Intervention de Pierre Médevielle

Réunion du 28 juin 2018 à 21h10
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Article 11 quater A

Photo de Pierre MédeviellePierre Médevielle :

Cet amendement du Gouvernement vise à supprimer l’article, au motif, d’une part, que l’extension au Parlement de la possibilité de saisir l’ANSES contreviendrait au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs, et, d’autre part, qu’elle conduirait à un engorgement de l’agence par un trop grand nombre de demandes.

Je m’attendais bien à ce que le Gouvernement invoque la séparation des pouvoirs pour proposer la suppression de ces dispositions. Certes, l’ANSES est un établissement public administratif placé sous la tutelle des ministères chargés de l’agriculture, de la consommation, de l’environnement, de la santé et du travail, mais en aucun cas la disposition visée ne remettra en cause l’autorité de l’exécutif sur cette agence.

Il s’agit simplement de permettre aux commissions permanentes du Parlement de saisir l’ANSES en vue de la réalisation d’une étude, afin que nous puissions être éclairés lorsque nous élaborons la loi.

À titre d’exemple, une telle disposition permettrait à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de demander une étude sur les effets de l’invasion des sargasses aux Antilles, à la commission des affaires économiques de solliciter une étude sur le glyphosate – une de plus ! – et à la commission des affaires sociales de commander à l’agence une étude sur le chlordécone ou les fongicides.

Je suis hostile à cet amendement de suppression pour trois raisons.

Tout d’abord, le Gouvernement fait planer le risque d’une censure constitutionnelle. J’invite chacun à demeurer humble et à se garder de présager de la position des juges de la rue de Montpensier, surtout dans un domaine où la jurisprudence fait défaut.

Le Conseil constitutionnel s’est pour l’heure borné à interdire qu’un organe parlementaire chargé de l’évaluation des politiques publiques puisse, sur le seul fondement du règlement de l’assemblée, bénéficier du concours d’experts placés sous la responsabilité du Gouvernement. Nous ne sommes pas du tout dans ce cas de figure.

De plus, il n’est pas question de modifier la gouvernance de l’ANSES ou de la placer sous la cotutelle du Gouvernement et du Parlement. Le Parlement n’aura pas autorité sur l’ANSES ; il disposera simplement d’un moyen de conforter son expertise et son information.

Ensuite, il y va de l’expertise du Parlement et de sa capacité d’évaluation. Nos collègues de l’Assemblée nationale ne cessent de réclamer davantage d’expertise. Pourquoi ne pas recourir à celle qui existe déjà et dont la compétence comme l’indépendance sont reconnues par tous ? En proposant la suppression de l’article, le Gouvernement semble vouloir réduire la capacité d’information du Parlement.

En l’état actuel du droit, presque tout le monde peut saisir l’ANSES, sauf le Parlement !

On me répondra peut-être que les associations de défense des consommateurs, les associations de protection de l’environnement, les associations ayant une activité dans le domaine de la santé et les associations d’aide aux victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles représentées au conseil d’administration du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, ainsi que certains réseaux sanitaires, ont un intérêt à agir. Mais qu’en est-il du Parlement, chargé de faire la loi ?

Enfin, le Parlement a déjà confié à l’ANSES la réalisation de certains travaux. Ainsi, l’article 125 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages confie à l’agence la réalisation d’un bilan sur les bénéfices et les risques liés aux usages des néonicotinoïdes.

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