Je tiens à rappeler, à titre liminaire, que le Groupe Mediapro est détenu à 54 % par des fonds chinois, ce qui n'est pas sans poser des questions de souveraineté.
Vivendi et Canal Plus entendent devenir les champions de notre exception culturelle dans le monde. L'hégémonie culturelle américaine n'a jamais été aussi forte, alors que les studios sont absorbés par des opérateurs de télécommunication ou les géants du Web - Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (GAFAM) - et que se renforcent les plateformes de diffusion de vidéos à la demande. L'hégémonie culturelle américaine cible, à travers ses films de super-héros, les adolescents et les pré-adolescents à l'échelle mondiale. Neuf films américains sont parmi les dix premiers du box-office chinois ; un tel succès illustre l'apport de ces plateformes de diffusion au renforcement du soft power culturel américain. Nos abonnés sont ravis de voir ces films américains et Canal Plus a passé des accords avec les majors hollywoodiennes. Néanmoins, une alternative doit être proposée aux adultes demandeurs de produits culturels à valeur ajoutée, en s'appuyant sur la richesse culturelle des pays européens et d'Afrique francophone. La culture asiatique, très forte localement, ne parvient pas à s'imposer en dehors, à l'exception du cinéma coréen au succès marginal. L'histoire, la culture et les lieux, l'attractivité et les talents d'écriture, de jeu et de réalisation présents en Europe sont autant de facteurs qui doivent favoriser le succès de cette alternative. Vivendi, au travers de Studiocanal, Universal Music et Dailymotion, est le seul acteur réellement capable de porter cette ambition au plan mondial.
La base d'abonnés de Canal Plus fournit également les investissements nécessaires à l'amélioration des contenus. Durant ces trois dernières années, Canal Plus s'est réformé et l'abonnement à ses programmes, grâce au partenariat avec Orange, est devenu plus accessible. Le 11 août prochain, les jeunes de moins de 26 ans pourront bénéficier d'un abonnement sur internet à un tarif inférieur à 10 euros ! Aujourd'hui, la télévision IP génère la croissance du marché et le développement de Canal Plus dans ce secteur résulte de notre partenariat avec ces différents fournisseurs d'accès, au premier rang desquels Free et Bouygues.
Tous les principes historiques de Canal Plus, comme celui de l'engagement annuel, ont été remis en cause ; on peut désormais s'abonner pour une durée allant d'un mois à deux ans. Le prix et la distribution - par la vente en gros pour certaines offres via des fournisseurs d'accès - ont également été modifiés. Nos coûts ont été drastiquement réduits conformément à un plan d'économie triennal. Canal Plus a ainsi réalisé 460 millions d'euros d'économie en trois ans, soit 25 % de sa base de coûts, sans remettre en cause ses investissements dans la création. Fort de cet effort, le groupe peut affronter le séisme représenté par la perte des droits de diffusion du football.
Avec 6 000 titres, dont plusieurs dizaines sont en restauration, Studiocanal dispose du plus beau catalogue mondial de films français, européens et américains. Studiocanal est également producteur de films de cinéma et de séries. Nous avons également investi dans sept sociétés de production en Scandinavie, en Espagne ou au Royaume-Uni. Enfin, en investissant 300 millions d'euros en faveur des films ayant vocation à s'exporter, comme Paddington, qui représente son plus gros succès, Studio canal réalise 80 % de ses résultats à l'international.
A ce dispositif s'ajoutent les activités de télévision à l'international dirigées par Jacques du Puy, en particulier en Afrique où Canal Plus compte désormais 3,5 millions d'abonnés. Canal Plus International devrait y bénéficier de la croissance démographique de la population francophone dans les trente prochaines années. Notre groupe est également bien implanté en Pologne, avec 2,5 millions d'abonnés ; au Vietnam, avec 800 000 abonnés, et vient de débuter son activité au Myanmar. Le nombre d'abonnés, tant en France qu'à l'international, a augmenté de près de quatre millions depuis l'arrivée de notre actionnaire de référence. Avec 15,5 millions d'abonnés, Canal Plus demeure bien évidemment en-deçà de Netflix qui en totalise 125 millions.
