La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, auteur de la question n° 355, adressée à Mme la ministre du travail.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les entreprises adaptées et leur situation financière.
L’entreprise adaptée est une entreprise à but social, composée majoritairement de travailleurs handicapés, mais dont le statut – les droits et les devoirs – ne diffère pas de celui de tout autre salarié.
L’entreprise adaptée, intervenant sur un marché concurrentiel, est soumise aux mêmes contraintes de rentabilité et d’efficacité économique que toute autre entreprise.
Mon département, le Pas-de-Calais, compte 13 entreprises adaptées.
Ces structures bénéficient, du fait de l’emploi de personnes handicapées, d’une aide au poste et de subventions spécifiques. Ces aides financières sont aujourd’hui remises en cause, au motif que le Gouvernement entend travailler à une meilleure inclusion des personnes handicapées dans le milieu ordinaire.
Si cette volonté est tout à fait honorable, madame la ministre, elle ne correspond pas aux réalités de terrain : aujourd’hui, dans mon département, les entreprises adaptées emploient la plupart du temps des personnes atteintes de déficience cognitive et qui ont d’énormes difficultés à trouver un emploi en milieu ordinaire.
La diminution des aides, de l’ordre de 10 millions d’euros par an, accroîtra les difficultés sociales déjà importantes sur mon territoire, et ce d’autant que, selon certaines études, le retour à l’emploi permet un gain social égal à 11 000 euros par travailleur handicapé par rapport à une situation de non-emploi.
Je souhaite également préciser que l’État intervient financièrement pour compenser, et non assister les entreprises adaptées. En effet, chaque euro investi par l’État est récupéré par le biais des cotisations et des impôts publics engendrés par le retour à l’emploi.
Vous comprendrez, madame la ministre, que les dernières mesures prises par le Gouvernement inquiètent fortement le secteur des entreprises adaptées.
Je souhaiterais donc vous interpeller sur trois points.
Premièrement, si l’on peut se féliciter du report de la réforme au 1er janvier 2019, comptez-vous engager, à la rentrée de septembre, un véritable processus de concertation avec les associations du secteur dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, notamment pour prendre en compte les spécificités locales ?
Deuxièmement, la dégressivité de l’aide au poste préconisée dans le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances risque de mettre en difficulté de nombreuses entreprises adaptées. Comptez-vous en étudier, au préalable, les impacts ?
Troisièmement, l’État souhaite que les entreprises adaptées s’orientent davantage vers l’insertion. Comptez-vous donc prendre en compte dans les prochains contrats d’objectifs triennaux la particularité des handicaps intellectuels et psychiques et intégrer des modalités spécifiques d’accompagnement des entreprises adaptées concernées ?
Nous sommes d’accord, monsieur le sénateur Corbisez, les entreprises adaptées jouent un rôle essentiel dans la stratégie d’inclusion dans le travail et dans l’emploi, qui est un facteur d’émancipation pour tous.
Certains des travailleurs en situation de handicap n’ont pas besoin d’intégrer une entreprise adaptée ; ils peuvent travailler dans une entreprise classique, mais, pour d’autres, c’est une nécessité. Ce passage, temporaire ou non, par l’entreprise adaptée leur permet d’accéder à une véritable situation d’emploi, avec l’aide de la collectivité.
Je suis donc convaincue de la place fondamentale des entreprises adaptées dans notre stratégie globale d’émancipation par le travail et d’inclusion par l’emploi.
C’est pourquoi j’ai procédé, pour l’année en cours, à une hausse du budget des aides au poste pour les entreprises adaptées : 8 millions d’euros ont ainsi été ajoutés au budget initialement voté. Un effort a toutefois été demandé dans le cadre de la maîtrise des dépenses publiques.
Cela montre l’attention que nous portons à ce secteur et le soutien que nous lui apportons.
Au-delà, et je pense que cela va dans le sens que vous souhaitez, nous avons lancé dès le mois de janvier une concertation nourrie avec l’UNEA, l’Union nationale des entreprises adaptées, en lien avec les autres représentants du secteur. L’objectif est simple, ambitieux et partagé : permettre à plus de personnes en situation de handicap de trouver ou de retrouver la voie de l’emploi durable. En effet, bon nombre d’entre elles sont en attente et aimeraient pouvoir travailler en entreprise adaptée, tandis que d’autres, qui travaillent déjà en entreprise adaptée, pourraient probablement intégrer d’autres structures.
Cette concertation est construite autour de deux axes.
Le premier axe consiste à réaffirmer la vocation économique et sociale des entreprises adaptées, vous l’avez soulignée. Il s’agit de valoriser leur « savoir-faire inclusif », construit autour du triptyque : « situation d’emploi réelle, formation, accompagnement personnalisé ».
Le second axe consiste à innover en expérimentant de nouvelles approches du parcours professionnel des travailleurs handicapés, notamment lorsqu’il vise le recrutement dans des entreprises en dehors du secteur adapté. Inclure, c’est effectivement essayer autant que faire se peut que toutes les entreprises recrutent ces personnes, ce qui ne signifie pas qu’il faille réduire le nombre de places dans les entreprises adaptées - il en faut plus !
Vous avez évoqué les pistes ouvertes par le rapport de l’IGAS et de l’IGF de 2017. Ces pistes ont été discutées lors de la concertation précitée, mais d’autres voies ont aussi été envisagées dans ce cadre. La concertation étant parvenue à son terme, nous allons, avec ma collègue Sophie Cluzel, porter les conclusions de ces travaux devant le Sénat, dès la semaine prochaine, à l’occasion de l’examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
C’est une transformation ambitieuse et partagée que nous allons mener et qui marquera, je l’espère, le point de départ d’un développement inégalé de l’emploi des personnes handicapées.
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour répondre à Mme la ministre.
Il est vrai, madame la ministre, que certaines personnes handicapées n’ont pas besoin de recourir à une entreprise adaptée. En voici une preuve : je suis un sénateur handicapé et je me compte au nombre des plus chanceux !
Je vous remercie d’avoir précisé que les entreprises adaptées sont essentielles dans le paysage. Elles permettent en effet à des personnes portant des handicaps plus lourds de retrouver une vie professionnelle à peu près normale.
La parole est à M. Michel Canevet, auteur de la question n° 116, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Alors que notre Constitution reconnaît les langues régionales, nous avons été confrontés, dans la pratique, à des difficultés quant à l’utilisation de ces langues.
Ainsi, la ville de Quimper avait enregistré à l’état civil un enfant portant le prénom de Fañch, qui signifie François en breton et s’écrit avec un « tilde » – le cas s’est aussi présenté au Pays basque, pour le prénom Ibañez. Le tribunal a refusé d’homologuer ce prénom, s’appuyant sur une circulaire de la garde des sceaux du 23 juillet 2014 relative à l’état civil, qui régirait l’usage des signes diacritiques et des ligatures dans la langue française.
De ce fait, le choix légitime des parents d’un prénom en langue bretonne – ou espagnole, dans le second cas – n’a pu être reconnu. On ne peut que le déplorer !
En effet, le « tilde » a toujours été employé dans la langue française. On l’utilisait pour marquer la nasalisation dans les textes de la royauté au XVIe siècle. On le trouve même, à plusieurs reprises, dans l’ordonnance royale de 1539, dite de Villers-Cotterêts, qui impose l’utilisation de la langue française dans les actes de justice du domaine royal.
Je souhaite donc savoir si Mme la garde des sceaux est disposée à modifier la circulaire du 23 juillet 2014, afin de permettre, légitimement, le recours à des prénoms comportant un « tilde ».
Permettez-moi, monsieur le sénateur Michel Canevet, de vous répondre au nom de Mme la garde des sceaux.
Vous avez souhaité appeler notre attention sur une affaire, en cours devant la cour d’appel de Rennes, qui a trait à la reconnaissance du « tilde » dans les actes d’état civil.
Le principe de liberté de choix du prénom d’un enfant, effectivement consacré par la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l’état civil, à la famille et au droit de l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, ne permet pas de retenir un prénom comportant des signes diacritiques non connus de la langue française.
La langue française est en effet la seule admise pour l’établissement des actes publics, notamment au titre du premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, dont le Conseil constitutionnel a déduit que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.
Aussi, rappelant ces principes et pour répondre à la demande tant des officiers de l’état civil que de l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, responsable du répertoire national d’identification des personnes physiques, la circulaire du 23 juillet 2014 de la Chancellerie, que vous évoquez, dresse la liste des voyelles et consonnes accompagnées d’un signe diacritique souscrit, telle la cédille, ou suscrit, tels l’accent et le tréma, connues de la langue française.
Je ne vous inflige pas la lecture de cette liste – elle comporte une quinzaine de lettres –, qui, validée en 2014 par l’Académie française, ne comprend pas le « tilde ».
Vous avez raison, le « tilde » apparaît parfois dans des textes en langue française, datant même du Moyen Âge. Mais il semble qu’il s’agissait alors d’un signe abréviatif, non diacritique, retranscrivant un phonème propre au français.
Le « tilde » était utilisé pour indiquer une abréviation par suspension de lettre, notamment les « n » et les « m ». Dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts, que vous avez citée, il apparaît ainsi sur la voyelle censée précéder le « n » de France, soit le « a », et non le « n ». Le mot est donc écrit : « Frãce ».
Les juridictions judiciaires ont été saisies de l’emploi du « n tildé » dans les cas que vous avez mentionnés de prénoms breton ou espagnol.
S’agissant de l’affaire du prénom « Fañch », si ce signe a été refusé par le tribunal de grande instance de Quimper en septembre dernier, les parents de l’enfant ont fait appel du jugement et la cour d’appel de Rennes n’a pas encore rendu son arrêt.
Mais je tiens à préciser que les textes en vigueur, confortés par la jurisprudence, n’excluent pas que les communes puissent délivrer des livrets de famille bilingues, dès lors que les livrets de famille sont rédigés en langue française, dans le respect des règles précédemment évoquées, et que la traduction en langue régionale fait simplement office d’usage.
Cette solution, qui n’est peut-être pas purement constitutionnelle, peut néanmoins, en pratique, aider les parents à s’y retrouver, tout en garantissant le respect de la langue française.
Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais elle ne me satisfait pas et j’aimerais bien que vous puissiez transmettre à Mme la garde des sceaux la volonté de la représentation nationale de voir les langues régionales un peu plus reconnues.
En l’occurrence, il n’y a aucune complexité ni aucune implication forte à accepter l’usage du « tilde », permettant ainsi l’emploi d’un vrai prénom breton ou basque, conformément au choix des parents. Les Bretons, dans leur ensemble, ne voient pas pour quelle raison on ne pourrait pas modifier cette circulaire de 2014. C’est extrêmement simple à faire !
