Le Gouvernement a structuré ce projet de loi sur un objectif unique et dogmatique de ne financer la formation professionnelle que si elle répond au besoin du marché, quelles qu'en soient les conséquences. Antoine Foucher, le directeur de cabinet de Mme Pénicaud, déclarait récemment devant les Opca que c'est un pari. Nous trouvons excessivement dangereux de faire un pari sur l'avenir des salariés et de notre économie.
En outre, il y a un grand absent dans cette réforme : c'est la réflexion sur la manière de réussir à bien faire son travail dans ce pays. Or, la réforme renvoie la responsabilité de sa formation au salarié. Nous pensons que la formation doit être pensée dans un cadre collectif. Qui peut mieux connaître les besoins d'évolution et de formation que les salariés eux-mêmes ? Or, avec la disparition d'un certain nombre d'aides prévues par les négociations collectives, tels que les plans de formation, il est demandé au salarié, seul, d'être capable d'anticiper les transitions économiques, écologiques, numériques. Nous pensons qu'il y a là un abandon total à la loi du marché.
En ce qui concerne l'apprentissage, il y a eu un certain nombre de réunions. Or, lorsque le Gouvernement a constaté que les conclusions n'allaient pas dans le sens qu'il souhaitait, il a décidé de les stopper brutalement et de présenter un rapport qui ne reprenait pas les échanges que nous avions pu avoir. En outre, la négociation s'est faite dans un cadre très contraint. Notre lettre de mission était très précise et il ne nous était pas possible de nous en écarter. La ministre a même essayé de nous faire porter la responsabilité de la suppression du CIF.
On est en train de détruire la formation professionnelle initiale par la mise en concurrence avec d'autres formes de formation. Cela se traduit par la baisse de moitié du « hors quota » de la taxe d'apprentissage, qui permet aux lycées professionnels d'acheter du matériel pour former les élèves. En outre, on fusionne des dispositifs, comme le contrat d'apprentissage et les contrats de professionnalisation, conçus pour répondre à des besoins différents. On constate également un assouplissement de nombreuses règles relatives au contrat de travail de l'apprenti.
Cette réforme va entraîner une nouvelle baisse du financement de la formation professionnelle. Elle va réorienter une partie de l'argent de la formation vers des personnes privées d'emploi. Certes, c'est à saluer. Mais cela se fait au détriment des salariés en activité. En outre, l'État va centraliser la gestion de ces fonds ce qui ouvre la voie à leur utilisation à d'autres effets.
Mais l'escroquerie la plus flagrante de cette réforme reste la monétisation du compte personnel de formation. En effet, si on fait les calculs correctement, avant la réforme, un salarié qui avait acquis 150 heures de formation pouvait obtenir un financement moyen de 5 250 à 6 000 euros. Aujourd'hui, avec, la monétisation du CPF, cette somme sera comprise entre 3 058 et 3 108 euros. Cette réforme acte la fin du congé individuel de formation. Or, c'était le seul droit dont pouvait bénéficier un salarié, lui permettant d'être formé sur son temps de travail, en conservant sa rémunération. Le CPF de transition professionnelle n'est pas l'héritier du CIF ; c'est un autre dispositif. En effet, la formation de transition professionnelle se faisant hors temps de travail, le salaire n'est pas garanti.