Commission des affaires sociales

Réunion du 19 juin 2018 à 18h15

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CSG
  • UNEDIC
  • assurance chômage
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La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Je salue amicalement le retour de notre collègue Bruno Gilles, avec un coeur neuf et une volonté intacte de travailler au sein de notre commission.

Le 4 avril dernier, nous avons entamé nos travaux sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel par une audition portant sur la réforme de l'assurance chômage. Nous accueillons à nouveau Patricia Ferrand, présidente, Jean-Michel Pottier, vice-président, et Vincent Destival, directeur général de l'Unédic, pour la présentation des perspectives financières de l'assurance chômage pour les années 2018 à 2021. Cette audition s'inscrit dans le cadre de nos travaux sur les finances sociales, sur lesquelles notre rapporteur général présentera un rapport lors du débat d'orientation des finances publiques prévu le 5 juillet prochain. Notre commission examine les finances sociales dans le périmètre, défini par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), des administrations de sécurité sociale (ASSO). Plus large que celui retenu pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), il comprend l'Unédic.

La loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques a introduit dans le code du travail un article L. 5422-25, indiquant que l'Unédic transmet chaque année au Parlement et au Gouvernement, au plus tard le 30 juin, ses perspectives financières triennales, en précisant notamment les effets de la composante conjoncturelle de l'emploi salarié et du chômage sur l'équilibre financier du régime d'assurance chômage. Ce même article prévoit un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 15 septembre, dont nous n'avons encore jamais été destinataires. Les perspectives de l'Unédic sont, quant à elles, publiées chaque année depuis 2015. Rendues publiques le 13 juin dernier, elles prévoient un déficit résiduel en 2019 mais une dette portée à 35 milliards d'euros, dont la décrue, envisagée à partir de 2020, suppose des excédents aussi substantiels que durables et ne peut qu'inciter à la prudence quant à des dépenses nouvelles ou à des diminutions de recettes.

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Nous vous remercions pour cette nouvelle invitation. Les perspectives financières de l'assurance chômage ont effectivement été rendues publiques la semaine dernière, en application de l'obligation légale établie en 2015. En réalité, compte tenu de leur intérêt en matière de gestion, nous publions ces chiffres depuis la création de l'Unédic. Ils permettent à la fois de prévoir l'évolution du déficit et de la dette -ils apparaissent en cela fort utiles au Parlement comme au Gouvernement- et d'éclairer les différents facteurs explicatifs de l'équilibre financier de l'Unédic à moyen terme. Les partenaires sociaux peuvent ainsi prendre en considération ces déterminants pour alimenter la négociation et définir des axes de gestion.

Dans le contexte de la réforme en cours, le présent rapport légitime notre gestion responsable des dernières années. Les partenaires sociaux ont choisi, depuis le début des années 2000, de piloter l'assurance chômage dans une logique de moyen terme. Ce choix fut particulièrement mis à l'épreuve lors des années de croissance atone qui suivirent 2008, lorsqu'il fut décidé de préserver le niveau des allocations chômage et de ne pas augmenter les cotisations, assumant alors d'endetter le régime pour lui faire jouer un rôle de stabilisateur économique et social. Le pic de dette de 35 milliards d'euros, équivalant à onze mois de recettes fin 2018, sera atteint à la fin de l'année 2019 concomitamment à un régime à l'équilibre. Pour que la stratégie des partenaires sociaux fonctionne, il faut cependant que, en période de croissance, les excédents soient suffisants et, surtout, affectés au désendettement de l'Unédic. En 2020, le régime devrait être excédentaire de 1,6 milliard, puis de 3,6 milliards en 2021 : les moyens ainsi dégagés devraient participer au désendettement. En 2014, et plus encore en 2017 lorsque le retour de la croissance fut pressenti, les partenaires sociaux ont pris leurs responsabilités en modifiant, dans les conventions d'assurance chômage, les règles d'indemnisation, afin de renforcer la sécurité, la simplicité et l'équité du régime. D'importantes économies ont ainsi été réalisées : en année pleine, la réduction du déficit atteint 1,5 milliard d'euros.