La parole est à M. Jean-François Longeot, auteur de la question n° 164, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur la formation des officiers de sapeurs-pompiers par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT.
En application de loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, les services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, versent au CNFPT une cotisation pour la formation de leurs fonctionnaires territoriaux, sapeurs-pompiers professionnels ou personnels administratifs techniques et spécialisés, correspondant à 0, 9 % de leur masse salariale, ainsi qu’une sur-cotisation affectée spécifiquement à la formation des officiers de sapeurs-pompiers professionnels, correspondant actuellement à 0, 86 % de la masse salariale des sapeurs-pompiers professionnels.
La formation des officiers sapeurs-pompiers étant exclusivement assurée par l’établissement national de formation des sapeurs-pompiers, cette sur-cotisation est intégralement reversée par le CNFPT à l’école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, l’ENSOSP.
Ainsi, le CNFPT collecte et reverse ces cotisations sans apporter aucune plus-value.
Aussi, je souhaiterais savoir, madame la ministre, si le Gouvernement envisage de faire de l’ENSOSP l’organisme collecteur unique des cotisations des SDIS pour le financement des actions de formation destinées aux sapeurs-pompiers, afin d’optimiser la gestion des 13, 4 millions d’euros versés chaque année par les services départementaux d’incendie et de secours.
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Comme vous venez de le rappeler, monsieur le sénateur Longeot, la formation des fonctionnaires territoriaux est, d’une manière générale, assurée par le CNFPT, en application de la loi du 26 janvier 1984, y compris, donc, celle des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés relevant des SDIS.
Tout le monde, ici, connaît le prélèvement de 0, 9 % qui, pris sur le financement des collectivités locales, est dirigé vers le CNFPT.
Compte tenu de leur spécificité, les formations opérationnelles pour les officiers de sapeurs-pompiers sont exclusivement assurées par l’ENSOSP, établissement public autonome au sein duquel le CNFPT est représenté en tant que financeur. À ce titre, le Centre verse à l’ENSOSP une part de la cotisation précitée, ainsi qu’une sur-cotisation spécifique provenant des SDIS pour le financement des formations des officiers.
L’hypothèse d’un versement direct de ces sommes par les SDIS à l’ENSOSP – revendication que je connais bien – a fait l’objet d’un débat dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2018. Ce débat n’a pas débouché sur une modification du système actuel.
Néanmoins, attentifs aux interrogations soulevées, le ministre d’État, ministre de l’intérieur, et le président de l’Association des maires de France, l’AMF, ont demandé au président du CNFPT de leur apporter tous les éléments utiles pour la compréhension de l’utilisation des fonds récoltés, soit une transparence totale.
Dans le même temps, le CNFPT s’est engagé à assurer sur ses fonds propres le versement des sommes correspondant au montant de la sur-cotisation et à la scolarité de la première promotion d’élèves-colonels en 2018.
Dans ce contexte, le Gouvernement n’entend pas prendre l’initiative d’une modification structurelle d’un dispositif reposant sur la capacité de concertation des acteurs.
En tout état de cause, le ministère de l’intérieur reste extrêmement attentif à la pérennité de financements adaptés à la mise en œuvre des formations de haut de niveau qui sont la marque de l’excellence du système français de sécurité civile.
La parole est à M. Jean-François Longeot, pour répondre à Mme la ministre.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, qui apporte un éclairage sur le financement de ces formations.
La parole est à M. Bernard Delcros, auteur de la question n° 281, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
La réduction de la vitesse à 80 kilomètres par heure sur l’ensemble du réseau routier non pourvu d’un séparateur central est effective depuis ce dimanche 1er juillet – elle ne l’était évidemment pas quand j’ai déposé ma question, au mois d’avril. Nous connaissons l’objectif de cette mesure : diminuer le nombre de tués sur les routes, mais aussi le nombre d’accidents graves et d’accidents en général.
Ce sujet a alimenté les débats, souvent avec passion, au cours des derniers mois.
La décision s’est heurtée à des oppositions virulentes, de différente nature : il y a ceux qui ne veulent jamais rien changer, ceux qui, de bonne foi, jugent la mesure inefficace et, enfin, ceux qui font preuve d’opportunisme politique. C’est systématiquement le cas avec les décisions concernant la sécurité routière !
Que ce soit pour la vitesse – ce n’est pas la première fois que la vitesse est réduite sur les autoroutes, en ville ou ailleurs – ou pour le port de la ceinture de sécurité – on se souvient des discussions sur le sujet –, chaque fois, les débats sont passionnés lorsqu’il s’agit de créer quelques contraintes supplémentaires à la charge des automobilistes pour tenter de réduire le nombre d’accidents.
Mais les résultats, on le sait, sont au rendez-vous : 17 000 tués sur la route en 1972 ; 8 000 en 1997 et 3 500 en 2017 ! Aujourd’hui, me semble-t-il, plus personne ne conteste les mesures prises et ne souhaite revenir à la situation qui prévalait par le passé !
Je considère, pour ma part, que le sujet est trop sérieux, trop grave – nous parlons de vies humaines, peut-être celles de nos enfants, d’ailleurs – pour que nous nous enfermions dans des postures politiciennes ou démagogiques.
C’est pourquoi, personnellement, j’ai toujours refusé de m’associer aux démarches visant à rejeter en bloc cette mesure. En revanche, j’ai défendu l’idée – et j’avais écrit un courrier au Premier ministre dans ce sens – de conserver sur quelques axes structurants une vitesse de 90 kilomètres par heure.
C’était le cas, notamment, dans le Cantal, pour la route nationale 122, qui traverse le département sur environ 130 kilomètres et sur laquelle des aménagements pour améliorer la sécurité et la fluidité ont été réalisés. Il me semblait que, sur une infrastructure de ce type, on pouvait conserver une limite de 90 kilomètres par heure.
Aujourd’hui, un autre choix a été fait et la limitation de la vitesse maximale à 80 kilomètres par heure est en application.
Comme le Premier ministre l’a rappelé, il s’agit d’un test sur deux ans. Dès lors, sans remettre en cause l’objectif, mais au regard de l’évaluation qui sera faite, pouvez-vous nous assurer, madame la ministre, qu’il sera possible d’apporter des correctifs sur certains axes ?…
Pouvez-vous me garantir, bien sûr en fonction des résultats, que l’éventualité d’un retour à une limitation à 90 kilomètres par heure sur quelques axes qui le justifieraient sera réellement étudiée ?
Le temps imparti est de deux minutes trente, pas trois minutes, je le précise pour la suite…
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Je vous remercie, monsieur le sénateur, de la manière dont vous avez posé la question, en rappelant le fond, c’est-à-dire l’importance de cette décision pour sauver des vies humaines, mais également pour réduire le nombre – 25 000, encore, l’année dernière – des grands blessés, qui se retrouvent à supporter, à vie, des séquelles très lourdes et qui sont aussi des victimes de la route.
Je rappelle également que cette réduction à 80 kilomètres par heure est l’une des dix-sept mesures qui ont été prises pour limiter le nombre d’accidents. Je citerai notamment celles qui concernent l’alcoolémie, la conduite sous l’empire de stupéfiants ou l’utilisation du téléphone portable au volant.
Si le Gouvernement a pris une telle décision concernant les routes bidirectionnelles sans séparateur central, c’est parce que, selon une étude, elles concentrent les risques accidentogènes les plus élevés.
Évidemment, cela varie d’un département à l’autre, mais aucun territoire n’échappe à la règle. Dans votre département, le Cantal, monsieur le sénateur Delcros, le réseau structurant représente 18 % de l’ensemble des infrastructures routières mais 80 % des tués. C’est donc là, on le voit, que le risque d’accident est le plus important.
Comme vous l’avez rappelé, une évaluation globale du dispositif sera réalisée dans deux ans, sur l’ensemble du territoire français. Nous pourrons en donner le détail route par route, axe par axe. C’est très important : la transparence sera totale, afin d’assurer la bonne information de tous sur les évolutions, notamment positives, ou sur les améliorations à apporter à la réglementation.
Dans ce cadre, on procédera éventuellement à des corrections, mais je ne peux pas vous en donner le détail aujourd’hui, ce serait prématuré.
En revanche, comme cela a été le cas pour la fixation des autres limitations de vitesse, toute adaptation se fera par voie réglementaire.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre. J’ai bien entendu la volonté du Gouvernement d’apporter certains correctifs, en fonction de l’évaluation qui sera menée route par route et, bien entendu, en gardant comme priorité la sauvegarde de la vie des automobilistes.
La parole est à M. Bernard Bonne, auteur de la question n° 327, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Ma question porte sur la protection sociale des agents territoriaux sapeurs-pompiers volontaires en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service.
L’article 19 de la loi du 31 décembre 1991 prévoit en effet une prise en charge en cas d’accident des sapeurs-pompiers volontaires, qu’ils soient fonctionnaires, titulaires, stagiaires ou même militaires, non pas par le service départemental d’incendie et de secours, ou SDIS, mais par la collectivité territoriale dont ils dépendent. Ils bénéficient alors du régime d’indemnisation fixé par les dispositions statutaires qui les régissent.
Ces frais, souvent importants, doivent alors être supportés par les communes, qui se retrouvent à payer pour un accident sans aucun rapport avec le service rendu par ces personnes en tant qu’agents communaux.
C’est en particulier le cas dans plusieurs communes rurales de la Loire, un département que je connais un peu plus, des communes aux ressources faibles, qui doivent supporter une charge importante et qui voient en plus leur prime d’assurance augmenter.
En octobre 2013, le ministre de l’intérieur avait signé un plan d’action pour les sapeurs-pompiers volontaires, qui prévoyait, dans sa mesure n° 6, la généralisation, par le biais d’une modification de la loi de 1991, de la prise en charge de la protection sociale par les SDIS.
Cette volonté affichée ne s’est pas traduite à ce jour par une modification de la loi. Si l’article 19 de la loi de 1991 était maintenu en l’état, le statut de sapeur-pompier volontaire pourrait représenter un réel frein à l’embauche dans les collectivités territoriales.
Notre collègue Catherine Troendlé, dont je tiens ici à souligner l’excellent travail, vous a remis le 23 mai dernier son rapport sur la mission volontariat, dans lequel elle préconise – c’est la proposition 18 – de généraliser la prise en charge par les SDIS de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires employés dans la fonction publique en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service.
