Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du 3 juillet 2018 à 9h30
Questions orales — Reconnaissance du “tilde”

Muriel Pénicaud :

Permettez-moi, monsieur le sénateur Michel Canevet, de vous répondre au nom de Mme la garde des sceaux.

Vous avez souhaité appeler notre attention sur une affaire, en cours devant la cour d’appel de Rennes, qui a trait à la reconnaissance du « tilde » dans les actes d’état civil.

Le principe de liberté de choix du prénom d’un enfant, effectivement consacré par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et au droit de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, ne permet pas de retenir un prénom comportant des signes diacritiques non connus de la langue française.

La langue française est en effet la seule admise pour l’établissement des actes publics, notamment au titre du premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, dont le Conseil constitutionnel a déduit que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.

Aussi, rappelant ces principes et pour répondre à la demande tant des officiers de l’état civil que de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, responsable du répertoire national d’identification des personnes physiques, la circulaire du 23 juillet 2014 de la Chancellerie, que vous évoquez, dresse la liste des voyelles et consonnes accompagnées d’un signe diacritique souscrit, telle la cédille, ou suscrit, tels l’accent et le tréma, connues de la langue française.

Je ne vous inflige pas la lecture de cette liste – elle comporte une quinzaine de lettres –, qui, validée en 2014 par l’Académie française, ne comprend pas le « tilde ».

Vous avez raison, le « tilde » apparaît parfois dans des textes en langue française, datant même du Moyen Âge. Mais il semble qu’il s’agissait alors d’un signe abréviatif, non diacritique, retranscrivant un phonème propre au français.

Le « tilde » était utilisé pour indiquer une abréviation par suspension de lettre, notamment les « n » et les « m ». Dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts, que vous avez citée, il apparaît ainsi sur la voyelle censée précéder le « n » de France, soit le « a », et non le « n ». Le mot est donc écrit : « Frãce ».

Les juridictions judiciaires ont été saisies de l’emploi du « n tildé » dans les cas que vous avez mentionnés de prénoms breton ou espagnol.

S’agissant de l’affaire du prénom « Fañch », si ce signe a été refusé par le tribunal de grande instance de Quimper en septembre dernier, les parents de l’enfant ont fait appel du jugement et la cour d’appel de Rennes n’a pas encore rendu son arrêt.

Mais je tiens à préciser que les textes en vigueur, confortés par la jurisprudence, n’excluent pas que les communes puissent délivrer des livrets de famille bilingues, dès lors que les livrets de famille sont rédigés en langue française, dans le respect des règles précédemment évoquées, et que la traduction en langue régionale fait simplement office d’usage.

Cette solution, qui n’est peut-être pas purement constitutionnelle, peut néanmoins, en pratique, aider les parents à s’y retrouver, tout en garantissant le respect de la langue française.

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