Nous considérons qu'il y a eu globalement un problème de forme. En outre, il y a des problèmes de fond.
Les deux domaines qui étaient initialement abordés par le projet de loi étaient la formation professionnelle et le chômage. Sont venues se greffer des concertations au fil de l'eau sur le handicap, l'égalité professionnelle et la lutte contre la fraude au détachement et le travail illégal. En outre, des discussions sur la fonction publique sont apparues.
Même les aspects pourtant cadrés n'ont pas été respectés. On nous a reproché d'avoir tué les Fongecif, alors que nous étions contre leur suppression qui était dans la lettre de cadrage.
Sur le fond, il y a un changement radical de philosophie tant sur la formation professionnelle que le chômage. On postule la responsabilité individuelle et, de façon populiste, on a instauré un compte en euros. On imagine mal que les salariés mobilisent massivement leur CPF hors temps de travail. Les droits inscrits seront donc mobilisés par Pôle emploi lorsque les titulaires seront au chômage. C'est dramatique de devoir attendre de devenir chômeur, avec les différents traumatismes que cela entraîne, pour pouvoir bénéficier d'une transition professionnelle. Il reste un angle mort : la transition professionnelle en entreprise. Aujourd'hui, tout est axé sur l'apprentissage. Mais il s'agit de l'apprentissage infra-bac, qui concerne 20 % de la population. Certes ce n'est pas négligeable, mais tout axer sur les prochaines évolutions technologiques sans se préoccuper sur la manière dont les gens en situation de travail -16 millions de travailleurs- vont se les approprier, n'est pas pertinent en termes de compétitivité.
S'agissant de l'assurance chômage, sans aller jusqu'à parler de minima social, on voit que l'Etat va reprendre la main sur le système contributif. Le rapporteur a évoqué la baisse de la cotisation patronale de 4 % à 2 % lors de la prochaine loi de finances. Nous pensons qu'il n'y aura pas de nouvel accord « convention d'assurance chômage » en 2020. Elle n'aurait pas de raison d'être. On nous parle également beaucoup du bonus-malus. Concrètement, s'il n'y a plus de cotisations patronales, le bonus-malus n'aura aucun effet.
Il a été expliqué que l'Unédic était déficitaire. Mais, les deux tiers du déficit viennent de charges indues imposées par l'État, et un tiers est dû au problème de la crise qui dure depuis 10 ans. Comme le système est contracyclique, ce déficit est normal. Je rappelle que nous n'avions pas pu créer de réserve en raison de l'opposition de la partie patronale avant 2007.
Il y a un dogme selon lequel l'Etat et le quadripartisme seraient plus performants que les corps intermédiaires. Actuellement, de grandes idées sont lancées, mais l'opérationnalité dépendra de décrets sur lesquels nous n'avons aucune visibilité. On a tué la confiance entre les différents partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs. Je pense notamment aux régions.
Nous vous mettons en garde sur la création d'une charte pour les plateformes. De manière très simple, ou bien il s'agit de salariés, ou bien il s'agit d'indépendants. Si ce sont des salariés, l'intermédiation existe déjà via l'intérim. S'il s'agit d'indépendants, alors il y a des règles qui doivent être négociées. Ce n'est pas une charte : cela s'appelle des droits d'usage, assortis de devoirs. Le rapport n'étant pas équilibré, nous pensons que la négociation doit être collective. Nous vous demandons de ne pas créer une zone grise entre ces deux statuts. Une partie du problème a été traité en 2017 sur les portées : on a créé les salariés portés. Ce sont des indépendants qui veulent la couverture des salariés, mais pas les risques. Cela leur coûte un peu plus cher. C'est un public restreint et bien délimité. Ils doivent vendre de la prestation intellectuelle.
Le Gouvernement a eu beaucoup d'ambition sur la partie égalité professionnelle, ainsi que sur le handicap. Globalement, la montagne a accouché d'une souris. Certaines choses vont dans le bon sens, d'autres non. La CFE-CGC avait deux propositions. Pour les sociétés cotées, une partie de la rémunération variable du dirigeant -10 ou 20 %- pourrait dépendre d'objectifs liés à la mixité. Il faut arrêter de penser que l'absence d'égalité entre les hommes et les femmes vient de la base. Une femme qui finit sa carrière en tant que chef de service au lieu d'être directeur connaît une différence de revenus significative. Nous vous incitons à améliorer les choses pour les rendre plus opérationnelles.
Pour le détachement et le travail illégal, les propositions vont dans la bonne voie. Toutefois, nous aimerions que les inspecteurs puissent procéder aux vérifications à partir de documents rédigés en français. En outre, sans moyen supplémentaire, cette mesure restera des voeux pieux. Comment mener 7 000 contrôles, alors que l'on baisse les effectifs de contrôle ?
Nous sommes en faveur d'une agence nationale pour l'égalité professionnelle concentrant les données disponibles pour éclairer les entreprises et les branches.
Enfin, l'entretien professionnel, clé de voute de l'Ani de 2014, a perdu de son efficacité en raison du lobbying patronal. En effet, toutes les contraintes qui avaient été prévues si l'entreprise ne le mettait pas en oeuvre, sont en train d'être vidées de leur sens. Or, l'entretien professionnel est le pendant du CEP pour l'ensemble des salariés sur le territoire. Vous pouvez avoir tous les outils que vous voulez, comme le CPF de transition professionnelle, si vous ne savez pas où aller, cela n'aura aucun impact.