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend donner une suite favorable à ces préconisations afin de sécuriser financièrement les collectivités territoriales qui emploient des sapeurs-pompiers volontaires ?
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Monsieur le sénateur, vous avez fait la question et la réponse !
Vous avez d’abord rappelé toute l’importance du volontariat dans notre système de sécurité civile, avant de rappeler les termes de l’article 19 de la loi du 31 décembre 1991, qui dispose que le SDIS peut prendre en charge les dépenses engagées à la suite d’un accident survenu ou d’une maladie contractée pendant le service.
Afin de répondre aux préoccupations dont vous avez fait part, l’article 17 de la loi du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique permet au SDIS, lorsqu’il calcule le montant de la contribution de la collectivité territoriale, de prendre en compte la présence dans ses effectifs d’agents publics ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire ainsi que la disponibilité qui leur est accordée pendant leur temps de travail.
Dans ses conclusions de son rapport, rendu le 23 mai dernier, la mission conduite par Catherine Troendlé soulève la question de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires. Elle suggère de généraliser la prise en charge par les SDIS de la protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires, employés dans la fonction publique, en cas d’accident survenu ou de maladie contractée en service. D’ailleurs, du fait de la départementalisation du système, les critères, qui sont nombreux, diffèrent selon les collectivités.
Bien sûr, le ministère de l’intérieur a intégré dans ses réflexions cette hypothèse de travail. Je ne peux pas vous donner, aujourd’hui, une réponse ferme et définitive, puisque nous travaillons actuellement sur ce dossier. Mais, pour avoir été maire pendant vingt-cinq ans et pour avoir financé un SDIS, je sais bien ce que cette charge représente pour les communes : c’est très lourd. Cette proposition sera donc examinée avec intérêt.
Pour avoir, moi aussi, été maire pendant une vingtaine d’années et président de département pendant une dizaine d’années, j’ai pu voir la différence.
Il faut absolument que les communes puissent engager des fonctionnaires qui acceptent d’être sapeurs-pompiers volontaires. C’est extrêmement important. Par ailleurs, les SDIS, dont les départements ont la responsabilité, doivent pouvoir compter sur ces volontaires.
Par conséquent, il faut modifier la loi, de manière à permettre aux SDIS de prendre en charge la totalité des frais incombant normalement à ceux qui sont responsables, en quelque sorte, de l’accident ou de la maladie.
La parole est à M. François Bonhomme, auteur de la question n° 344, adressée à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur les vols de câbles en cuivre qu’a connus et que connaît toujours le département de Tarn-et-Garonne.
Déjà touchée à deux reprises au cours des trois derniers mois, la commune de Bressols a récemment fait l’objet d’un vol, pour un préjudice de 14 000 euros.
De ce fait, les entreprises locales de Tarn-et-Garonne pâtissent de cette situation. Quatre jours ont été nécessaires pour établir la connexion téléphonique et internet à la suite de ce vol dans la commune de Bressols. Cela a privé 3 700 habitants et quelque cinquante entreprises situées sur les quatre zones d’activité de cette commune de tout moyen de communication. Vous imaginez la désorganisation qui en a résulté et la paralysie que cette situation a souvent entraînée !
Ce phénomène n’est malheureusement pas nouveau en Tarn-et-Garonne. Déjà, en 2017, la commune de Bourret avait quant à elle subi près de vingt-deux vols de câbles.
C’est pourquoi, madame la ministre, au regard des lourdes conséquences pour l’économie locale de Tarn-et-Garonne, je vous demande de bien vouloir me préciser les moyens que vous entendez mettre en œuvre et les réponses que vous comptez apporter pour mettre fin à cette situation.
La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.
Monsieur le sénateur, les vols de métaux en France font l’objet de la plus grande attention de la part du Gouvernement. Le phénomène présente en effet une sensibilité toute particulière, au regard du double préjudice subi par les entreprises et par les particuliers.
Le premier préjudice est lié à la valeur des métaux dérobés. Cela constitue une perte pour l’entreprise ou la collectivité. Leur nécessaire remplacement est donc un coût pour la victime.
Le second préjudice, plus important encore, correspond aux conséquences induites par ces vols, notamment celles liées à la communication ou à l’alimentation électrique, comme vous venez de le rappeler.
Force est de constater que ces vols de métaux sont le fait non pas d’individus isolés, mais de réseaux criminels organisés, notamment originaires de l’Europe de l’Est.
Face à cette problématique, le ministère de l’intérieur possède une stratégie de longue date. Ainsi, dès la fin de l’année 2006, la gendarmerie nationale a mis en place un plan d’action destiné à lutter contre les vols de métaux. Un rôle de coordination a été confié à l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante, l’OCLDI.
Sur le plan opérationnel, le ministère de l’intérieur met ainsi en place une approche globale fondée, d’une part, sur la prévention des phénomènes et le partenariat avec les entreprises privées, et, d’autre part, sur le démantèlement des groupes criminels organisés.
Dans ce contexte, de nombreux partenariats sont mis en place avec les sociétés victimes de vols de métaux. Six conventions régionales ainsi ont été élaborées entre la société Orange et les régions de gendarmerie de Midi-Pyrénées, de Bretagne, de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Lorraine, d’Aquitaine et, récemment, d’Île-de-France.
Par ailleurs, une action volontaire est menée permettant de démanteler ces groupes criminels organisés itinérants, ce qui signifie interpeller les auteurs, mais également les receleurs et éventuellement les donneurs d’ordre.
Très récemment, à la fin de 2017, l’OCLDI a ainsi procédé sur la région toulousaine à l’interpellation de onze individus majoritairement originaires de Roumanie. Ces malfaiteurs, tous écroués, sont impliqués dans cent cinq faits de vol commis au sein des régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, avec l’installation d’élingues pour dérober les câbles de la société Orange.
Enfin, le problème n’est pas seulement national ; il dépasse nos frontières. Nous avons donc des discussions avec nos partenaires européens sur ce sujet.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous avez parfaitement décrit le préjudice subi par les victimes, et je prends acte que vous entendez poursuivre le plan d’action engagé en 2006.
Ce phénomène connu, sans doute difficile à juguler, ne s’estompe pas ; il a même tendance à s’aggraver. J’espère que le Gouvernement aura toujours la volonté aussi forte de développer tous les moyens nécessaires pour le réduire, puis y mettre fin, tant il est préjudiciable à nos populations, aux entreprises comme aux particuliers.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 270, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.
Ma question porte sur le régime des fonds de concours pratiqué entre les communes et leurs syndicats d’énergie, en application de l’article L. 5212-26 du code général des collectivités territoriales.
À l’occasion de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, le Parlement avait décidé de renforcer le mécanisme des fonds de concours en lui dédiant cet article spécifique. Ainsi, sur la base de ces dispositions, des syndicats d’énergie détenteurs de la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité se sont vu confier par leurs collectivités membres des prérogatives liées à la maîtrise d’ouvrage des installations d’éclairage public.
ENERGIE Eure-et-Loir assure désormais la gestion quotidienne de plus de 32 000 foyers lumineux pour le compte de 165 communes. Au cours des dernières années, ce syndicat a massivement investi sur les réseaux d’éclairage public, pour remplacer les installations vétustes et très consommatrices d’électricité, en proposant des solutions peu énergivores et innovantes.
Pour procéder à ces investissements, le syndicat d’énergie a eu recours au mécanisme de fonds de concours appelés auprès de ses communes membres. Or il semblerait que la Direction générale des collectivités locales, ou DGCL, remette en cause le régime de ces fonds de concours s’agissant des syndicats d’énergie. Si cette position venait à être confirmée, elle serait de nature à ruiner les efforts déployés localement.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais savoir pour quelles raisons et sur quel fondement juridique la DGCL restreint l’utilisation du mécanisme des fonds de concours par les syndicats d’énergie et leurs collectivités adhérentes, dès lors que ces établissements publics de coopération interviennent dans le cadre de leurs compétences.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
Madame la sénatrice, votre question sera l’occasion de clarifier la position du Gouvernement sur l’utilisation du mécanisme des fonds de concours par les syndicats d’énergie.
Le rôle des groupements de communes est d’exercer les compétences en lieu et place de leurs membres, la commune et le groupement ne pouvant pas être simultanément compétents. Ce principe d’exclusivité est l’une des conditions nécessaires à la clarté de notre organisation locale. C’est sur ce principe que je m’appuie pour vous répondre.
Les fonds de concours sont une dérogation à ce principe et ne sont donc envisageables que dans des conditions strictes. Ils ne sont autorisés par la loi que dans le cas d’établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, à fiscalité propre. Pour les autres groupements, comme les syndicats de communes, ils ne sont autorisés que dans des cas très particuliers.
Il peut ainsi être fait usage des fonds de concours pour trois autres compétences prévues de manière dérogatoire dans le code général des collectivités territoriales : par un syndicat mixte ouvert pour la gestion et la construction des ports autonomes ; par un syndicat intercommunal pour la distribution publique d’électricité ; par un syndicat mixte ouvert pour l’établissement des réseaux publics de communication électronique.
Le législateur a établi des critères organiques et fonctionnels très clairs pour encadrer l’usage des fonds de concours. Dans le cas que vous citez des syndicats intercommunaux compétents en matière d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité, ceux-ci peuvent, afin de financer la réalisation ou d’assurer le fonctionnement d’un équipement public local, percevoir ou verser à leurs membres des fonds de concours.
Le renvoi opéré par l’article L. 5212-26 à l’article L. 5212-24 du code général des collectivités territoriales restreint cependant le champ d’action du fonds de concours à la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité du syndicat. Les autres compétences exercées sont donc exclues. Le texte est très clair, et doit être d’interprétation stricte, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État en la matière.
La compétence d’autorité organisatrice du réseau de distribution d’électricité étant une compétence spécifique, distincte par exemple de celle en matière d’éclairage public, les travaux réalisés en matière d’éclairage public ne peuvent en effet être financés par le biais des fonds de concours.
Cela ne signifie cependant aucunement que ce type de travaux ne peut être financé. En l’état du droit, il appartient au conseil syndical, s’il l’estime nécessaire, de voter une augmentation du montant de la contribution de ses membres. En effet, les quotes-parts contributives des membres peuvent être modulées en fonction de la nature des travaux mis en œuvre par le syndicat, ou encore de leur localisation, dans le cadre du vote des statuts.
Tels sont les éléments, madame la sénatrice, que je suis en mesure de vous communiquer sur ce dossier.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est incomplète ; à tout le moins, elle ne me satisfait pas entièrement.
