Nous nous accordons tous sur le constat : nous sommes très surpris que des centrales d’achat puissent se regrouper aussi facilement, pendant que quelques producteurs qui essaient de s’entendre sur le prix d’une bouteille de côtes-du-Rhône sont taxés de concurrence déloyale. Malheureusement, la situation n’est pas simple.
L’amendement n° 80 a pour objet d’instituer la possibilité pour le Parlement de saisir l’Autorité de la concurrence pour qu’elle établisse un bilan concurrentiel. Il n’est pas sûr que ce soit le rôle du Parlement de solliciter une saisine dans un dossier individuel.
Cet amendement tend également à préciser que le bilan se fait au regard de la création ou du renforcement d’une position dominante. Or cela irait à l’encontre des principes du droit de la concurrence, à l’échelon tant français qu’européen, aux termes desquels c’est non la position dominante en elle-même qui est sanctionnée, mais seulement son abus par celui qui la détient. Ce dispositif serait donc assez restrictif et contre-productif en matière de concurrence. En outre, il serait contraire au droit de l’Union européenne. Mais sans doute faudrait-il le faire évoluer, car un réel problème se pose.
Cet amendement vise aussi à rendre publics le bilan concurrentiel et les engagements. Afin de respecter le secret des affaires, il ne paraît pas souhaitable de publier le bilan concurrentiel et les engagements des parties dans leur totalité. Bien évidemment, cela n’empêchera pas l’Autorité de la concurrence, par voie de communiqué de presse, comme elle le fait couramment, de faire état de ses constatations et des engagements pris par les intervenants.
En outre, il est inutile de rendre systématique la prise de mesures conservatoires. Le dispositif proposé par l’article 10 quater A semble suffisant pour permettre à l’Autorité de la concurrence d’intervenir, selon un principe de proportionnalité qui s’applique à ses décisions.
Enfin, sur le plan juridique, la référence à la notion de « maillons de la chaîne d’approvisionnement » semble trop vague pour être retenue dans le texte.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à cet amendement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 529 rectifié bis, qui, lui aussi, tend à rendre possible la saisine de l’Autorité de la concurrence par le Parlement. Le Parlement peut déjà saisir l’Autorité de la concurrence pour avis pour toute question relative à la concurrence, indépendamment d’une procédure d’examen en cours. Il est par ailleurs informé des activités de l’Autorité de la concurrence chaque année. Il n’est sans doute pas souhaitable d’aller au-delà.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 530 rectifié, qui aborde un sujet un peu plus complexe.
La notion de progrès économique inclut en général la création d’emplois. Ainsi, l’article L. 420-4 du code de commerce exclut l’interdiction des ententes ou des abus de position dominante lorsqu’ils se traduisent in fine par un progrès pour l’emploi. Faut-il aller plus loin et viser le « progrès social », dont la définition sera très difficile à circonscrire ? Il en va de même de la notion de « progrès qualitatif ».
L’objet de l’amendement n° 531 rectifié étant sensiblement le même que celui de l’amendement n° 80, la commission y est aussi défavorable.