Plusieurs conditions doivent être réunies pour garantir l'avenir du régime d'assurance chômage, notamment un dynamisme économique suffisamment pérenne pour assurer le désendettement et des réformes nationales et européennes, qui accompagnent cet objectif. À titre d'illustration, l'ouverture du bénéfice de l'assurance chômage aux indépendants et aux démissionnaires pourrait coûter entre 280 et 570 millions par an selon nos estimations. Or, le projet de loi en cours de discussion au Parlement concerne pour partie les ressources du régime, dont nous nous inquiétons de la sécurisation. Les modalités de financement se trouvent profondément modifiées puisqu'une partie de la contribution sociale généralisée (CSG) viendra remplacer les contributions salariales : 35 % des recettes de l'assurance chômage dépendront ainsi du vote annuel de la loi de finances, condition qui fragilise la perspective d'un retour maîtrisé à l'équilibre si la CSG n'évoluait pas au même rythme que la masse salariale. Cette disposition représente un point d'alerte pour les partenaires sociaux, alors que le document de cadrage exige d'eux un engagement sur une trajectoire financière pluriannuelle. Lors des débats à l'Assemblée nationale, les modalités d'élaboration et le contenu du document de cadrage ont certes été améliorés, mais insuffisamment ; le dynamisme et le volume de la CSG constituent toujours une interrogation. Par ailleurs, aux termes du projet de loi, l'État peut modifier comme bon lui semble, par décret, le montant de l'allocation forfaitaire des travailleurs indépendants et alourdir ainsi la charge de l'assurance chômage. Là encore, la prévisibilité de nos finances pourrait en pâtir. Il nous apparait nécessaire que le texte clarifie, au cours de la navette parlementaire, le partage des responsabilités entre l'État et les partenaires sociaux s'agissant du fonctionnement du dispositif ou assigne aux indépendants un financement dédié comme une part fixe de CSG. Quant aux démissionnaires, il pourrait s'avérer utile de préciser, dans le cadre des conventions d'assurance chômage, la définition du caractère réel et sérieux du projet professionnel.

Au niveau européen, une réforme est en cours s'agissant des règles de coordination des régimes d'assurance chômage pour les travailleurs frontaliers, notamment, pour ce qui concerne la France, la Suisse et le Luxembourg. Les économies réalisables chaque année sont estimées entre 580 et 640 millions d'euros. Pensez que nous enregistrons un déficit annuel de 700 millions sur l'indemnisation des Français ayant travaillé à l'étranger, en raison des difficultés de coordination avec la Suisse et le Luxembourg ! La Commission européenne a annoncé une évolution rapide de ces règles, qui devraient être applicable avant les élections européennes de 2019. Nous nous en réjouissons !

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Les éléments du présent rapport étaient impatiemment attendus par les médias économiques et sociaux ; nos chiffres -fiables- nourrissent en effet leurs analyses sur le marché du travail et la situation économique de la France. Le régime d'assurance chômage joue un rôle contra cyclique : quand l'économie se trouve en croissance, les cotisations augmentent mécaniquement et les indemnisations reculent. Le régime dégage alors des capacités de remboursement de la dette. Vous l'aurez compris : en période de crise, le fonctionnement est inverse. Nos projections financières sont réalisées selon les règles applicables en matière de recettes et d'indemnisation. Bien entendu, toute modification les rend caduques... À cet égard, il me semble fort dommage que le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel remette chaque année le sort de la capacité de désendettement de l'Unédic aux mains du projet de loi de finances au lieu de suivre le document de cadrage pluriannuel.

