Sur la monétisation du CPF, nous étions auparavant dans un système mutualisé qui montait en charge et dont on n'a pas pu voir l'effet définitif. On attendait de pouvoir faire un bilan dans deux ans. Certes ce système posait des problèmes. Mais le dispositif proposé ne fait que déplacer le problème. Ce que l'on a quand même obtenu, c'est le fait que France compétences puisse tous les trois ans réviser le montant des heures du CPF -à la fois le montant attribué tous les ans et le plafond possible. Ce sont des éléments de régulation indispensables. Mais je tiens à rappeler que ces euros ne sont pas sur un compte individualisé : ils sont mutualisés au sein de la Caisse des dépôts et consignations.
Vous posez la question du dialogue social sur la formation professionnelle et des droits individuels. Nous sommes favorables aux droits attachés à la personne, parce que c'est un levier d'émancipation. Mais ces droits doivent être garantis collectivement. Tous les pays européens regardent ce que la France a inventé autour des droits attachés à la personne, avec le compte personnel de formation et le compte personnel d'activité.
Grâce au compte personnel d'activité on constate des éléments de convergence des droits entre l'ensemble des travailleurs, quel que soit leur statut.
Enfin, la monétisation du CPF ne sera pas effective pour les fonctionnaires, alors même qu'il y a un discours prônant un accompagnement des transitions professionnelles, y compris du public vers le privé. Concrètement, on revient en arrière sur des éléments de convergence des droits de tous les travailleurs.
Historiquement, ce sont les branches qui ont pris en charge les négociations collectives sur la formation professionnelle. La réforme de 2014 a plutôt accéléré ce processus. Nous espérons que ce dynamisme va se poursuivre. Mais vous avez raison, si on ne promeut pas le développement des compétences dans l'entreprise, on n'y arrivera pas. Sur ce point, il y a une responsabilité partagée. Les syndicats ont fait plusieurs propositions. Mais on connait le refus des patrons de négocier le plan de formation. Par un amendement à l'Assemblée nationale nous avons réussi à obtenir de vérifier que le plan de compétences réponde bien aux orientations à trois ans. Toutefois, tout le monde se focalise sur les moyens accordés à la formation, alors que l'objectif est d'accompagner effectivement les parcours professionnels, l'évolution professionnelle, le développement des compétences et l'employabilité. Aussi nous avons fait une proposition, reprise par l'Ani, de créer un lien plus fort avec les négociations sur la qualité de vie au travail et l'égalité professionnelle. C'est à travers la qualité de vie au travail et les perspectives du développement des compétences que l'on augmentera la qualité du travail. On le sait, dans un environnement de qualité, on apprend au travail. De manière générale, et plusieurs études le montrent, plus un salarié apprend sur son lieu de travail, plus il a accès à la formation.
Le lien entre les négociations sur la qualité du travail et l'égalité professionnelle est essentiel. Au-delà de la lutte contre les inégalités de rémunération, ce sont les dynamiques de parcours professionnels qui sont sources d'inégalités entre les hommes et les femmes. C'est à certains moments de la vie, que les évolutions professionnelles permettent d'évoluer professionnellement et de réduire ou augmenter les écarts de rémunération.
Enfin, pour faire le lien entre les ordonnances de l'été dernier, ce projet de loi et le projet de loi Pacte, nous revendiquons le droit à une co-détermination à la française, par la négociation collective, par le dialogue social, la participation à la décision stratégique de l'entreprise via les conseils d'entreprise. Le projet Pacte peut aider à renforcer le pouvoir d'agir des salariés à la fois sur leur parcours personnel et collectivement sur l'avenir de leur communauté de travail.
