Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 28 juin 2018 à 21h10
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Article 11 ter, amendements 736 72

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

L’amendement n° 736 rectifié vise à rétablir ce que le Gouvernement appelle une « expérimentation au titre de l’article 72 de la Constitution ». Il s’agit d’autoriser les collectivités territoriales qui le demanderaient à interdire les barquettes en plastique dans les services de restauration collective dont elles ont la charge.

Je formulerai plusieurs remarques à ce sujet.

Premièrement, il faut cesser de prétendre que l’on agit lorsque l’on n’agit pas. Une expérimentation vise à déroger à une règle existante. Or tel pas le cas ici. Les collectivités n’ont pas besoin de cet article pour interdire les barquettes en plastique. Certaines l’ont d’ailleurs déjà fait. Je pense aux villes de Strasbourg, de Paris et des Sables-d’Olonne.

En outre, l’objet de l’amendement me surprend. Le Gouvernement y indique que cette expérimentation permettra d’évaluer l’incidence sanitaire potentielle de ces barquettes. Qu’est-ce que cela signifie ?

Deuxièmement, il faut que nous prenions nos responsabilités et que nous sachions ce qu’il en est réellement d’un point de vue scientifique. Une évaluation de l’ANSES sera plus utile qu’une expérimentation. Il est légitime que le législateur soit éclairé.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 736 rectifié.

L’amendement n° 93 de Mme Cukierman vise à supprimer l’évaluation par l’ANSES du risque potentiel que présentent les barquettes en plastique et à la remplacer par une interdiction à compter du 1er janvier 2022 des contenants alimentaires en plastique, uniquement lorsqu’ils sont destinés à être en contact avec des aliments chauds ou devant être chauffés et exclusivement dans les cantines des écoles et des établissements accueillants des enfants de moins de six ans. Tant pis pour les autres !

Or la commission souhaite disposer d’une véritable évaluation des risques présentés par ces contenants, en fonction notamment de leur usage. À ce jour, l’Agence européenne, qui a émis des recommandations de bonne utilisation, préconise de ne pas exposer ces contenants alimentaires à une température trop élevée.

Je comprends l’idée d’interdire les contenants en plastique uniquement pour les aliments chauffés et seulement dans les établissements accueillant des enfants, mais une telle interdiction pose tout de même un problème de principe et de méthode. Si le risque était avéré, nous pourrions interdire ces contenants, mais ne supprimez pas l’évaluation qui nous permettra d’y voir plus clair !

D’ailleurs, si nous les interdisions aujourd’hui, comment nous assurerions-nous que les barquettes de substitution, en cellulose par exemple, sont sans danger pour la santé ? Et pourquoi interdire les contenants alimentaires en plastique dans les cantines scolaires et non dans les hôpitaux par exemple ?

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 93.

L’amendement n° 590 rectifié bis de M. Xavier Iacovelli vise à interdire l’utilisation des barquettes en plastique dans les cantines pour réchauffer les plats préparés en cuisine centrale. Je n’y reviens pas.

Je rappelle que nous avons préféré remplacer l’expérimentation inutile que l’Assemblée nationale avait adoptée par une évaluation complète de l’ANSES. Il s’agit d’évaluer s’il existe des risques de migration de perturbateurs endocriniens vers les aliments. J’ajoute qu’une telle interdiction nécessiterait des investissements importants, notamment une réorganisation des cuisines de ces services. Enfin, nous devons être sûrs de ne pas remplacer ces contenants par d’autres qui seraient nocifs, voire pis encore.

La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 590 rectifié bis.

J’en viens aux quatre amendements identiques restant en discussion – les amendements n° 1 rectifié sexies, 23 rectifié, 183 et 321 rectifié ter –, qui visent à supprimer l’interdiction des bouteilles d’eau plate en plastique dans les services de restauration collective.

Ce sujet a été longuement débattu en commission. Nous avons finalement adopté une position que, à titre personnel, je ne partage pas. C’est pourquoi je souhaite en dire un mot, si vous me le permettez, madame la présidente.

J’entends les arguments économiques avancés par ceux qui relaient les préoccupations légitimes de l’industrie des eaux minérales. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais proposé en commission de repousser la date de cette interdiction à 2022, au lieu de 2020. Je tiens à rappeler que la commission du développement durable n’a jamais mis en avant les dangers du contenu des bouteilles en plastique pour la santé. Elle a simplement voulu marquer un signe fort et attaquer la production de plastique à la source.

Il faut savoir que, quoi que nous fassions, nous irons inévitablement vers un modèle plus sobre en ce qui concerne la consommation de nos ressources. Il va falloir arrêter de produire autant de plastique en France. Je rappelle que notre pays produit plus de 3 millions de tonnes de déchets plastiques par an et que seuls 20 % de ces déchets sont aujourd’hui recyclés.

Nous pouvons supprimer cette interdiction aujourd’hui, mais, je vous préviens, demain, c’est la Commission européenne qui la décidera.

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