Notre gestion se place sous le signe de la responsabilité. Ainsi, l'accord du 28 mars 2017 signé à l'issue de la dernière négociation a-t-il entériné notre décision de réviser les indemnisations pour plus d'équité, en faveur notamment des salariés en contrat court. Nous avons également, à cette occasion, déploré les dépenses indues du régime : la compensation insuffisante entre régimes concernant les travailleurs transfrontaliers en Suisse et au Luxembourg et le fait d'assumer les deux tiers des dépenses de fonctionnement de Pôle emploi. Il me semblerait opportun de prévoir un partage équitable de ces frais entre l'Unédic et l'État. Hélas, la réforme en cours ne se préoccupe pas du sujet...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Votre rapport est concis, clair et optimiste, sous diverses réserves, sur l'évolution des comptes et de la dette de l'Unédic. Vous avez assumé votre choix de faire de l'assurance chômage, grâce à l'endettement, un instrument de stabilisation économique et sociale. Nous pouvons le respecter mais, sur le principe, un régime d'assurance chômage ne devrait-il pas afficher un solde structurel nul pour ne pas faire peser une charge sur les générations futures ? Or, l'Unédic dégage structurellement un déficit annuel de 1,5 milliard... Le retour à l'équilibre structurel représentera-t-il l'objectif de la prochaine négociation ?

S'agissant de la montée en puissance de la CSG, en lieu et place des cotisations salariales, dans vos ressources, avez-vous évalué le dynamisme comparé des deux recettes ? Ne conviendrait-il pas que les cotisations demeurent un financement majoritaire ? Enfin, ne vous semblerait-il pas judicieux que les comptes de l'assurance chômage soient examinés dans le cadre du PLFSS ?

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Le désendettement de l'Unédic représente un objectif pour les syndicats de salariés, ce qui diffère d'un solde structurel nul, dont la perspective ne sera peut-être pas même évoquée lors de la prochaine négociation de la convention d'assurance chômage. Nous préférerons parler de pérennité du régime... En ce sens, le désendettement est crucial car il pourra seul permettre à l'assurance chômage de jouer à nouveau son rôle de stabilisateur lors d'une période de crise. Dans cette perspective, quatre syndicats sur cinq ont accepté un recul important des droits au bénéfice des demandeurs d'emploi. La prochaine négociation se tiendra en 2020, alors que s'appliqueront la réforme dont nous discutons et le document de cadrage : adaptées aux nouveaux enjeux du marché du travail, les conditions d'exercice de l'Unédic auront donc changé et sa trajectoire financière sera pour partie décidée par le Gouvernement. Quoi qu'il en soit, l'enjeu ne pourra en être strictement financier, au risque d'oublier le rôle contra cyclique de l'assurance chômage.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Le choix d'utiliser l'assurance chômage comme stabilisateur de l'économie est partagé par l'ensemble des partenaires sociaux. D'ailleurs, les cotisations patronales n'ont pas été augmentées afin de favoriser l'emploi. Toute hausse du coût du travail rend, en effet, plus délicat le retour de la croissance : l'augmentation des recettes peut avoir des effets pervers. Le dosage est en réalité complexe et, en ce sens, l'équilibre structurel du régime ne doit pas être recherché à tout prix. L'assurance chômage ne doit pas devenir un système par répartition !

Si les cotisations salariales sont remplacées par la CSG, un risque pèse, il me semble, sur les cotisations patronales. Imaginons, par exemple, qu'une embellie économique ensoleille la France dans cinq ans : l'État pourrait souhaiter réduire la CSG. En serait-il de même pour les cotisations patronales ? Le projet de loi de finances est le fait du prince ! Comment avoir confiance ? Je pourrais vous citer, comme administrateur de Pôle emploi, tant d'exemples d'engagements jamais tenus...

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

Nous ne sommes pas encore experts en matière de CSG, mais nous nous acculturons progressivement... Les quelques analyses que nous avons menées en la matière indiquent que la CSG et la masse salariale évoluent, à moyen terme, de façon proche, mais que la CSG demeure plus cyclique. Sans remettre en cause un retour à l'équilibre à moyen terme, le changement de ressource le fragilise, sauf à assurer un niveau et une évolution strictement identiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Vous souhaitez donc, me semble-t-il, que les cotisations demeurent une source prépondérante de financement ? Quelle est votre opinion sur la possibilité d'examiner les comptes de l'Unédic en PLFSS ?

