Beaucoup de choses ont déjà été dites sur l'assurance chômage. Je vais compléter sur certains points. Tous les partenaires sociaux -y compris la CGT parfois pointée du doigt comme le « vilain petit canard » refusant de signer les accords- avaient une position commune visant à rappeler que l'assurance chômage est une assurance sociale et qu'elle est financée par des cotisations. Or, nous constatons un changement de philosophie, souhaité par le Gouvernement, qui consiste à passer à une logique de cotisation ouvrant des droits, à un financement par l'impôt, la CSG, imposant des devoirs. Il en est de même pour la formation professionnelle, l'apprentissage : nous avons le sentiment d'un changement de système qui sera extrêmement préjudiciable et qui écarte la responsabilité des employeurs.
Il en est de même pour le recours au contrat court et la précarité : la responsabilité du chômage est renvoyée aux précaires et les chômeurs. Pour les démissionnaires, par un accord entre partenaires sociaux, nous souhaitions que les droits des démissionnaires ne soient pas dégradés par rapport à ceux d'autres demandeurs d'emploi allocataires pour d'autres motifs. Nous regrettons que le curseur placé à 5 ans d'ancienneté, même s'il a été abaissé, pour pouvoir bénéficier de ce dispositif d'ailleurs très complexe -CEP, puis instance ad hoc, puis validation par Pôle emploi. Cette complexité limitera l'accès, notamment pour les plus jeunes qui, compte tenu de leurs études et des années de précarité, auront du mal à satisfaire la condition d'ancienneté. On est loin d'une assurance chômage universelle. On nous parle très précisément de 29 300 personnes potentielles concernées par ce dispositif.
Pour les travailleurs indépendants, nous avions proposé, pour lutter contre le dumping social, qu'ils puissent avoir des droits à l'assurance chômage. Mais il faut des droits équivalents à ceux des salariés et financés de la même façon, par équivalence avec la cotisation patronale, qui soit acquittée par les donneurs d'ordre. Nous pensons aux plateformes numériques. Or, on nous propose un système forfaitaire, limité dans le temps à six mois et à 800 euros par mois comme le préconise le rapport de préfiguration IGAS/IGF. Le nombre de bénéficiaires serait limité. Surtout, il s'agit d'un système de filet de sécurité minimal. On introduit le loup dans la bergerie par un système qui change de nature, et remet en cause la logique des droits contributifs.
En ce qui concerne la précarité et la « permittence », la question est bien de faire reculer le recours aux contrats précaires. Je ne me limite pas aux contrats de moins d'un mois pour lequel nous sommes en négociation dans les différentes branches. Les formes de précarité sont nombreuses. Les chiffres du chômage montrent une augmentation de la précarité malgré la baisse constatée pour la catégorie A. Les demandeurs d'emploi en catégories B et C ont augmenté de 8 % au cours de l'année 2017 et la tendance se poursuit en 2018 traduisant une explosion des contrats précaires. Cette structuration du marché est voulue par le Gouvernement, qui à travers les ordonnances, a encouragé le recours à la précarité. Or, ces contrats sont une forte contrainte pour trouver un logement, pour établir une vie de famille, notamment chez les jeunes.
Les négociations sur l'assurance chômage avaient déjà échoué en 2016 sur ces questions face à l'intransigeance du patronat. Cette lutte contre la précarité n'a pas été traitée. Par une manoeuvre déloyale, le Gouvernement s'est arrangé avec le patronat pour faire en sorte que le bonus-malus -déjà peu incitatif à nos yeux- soit renvoyé à une négociation dans chacune des branches. En outre, on fait passer l'idée selon laquelle ce seraient les travailleurs précaires qui optimiseraient leur temps de travail afin de cumuler revenus du travail et assurance chômage. En réalité, il s'agit d'alternance de courtes périodes de travail, ou de temps partiel, et de périodes de chômage faiblement indemnisé. La convention de 2017 a déjà prévu une baisse des allocations des travailleurs en activité réduite. Le Gouvernement envisage de retirer le bénéfice des allocations chômage à toute personne qui au bout d'un an continuerait à alterner des petits boulots avec des périodes de chômage, comme si ces personnes ne cherchaient pas de CDI.