L’article L. 5212-26 du code général des collectivités territoriales avait pour but de satisfaire aux objectifs de réduction de la pollution lumineuse et d’économies d’énergie. J’ai bien compris que le champ d’action du fonds de concours était restreint à la compétence d’autorité organisatrice de la distribution publique d’électricité du syndicat. Il faut donc que ce dispositif soit corrigé.
C’est pourquoi j’ai cosigné un amendement en ce sens, qui sera défendu prochainement, lors de l’examen du projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 292, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Ma question porte sur l’usage du cuivre en viticulture.
Le cuivre est l’un des seuls produits minéraux autorisés par la réglementation européenne pour lutter contre les bactéries et autres maladies fongiques. Il est utilisé aussi bien en viticulture biologique qu’en viticulture dite « conventionnelle », mais également pour les cultures maraîchères et même fruitières.
Concernant la viticulture biologique, un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, ou INRA, publié en janvier 2018, montre que, à court terme le remplacement du cuivre n’est envisageable, la piste génétique restant une stratégie à moyen terme.
Ainsi, à ce jour, seule une gestion optimisée des doses en fonction des circonstances de l’année permettrait de diminuer l’impact du cuivre tout en lui conservant son efficacité. Il faudra probablement attendre quelques années avant que des solutions de biocontrôle ou que des variétés résistantes ne puissent remplacer le cuivre.
Sans cuivre, ou en quantité insuffisante, les producteurs ne pourraient que se détourner du mode de production biologique, ce qui serait contradictoire avec les objectifs fixés par les pouvoirs publics.
Concernant la viticulture conventionnelle, la consommation de cuivre devrait mécaniquement continuer à augmenter compte tenu de l’orientation souhaitée vers une forte réduction des produits classés « substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction », ou CMR.
Le 16 janvier 2018, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, ou EFSA, a transmis à la Commission européenne ses conclusions en vue d’une nouvelle homologation. Celle-ci devra se prononcer avant le 31 janvier 2019 sur une nouvelle approbation du cuivre au niveau européen comme substance active dans la protection des plantes.
Sans renouvellement de l’autorisation d’utilisation du cuivre, la filière viticole française se trouverait dans une impasse technique, avec des incidences importantes pour la filière biologique viticole.
Actuellement, la dose de 6 kilogrammes par hectare et par an lissée sur cinq ans, soit 0, 6 gramme par mètre carré, est la seule qui soit soutenue par la profession. L’élément de lissage est très important, car il permet de faire face à une pression des maladies, qui change d’année en année en fonction des aléas climatiques.
Enfin, pour la profession, il serait inconcevable d’interdire immédiatement l’usage du cuivre, utilisé depuis plus d’un siècle et demi, sans solution de rechange efficace et à un coût acceptable.
Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser quelle position compte prendre la France à l’échelon européen concernant le renouvellement de l’homologation du cuivre ?
Monsieur Daniel Laurent, vous connaissez bien ces problématiques, en tant que président du groupe d’études de la vigne et du vin.
Vous me demandez quelle sera la position du Gouvernement concernant le renouvellement de l’approbation européenne du cuivre, en tant que produit phytopharmaceutique.
Le cuivre et ses différents composés, comme la bouillie bordelaise, sont connus de longue date comme produits de protection des plantes, en particulier pour traiter le mildiou de la vigne ou de la tomate. Cependant, vous le savez comme moi, le cuivre est persistant dans l’environnement et toxique, ce qui le classe dans la catégorie des substances dont on doit envisager la substitution chaque fois que c’est possible.
L’approbation européenne expire en janvier 2019. L’évaluation scientifique de l’EFSA conclut que certaines données sont manquantes et que des risques sont identifiés pour les utilisations demandées à 6 kilogrammes par hectare et par an sur la vigne et les tomates notamment. Cependant, elle indique qu’il est possible de limiter les risques, en réduisant les doses utilisées.
Le Gouvernement est favorable au renouvellement de l’approbation du cuivre. Il sera toutefois nécessaire de réduire les quantités utilisées, pour maintenir le risque à un niveau acceptable, en travaillant avec la filière en ce sens.
La Commission européenne a proposé une dose maximale de 4 kilogrammes par hectare et par an. Le Gouvernement souhaite que soit explorée sur cette base la possibilité d’autoriser un « lissage » pluriannuel dans le cas des cultures pérennes comme la vigne. Il s’agit d’autoriser un dépassement limité de la quantité admise au cours d’une année, à condition que l’apport total sur l’ensemble de la période ne dépasse pas la quantité maximale permise.
Si elle est retenue, cette possibilité de lissage nécessitera toutefois, pour pouvoir être mise en œuvre, que les demandeurs d’autorisations de mise sur le marché fournissent à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ou ANSES, les résultats favorables de tests et d’études conduits avec ce protocole.
Compte tenu des contraintes liées à l’utilisation du cuivre, mais aussi de son importance cruciale pour les différentes filières de l’agriculture conventionnelle et surtout de l’agriculture biologique, il est nécessaire d’accélérer les travaux pour réduire son utilisation en protection des cultures.
L’expertise scientifique collective de l’INRA publiée en janvier 2018 a identifié des leviers d’action qui permettraient de réduire les quantités utilisées, sans remettre en cause l’efficacité de la protection phytosanitaire.
Les différentes combinaisons de moyens, y compris la « reconception » des systèmes de culture – assolement ; choix de variété ; conditions de semis – doivent désormais être validées avant d’être généralisées.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez compris l’importance du cuivre pour toutes ces productions. Vous me tranquillisez quelque peu en me disant que le Gouvernement est favorable à soutenir la reconduction de son autorisation au niveau européen. C’est une bonne nouvelle. En revanche, vous l’aurez aussi compris, les professionnels sont arc-boutés sur les quantités qui peuvent être utilisées, car il y va de l’efficacité de ce produit.
En outre, vous le savez, les vignobles de Gironde, de Charente-Maritime et de Charente viennent de vivre une période dramatique, puisque près 17 000 hectares de vignes sont sinistrés. Justement, le cuivre montre aussi son efficacité en matière de cicatrisation. Et il n’existe aucun autre produit aussi efficace.
Je vous remercie de votre vigilance.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, auteur de la question n° 393, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, la Commission européenne doit trancher très vite sur la « réapprobation » du cuivre en tant que substance active dans les produits de protection des plantes.
Pour ce faire, selon l’article 79 du règlement européen 1107/2009, la Commission européenne doit tout d’abord recueillir l’avis des États membres, représentés au comité permanent européen de la chaîne alimentaire et de la santé animale. À ce jour, la France, interrogée, ne s’est toujours pas positionnée sur cette question.
Aussi, monsieur le ministre, il faut nous dire aujourd’hui, dans cet hémicycle, quelle réponse le Gouvernement compte apporter à la filière viticole dans la prolongation de l’homologation du cuivre agricole. Quelle réponse sera indiquée à l’Europe ?
Le constat est simple : il n’existe à ce jour aucun autre substitut crédible permettant l’abandon du cuivre en agriculture. Ce fongicide reste l’unique solution de substitution aux produits CMR pour les exploitations viticoles traditionnelles.
Plus encore, en viticulture biologique, le cuivre est l’un des seuls produits minéraux homologués pour lutter contre le mildiou, maladie de la vigne pouvant entraîner des pertes de récoltes considérables si elle n’est pas combattue.
À terme, la filière viticole s’est engagée à se défaire du cuivre. Les exploitants adoptent un usage raisonné et éclairé de cette fameuse « bouillie bordelaise » et soutiennent activement les recherches conduites pour développer des alternatives de biocontrôle ou de cépages plus résistants. L’utilisation du cuivre est donc en constante diminution, mais les exploitants viticoles ont encore besoin d’un peu de temps pour s’en affranchir.
Un temps d’autant plus précieux pour la profession que la succession d’épisodes pluvieux a considérablement augmenté le risque de propagation du mildiou ces dernières années, dans plusieurs de nos terroirs.
Pour les exploitations viticoles biologiques, la limitation actuelle à 6 kilogrammes de cuivre par hectare et par an, lissée sur cinq ans, semble offrir aux opérateurs un compromis de protection acceptable. C’est donc le cadre que vous devez préserver !
Aussi, monsieur le ministre, la France portera-t-elle la voix de ses viticulteurs auprès de la Commission européenne ? Prônerez-vous le maintien des conditions actuelles d’utilisation du cuivre agricole ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Celui-ci trouvera certainement des mots différents pour répondre à cette question presque identique à la précédente…
Sourires.
En effet, monsieur le président, je ne saurais être « moins-disant » par rapport à la réponse que je viens de faire à M. Daniel Laurent.
Madame la sénatrice, vous connaissez bien ces problèmes, en tant qu’élue d’un magnifique territoire viticole. Comme vous le savez, compte tenu de sa persistance dans l’environnement, le cuivre est classé dans une catégorie de substances dont la substitution doit être envisagée chaque fois que cela est possible.
Le Gouvernement, je le répète, est favorable au renouvellement de l’approbation du cuivre. Il sera toutefois nécessaire de réduire les quantités utilisées pour maintenir le risque à un niveau acceptable.
Il est proposé à ce jour d’autoriser l’utilisation du cuivre à hauteur de 4 kilogrammes par hectare et par an, contre 6 kilogrammes actuellement. Nous devons mener un nécessaire travail avec la filière.
Comment pouvons-nous, ensemble, construire une trajectoire de réduction progressive, mais significative, des doses ? Comment faire travailler la recherche, l’innovation, les instituts techniques pour trouver des substituts au cuivre ? À quelles procédures recourir à cette fin ? L’INRA a déjà engagé des travaux dans ce domaine, dans la perspective de l’expiration de l’approbation européenne de l’utilisation du cuivre en janvier 2019.
De même, comment accompagner la filière pour l’aider à faire face à ses difficultés à la suite des dégâts infligés aux vignobles par les dernières tempêtes et catastrophes météorologiques, notamment aux vignobles de votre territoire ? Nous sommes en train d’évaluer, avec la filière, les pertes d’exploitation consécutives à ces phénomènes.
Bref, nous avons un gros chantier à mener pour trouver les voies et moyens permettant une réduction de l’utilisation du cuivre sur les productions de tomates et les productions viticoles notamment et définir des solutions alternatives, sur la base de 4 kilogrammes par hectare et par an, aux termes des futures règles qui nous seront imposées par la Commission européenne.
Ces éléments, que j’avais déjà indiqués en réponse à la question précédente, illustrent la volonté du Gouvernement d’accompagner la filière, de construire une trajectoire, de ne pas mettre les producteurs au pied du mur et d’essayer de faire en sorte que nous avancions, ensemble.