Debut de section - Permalien
Vincent Destival, directeur général de l'Unédic

En tant que parlementaires, vous voterez la quotepart de la CSG affectée par le projet de loi de finances à l'assurance chômage. Pour assurer votre information, le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport annuel avant le 15 octobre. Nous souhaiterions toutefois, pour que votre information soit complète, que notre rapport soit maintenu. Le texte, hélas, le supprime. Comment assurer, par ailleurs, la cohérence de la convention pluriannuelle signée par les partenaires sociaux, le document de cadrage et de la loi de finances votée par les parlementaires ? Quel sera désormais l'équilibre de gouvernance financière de l'assurance chômage ?

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Les représentants des entreprises au sein de l'Unédic souhaitent, vous l'aurez compris, une proportionnalité entre les cotisations patronales et les autres ressources.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Morisset

Alors que votre équilibre financier est encore fragile, vos recettes deviennent plus hypothétiques avec la CSG et l'allocation des travailleurs indépendants. Si le régime devenait excédentaire, ne craignez-vous pas que l'État ait la tentation de réduire la part de CSG affectée, tandis que les syndicats patronaux pourraient réclamer la baisse de leur contribution ? L'Unédic affiche certes un excédent pour les contrats à durée indéterminée (CDI), mais il enregistre, pour les contrats à durée déterminée (CDD) et l'intérim, un déficit de 6 milliards d'euros. Quelle est votre opinion sur l'instauration d'un bonus-malus pour les entreprises sur les contrats courts ? Par ailleurs, les indus ont crû d'un milliard d'euros en trois ans. Est-ce le fait de la mauvaise foi des déclarants ? Cette situation fragilise-t-elle le régime ? S'agissant enfin de l'intégration des démissionnaires et des indépendants au régime, le coût en était estimé par les experts, pendant la campagne présidentielle, à respectivement 1,5 et 1 milliard d'euros. Depuis, un organisme indépendant bien connu l'a chiffrée à 2,7 et 2,1 milliards d'euros. Vous avez évoqué une fourchette comprise entre 280 millions d'euros et 570 millions. Pourquoi les estimations varient-elles autant ? Enfin, ressentez-vous les conséquences des ordonnances en matière de licenciement, qui devaient donner plus de visibilité aux entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Tourenne

La gestion contra cyclique et non comptable de l'assurance chômage est une sage décision en ce qu'elle évite un recul trop affirmé du pouvoir d'achat des Français dans les périodes de crise, qui grèverait plus encore l'économie. Pourriez-vous nous préciser le montant de vos recettes et leur ventilation ? Quelle serait, par ailleurs, votre proposition pour assurer une pérennité et une évolution de vos ressources en adéquation avec vos besoins de financement et votre objectif de désendettement ? Vous avez évoqué avec sérénité le document de cadrage. Pourtant, ne porte-il pas atteinte au principe de souveraineté de la gestion paritaire ? La rumeur court d'une suppression, par décret, de la possibilité de cumuler allocation chômage et travail à temps partiel : auriez-vous davantage d'informations à nous communiquer ? Quelles en seraient les conséquences pour les intéressés ? Enfin, quelles modalités de financement de l'assurance chômage seront mises en oeuvre pour les indépendants ? Figureront-ils sur une comptabilité séparée, puisqu'il n'y aura pas de cotisations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L'Unédic semble optimiste quant au désendettement du régime à moyen terme grâce au dynamisme de l'économie et aux mesures prises au niveau national et européen. Mais, depuis les années 2000, l'assurance chômage s'est endettée à cause du refus d'augmenter les cotisations patronales. Avec près de 45 % de ressources fiscales annoncés pour le financement de l'Unédic, ne basculons-nous pas insidieusement d'un mécanisme assurantiel à un système de prestations sociales ? Le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne crée-t-il pas un dispositif incohérent, s'agissant des entreprises, en prônant à la fois la dissuasion des contrats courts et le maintien du niveau de recettes ? Je crains, pour ma part, un durcissement des règles de cumul et un renforcement des sanctions pour les salariés... Veillons à ce que l'équilibre économique ne conduise pas au déséquilibre social !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Forissier

Je regrette le manque de cohérence dans le fonctionnement de l'assurance chômage : le Parlement n'a nul rôle à y jouer, hormis en matière de garantie de la dette, alors que le Gouvernement dispose de pouvoirs bien supérieurs. Il ne devrait pas pouvoir élaborer un document de cadrage pour des accords autres que la convention pluriannuelle. Le Gouvernement est responsable de 48 % de la dette !

