Intervention de Patricia Ferrand

Commission des affaires sociales — Réunion du 19 juin 2018 à 18h15
Perspectives financières de l'assurance chômage 2018-2021 — Audition de Mme Patricia Ferrand présidente M. Jean-Michel Pottier vice-président et M. Vincent deStival directeur général de l'unédic

Patricia Ferrand, présidente de l'Unédic :

Globalement, les CDI sont excédentaires, les CDD et les intérimaires déficitaires. C'est d'ailleurs pour cette raison que le régime mutualisé existe. Depuis les années 2000, le marché du travail a connu une profonde mutation avec l'explosion des contrats de très courte durée. Pour plus de détails sur cette question, je vous renvoie à la deuxième partie du rapport sur les perspectives financières. Ces contrats très courts durent moins d'un mois et la plupart moins d'une semaine.

Lors des négociations de 2016 et de 2017, les partenaires sociaux n'ont pas voulu travailler sur un système de bonus-malus au niveau national mais sur un dispositif plus vertueux, les motifs de recours à des contrats courts étant très différents d'un secteur à l'autre. Ils ont donc voulu responsabiliser les partenaires des branches et leur faire partager les mêmes constats pour que le recours à ces contrats diminue. À l'heure actuelle, les contrats très courts se concentrent dans trois ou quatre grands secteurs ; les problématiques du secteur médico-social sont très différentes de celui du spectacle ou de celui du service aux entreprises.

Dans ces contrats très courts, nous avons intégré la part qui revient aux intérimaires, qui est équivalent aux CDD, soit 20 millions de contrats par an. Or, un quart des missions d'intérim est inférieur à un jour !

Pour endiguer le nombre de contrats très courts, la responsabilisation des acteurs est sans doute plus efficace que des mesures nationales.

En fin d'année, les partenaires sociaux présenteront un bilan qualitatif des décisions prises dans les branches et le Gouvernement verra s'il met en place un bonus-malus. Aujourd'hui, nous n'avons aucune idée du système que pourrait proposer le Gouvernement et nous ne savons pas s'il serait financièrement neutre pour assurer la stabilité des ressources du régime. Entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre 2020, le Gouvernement pourra modifier les règles du bonus-malus mais aussi les règles de cumul pour les personnes qui alternent des contrats de courte durée et des périodes de chômage.

En tant que présidente de l'Unédic, je rappelle que la convention de 2017 a mis en place des règles beaucoup plus équitables qu'auparavant, ce qui a permis de réaliser des économies. Des demandeurs d'emploi ont vu leurs allocations diminuer. La modification des règles de cumul -annoncée par le Gouvernement pour financer les nouveaux droits des démissionnaires et des indépendants- impliquera un changement de perspective des organisations syndicales, dont celle à laquelle j'appartiens. Depuis qu'un certain nombre d'évaluations ont été rendues publiques, dont la plus élevée se monte à 14 milliards, nous avons travaillé sur divers sujets, dont celui des démissionnaires. Ne faisons pas aux salariés de fausses promesses : ouvrir à la démission, c'est insécuriser les salariés s'ils n'ont pas de projet professionnel. Nous assumons donc tous les garde-fous que nous avons mis en place, afin de ne pas envoyer les salariés dans le mur et de sécuriser leurs parcours professionnels. Enfin, ouvrir à la démission tous azimuts, ce serait tuer la rupture conventionnelle.

Même si le projet de loi n'est pas suffisamment précis, nous sommes favorables à une comptabilité séparée pour les travailleurs indépendants : ainsi, la part de la CSG pourrait être exclusivement affectée à ce financement.

Vous estimez que le document de cadrage implique un recul de la gestion paritaire. Lorsque les partenaires sociaux ont entamé la négociation sur l'assurance chômage, ils ont unanimement dit leur volonté de conserver le régime assurantiel avec des droits financés par des cotisations, ces droits devant être considérés comme des revenus de remplacement des rémunérations perdues. La question de la gestion paritaire ne peut se résumer au document de cadrage. En outre, avec ce projet de loi, le Gouvernement a fait un autre choix. Pour les partenaires sociaux, la négociation est essentielle car ils estiment qu'ils sont au plus près du terrain et qu'ils connaissent la réalité vécue par les salariés et les demandeurs d'emploi. Le projet de loi remet en cause en filigrane la légitimité des partenaires sociaux, ce qui nous interpelle, d'autant que nous estimons qu'une gestion étatique serait trop éloignée des besoins sociaux. La question peut se résumer ainsi : est-ce que les partenaires sociaux sont à même de gérer et de négocier en pleine responsabilité et en pleine autonomie le régime d'assurance chômage ? Le document de cadrage prévoit une concertation en amont pour évoquer les enjeux de la négociation qui ne peuvent être, à notre avis, uniquement financiers. En outre, le régime d'assurance chômage est extrêmement volatile, car lié à la conjoncture. Il peut rapidement redevenir bénéficiaire : la problématique est donc toute autre que pour les retraites ou la sécurité sociale.

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