Monsieur le ministre, le temps nous est compté. Vos propos sont inquiétants : vous émettez des hypothèses de travail et confirmez les bruits de couloir qui nous sont parvenus, laissant à penser que vous proposeriez 4 kilogrammes par hectare et par an, sans lissage.
Cela va tout simplement condamner la viticulture biologique, à Bordeaux et ailleurs, les années de pluie et au-delà.
Au moment même où vous axez votre politique sur les certifications environnementales et le bio, ce que nous ressentons comme un acte très positif, vous condamnez cette même agriculture biologique par une décision ambiguë sur le cuivre. C’est une ligne politique incompréhensible.
Les viticulteurs sont des chefs d’entreprise responsables. Ils n’ont aucune volonté d’empoisonner les gens ou la terre, mais ils doivent trouver le meilleur compromis entre la qualité du produit et les conditions de sa production.
Nous vous demandons donc d’autoriser une utilisation du cuivre de 30 kilogrammes sur cinq ans lissés. Ainsi, en cas de pluie, la profession utilisera du cuivre, dans la limite des 6 kilogrammes, et les années où le risque est moins important, elle en utilisera moins. Il est même à parier qu’elle sera en dessous des 4 kilogrammes.
Nous progressons dans la recherche contre le mildiou, mais, vous le savez, nous n’avons pas encore la solution miracle pour remplacer le cuivre. Aussi, prenez une décision responsable, permettez aux viticulteurs d’assurer leurs productions dans des conditions décentes de protection de la vigne, de la terre et du consommateur. Car oui, nous sommes aussi attachés que vous à nos concitoyens !
La parole est à M. Joël Guerriau, auteur de la question n° 364, transmise à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, ma question porte sur les délais de renouvellement des cartes de stationnement pour personnes en situation de handicap.
Depuis le 1er janvier 2017, les cartes de stationnement pour handicapés sont progressivement remplacées par la carte mobilité inclusion, hormis en ce qui concerne les invalides de guerre.
Les cartes mobilité inclusion, qui sont plus sécurisées, sont imprimées directement par l’Imprimerie nationale et non plus au niveau des maisons départementales des personnes handicapées. Ainsi, les délais actuels sont passés à six mois en moyenne, après constitution d’un dossier complet.
De nombreuses personnes en situation de handicap sont temporairement privées de leur droit à stationner sur les places handicapées. Le fait d’apposer une carte dont la date de validité est dépassée depuis moins de six mois n’offre aucune garantie, en l’absence de directive officielle. Le risque est accru dans les villes où les infractions au stationnement sont verbalisées par des employés de sociétés privées peu au fait de la situation et ne disposant d’aucun moyen d’évaluer cette dernière.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour que ces délais accrus de renouvellement ne pénalisent pas les personnes en situation de handicap, lesquelles n’en étaient pas informées ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Monsieur Joël Guerriau, je sais que ce sujet vous tient à cœur. Vous l’avez rappelé, la carte mobilité inclusion remplace depuis 2017 la carte d’invalidité, la carte de priorité et la carte de stationnement pour personnes handicapées. Nous avançons.
Je rappellerai, en préambule, que la mise en place d’une carte unique en substitution de trois cartes préexistantes constitue une vraie simplification pour le quotidien des personnes visées. Surtout, elle permet aux maisons départementales des personnes handicapées de se recentrer sur leurs missions premières, à savoir l’évaluation, l’orientation et l’accompagnement de l’usager.
En outre, la carte mobilité inclusion est dorénavant fabriquée et personnalisée par l’Imprimerie nationale, qui dispose d’une grande expérience en matière de fabrication de titres sécurisés et met en œuvre des processus de production modernisés et automatisés.
Le transfert de la production de ces cartes à l’Imprimerie nationale concourt ainsi à la sécurisation des titres et à la lutte contre la fraude à la carte de stationnement, dont les premières victimes sont les personnes handicapées.
Je veux vous rassurer sur les délais de délivrance de la CMI, qui ne correspondent pas à ceux qui sont issus du suivi régulier effectué par les services du ministère et en particulier par la Direction générale de la cohésion sociale, en lien avec l’Imprimerie nationale.
À compter de la réception de la photo du bénéficiaire par l’Imprimerie nationale, donc lorsque le dossier est complet pour permettre la personnalisation de la carte, le délai moyen d’expédition des CMI est, sur les cinq premiers mois de l’année, de 4, 58 jours exactement. Ces délais sont donc sans rapport avec le délai de six mois que vous évoquez.
Par ailleurs, le délai d’envoi du courrier d’appel photo, c’est-à-dire le délai entre la réception de la commande de la carte et l’envoi du courrier par lequel l’Imprimerie nationale demande au futur bénéficiaire sa photo, est de moins d’un jour. Ensuite, le délai de réception des photos, que l’Imprimerie nationale ne peut maîtriser, car il dépend de la célérité du bénéficiaire, est en moyenne d’un peu plus de 28 jours.
Vous voyez donc que, non seulement à compter de la réception du dossier complet par l’Imprimerie nationale nous sommes loin du délai de six mois que vous évoquez, mais même en prenant en compte l’envoi de la commande à l’Imprimerie nationale, nous nous situons dans un délai moyen d’un peu plus d’un mois.
Ce délai atteste du succès d’une démarche active du Gouvernement, notamment grâce à la mise en place de la CMI que je souhaite prolonger résolument, en vue d’élaborer un plan ambitieux de simplification de la vie des personnes handicapées grâce au rapport Plus simple la vie, qui a été élaboré par le député Taquet et le conseiller Serres et remis le 28 mai dernier au Premier ministre. Il s’agit de vous proposer un ensemble de mesures en ce sens ; j’y veillerai, monsieur le sénateur.
La parole est à M. Joël Guerriau, pour répondre à Mme la secrétaire d’État.
Madame la secrétaire d’État, vous avez exposé les raisons qui expliquent les changements survenus en matière de cartes sécurisées.
Pour autant, je ne partage pas votre point de vue sur la question des délais. On a l’impression de se retrouver dans le cas d’une manifestation, où les chiffres des manifestants diffèrent fortement de ceux qui sont invoqués par les partisans du Gouvernement !
La réalité est autre : j’ai reçu trop de témoignages de personnes faisant état de ces questions de délais. D’ailleurs, le renouvellement des cartes n’a pas été annoncé et s’est produit sans que les intéressés ne le sachent, ce qui les a parfois placés dans des situations compliquées.
Quand vous avez une amende, vous pouvez toujours la contester. Mais lorsqu’il s’agit d’une voiture enlevée sur un lieu de stationnement, une personne handicapée est particulièrement gênée, puisque le mal est fait. D’où la nécessité d’examiner avec attention cette situation, pour éviter que les personnes en situation de handicap ne soient pénalisées par ce changement de carte qui, vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, est tout à fait justifié dans son principe.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 348, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d’État, à l’origine de ma question, il y a les fins de non-recevoir récurrentes du consulat de France à Casablanca aux demandes de visa de Mme Gracia Fuamba, demeurant régulièrement au Maroc, visas qui lui sont nécessaires pour rejoindre en France son compagnon, français et père de l’enfant qui vit actuellement avec elle.
Constatant que ces demandes ont été instruites par une société privée pour le compte du consulat général, qu’il n’a été opposé auxdites demandes aucune raison sérieuse, constatant l’impossibilité de joindre cette entreprise et l’impossibilité d’obtenir des réponses autres que routinières de notre consul général à Casablanca, je me suis résolu à vous poser en direct les deux questions suivantes : qu’est-ce qui s’oppose à la venue de Mme Fuamba en France avec son enfant ? Est-il d’usage, au Quai d’Orsay, qu’un haut fonctionnaire se moque aussi ouvertement d’un élu de la République ?
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur Pierre-Yves Collombat, vous évoquez un nom, une personne, un dossier, une situation. Je découvre d’ailleurs ce nom aujourd’hui, puisque vous aviez à l’origine rédigé votre question de façon plus générale. Quoi qu’il en soit, j’aurai à cœur d’examiner avec attention cette situation particulière.
Votre question me donne l’occasion de faire un point d’ensemble sur le processus de traitement des demandes de visas, qui est le véritable enjeu ici. Rappelons-le, il n’existe pas de délégation de la prérogative régalienne à des opérateurs privés.
Certes, des prestataires extérieurs sont chargés de prendre des rendez-vous et de collecter un certain nombre de pièces pour instruire les demandes. Mais ce sont bien des agents du Quai d’Orsay qui se concentrent sur le travail aboutissant, au final, à dire oui ou non à une demande de visa, en fonction de nos règles législatives et réglementaires. Encore une fois, seul un agent de l’État peut statuer sur un tel dossier.
Les externalisations sont strictement encadrées par un code communautaire des visas, qui est commun à de nombreux partenaires Schengen. À vrai dire, le dispositif issu de cette répartition des tâches, avec le mot final qui revient à l’administration dans l’exercice de cette mission régalienne, a permis d’absorber la hausse constante de demandes.
Rendez-vous compte, monsieur le sénateur, ces demandes ont doublé en dix ans ! Il était donc important de concentrer les effectifs du ministère sur le cœur de métier.
Je vous donnerai quelques chiffres. Il y a dix ans, 2 millions de demandes de visa étaient gérées par 800 équivalents temps plein. Aujourd’hui, nous en gérons 4 millions avec 951 équivalents temps plein. Vous le voyez, ce dispositif a permis d’absorber un nombre particulièrement important de demandes.
Pour prendre l’exemple du consulat de Casablanca, sachez qu’il délivre à lui seul plus de 100 000 visas par an. C’est dire s’il s’agit là d’organisations particulièrement importantes. Quoi qu’il en soit, je me pencherai attentivement sur la situation particulière que vous avez évoquée, monsieur le sénateur.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le secrétaire d’État, je n’aurais pas posé la question de cette façon si je n’avais pas fait l’objet d’une demande des services, pour que je fasse savoir de qui il s’agissait. J’avais donc l’espoir que vous étiez au courant et que l’on allait me répondre sur le problème précis de cette personne… Me voilà déçu !
Je veux simplement attirer votre attention sur un point : les motifs de refus qui m’ont été opposés sont parfaitement faux, voire ridicules, comme celui selon lequel l’enfant de deux ans n’aurait pas manifesté clairement son souhait de venir en France avec sa mère. C’est parfaitement stupide !
Il s’agit, et je l’ai dit au consul général, d’une famille parfaitement intégrée : la mère de cette personne est mariée avec un Français ; la fille de celle-ci est française, et le couple a un fils qui est brigadier-chef de gendarmerie. Parmi les exemples d’intégration, c’en est un bon !
