Je ne pourrai malheureusement pas dans le temps imparti aujourd'hui répondre à toutes les questions. En ce qui concerne les délais pour modifier les périmètres des opérateurs de compétences, ces derniers seront très difficiles à tenir. Mais, la vraie question est de savoir si ce sera un outil pour les branches, ou le bras armé de France Compétences. Un certain nombre de décisions vont être prises par décret.
En outre, le résultat ne sera que parcellaire et temporaire en raison de la restructuration en cours des branches. Celle-ci devrait durer encore deux ou trois ans. In fine, on passera de 420 conventions collectives aujourd'hui à 200 voire 50. La situation de demain sera différente de celle qui existera dans 5 ans.
Plusieurs questions concernent la région, l'apprentissage et le contrat d'apprentissage. Le paiement au contrat présente l'avantage de présenter une vérité sur les prix. Il y a des endroits sur le territoire national où 41 % des places d'apprentissage ont été subventionnées pour rien.
Les régions devront s'entendre entre elles à un moment donné, notamment si pour une formation donnée, il n'y aura plus qu'un CFA sur le territoire. La question se posera de savoir où l'implanter. Elles devront travailler également pour trouver des solutions de logement, ou des aménagements de temps, si les apprentis habitent trop loin. Au Danemark, les apprentis vont 6 semaines à l'école, puis 2 à 3 mois d'affilée en entreprise. La temporalité de l'alternance pourrait être modifiée. Si on ne fait rien, cela risque d'accroitre la précarité de ces gens qui n'auront pas les moyens, ou à frais importants, de se déplacer.
Avec un financement du CPF à hauteur de 0,3 % de la masse salariale, 2,2 à 2,5 % des actifs pourraient y prétendre chaque année. Un recours plus massif pour les 16 millions d'actifs supposerait de multiplier par 3 ou 4 la contribution des entreprises.
La monétisation du CPF est-elle suffisante ? Aujourd'hui, elle est prévue à un niveau de 14 euros de l'heure. Nous estimons qu'elle doit se faire plutôt autour de 40 euros de l'heure. Cela nécessiterait une augmentation des cotisations patronales. Nous pensons que la transition professionnelle a été l'oubliée de cette réforme. Nous proposons de mettre en place une cotisation temporaire pour financer cette augmentation. Toutefois, je suis réaliste. Je ne pense pas que le législateur, dans les temps actuels, proposera ce type d'augmentation.
Pour avoir une transition professionnelle efficace, il faut des moyens. Nous pensons que ces réflexions doivent avoir lieu dans les entreprises ou dans les branches. Or, aujourd'hui, très peu de branches ont des véritables outils en matière de formation et d'évolution professionnelles. C'est un sujet majeur pour ces branches. Elles ne doivent pas uniquement se focaliser sur les classifications.
S'agissant des plateformes, nous ne voulons pas de troisième voie. Une charte n'engage que ceux qui la signent. Si on souhaite des engagements de la part des plateformes, ceux-ci doivent être négociés puis s'appliquer obligatoirement. Demain, que se passera-t-il si une plateforme ne respecte pas la charte ? Quelles seront les contraintes et les recours ?
Pour la fonction publique, on constate qu'il y a une volonté pour pouvoir faciliter les transferts de part et d'autre. D'ailleurs, le Gouvernement souhaite ouvrir un certain nombre d'emplois de la fonction publique territoriale à la contractualisation. C'est la technique qui avait été utilisée pour France Telecom : intégrer du personnel du secteur privé puis privatiser l'entreprise.
En matière d'égalité professionnelle, il faut être en capacité de gérer les parcours professionnels, de voir les évolutions et ne pas se contenter d'examiner la situation de manière statique. On voit de grandes différences sur les grilles de classification. Les partenaires sociaux ont demandé des évolutions sur ce point, mais cela prendra du temps. Tout comme vous, j'ai entendu la ministre dire vouloir renforcer les contrôles portant sur l'égalité professionnelle. Or, les services ont déjà du mal à effectuer 1 200 contrôles. Ce nombre doit passer à 7 000, soit être multiplié par 5, sans effectif supplémentaire. Si vous interrogez des personnes directement en charge, voire des responsables de Direccte, ils vous expliquent ne pas voir comment cela est possible.
Nous avons défendu la mise en place d'un référent sur le volet « violence sexuelle et sexiste ». Celui-ci devra bénéficier de formations pour savoir comment recevoir une personne victime de violences. Les seules formations prévues aujourd'hui sont celles délivrées dans le cadre du CSE. Or, aucun moyen n'a été accordé à cette politique, sous la pression des lobbyings patronaux, alors même que l'expérience « MeToo » a montré qu'en libérant un peu la parole, des résultats sont possibles.
Pour le handicap, nous souhaitons que toutes les entreprises participent à l'effort d'intégrer des salariés handicapés. Toutefois, le seuil de 20 salariés est choisi pour avoir une unité entière avec un taux à 6 %. Nous étions pour augmenter le taux.
Enfin, le CDD de remplacement est une mauvaise réponse à un vrai problème. Auparavant dans les entreprises, il y avait des salariés polyvalents qui allaient combler les trous temporaires, pour remplacer des congés maladies par exemple. Aujourd'hui, on a externalisé toutes ces fonctions, et les employeurs ont recours à des CDD. Actuellement, lorsque 5 personnes sont absentes, les entreprises doivent recruter 5 CDD. On nous a expliqué que si elles pouvaient avoir recours à un seul CDD ce serait mieux. Or, ce ne sont pas forcément les mêmes compétences, les mêmes horaires qui sont concernés. Tant que l'on reste dans le secteur tertiaire, cette réflexion peut s'entendre, mais dans de nombreux cas, la question des compétences se posera.