Canal Plus investit 3,2 milliards d'euros dans la création et les contenus, c'est-à-dire dans le sport, le cinéma ou les séries. Ce montant est certes deux fois moins important que celui investi par Netflix, mais Canal Plus n'est présent que dans 30 pays.
Notre groupe dispose de la quasi-totalité des leviers pour porter son ambition internationale. Cependant, l'environnement économique et réglementaire ne nous a guère été clément. Le résultat net du groupe Canal Plus - France, International et Studio Canal - s'élève à 377 millions d'euros, qu'il faut comparer aux prélèvements de 150 millions d'euros de TVA et d'impositions diverses ajoutés depuis 2012. Ces charges nouvelles défavorisent la compétitivité de Canal Plus par rapport aux acteurs mondiaux, comme les GAFAM, qui échappent à l'impôt. Netflix, qui possède 3,5 millions d'abonnés en France et en recrute, chaque mois, 100 000 nouveaux, ne paiera que 3 millions d'euros d'impôts ! Nous avons donc des boulets aux pieds pour concourir contre des acteurs mondiaux aux moyens colossaux et pour lesquels l'activité média peut s'avérer annexe. Jeff Bezos expliquait en ce sens qu'un Golden Globe permettait avant tout à Amazon d'écouler davantage de chaussures et de papiers-toilettes ; les contenus vidéo n'étant considérés que comme des produits d'appel pour la vente d'autres marchandises.
L'environnement fiscal nous été particulièrement hostile durant ces dernières années. Le taux réduit de la TVA à 5,5 % était la contrepartie du pacte scellé en 1984 entre les Pouvoirs publics et Canal Plus qui devait consacrer 12,5 % de son chiffre d'affaires au pré-achat de films français et européens et au financement de petits films contribuant à la diversité. Le niveau de cette obligation demeure sans équivalent en France. Canal Plus consacre aujourd'hui entre 170 et 200 millions d'euros au pré-achat d'une centaine de films, dont beaucoup d'oeuvres de jeunes réalisateurs.
Les décrets audiovisuels doivent être modifiés. La situation actuelle est ubuesque et très pénalisante : investir dans une fiction ne confère aucun droit patrimonial, au-delà de la possibilité de la diffuser durant trois ans et demi. Il nous faut détenir les droits pour porter l'ambition de la francophonie à l'international. Si le lancement de notre chaîne Studiocanal aux États-Unis, via l'opérateur direct-Tv reçu par 23 millions de foyers, permet d'exploiter notre catalogue de films, la diffusion des récentes fictions à succès, comme Baron noir ou Versailles, nous est impossible, faute d'en détenir les droits patrimoniaux. Une réforme urgente s'impose pour donner la possibilité aux financeurs de la création de développer leur patrimoine afin de l'exporter.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel nous a quasi-systématiquement pénalisé. Certains présentateurs, comme Cyril Hanouna, ont pu être excessifs, mais l'annonce de dix-huit millions d'euros infligée m'apparaît clairement disproportionnée pour des blagues à l'antenne. D'ailleurs, l'une de ces décisions vient d'être annulée par le Conseil d'État. En outre, suite à l'acquisition de TPS, Canal Plus a fait l'objet d'une soixantaine d'injonctions et d'engagements délivrés par l'Autorité de la Concurrence. Tandis que Netflix et Amazon arrivaient en France, notre service de vidéos à la demande, Canal-Play, ne pouvait plus bénéficier d'exclusivité de diffusion. Cette injonction, qui vient d'être levée, lui a été fatale, puisqu'il est passé, entretemps, de 800 000 à 200 000 abonnés. La rapidité de ce marché doit être mieux prise en compte par les pouvoirs publics. Si rien n'est fait, dans deux ans, la fiction française n'existera plus à l'étranger ! Notre marché national est le seul à fonctionner de la sorte ! Même avec les fictions françaises, Netflix n'a pas à observer les règles qui nous sont imposées.