Pour avoir siégé à l'ADF en qualité de président de département, je sais qu'un tel débat est engagé en son sein depuis pas mal de temps déjà. Ce qui m'ennuie, c'est la connotation qui lui est donnée, les départements se plaçant de facto sur la défensive. Je souhaiterais que l'ADF présente ces sujets de façon plus positive et insiste sur la plus-value qu'apportent les départements dans l'exercice de leurs compétences. Certes, ces dernières sont fortement encadrées et nous n'avons quasiment pas de marges pour tenir compte d'un certain nombre de spécificités locales, par bassins d'emplois notamment s'agissant de la mise en oeuvre du RSA.
Je rejoins ce qu'a dit notre collègue, car il faudrait à tout le moins pousser le curseur de l'expérimentation, donner un peu plus de flexibilité aux départements au niveau de chaque bassin d'emplois pour agir autrement et de manière différenciée.
Le discours des départements est donc trop défensif et ne met pas suffisamment en exergue la plus-value et la pertinence de l'échelon départemental, étant entendu que chaque département a ses spécificités. Prenons l'exemple du vieillissement de la population et des dépenses relatives à l'APA : en termes politiques, l'approche de la Seine-Saint-Denis ne peut être la même que celle du Lot ou de la Creuse, tant les situations n'ont rien à voir. De la même manière, l'approche pourrait être différenciée sur la prestation de compensation du handicap (PCH) ou le RSA.
À un moment donné, les départements devront clairement exposer leur position en la matière. Certains départements se sont fortement exprimés pour réclamer la recentralisation des AIS. Je me suis inscrit en faux contre ces déclarations. On ne peut pas vouloir recentraliser une compétence du département au motif qu'elle lui coûte un peu plus cher à exercer, car, à force, on va finir par le demander pour les services de secours ou les routes et, partant, vider de sa substance ce qui fait la raison d'être du département.
Je suis fermement attaché à l'échelon départemental, considérant qu'il a toute sa place dans l'organisation institutionnelle, notamment dans la mise en oeuvre des politiques de solidarité. Que les départements cessent de marteler que le Gouvernement est « le grand méchant loup », car ils passent en permanence pour des pleurnichards, faute de quoi ils finiront par être soulagés de nombreuses compétences et accusés de ne plus servir à rien. Mettons les choses en perspective, sinon c'est la mort annoncée des départements.
Nous avons encore un peu de temps pour réagir. Les EPCI sont en train de bâtir des projets de territoire, mais nous sommes encore loin d'en voir la fin, à en croire la tournure prise par les récentes commissions départementales de coopération intercommunale. De surcroît, les EPCI ne sont pas demandeurs pour exercer de nouvelles compétences. De la même manière, les grandes régions n'ont pas encore « digéré » le nouveau périmètre qui est le leur, d'un point de vue tant géographique qu'institutionnel. De grâce, profitons de cette respiration qui nous est accordée, dont j'ai quelques difficultés à identifier la durée, pour conforter les savoir-faire qui sont les nôtres. En tant qu'ancien président de département, je peux dire combien j'ai pu apprécier de pouvoir m'appuyer sur une expertise de qualité, notamment en matière de retour à l'emploi. Mon successeur à la tête de l'exécutif, Jean-Claude Leroy, ancien sénateur, a signé lundi dernier le cinq millième contrat de retour à l'emploi. Voilà la preuve que les politiques mises en oeuvre dans ce domaine fonctionnent.
Cessons donc cette complainte permanente - qui nous dessert - sur les millions d'euros perdus, ce qui ne nous empêche pas d'interpeller le Gouvernement avec fermeté. Avec mon homologue Jean-René Lecerf, j'avais été porteur d'une proposition réaffirmant, en préambule, la volonté des départements de continuer à accompagner l'État dans la mise en oeuvre des AIS, malgré l'importance des moyens consentis. Dans le même mouvement, nous avions alerté le gouvernement de l'époque sur les situations, ô combien délicates, vécues par treize départements en grande difficulté. Mes chers collègues, je me dois de le dire, lorsque j'ai plaidé cette cause au sein de l'ADF, la majorité de mes collègues présidents de départements non confrontés à un reste à charge en matière de RSA regardaient ailleurs.
La proposition que Jean-René Lecerf et moi portions avait ceci d'original qu'elle évoquait non pas seulement le RSA, mais l'ensemble des allocations individuelles de solidarité : RSA, APA et PCH. Ce faisant, davantage de départements pouvaient se sentir concernés et nous prêter une oreille plus attentive. Il s'agissait, après une étude détaillée du niveau du reste à charge pour ces trois allocations, et après négociation, de déterminer chaque année un reste à charge moyen. Cela aurait eu pour conséquence de renforcer le rôle du département.
J'en suis convaincu, les départements n'assureront leur pérennité que s'ils se revendiquent aux côtés du Gouvernement, en cette période où la France est confrontée à d'énormes problèmes en matière d'insertion et de RSA, pour prendre toute leur part dans cet effort et montrer qu'ils sont les mieux placés pour agir. S'ils ne tiennent pas ce discours, je ne sais pas ce qu'il adviendra.