Intervention de Frédérique Vidal

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 28 juin 2018 à 10h45
Audition de Mme Frédérique Vidal ministre de l'enseignement supérieur de la recherche et de l'innovation

Frédérique Vidal, ministre :

Quoi qu'il en soit, en matière de gestion des affectations, je ne vois pas comment on peut aller beaucoup plus loin. Il faut simplement que nous trouvions le juste équilibre.

Je voudrais parler maintenant de mobilité géographique et de variation des quotas de mobilité. Il faut bien se garder de confondre le thermomètre avec la température !

Parcoursup a permis de mettre en évidence la variabilité des taux de mobilité en fonction des formations. Ces taux ont été fixés au cas par cas par un travail conjoint des recteurs et des présidents d'université. Et les recteurs ont veillé à ce que les jeunes ne soient pas empêchés de poursuivre les études de leur choix à proximité de leur lieu de résidence. Dans certains cas, c'est vrai, ces quotas de mobilité sont très faibles, de l'ordre de quelques pourcents, mais, faut-il ajouter, cette situation concerne les filières sous tension, où l'an dernier lesdits quotas étaient de zéro, sachant que priorité absolue était donnée à la résidence académique ! Ces quotas sont plus importants lorsque la pression des étudiants locaux est moindre, et lorsqu'on peut, donc, ouvrir largement les formations à des étudiants venant d'ailleurs. Vous voyez que le travail a été fait dans la dentelle.

Par ailleurs, on ne peut pas traiter de la même façon la région Île-de-France et les autres régions. Dans la majorité des régions, il existe une université par grand centre urbain, donc une faculté de droit, une faculté de médecine, une faculté de sciences, une faculté de lettres, etc., sans divergences particulières de réputations. L'Île-de-France, elle, connaît une situation spécifique ; il importe que nous puissions y assurer de la mobilité. Les taux de mobilité sont d'ailleurs de 100 % dans les filières qui se sont entendues pour travailler ensemble, la psychologie par exemple. Dans ces cas-là, la région et l'académie se confondent. Dans d'autres filières - je pense notamment à la chimie -, peu de formations sont offertes par les universités de Paris intra-muros. Il est donc très compliqué d'accepter beaucoup d'étudiants non parisiens dans ces formations, à moins de décréter que les formations de chimie de Paris intra-muros sont censées accueillir tous les meilleurs étudiants d'Île-de-France, et que celles qui sont proposées de l'autre côté du périphérique sont censées accueillir les étudiants moyens.

Je ne peux pas entendre, encore moins valider, une telle proposition. Je maintiens que toutes les filières de premier cycle de l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur du territoire sont des filières de qualité. On a observé, pour les classes préparatoires aux grandes écoles, une aspiration par un faible nombre d'entre elles des meilleurs lycéens de toute la France, à l'exception de ceux qui n'avaient pas les moyens financiers de déménager. C'est un vrai problème ! Les admis aux concours d'entrée des très grandes écoles françaises sortent d'un très petit nombre de lycées, qu'on peut compter sur les doigts d'une main, tout ça parce qu'il n'existe pas de régulation de la mobilité académique.

Ma philosophie est la suivante : je veux de la mobilité académique, mais je ne veux pas qu'un jeune soit forcé d'aller étudier à 50 kilomètres de chez lui, parce qu'on aura accepté que des étudiants de toute la France viennent étudier dans son université de proximité. Tout a été fixé de gré à gré entre recteurs et présidents d'universités.

J'ai demandé au comité scientifique et éthique de faire des propositions. Ce comité comprend des scientifiques, des sociologues, qui pourront travailler sur les données chiffrées et émettre des recommandations susceptibles de relancer la mobilité sociale et géographique sans pour autant produire des concentrations sur certaines filières de tous les meilleurs étudiants de France. Je suis très attachée à la mobilité géographique ; elle a, en tout état de cause, progressé cette année par rapport à l'an dernier.

Concernant les « oui, si », certains établissements ont émis ce type de réponse, d'autres s'y sont refusés. Il faut distinguer plusieurs cas de figure.

Certains établissements, qui étaient en général plutôt farouchement opposés à la loi ORE, ont considéré que les « oui, si » auraient des effets d'exclusion vis-à-vis des lycéens ; ils ont donc volontairement décidé, pour des raisons parfois exclusivement idéologiques, de se passer d'une telle option. Le taux de réussite de ces établissements, évidemment, n'a aucune chance de s'améliorer.

Certains établissements ont considéré qu'ils ne devaient émettre des « oui, si » que si les filières étaient en tension, ce qui n'a aucun sens - le taux de réussite des étudiants n'est pas forcément supérieur dans les filières qui ne sont pas en tension ! Ils ont pris le « oui, si » comme une réponse dissuasive.

Certains établissements ont plébiscité le système du « oui, si » et l'ont très largement exploité, jusqu'à proposer plus de « oui, si » que de « oui » ; ces établissements sont ceux qui sont les plus accompagnés d'un point de vue financier.

Enfin, certains établissements préfèrent accepter tout le monde et, après la rentrée, organiser des tests et mettre en place des groupes de niveaux. Avec ce genre de stratégie, néanmoins, rien n'est obligatoire ou prescriptif.

En observant les taux de réussite, nous verrons bien ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Je compte sur un effet d'entraînement et d'entraide - le monde universitaire y est particulièrement propice. Ceux qui ont conçu des dispositifs d'accompagnement des « oui, si » sont tout à fait prêts à partager leurs réflexions. De ce point de vue, je pense que les choses vont s'améliorer assez rapidement.

Monsieur Ouzoulias, vous avez dit votre attachement à un enseignement supérieur national. J'y suis moi aussi très attachée ! Ceci dit, une fois de plus, il faut regarder la réalité. On ne donne pas forcément le même cours à tous les étudiants d'une même licence et l'on n'attend pas la même chose de tous les lycéens qui arrivent en première année. L'harmonisation est importante, mais instaurer une même grille pour tout le monde...

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