S’agissant maintenant du fond de l’affaire, une certaine sous-traitance des demandes peut se comprendre, mais c’est là tout de même, me semble-t-il, une prérogative régalienne de l’État.
Le minimum voudrait qu’un examen soit porté après coup sur le travail effectué.
Or, si j’en juge par les réponses qui m’ont été faites, aucun contrôle n’est effectué. Je m’attendais à ce que l’on me donne des raisons ; ce ne fut pas le cas. Quant à la façon fort cavalière de me répondre – « Circulez, il n’y a strictement rien à voir » –, …
… il paraît que c’est une habitude au sein des services du Quai d’Orsay. Souffrez que je ne m’y fasse pas !
La parole est à M. Patrick Chaize, auteur de la question n° 326, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur la réglementation en vigueur en ce qui concerne l’utilisation des eaux provenant d’une source ou d’un captage réalisé en sous-sol, par les établissements de montagne accueillant des touristes.
Appréhendé sous ses angles économiques et sociaux, l’essor touristique a un impact fort en termes de développement. En s’incorporant au sein d’activités telles que l’artisanat et l’agriculture, le tourisme de montagne favorise en effet l’économie locale.
Conformément aux dispositions du code de la santé publique, les établissements qui accueillent des touristes doivent respecter des principes en matière de qualité des eaux destinées à la consommation humaine.
Toutefois, s’agissant spécifiquement des sites touristiques de montagne où les propriétaires d’auberges ou de gîtes utilisent l’eau prélevée dans le milieu naturel, il est constaté que l’application de la réglementation en vigueur varie d’un département à l’autre, ce qui ne va pas sans poser des difficultés à certains d’entre eux dans l’exercice de leur activité.
Dans ce contexte, je souhaiterais connaître la doctrine en la matière et les cas dérogatoires possibles.
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Monsieur Patrick Chaize, je vous prie tout d’abord d’excuser Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui ne peut être présente ce matin et qui m’a priée de la remplacer.
Vous avez appelé son attention sur la situation des accueils touristiques de montagne vis-à-vis du contrôle sanitaire des eaux. Vous l’avez rappelé, ces structures contribuent à l’essor touristique et économique des territoires de montagne que nos concitoyens, comme les visiteurs, redécouvrent, à juste titre, avec plaisir.
L’article L.1321-1 du code de la santé publique dispose : « Toute personne qui offre au public de l’eau en vue de l’alimentation humaine, à titre onéreux ou à titre gratuit et sous quelque forme que ce soit, y compris la glace alimentaire, est tenue de s’assurer que cette eau est propre à la consommation. »
Dans la mesure où les auberges et les gîtes de montagne sont des établissements recevant du public, ils sont soumis à la réglementation générale précitée.
Dans certains cas, ils peuvent ne pas être raccordés au réseau public de distribution d’eau potable et utiliser leur ressource en eau privée, sous réserve de plusieurs conditions : ils doivent tout d’abord disposer d’une autorisation préfectorale, puis respecter les exigences de qualité et se soumettre au contrôle sanitaire assuré par les agences régionales de santé.
Les seules exemptions à ces dispositions concernent l’utilisation d’eau en vue de la consommation à l’usage d’une famille et ne concernent en aucun cas les activités touristiques. L’application de ces règles n’a pas vocation à varier d’un département à l’autre.
Aussi, à la suite de votre sollicitation, les agences régionales de santé seront alertées sur ces disparités que vous indiquez.
Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse et de l’attention que vous portez à cette question, en donnant aux agences régionales de santé des directives en la matière.
Dans mon département, l’Ain, plusieurs cas ont montré que l’on ne pouvait plus s’adonner au tourisme de montagne, car le raccordement au réseau d’eau potable ne peut être réalisé pour des raisons de distance et de coût. Cela va jusqu’à l’interdiction de l’utilisation de l’eau pour la cuisine ou la vaisselle ! En conséquence, tous les établissements de tourisme de montagne ferment, ce qui est catastrophique, dans la mesure où, vous l’avez souligné vous aussi, cette économie est importante pour nos territoires et notre économie.
Je vous remercie de le rappeler avec insistance, afin que nous puissions continuer à accueillir des touristes dans de bonnes conditions.
La parole est à M. Franck Montaugé, auteur de la question n° 242, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, j’attire votre attention sur le mode de recrutement actuel des professeurs et des directeurs de recherche dans le domaine de l’économie.
Actuellement, le mode de recrutement marginalise les économistes qui ne s’inscrivent pas dans le cadre de la pensée économique dominante, encore dite « orthodoxe » ou mainstream.
Il y a là un sujet d’importance, parce que la tradition hétérodoxe française en économie est riche en diversité et a toujours participé au rayonnement international de la France. Certains de ses représentants avaient anticipé la crise financière de 2007-2008.
Les deux rapports de missions rendus en 2001 et 2014 préconisent que l’enseignement soit « incarné dans les faits, les politiques, l’histoire et les débats de société » et qu’il soit « proposé aux étudiants de premier cycle une formation pluridisciplinaire, avec spécialisation progressive, et plus tournée vers la compréhension des faits et des institutions économiques ».
Aujourd’hui, ce défaut de pluralisme se traduit aussi par une concentration des flux financiers vers les universités et les laboratoires approfondissant la pensée dominante, ce qui renforce également les inégalités territoriales.
Pour toutes ces raisons, de nombreux universitaires, notamment au sein de l’Association française d’économie politique, l’AFEP, proposent la création d’une nouvelle section, qui serait intitulée « économie, société et territoire », du Conseil national des universités, afin de valoriser les perspectives pluridisciplinaires et institutionnalistes dans l’enseignement de l’économie.
Ces économistes proposent également de créer une nouvelle section, « économie et sociétés », au sein du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, pour favoriser le pluralisme et la pluridisciplinarité de la recherche en économie. Sachant qu’un projet de décret dans ce sens a été élaboré, j’aimerais savoir, madame la ministre, quelles suites vous comptez donner à cette démarche.
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement, de la recherche et de l’innovation.
Monsieur Montaugé, la recherche en économie, qu’il s’agisse de micro-économie ou de macro-économie, a vocation à confronter les théories aux faits pour faire progresser la connaissance. À cette fin, tous les paradigmes de la discipline doivent pouvoir se confronter sur le terrain scientifique, et cela sans intervention politique. Une fois ce constat établi, vous conviendrez que la notion d’orthodoxie a peu de sens.
À cet égard, la recherche française en économie est dynamique, et cela est reconnu à l’échelle internationale. Je rappelle que Jean Tirole a reçu le prix de la Banque royale de Suède en mémoire d’Alfred Nobel en 2014, soit l’équivalent du prix Nobel en économie.
Sur le fond, la recherche économique actuelle s’illustre en France et dans son cadre institutionnel actuel par une ouverture croissante à l’interdisciplinarité, notamment aux apports des sciences humaines et sociales. Ce qui est vrai des sciences humaines l’est également des sciences exactes, le lien entre l’économie, les sciences cognitives ou les mathématiques n’étant plus à prouver.
Dans ces conditions, la création d’une nouvelle section, qui serait dédiée à l’économie « hétérodoxe » au sein du CNU ou du CNRS, n’aurait aucune plus-value. Il faut veiller à ce que le pluralisme devienne la règle, ce qui ne fera pas en séparant les tenants des différentes doctrines.
Permettez-moi de rappeler également qu’il existe à l’heure actuelle plus d’une trentaine de sections du CNU dédiées aux sciences humaines et sociales. C’est également le cas au CNRS, qui comporte plusieurs sections. Là encore, il s’agit non pas de cristalliser telle ou telle théorie par rapport à telle autre, mais bien de garantir à chacun de pouvoir exercer son métier de scientifique, qui est de confronter les faits aux théories, afin de faire progresser la connaissance.
C’est dans ce sens que Pierre-Cyrille Hautcoeur, directeur d’études en économie à l’École des hautes études en sciences sociales, l’EHESS, a remis en 2014 à Geneviève Fioraso un rapport relatif à l’enseignement de l’économie en France, rapport qui émettait déjà un avis négatif sur cette proposition. Cet avis a été confirmé par Jean Tirole, qui a eu l’occasion de s’exprimer publiquement sur ce sujet.
S’agissant de l’ouverture pluridisciplinaire du premier cycle universitaire en économie, cette filière bénéficiera comme les autres de la mise en œuvre de l’enseignement modulaire et capitalisable dans les conditions prévues par la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, mais aussi par le projet du nouvel arrêté de licence en cours de rédaction.
Ce nouveau cadre légal et réglementaire permettra à tous les étudiants en économie d’enrichir leur formation au contact d’autres disciplines.
Je vous remercie de cette réponse, madame la ministre, mais je ne partage presque aucun des arguments que vous avez développés ; j’y vois même des contradictions.
Vous citez M. Jean Tirole, éminent économiste ayant fait briller dans sa discipline les couleurs de la France. Celui-ci s’inscrit dans une démarche d’économistes tout à fait respectables, mais qui relève de la pensée dominante en la matière.
On a plus que jamais besoin, y compris pour notre démocratie, de pluralisme en matière de recherche et d’enseignement. Or le chemin que vous proposez n’est pas de nature à nous doter de tous les moyens nécessaires pour avancer sur cette question.
L’économie ne trouve pas en elle-même ses justifications. Comme d’autres, je pense que c’est la politique qui préside aux choix de société. Évidemment, l’économie a ses règles, ses paradigmes, comme vous l’avez dit, mais, encore une fois, la diversité et le pluralisme des expressions sont de nature à nous faire progresser.
L’organisation de nos sociétés, en particulier leur politique économique, ne passera pas par un seul chemin. C’est tout l’enjeu de la reconnaissance de ce courant dit « hétérodoxe » dont nous avons besoin. Je le dis d’ailleurs sans porter de jugement de valeur sur les paradigmes et les principes que ses tenants mettent en avant.
Cette reconnaissance est essentielle pour la vitalité de nos démocraties, et pas seulement la nôtre, puisque cette question s’inscrit dans un vaste espace, européen et mondial.
La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 319, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la situation tendue du groupe hospitalier du Havre, plus particulièrement de l’hôpital Pierre-Janet, qui en est l’hôpital psychiatrique.
Depuis le 16 juin dernier, les agents de l’hôpital psychiatrique Pierre Janet sont en grève pour dénoncer l’absence de moyens suffisants pour prendre en charge les malades. Ce mouvement, initialement circonscrit aux urgences, s’est étendu à tout le pôle psychiatrie et santé mentale du groupe hospitalier.
