Quel fil conducteur, quelle cohérence voyez-vous entre les différents textes : ordonnances de Mme Pénicaud modifiant le code du travail, ce projet de loi et le projet de loi Pacte (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), présenté hier en conseil des ministres ? Celui-ci fait voler en éclat de nombreux seuils sociaux, et donc les obligations qui y sont liées. Je pense au financement des transports publics ou du logement social.
J'ai rencontré hier la présidente de l'Unédic et lui ai dit que ce projet de loi induisait un système asymétrique. Un document de l'Unédic de juin 2018 sur les perspectives financières fait en effet état de mesures pour dissuader les contrats courts, mais dans le cadre d'une enveloppe de recettes à cotisation stable. C'est clairement dit à la page 34 de ce document. Cela voudrait dire qu'il y a des perdants, des gagnants, mais globalement, les employeurs ne seraient pas impactés. On peut craindre un durcissement pour les salariés, sous la forme d'un renforcement des contrôles et du régime des sanctions, mais aussi et vous l'avez évoqué, par une modification des règles de cumul allocation chômage-emploi, au nom d'une suspicion selon laquelle les salariés bénéficieraient en quelque sorte de la précarité du travail. Ce raisonnement est absurde. Je donne souvent l'exemple des systèmes de contrats courts d'intermittents. On institutionnalise le recours à l'intérim dans le secteur automobile, ou encore dans les centres de transformation du poisson dans mon département. Ainsi, vous avez en permanence 50 à 60 % d'intermédiaires sur les chaînes, et les entreprises d'intérim sont présentes dans l'entreprise. Le risque n'est-il pas finalement de faire payer aux salariés le coût des avantages consentis aux indépendants sans cotisation, mais aussi aux quelques milliers de démissionnaires supplémentaires ?
J'ai rencontré récemment le directeur d'un organisme de formation de mon département qui exprime son opposition au « tout apprentissage » et souligne la nécessité de financer des actions qualifiantes. Cela parait évident quand on sait que la transition numérique va transformer radicalement 40 % des emplois. J'ai entendu la CGT parler d'un chiffre de 4 milliards d'euros retirés à l'accompagnement des salariés en matière de formation par la loi de 2014. Est-ce que les autres organisations syndicales confirment ce chiffre ?
Il faut également préciser que le texte ne prévoit pas un accompagnement supplémentaire des apprentis pour les aider à réussir. Or, il y a au moins 30 % d'échec parmi les contrats d'apprentissage. Cela pose le problème du contenu des formations. Un directeur de CFA m'a indiqué que la finalité de l'apprentissage ne devait pas être de former seulement de futurs professionnels, mais aussi des citoyens responsables. N'est-il pas contre-productif d'opposer apprentissage et formation professionnelle initiale ?