusion, je vous ferai une sorte de clin d'oeil, monsieur le ministre, en vous disant qu'il ne faut pas charger l'archéologie de tous les maux et prétendre qu'elle ralentirait à elle seule le développement économique. J'en veux pour preuve cette anecdote récente : sur une zone d'activité, à Gien, des fouilles archéologiques intéressantes étaient conduites, qui ont été stoppées par la DIREN parce que des traces de batraciens ont été découvertes ! Elles ne seront relancées qu'une fois les batraciens retrouvés.