La situation critique dans laquelle se trouve l’établissement depuis plusieurs années conduit toutes les catégories de personnels soignants à tirer la sonnette d’alarme. En effet, le manque récurrent de personnel et l’absence d’investissements suffisants ne permettent plus d’accueillir les patients dans des conditions acceptables. Les urgences de nuit sont saturées, pour atteindre aujourd’hui un taux de 116 % de remplissage depuis plus d’une dizaine d’années.
Depuis 2016, le plan Psychiatrie et santé mentale, doté de 15 millions d’euros pour les cinq prochaines années, prévoit la réhabilitation des trois pavillons : Boréal, Alizé et Caravelle. Douze équivalents temps pleins ont été recrutés en 2017 et d’autres recrutements sont en cours. Malgré ces efforts, la situation demeure trop tendue et insuffisante pour que le service fonctionne normalement. De trop nombreux patients sont hospitalisés sur des matelas posés à même le sol, faute de lits en nombre suffisant.
L’ARS a été sollicitée pour un accompagnement financier et des moyens matériels supplémentaires, sans réponse à ce jour. De plus, la demande de visite sur place de la directrice de l’ARS pour constater de visu la situation est à l’heure actuelle toujours repoussée.
Madame la ministre, comme à Saint-Étienne-du-Rouvray, les personnels au Havre sont à bout. Ils peuvent difficilement travailler et prendre soin des patients dans les conditions actuelles. À la veille de l’été, ils attendent des mesures concrètes, fermes et immédiates.
Quels engagements pouvez-vous prendre pour les soulager et garantir un accueil et un suivi des patients de qualité ?
La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame Agnès Canayer, permettez-moi de nouveau d’excuser l’absence de Mme la ministre des solidarités et de la santé, qui m’a demandé de la remplacer devant vous.
Comme de nombreux établissements de santé, le service d’accueil des urgences du groupe hospitalier du Havre connaît une augmentation croissante du nombre des passages aux urgences. La direction de l’établissement a décidé d’augmenter le personnel, avec un poste d’infirmier d’accueil et d’orientation.
Par ailleurs, pour tenir compte des épisodes d’afflux saisonniers liés aux épidémies hivernales, l’agence régionale de santé accorde un financement spécifique depuis 2016 à l’établissement pour permettre des renforts temporaires durant la période hivernale, apport à hauteur de 500 000 euros en 2017.
Parallèlement, l’agence régionale de santé travaille avec les représentants des médecins libéraux et les établissements pour renforcer la démographie médicale en Normandie, déploie dans ce cadre des pôles de santé libéraux et ambulatoires et s’engage dans la mise en œuvre de communautés professionnelles territoriales de santé, qui ont notamment vocation à permettre d’améliorer la réponse aux demandes de soins non programmés en journée et, ainsi, de limiter l’impact sur les services d’urgence.
Le groupe hospitalier du Havre a également engagé des coopérations renforcées avec l’offre de soins de ville au sein du SAMU, avec une expérimentation de régulation diurne portée par l’Association médicale des urgences havraises.
Enfin, un nouveau cahier des charges de la permanence des soins ambulatoires sera adopté par la directrice générale de l’agence régionale de santé de Normandie dans les prochaines semaines. Élaboré en concertation avec les professionnels et établissements de santé, ce cahier des charges renforcera les moyens médicaux consacrés à la régulation téléphonique.
S’agissant de la psychiatrie, la direction de l’établissement a défini un plan d’action pour attirer et fidéliser des médecins psychiatres, repenser le rôle et la place des psychologues et des infirmiers, améliorer les conditions de travail des personnels et fluidifier les parcours des patients.
Vous l’avez rappelé, le groupement hospitalier du Havre a aussi élaboré un ambitieux projet de restructuration immobilière des activités de psychiatrie. Toutes ces mesures visent à améliorer le fonctionnement de cet établissement.
Le groupement hospitalier du Havre est néanmoins confronté à un mouvement de grève engagé par les organisations syndicales depuis plusieurs semaines. Il est essentiel que le dialogue social reprenne au sein de l’établissement sur le fondement de toutes les améliorations que je viens de mentionner.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Depuis plus de dix ans, le groupe hospitalier du Havre subit, de manière récurrente, une situation tendue – la chambre régionale des comptes a relevé ces difficultés dès son rapport de 2007. Ces tensions se sont propagées au service de psychiatrie, qui, aujourd’hui, est véritablement en état d’ébullition : les personnels campent sur le toit de l’établissement depuis plusieurs jours !
À l’origine, le mouvement était circonscrit aux infirmiers psychiatriques. Désormais, il concerne tous les personnels soignants, y compris les médecins, qui atteignent le stade de la saturation.
Or, face à ces difficultés, l’agence régionale de santé, l’ARS, n’apporte aucune réponse. Sa directrice refuse de venir sur place pour constater l’étendue des problèmes et pour engager le dialogue.
Aujourd’hui, nous sommes face à un dialogue de sourds, qui cristallise les positions des uns et des autres. Une main tendue et un effort de la part de l’ARS seraient de bon augure pour trouver une solution rapide à cette situation, certes très conflictuelle, mais tout à fait compréhensible.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, auteur de la question n° 343, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question a trait au projet de loi sur l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, ou projet de loi ÉLAN, dont la Haute Assemblée débattra dans quelques jours. Elle porte plus spécifiquement sur la réforme de l’urbanisme, dont on parle moins, parce que, par bien des aspects, elle se révèle très technique.
Certes, il faut souligner les réelles avancées accomplies par ce texte, par exemple pour la lutte contre les recours abusifs ou contre les marchands de sommeil. Toutefois, il est regrettable que ce projet de loi ne fasse pas davantage confiance aux élus locaux de nos territoires, à qui l’on va demander de construire plus, plus vite et moins cher ; dans le même temps, les bailleurs sociaux disposeront de moins de moyens pour le faire.
Surtout, les maires seront de plus en plus contraints par des prescriptions, notamment en matière environnementale, qui aboutissent à une raréfaction du foncier et à un allongement des délais dû à la complexité croissante que subit l’élaboration des documents d’urbanisme. Ces derniers sont soumis à de lourdes procédures de concertation et à des enquêtes publiques répétées.
Que comptez-vous faire pour résoudre cette contradiction ? Au-delà des procédures de simplification applicables aux zones d’aménagement concerté, les ZAC, lesquelles vont dans le bon sens, entendez-vous simplifier les documents d’urbanisme, notamment pour ce qui concerne les compatibilités entre les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, qui imposent souvent des élaborations très chaotiques ?
À ce titre, j’ai déposé deux amendements, qui seront examinés cette semaine en commission et, quelques jours plus tard, dans cet hémicycle.
Le premier amendement vise à limiter les règles de compatibilité entre les différents documents d’urbanisme aux seuls documents stratégiques des SCOT et des PLU, à savoir – excusez ces termes barbares ! –, pour le SCOT, le document d’orientation et d’objectifs, ou DOO, et, pour le PLUI, le projet d’aménagement et de développement durable, ou PADD, ainsi que les orientations d’aménagement et de programmation transversales sectorielles.
Le but est de raccourcir les délais de réalisation de ces documents et de donner davantage de souplesse aux maires en matière réglementaire.
Dans le même esprit, le second amendement tend à remettre au goût du jour les plans de secteur déjà prévus par la loi, mais peu usités.
Pour respecter la diversité des contextes locaux, en particulier dans les agglomérations comprenant à la fois des zones rurales, rurbaines et urbaines, je propose que l’on puisse adapter le mécanisme des plans sectoriels : ainsi, il serait possible de distinguer des zones de cohérence homogènes et, dès lors, de créer des plans de secteur permettant de mieux prendre en considération la diversité de nos territoires.
Ces plans de secteurs définiraient les conditions d’aménagement de chaque zone, en garantissant la prise en compte des qualités architecturales, urbaines et paysagères des espaces dans la continuité desquels s’inscrivent ces zones.
Monsieur le ministre, ma question est donc simple : qu’avez-vous prévu en ce sens ?
Monsieur le sénateur, j’ai bien entendu votre question, et je sais que, en la matière, nos objectifs sont les mêmes : nous avons eu tous deux, dans notre vie d’élu local, à mener des procédures de PLU et de SCOT.
Je suis parfaitement conscient des difficultés existant, notamment, pour la préparation d’un document comme le SCOT. Aujourd’hui, le nombre de procédures est excessif, et je l’ai très clairement indiqué lors de la préparation du projet de loi ÉLAN : il est indispensable de commencer les opérations de simplification.
Or, si ce projet de loi présente une caractéristique évidente, qui le distingue d’un certain nombre de textes législatifs antérieurs, c’est bien cet effort de simplification : il n’ajoute pas de nouvelles contraintes ou de nouvelles normes.
Vous posez, plus précisément, la question de la concordance entre les SCOT et les PLUI.
Compte tenu de mon expérience de président d’agglomération, je peux vous l’assurer : le jour où tout le territoire national sera couvert par des PLUI, l’existence même des SCOT pourra être mise en doute. On n’en aura plus nécessairement besoin. Néanmoins, nous n’en sommes pas là, pour les raisons techniques que vous connaissez.
Cette concordance pose un certain nombre de problèmes. Aujourd’hui, il faut que les PLUI soient compatibles avec les orientations du SCOT. Vous citez le cas de territoires à la fois ruraux, périurbains et urbains. Il s’agit en effet de situations particulièrement complexes.
Avec le projet de loi ÉLAN, nous avons déjà enclenché un certain nombre de simplifications de la procédure de SCOT. J’en suis conscient, il faut aller encore plus avant pour simplifier les dispositions en vigueur.
Il va sans dire que nous examinerons vos amendements avec intérêt. Cela étant, vous connaissez aussi bien que moi la difficulté à laquelle nous nous heurtons : on a accumulé tant de procédures diverses, tant de porter à connaissance pour l’édification des SCOT, qu’il est, aujourd’hui, particulièrement complexe de simplifier.
C’est là tout l’enjeu qu’ont en partage l’exécutif et le législateur.
La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour répondre à M. le ministre.
C’est un plaisir de pouvoir dialoguer avec un ministre qui connaît non seulement la réalité des cabinets ministériels, mais aussi la manière dont les documents d’urbanisme sont élaborés sur le terrain et les difficultés concrètes auxquelles sont confrontés les élus locaux, singulièrement les maires.
Monsieur le ministre, il me semble que nous sommes en phase quant au diagnostic. Bien sûr, le projet de loi ÉLAN contient déjà des avancées, mais il me semble que nous pouvons aller un peu plus loin.
