Nous vous remercions pour cette nouvelle invitation. Les perspectives financières de l'assurance chômage ont effectivement été rendues publiques la semaine dernière, en application de l'obligation légale établie en 2015. En réalité, compte tenu de leur intérêt en matière de gestion, nous publions ces chiffres depuis la création de l'Unédic. Ils permettent à la fois de prévoir l'évolution du déficit et de la dette -ils apparaissent en cela fort utiles au Parlement comme au Gouvernement- et d'éclairer les différents facteurs explicatifs de l'équilibre financier de l'Unédic à moyen terme. Les partenaires sociaux peuvent ainsi prendre en considération ces déterminants pour alimenter la négociation et définir des axes de gestion.
Dans le contexte de la réforme en cours, le présent rapport légitime notre gestion responsable des dernières années. Les partenaires sociaux ont choisi, depuis le début des années 2000, de piloter l'assurance chômage dans une logique de moyen terme. Ce choix fut particulièrement mis à l'épreuve lors des années de croissance atone qui suivirent 2008, lorsqu'il fut décidé de préserver le niveau des allocations chômage et de ne pas augmenter les cotisations, assumant alors d'endetter le régime pour lui faire jouer un rôle de stabilisateur économique et social. Le pic de dette de 35 milliards d'euros, équivalant à onze mois de recettes fin 2018, sera atteint à la fin de l'année 2019 concomitamment à un régime à l'équilibre. Pour que la stratégie des partenaires sociaux fonctionne, il faut cependant que, en période de croissance, les excédents soient suffisants et, surtout, affectés au désendettement de l'Unédic. En 2020, le régime devrait être excédentaire de 1,6 milliard, puis de 3,6 milliards en 2021 : les moyens ainsi dégagés devraient participer au désendettement. En 2014, et plus encore en 2017 lorsque le retour de la croissance fut pressenti, les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités en modifiant, dans les conventions d'assurance chômage, les règles d'indemnisation, afin de renforcer la sécurité, la simplicité et l'équité du régime. D'importantes économies ont ainsi été réalisées : en année pleine, la réduction du déficit atteint 1,5 milliard d'euros.
Plusieurs conditions doivent être réunies pour garantir l'avenir du régime d'assurance chômage, notamment un dynamisme économique suffisamment pérenne pour assurer le désendettement et des réformes nationales et européennes, qui accompagnent cet objectif. À titre d'illustration, l'ouverture du bénéfice de l'assurance chômage aux indépendants et aux démissionnaires pourrait coûter entre 280 et 570 millions par an selon nos estimations. Or, le projet de loi en cours de discussion au Parlement concerne pour partie les ressources du régime, dont nous nous inquiétons de la sécurisation. Les modalités de financement se trouvent profondément modifiées puisqu'une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) viendra remplacer les contributions salariales : 35 % des recettes de l'assurance chômage dépendront ainsi du vote annuel de la loi de finances, condition qui fragilise la perspective d'un retour maîtrisé à l'équilibre si la CSG n'évoluait pas au même rythme que la masse salariale. Cette disposition représente un point d'alerte pour les partenaires sociaux, alors que le document de cadrage exige d'eux un engagement sur une trajectoire financière pluriannuelle. Lors des débats à l'Assemblée nationale, les modalités d'élaboration et le contenu du document de cadrage ont certes été améliorés, mais insuffisamment ; le dynamisme et le volume de la CSG constituent toujours une interrogation. Par ailleurs, aux termes du projet de loi, l'État peut modifier comme bon lui semble, par décret, le montant de l'allocation forfaitaire des travailleurs indépendants et alourdir ainsi la charge de l'assurance chômage. Là encore, la prévisibilité de nos finances pourrait en pâtir. Il nous apparait nécessaire que le texte clarifie, au cours de la navette parlementaire, le partage des responsabilités entre l'État et les partenaires sociaux s'agissant du fonctionnement du dispositif ou assigne aux indépendants un financement dédié comme une part fixe de CSG. Quant aux démissionnaires, il pourrait s'avérer utile de préciser, dans le cadre des conventions d'assurance chômage, la définition du caractère réel et sérieux du projet professionnel.
Au niveau européen, une réforme est en cours s'agissant des règles de coordination des régimes d'assurance chômage pour les travailleurs frontaliers, notamment, pour ce qui concerne la France, la Suisse et le Luxembourg. Les économies réalisables chaque année sont estimées entre 580 et 640 millions d'euros. Pensez que nous enregistrons un déficit annuel de 700 millions sur l'indemnisation des Français ayant travaillé à l'étranger, en raison des difficultés de coordination avec la Suisse et le Luxembourg ! La Commission européenne a annoncé une évolution rapide de ces règles, qui devraient être applicable avant les élections européennes de 2019. Nous nous en réjouissons !