Debut de section - Permalien
Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic

Globalement, les CDI sont excédentaires, les CDD et les intérimaires déficitaires. C'est d'ailleurs pour cette raison que le régime mutualisé existe. Depuis les années 2000, le marché du travail a connu une profonde mutation avec l'explosion des contrats de très courte durée. Pour plus de détails sur cette question, je vous renvoie à la deuxième partie du rapport sur les perspectives financières. Ces contrats très courts durent moins d'un mois et la plupart moins d'une semaine.

Lors des négociations de 2016 et de 2017, les partenaires sociaux n'ont pas voulu travailler sur un système de bonus-malus au niveau national mais sur un dispositif plus vertueux, les motifs de recours à des contrats courts étant très différents d'un secteur à l'autre. Ils ont donc voulu responsabiliser les partenaires des branches et leur faire partager les mêmes constats pour que le recours à ces contrats diminue. À l'heure actuelle, les contrats très courts se concentrent dans trois ou quatre grands secteurs ; les problématiques du secteur médico-social sont très différentes de celui du spectacle ou de celui du service aux entreprises.

Dans ces contrats très courts, nous avons intégré la part qui revient aux intérimaires, qui est équivalent aux CDD, soit 20 millions de contrats par an. Or, un quart des missions d'intérim est inférieur à un jour !

Pour endiguer le nombre de contrats très courts, la responsabilisation des acteurs est sans doute plus efficace que des mesures nationales.

En fin d'année, les partenaires sociaux présenteront un bilan qualitatif des décisions prises dans les branches et le Gouvernement verra s'il met en place un bonus-malus. Aujourd'hui, nous n'avons aucune idée du système que pourrait proposer le Gouvernement et nous ne savons pas s'il serait financièrement neutre pour assurer la stabilité des ressources du régime. Entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020, le Gouvernement pourra modifier les règles du bonus-malus mais aussi les règles de cumul pour les personnes qui alternent des contrats de courte durée et des périodes de chômage.

En tant que présidente de l'Unédic, je rappelle que la convention de 2017 a mis en place des règles beaucoup plus équitables qu'auparavant, ce qui a permis de réaliser des économies. Des demandeurs d'emploi ont vu leurs allocations diminuer. La modification des règles de cumul -annoncée par le Gouvernement pour financer les nouveaux droits des démissionnaires et des indépendants- impliquera un changement de perspective des organisations syndicales, dont celle à laquelle j'appartiens. Depuis qu'un certain nombre d'évaluations ont été rendues publiques, dont la plus élevée se monte à 14 milliards, nous avons travaillé sur divers sujets, dont celui des démissionnaires. Ne faisons pas aux salariés de fausses promesses : ouvrir à la démission, c'est insécuriser les salariés s'ils n'ont pas de projet professionnel. Nous assumons donc tous les garde-fous que nous avons mis en place, afin de ne pas envoyer les salariés dans le mur et de sécuriser leurs parcours professionnels. Enfin, ouvrir à la démission tous azimuts, ce serait tuer la rupture conventionnelle.

Même si le projet de loi n'est pas suffisamment précis, nous sommes favorables à une comptabilité séparée pour les travailleurs indépendants : ainsi, la part de la CSG pourrait être exclusivement affectée à ce financement.