Nous verrons les suites réservées à ces réflexions sur les contrats courts. Nous allons nous retrouver pour des négociations sous pression. Le fait de mettre en balance les discussions des contrats courts avec cette menace sur la disparition des allocations chômage est à combattre avec la plus grande fermeté.
Nous avons proposé, dans la négociation, de sortir de cette logique de coercition et de suspicion à l'égard des chômeurs, basée sur le fait que l'on amalgame les demandeurs d'emploi aux 0,4 % de fraudeurs. La CGT propose au contraire une logique de confiance, un droit au travail, qui par ailleurs est prévu par la France dans différents traités, notamment le traité du Pidesc (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) non appliqué, et un droit à l'accompagnement. Cela nécessite de ne pas supprimer de postes à Pôle emploi, alors même que le budget 2018 est en baisse de 50 millions d'euros et qu'on nous annonce 4 000 suppressions de postes. En outre, nous pensons que beaucoup de choses devraient être améliorées dans le service public de l'emploi. Beaucoup d'offres sont illégales depuis que Pôle emploi ne les clarifie plus. De même, le milliard de trop-perçu sur les 37 milliards d'allocations versées est absolument insupportable. Ce sujet que nous portons depuis plusieurs années arrive enfin sur la table. Un certain nombre de réglementations ne sont pas appliquées. Je ne prendrai qu'un seul exemple : l'accord de 2017 -que nous n'avions pas signé- prévoyait un point positif pour contrebalancer la baisse des droits des seniors -à savoir un abondement du CPF pour les 50-55 ans. Malgré nos demandes conjointes au bureau de l'Unédic ou au conseil d'administration de Pôle emploi, cette disposition qui aurait dû entrer en vigueur le 1er novembre n'est toujours pas appliquée. Pôle emploi explique que ce retard est dû à des difficultés informatiques. Il existe une forte attente des salariés.
Un amendement à l'Assemblée nationale a introduit la création d'une nouvelle forme de précarité qu'est le recours au CDD pour couvrir plusieurs remplacements. Il s'agit pour nous de la poursuite d'un travail de flexibilisation que vous devez refuser. Il en est de même pour la charte pour les plateformes. Cette dernière ne servira qu'à sécuriser les plateformes souhaitant requalifier le contrat de travail de leurs salariés, en contrat de travail faussement indépendant. On ira ainsi vers une fragilisation des travailleurs concernés et une sécurisation de ceux qui ne respectent pas le droit, et qui font également concurrence à d'autres employeurs, notamment les artisans, qui respectent la norme.
Le texte ne va qu'à mi-chemin sur les travailleurs détachés, notamment dans le secteur du transport, ou les travailleurs transfrontaliers. Des négociations sont en cours entre les États en matière d'assurance chômage pour revoir les flux financiers entre les différents pays. Le Luxembourg et la Suisse nous doivent de l'argent. J'attire votre attention sur le fait qu'il risque d'y avoir une redéfinition des droits des demandeurs d'emploi concernés.
Sur l'égalité professionnelle ou le handicap, nous regrettons que ces sujets soient traités par amendement. Des reculs ont eu lieu, sur la pénibilité notamment sous la pression du patronat. La question du salarié se retrouvant inapte n'a pas été réglée. On est censé les protéger, or on les met en difficulté par manque d'accompagnement.
Nous sommes également très loin des mesures nécessaires pour résorber les inégalités entre les hommes et les femmes, et lutter contre les violences sexistes au travail. Nous déplorons notamment que l'AVFT, seule association qui travaille sur la question des violences faites aux femmes au travail, ne bénéficie plus de subventions de la part du ministère de Mme Schiappa.
L'intersyndical a fait une déclaration commune sur ce sujet. Nous demandons au Parlement de réfléchir à la création d'un congé paternel obligatoire et rallongé, en plus du rallongement du congé maternité, de façon à ce que l'on progresse réellement dans le partage des tâches et l'éducation des enfants, dès la naissance.