Nous sommes des défenseurs acharnés de la pédagogie de l'alternance, car cette dernière permet de mieux réduire les inégalités. Cette pédagogie de l'alternance ne doit pas concerner que les contrats de professionnalisation ou d'apprentissage. Elle doit innerver la formation initiale, la formation continue dans les entreprises, toutes les politiques de retour à l'emploi des demandeurs d'emploi. Il faut battre en brèche l'idée selon laquelle il y a ceux qui apprennent la théorie et auront des postes à responsabilité et ceux qui apprendront par la pratique et auront des postes subalternes. Or cette idée reste très forte dans notre pays. L'alternance ne doit pas non plus se cantonner à appliquer en entreprise ce que l'on a appris. Aussi, le bras de fer actuel entre les régions et les employeurs sur le pilotage de l'apprentissage n'est pas le sujet. Ce n'est pas forcément celui qui finance qui décide. D'ailleurs en 2017 les partenaires sociaux ont participé au financement du plan d'investissement dans les compétences, mais ne décident de rien. En revanche, il faut s'interroger sur la manière de mettre les acteurs autour d'une table pour définir des stratégies. Nous savons que si chacun reste sur ses positions, nous ne trouverons pas de solution. Si l'apprentissage est vu uniquement comme un outil d'aménagement du territoire sans le lier au développement économique, le jeune aura peut-être un CFA près de chez lui, mais ne trouvera pas d'entreprise à proximité pour y faire son apprentissage. Ces sujets sont à multiples compétences et personne ne peut s'arroger une compétence unique. Il y a des liens avec le développement économique, avec les mutations du travail. Le fond du sujet, n'est pas de savoir qui pilotera cette politique -débat qui a attiré toute la lumière médiatique- mais l'accompagnement du jeune, la construction d'une chaîne où chacun est responsabilisé. Cette dimension manque cruellement dans le projet de loi. Les partenaires sociaux ont permis d'avancer un petit peu sur la dimension territoriale grâce à la mise en place des commissions partiaires régionales, dont nous souhaitons qu'elles soient fusionnées avec les Fongecif. La question des liens avec France compétences se pose également.
Pour le handicap, l'une des principales questions est la longue liste d'exceptions à la règle des 6 %. On peut augmenter ce taux tant que l'on veut, si des exceptions, poussées par des lobbys, permettent d'échapper à ce taux, cette mesure ne sera que de l'affichage. Or, de nombreux progrès restent à faire sur ce point. Une révision du taux tous les 5 ans est prévue, ce qui est bien, mais cela reste insuffisant. Nous demandions la suppression des listes d'exemption. Malheureusement, nous ne l'avons pas obtenue. En revanche, nous avons obtenu des révisions par les négociations de branches, pour pouvoir réadapter ces listes à la réalité de l'aménagement des postes de travail, tel qu'il existe aujourd'hui. Les postes ont aujourd'hui changé. Nous étions également favorables à la fin de l'exemption pour les structures de moins de 20 salariés. Toutefois, l'amendement qui portait cette mesure a été retiré à l'Assemblée nationale. Un des grands oubliés sur ce sujet est la négociation sur la qualité de vie au travail : il faut avancer poste de travail par poste de travail, atelier par atelier, entreprise par entreprise sur ces questions. Ce qui est également en jeu c'est l'organisation du travail, la mobilisation de tous les acteurs. Je pense que nous avons tous des progrès à faire pour proposer un meilleur accueil à nos collègues victimes d'un handicap.
En matière d'égalité professionnelle, nous avons souhaité une communication directe à l'ensemble des salariés des niveaux de rémunération à poste équivalent afin de renforcer la transparence. En outre, nous pensons effectivement que c'est en revisitant les classifications professionnelles dans les branches que nous pourrons sortir de préjugés sexués sur certains postes.
Nous avons fait un certain nombre de propositions relatives à la lutte contre les violences sexistes et faites aux femmes. Nous pourrons vous les transmettre. Toutefois, la formation des personnels est essentielle. Il y a un vrai travail éducatif tout au long de la vie à faire, dès le plus jeune âge, mais qui doit se poursuivre. En outre, un accompagnement et une sensibilisation des managers sur ces questions sont également importants, car le métier de manager est de plus en plus central.
Le problème d'une charte pour les plateformes est qu'elle est unilatérale. Nous commençons à introduire des éléments de dialogue social dans ces plateformes sur des minima. Comme tout travailleur, ils ont besoin de pouvoir effectuer leur travail dans de bonnes conditions. Or, les voies unilatérales ne produisent souvent pas grand-chose.