Avant tout, je souhaite revenir sur la manière dont se sont déroulées les négociations. Nous nous sommes engagés dans l'ensemble de ces dernières. Ainsi, en matière d'apprentissage nous avons été très largement partie prenante. Le texte auquel nous avons abouti était plutôt bon pour nos jeunes et pour l'apprentissage. Nous ne pouvons regretter que l'ANI n'ait pas été repris dans son intégralité, d'autant plus qu'il a été conclu dans des conditions très compliquées, avec des rythmes de négociation extrêmement soutenus. Nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement continue à presser les négociateurs, mais également les parlementaires, ne permettant pas un travail approfondi. Les grandes lignes politiques sont annoncées par le Gouvernement, et nous découvrons au fil de l'eau des amendements qu'il dépose à l'Assemblée nationale. Cela nous oblige à travailler les dossiers par petits bouts sans révision d'ensemble. Cela a énormément perturbé notre travail. Nous ne nous sentons pas acteurs des décisions prises pour la Nation et nos concitoyens.
En ce qui concerne l'apprentissage, ou d'autres domaines, les réformes nous sont imposées. A titre d'exemple, les partenaires sociaux avaient décidé de conserver les Fongecif (Fonds de gestion des congés individuels de formation), car leur expérience et leurs compétences nous semblaient importantes et ont été démontrées. Or, l'État a décidé de ne pas les retenir et de remplacer le CIF par le CPF de transition professionnelle. Certes, les partenaires sociaux ont accepté d'aller dans cette direction mais, contrairement à ce qui a été dit, ce ne sont pas les partenaires sociaux qui sont responsables de la fin des Fongecif, mais bien le Gouvernement.
La création des CPIR, appelées à réintégrer les effectifs et une partie des compétences des Fongecif, est donc une bonne chose. Pour autant, on n'en mesure pas toutes les conséquences pour les futurs Opco L'État souhaite donner plus de missions à ces derniers, dont celle d'accompagner - et c'est une bonne chose - les entreprises et notamment les petites, face à leurs difficultés à promouvoir la formation professionnelle. Nous posons la question de savoir s'il ne serait pas bon que les Opco puissent également accompagner les salariés. Ils ont en effet un rôle paritaire.
Dans les points positifs dans cette loi -il y en a quelques-uns, heureusement- nous avons noté la reprise du passeport formation. Il est de nouveau remis en avant et pourra servir pour accompagner le salarié. Nous avons obtenu que l'entretien professionnel soit l'occasion d'évoquer le CEP. Il faudrait aller plus loin et préciser que l'opérateur compétent soit l'indiqué au salarié à cette occasion.
Nous sommes réservés sur l'abondement correctif prévu lorsque l'entretien professionnel fait apparaître que le salarié n'a pas bénéficié pendant six ans de deux des trois actions prévues par la loi Nous pensons que cet aspect uniquement coercitif n'apporterait pas grand-chose aux salariés en eux-mêmes. Certes cet abondement est nécessaire. Mais nous pensons également nécessaire de créer une obligation de l'employeur d'une rencontre sur le temps de travail avec un CEP. Cette rencontre doit avoir lieu pendant le temps de travail et être payée par l'entreprise. A la suite de cet entretien, le conseiller en évolution professionnel peut proposer de mettre en place un bilan de compétences. Celui-ci devrait être payé intégralement par l'entreprise, via l'abondement complémentaire. Cela rendrait le système plus efficace.
