Comme les pensions des retraités de la fonction publique vont mécaniquement progresser fortement, ce sont les autres dépenses qui vont être sérieusement mises en cause.
L'ambition serait de diviser par deux le rythme de croissance de la dépense publique en le bloquant à 1 %, contre 2, 25 % en moyenne les dix dernières années, pour dégager en 2008 près de 10 milliards d'euros de marges de manoeuvre. Y parviendrez-vous, monsieur le ministre ? Nous pouvons en douter...
La majorité évoque la nécessaire discipline sur les investissements par la stabilisation en volume des dépenses de l'État en comptant les prélèvements sur recettes destinés aux collectivités locales, au prix d'une « discipline conséquente » sur les dépenses, non seulement de fonctionnement mais aussi d'investissement, ce qui est nouveau.
Va-t-on vraiment vers un réexamen des dépenses d'investissement de l'État ? Je pense en particulier aux atermoiements autour du projet de second porte-avions. Quelle est la crédibilité de cette feuille de route, puisque la dépense publique a augmenté de près de 10 % durant le quinquennat précédent, pour représenter 53 % du produit intérieur brut à la fin de 2007 contre 52, 6 % à la fin de 2002 ?
L'orientation budgétaire se veut marquée par la rigueur, mais aussi par un pari du Gouvernement sur une croissance à 2, 5 %, alors que l'INSEE ne table aujourd'hui que sur une croissance à 2, 1 %, et que les prévisions des autres instituts sont encore plus pessimistes. L'évocation du « point de croissance qui manque » relève donc de l'incantation, au nom du prétendu « choc fiscal »...
Malgré les dépenses engagées, pour gagner ce point de croissance, le Gouvernement promet la baisse de la dette publique et du taux des prélèvements obligatoires - le candidat Sarkozy disait même vouloir le réduire de quatre points en cinq ans - par la diminution des dépenses, dépenses d'intervention comme dépenses de personnels, la diminution de celles-ci reposant largement sur la diminution du nombre des fonctionnaires, et par une révision générale de l'efficacité des politiques publiques.
Les dépenses de santé ne devraient pas croître de plus de 2 % en moyenne de 2008 à 2012, et, dès 2008, les concours aux collectivités locales qui relèvent du contrat de croissance et de solidarité se verraient appliquer la même norme que celle qui sera imposée aux autres dépenses de l'État.
En fait, la maîtrise des dépenses ne signifierait-elle pas essentiellement, dans la continuité de la politique menée par la droite depuis 2002, la remise en cause des politiques publiques et l'encadrement financier des collectivités locales ?
Pour commencer, le Gouvernement prévoit de s'attaquer aux effectifs de la fonction publique en supprimant de 30 000 à 40 000 postes au moyen, principalement, du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, l'éducation nationale représentant, avec 17 000 postes, la moitié des effectifs concernés. Mais, 10 000 postes en moins, ce sont déjà une centaine de postes par département ! La qualité de l'enseignement ne pourra qu'en souffrir, et je plains les sénateurs de la majorité qui vont devoir défendre ces mesures dans leur circonscription électorale !
Au reste, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux pourrait faire économiser, au mieux, 4, 5 milliards d'euros d'ici à 2012. Par ailleurs, n'oublions pas que le Président de la République s'est engagé à redistribuer 50 % de ces gains de productivité aux fonctionnaires en poste. La mesure pourrait donc, au mieux, rapporter 2, 5 milliards d'euros, soit l'équivalent du cadeau fiscal représenté par l'exonération des droits de succession.
En matière de services publics, économie ne devrait pas être synonyme de détérioration. Mais comment fait-on dans une école ou dans un hôpital public ? Et ces mesures drastiques concernent-elles les cabinets ministériels ou celui de la Présidence de la République ? Je n'en suis pas totalement convaincu !
L'attractivité de la France est liée à la qualité de ses services publics, qu'il s'agisse de l'éducation, de la santé, des transports, de la culture, et non au moins-disant fiscal et social !
Les objectifs du service public, dans une perspective républicaine, sont de répondre aux besoins des citoyens en fournissant à tous un service de qualité, financièrement et géographiquement accessible à chacun, sans discrimination. Le service public est, et doit rester, au service des citoyens et non de l'initiative privée, car il est un puissant facteur de cohésion sociale et d'aménagement du territoire.
Il constitue d'autant plus une nécessité que l'on constate un fort accroissement des inégalités de revenus depuis huit ans. Ainsi, les 0, 01 % des foyers les plus riches ont vu leur revenu croître de 42, 6 % sur la période, contre 4, 6 % pour les 90 % des foyers les moins riches. La forte progression et concentration des revenus du patrimoine explique une bonne partie des différences quant à l'évolution des divers niveaux de revenus.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je pense que le premier programme fiscal et budgétaire du quinquennat qui vient de commencer, s'il est de rupture, est d'abord en rupture avec l'idéal républicain.