Vous estimez que le document de cadrage implique un recul de la gestion paritaire. Lorsque les partenaires sociaux ont entamé la négociation sur l'assurance chômage, ils ont unanimement dit leur volonté de conserver le régime assurantiel avec des droits financés par des cotisations, ces droits devant être considérés comme des revenus de remplacement des rémunérations perdues. La question de la gestion paritaire ne peut se résumer au document de cadrage. En outre, avec ce projet de loi, le Gouvernement a fait un autre choix. Pour les partenaires sociaux, la négociation est essentielle car ils estiment qu'ils sont au plus près du terrain et qu'ils connaissent la réalité vécue par les salariés et les demandeurs d'emploi. Le projet de loi remet en cause en filigrane la légitimité des partenaires sociaux, ce qui nous interpelle, d'autant que nous estimons qu'une gestion étatique serait trop éloignée des besoins sociaux. La question peut se résumer ainsi : est-ce que les partenaires sociaux sont à même de gérer et de négocier en pleine responsabilité et en pleine autonomie le régime d'assurance chômage ? Le document de cadrage prévoit une concertation en amont pour évoquer les enjeux de la négociation qui ne peuvent être, à notre avis, uniquement financiers. En outre, le régime d'assurance chômage est extrêmement volatile, car lié à la conjoncture. Il peut rapidement redevenir bénéficiaire : la problématique est donc toute autre que pour les retraites ou la sécurité sociale.

Debut de section - Permalien
Jean-Michel Pottier, vice-président de l'Unédic

Les hypothèses financières ont été calculées en l'état de nos connaissances : des dépenses supplémentaires prévues, mais sans compensation, alors que de telles compensations seraient tout à fait normales. Dans l'accord national interprofessionnel du 22 février, les partenaires sociaux ont réclamé un financement par l'impôt pour payer le régime des indépendants. Or, pour l'instant, nous sommes dans un brouillard absolu : nous nous demandons si la gouvernance paritaire a encore du sens. Le document de cadrage ne nous rassure pas complètement, car la loi de finances s'imposera aux autres lois. Nous ne disposons donc d'aucune garantie sérieuse, stable et légale. La quotepart dont il est question dans le projet de loi ne change rien à l'affaire.

En ce qui concerne les contrats courts, le travail par branches professionnelles permet d'appréhender des réalités de terrain complètement différentes d'une branche à l'autre. À l'intérieur même d'un secteur, les situations varient considérablement selon les entreprises. Ainsi, pour les traiteurs, la seule analyse des chiffres permettrait de conclure que certains sont vertueux et d'autres pas. Mais il y a une grande différence entre les traiteurs de restauration collective et ceux qui assurent les mariages et les baptêmes : ces derniers ont une activité saisonnière et le nombre de repas peut varier en fonction de la météo. Dans le domaine médico-social, les contrats très courts sont dus aux remplacements des personnels absents. En outre, ces salaires sont le plus souvent payés par les collectivités avec un cadrage économique très contraint. Ne multiplions pas les difficultés dans ce secteur qui connait déjà une situation tendue.

Enfin, le coût proportionnel des contrats courts par rapport au total des dépenses est le même depuis plus de 20 ans. En revanche, la durée des contrats courts a diminué.

Pour ce qui est de l'augmentation des indus, le rapprochement des fichiers a permis de mieux appréhender la réalité. Les indus sont donc repérés bien plus vite que par le passé : 70 % des indus sont ainsi récupérés dans l'année. L'Unedic a diligenté auprès de Pôle Emploi des audits pour mieux maîtriser les dépenses.

Le contrôle prévu sous l'égide du conseil d'administration de Pôle Emploi est extrêmement mesuré : il prévoit un accompagnement du contrôlé sur une période d'un mois et il permet le plus souvent d'orienter le contrôlé vers une demande d'emploi tandis que les collaborateurs de Pôle emploi sont incités à mieux accompagner les demandeurs d'emploi. Ce type de contrôle n'est pas intrusif. Et puis, pourquoi s'offusquer de contrôles qui ont lieu au bout de quelques mois, voire de quelques années alors que les salariés pointent deux à quatre fois par jour ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Merci pour vos réponses.

La réunion est close à 19 h 30.