En ce qui concerne l'emploi des travailleurs handicapés, nous pensons également que le texte apporte des aménagements qui sont non négligeables. On sait que les postes adaptés sont compliqués à obtenir. Les entreprises préfèrent payer la cotisation de 6 % plutôt que d'embaucher des personnes handicapées. Il en va de même pour l'apprentissage. Nous avons une demande à ce sujet : au bout de trois ans, en cas de non-respect de l'obligation d'employer des personnes handicapées, un référent handicap devrait être mis en place dans l'entreprise. Celui-ci serait soit un élu du nouveau CSE, soit de la DUP. Il serait formé par l'Agefiph et disposerait de 60 heures de délégation supplémentaires par mois, dédiées à sa mission qui consisterait à créer des conditions d'accès à l'emploi de salariés en situation de handicap et à la sensibilisation des salariés de la structure, ainsi qu'à l'accompagnement des salariés de la structure porteurs d'un handicap. Elle prendrait fin lorsque le plancher d'obligation d'emploi serait atteint. A défaut d'un élu volontaire, la mission pourrait être assurée par tout salarié de l'entreprise. C'est une approche nouvelle que nous proposons.
En ce qui concerne l'action en faveur de l'égalité professionnelle, le projet mis en place prévoit dans un délai de trois ans de réduire les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. Puisque l'on constate ces inégalités, pourquoi se donner ce délai de trois ans, alors que le problème d'égalité professionnelle a été constaté ? Pour nous, il faut donner un délai d'un an pour réduire ces dernières, à partir du moment où elles sont constatées. En outre, cette action ne concerne que les structures de plus de 250 salariés. Que fait-on pour les structures de moins de 250 salariés, alors même que c'est dans ces dernières qu'il y a le plus d'inégalités professionnelles ? Dans les autres, il existe des institutions représentatives du personnel.
Enfin, sur l'apprentissage, nous sommes favorables à l'ensemble des dispositions. Il faut toutefois rappeler que l'apprenti devrait avoir les mêmes droits que les étudiants et prendre les mesures nécessaires en conséquence : carte d'étudiant, prêt étudiant, restauration, hébergement, transport.
En revanche, il y a un certain nombre de points négatifs. Mon collègue de la CFDT en a rappelé plusieurs. Le CPF monétisé en est un. C'est une incompréhension du Gouvernement -ou peut-être un dogme- que de penser que l'on donne plus de droit en mettant tout le monde à 14,28 euros de l'heure pour pouvoir faire une formation. Or, on a démontré que cela n'était pas le cas. Au contraire, cela réduit les droits des salariés. Il faut absolument augmenter le taux de conversion. Nous vous proposons 40 euros par heure, ce qui est la moyenne actuelle dans l'ensemble des Opca pour la formation professionnelle.
Nous avions proposé pour les CPF de transition professionnelle l'obligation de passer par un CEP. Cette mesure n'a pas été reprise. Nous demandons qu'il continue à exister un accompagnement pour le CPF de transition professionnelle, soit par le CEP, soit bien évidemment par la possibilité d'avoir recours à un bilan de compétences. Cela permet de ne pas se tromper dans la formation longue désirée. Il doit être proposé au salarié le financement de ce bilan de compétences dans le cadre du CPF de transition professionnelle.
Nous sommes en faveur de la création des CPIR pouvant permettre aux partenaires sociaux de reprendre une place dans la négociation régionale, laissée libre par la suppression des Coparef. Il y a toutefois une catégorie de salariés qui ne se retrouve pas dans les CPIR : ceux issus des secteurs multiprofessionnels. Il faut que ceux-ci puissent être représentés dans les CPIR, pour pouvoir faire entendre leurs voix.
Nous demandons que les co-investissements, pour lesquels la CFTC était largement demandeur, aillent au-delà du 50/50 dans les entreprises. En effet, on co-investit sur une demande de l'entreprise.
Nous venons d'apprendre, comme tout le monde, que le conseil d'administration de France compétences sera composé de 15 membres. Nous émettons de vives interrogations. Cela signifie que les partenaires sociaux auront une représentation à une personne par organisation syndicale. On le sait, par expérience, il est très difficile de pouvoir avoir une animation et une transmission correcte sans avoir de suppléance. Nous avons peur qu'il ne se transforme en chambre d'enregistrement.