Vous l’avez souligné, pour simplifier et raccourcir les procédures, il faut souvent écrire des textes un peu compliqués… Là est bien la difficulté. Mais j’essaierai de contribuer à ce travail, et j’espère bénéficier de votre écoute dans les jours qui viennent !
Mes chers collègues, en notre nom à tous, je tiens à saluer le conseil municipal des jeunes de Montauban, qui assiste à notre séance.
La parole est à Mme Sabine Van Heghe, auteur de la question n° 271, transmise à M. le ministre de la cohésion des territoires.
Monsieur le ministre, je souhaitais attirer l’attention de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les difficultés rencontrées par l’association La Vie active et par l’organisme d’HLM Habitat Hauts-de-France dans la réalisation d’une résidence adaptée pour personnes handicapées dans la commune de Hersin-Coupigny, dans le Pas-de-Calais.
Le terrain sur lequel doit se construire cette résidence se révèle être très pollué par les activités de son ancien propriétaire. Il s’agit d’un ancien site de la gare SNCF, racheté par la commune.
Dans le cadre de cette vente, une étude de sols avait conclu à l’absence de pollution. Ce terrain a ensuite été vendu à la société Habitat Hauts-de-France, afin de construire quarante et un logements sociaux. À l’occasion du lancement des travaux, en avril 2015, cette société a découvert une trentaine de fûts en très mauvais état, contenant des hydrocarbures et enfouis dans le sol, le terrain étant lui-même très pollué.
Habitat Hauts-de-France a procédé à l’évacuation d’une partie des fûts et à l’élimination des terres polluées, mais a fini par renoncer au chantier en raison du coût des travaux, qui atteignent déjà 600 000 euros.
Face à cette situation, des réunions de concertation ont été organisées, regroupant l’ensemble des protagonistes. Malgré une proposition de prise en charge de la dépollution à hauteur de 50 % par le bailleur social, la SNCF refuse tout accord, ce qui bloque cet indispensable projet s’insérant parfaitement dans le cadre du contrat d’intérêt national du bassin minier.
De plus, les objectifs de maintien à domicile des personnes handicapées, défendus par l’association La Vie active, méritent d’être soutenus, eu égard à l’excellence des actions de terrain menées par cet acteur depuis de nombreuses années. Je rappelle d’ailleurs que l’État a récemment missionné La Vie active pour la distribution de repas aux migrants.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître les initiatives que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour débloquer une situation qui n’a que trop duré. L’inaction du Gouvernement aussi n’a que trop duré, malgré mes différentes sollicitations, qui, depuis six mois, sont restées sans réponse…
Madame la sénatrice, je vous répondrai en faisant abstraction de votre conclusion – il ne me semble pas que la polémique fasse avancer les choses –, et à la place du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, lequel est chargé de ce dossier.
Si ce chantier n’évolue pas, c’est à cause d’un contentieux entre plusieurs parties, et je ne vois pas en quoi la responsabilité de l’État est impliquée, sinon pour faire avancer les choses – ce qu’il a bel et bien fait.
Pour résumer, la société Habitat-Picardie a acquis un terrain d’une superficie de 1, 44 hectare, qui appartient à la commune de Hersin-Coupigny. Cette acquisition avait pour objet la réalisation d’une opération de logements locatifs sociaux en deux tranches : vingt-six logements familiaux individuels et collectifs et une résidence sociale de seize logements pour personnes en situation de handicap, réalisée pour le compte de l’association La Vie active ; chacun reconnaît d’ailleurs que cette dernière fait un excellent travail.
Depuis 2016, un contentieux portant sur la dépollution du site oppose la société Habitat-Picardie à la SNCF, propriétaire historique du terrain, et à la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, que nos prédécesseurs ont créée avec le succès que l’on sait…
La SOVAFIM est propriétaire de ce terrain depuis plusieurs années. Les services du Gouvernement se sont tournés vers cette société, entreprise publique d’État, pour qu’une solution amiable puisse être trouvée. Par l’intermédiaire de son avocat, la SOVAFIM a proposé une transaction à la société Habitat-Picardie, pour sortir du contentieux et permettre la poursuite du projet. À cette fin, une rencontre a eu lieu avec l’association le 21 février dernier.
La société Habitat-Picardie n’a pas souhaité donner suite à cette démarche, mais elle a indiqué à l’association qu’elle s’engageait à reprendre la construction des logements envisagés.
La réalisation du projet mené par l’association La Vie active est donc liée à la procédure judiciaire en cours, mais l’opération reste, elle, inscrite dans la programmation prévisionnelle du logement locatif social pour les années 2020-2021. À cet égard, l’État joue son rôle et maintient son engagement. Toutefois, à ce jour, il ne peut trancher le contentieux qui oppose les parties.
Monsieur le ministre, dans le Pas-de-Calais comme partout en France, les besoins en établissements d’accueil pour personnes handicapées sont criants.
Je suis donc très étonnée de ce silence, ou plutôt de ces silences : celui de la SNCF, qui est tout de même responsable de la pollution en question, et celui de M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, lequel ne daigne pas répondre à un élu de la République qui le sollicite depuis six mois…
En tout état de cause, il faut sortir de cette impasse et dépolluer le terrain en question. Je demande à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, d’agir en médiateur, pour que nous dépassions ces difficultés.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, auteur de la question n° 375, adressée à M. le ministre de la cohésion des territoires.
En tant que rapporteur pour avis du programme 177 du budget, dont l’enveloppe comprend les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’évolution que connaît le financement de ces structures.
Monsieur le ministre, j’entends ici et là des rumeurs inquiétantes. Votre ministère aurait l’intention de supprimer 57 millions d’euros de crédits, dont 20 millions d’euros dès cette année.
Vous le savez, ces centres répondent aux besoins les plus élevés en matière d’accompagnement. Les publics ayants droit sont ceux qui cumulent les détresses les plus fortes. Le temps de prise en charge est même jugé trop faible par de nombreux professionnels.
Dès lors, il est difficile d’imaginer une diminution des moyens sans entendre les acteurs du terrain. En réduisant les crédits mis à leur disposition, vous leur imposerez d’offrir un service en deçà des besoins, ou vous les pousserez tout simplement à cesser leur activité.
Or de plus en plus de familles cumulent des difficultés de divers ordres. Ces dernières ne peuvent être corrigées qu’au sein d’établissements, avec un accompagnement humain permanent.
Si, comme le plan « Logement d’abord », votre projet de loi part du principe que ces familles pourront être locataires de logements privés ou publics avec un accompagnement modéré, nous n’obtiendrons plus de sorties positives.
Tous les acteurs pourront vous le dire : le programme 177 souffre depuis bien trop longtemps d’une sous-budgétisation chronique. Chaque année, nous votons des crédits inférieurs aux enveloppes consommées durant l’année en cours. Les besoins d’hôtellerie pour les migrants tout juste arrivés ou déboutés, comme pour les sans-abri, absorbent des crédits de plus en plus élevés. Mais on ne saurait couvrir ces besoins sur le dos d’autres publics déstabilisés. On ne peut opposer les uns aux autres.
Les services de l’État ont laissé entendre que cette restriction financière s’appliquerait à tous les établissements. Pis encore, ce couperet tomberait dès l’année 2018.
Nous sommes déjà au mois de juillet, et rien ne semble arrêté. Or, à l’exercice de leurs diverses missions, ces structures ont consacré du temps, des moyens et des personnels, qui ne se verront pas rétribués à la hauteur de leurs engagements.
Monsieur le ministre, j’attends, à l’instar des acteurs concernés, que vous fassiez un état de la situation et de vos orientations. Je compte sur vous pour défendre, comme ils le méritent, ces outils que sont les CHRS, auprès de Bercy.
Monsieur Morisset, je vous entends, et je fais plus que vous entendre, au quotidien, pour défendre ces structures et, plus largement, la politique d’hébergement d’urgence.
Je vous rappelle très simplement que l’effort assumé en la matière n’a jamais été si élevé qu’en 2018 : jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a consacré autant de moyens à l’hébergement d’urgence que nous ne l’avons fait au cours des derniers mois. Je ne dis pas que cet effort est suffisant pour régler tous les problèmes, mais il est bel et bien inédit ; voilà la réalité.
De plus, vous l’avez noté en tant que rapporteur : au cours des dernières années, on ne peut pas dire que ce sujet ait bénéficié d’une totale sincérité budgétaire…
M. Jean-Marie Morisset acquiesce.
À ce jour, il existe 783 CHRS, qui représentent un parc de 44 000 places. Ils sont financés par une dotation annuelle de fonctionnement versée par l’État à l’issue d’un débat contradictoire.
Cet échange est en cours. Que se passe-t-il concrètement ? Nous mettons en œuvre des tarifs plafonds, et pour cause, nous avons constaté, comme vous, des inégalités de financements et de coûts tout à fait considérables entre les différentes structures.
Aussi, nous souhaitons fixer un plafond pour les établissements dépassant le coût moyen par place. Cette politique me semble raisonnable, et elle est aujourd’hui mise en œuvre par nos services. Le plafond en question est fixé à 5 % au-dessus des coûts moyens constatés, et une convergence est prévue sur une période de quatre ans.
À mon sens, cette action va dans l’intérêt d’une bonne gestion de ces structures et d’un bon usage des financements de l’État, qui, au cours des années à venir, continueront évidemment de connaître la pression constatée sur le terrain.
Bien sûr, il est nécessaire de maintenir les crédits au plus haut niveau. Mais il faut également s’assurer qu’ils sont employés le mieux possible, dans les meilleures conditions.
La parole est à M. Jean-Marie Morisset, pour répondre à M. le ministre.
Monsieur le ministre, je n’ignore pas l’important effort budgétaire accompli en 2018, par rapport à 2017 : les crédits du programme 177 ont augmenté de 12 %. Sauf erreur de ma part, cette hausse est une première depuis dix ans !
En revanche, lorsque j’observe ce qui a été réalisé l’année dernière – les données viennent d’être publiées –, j’observe que, malgré cette augmentation, nous restons, à ce jour, sous les chiffres de 2017.
Je ne suis pas contre l’instauration de plafonds. Il semble effectivement nécessaire de revoir le budget de fonctionnement de chacun des CHRS sur la base de l’indice national des coûts. Il est raisonnable de réduire les crédits des établissements situés au-dessus du plafond. Mais j’ai cru comprendre que les centres figurant sous ce montant moyen seraient, eux aussi, pénalisés par les réductions budgétaires annoncées : 20 millions d’euros en 2018, quelque 12, 5 millions d’euros en 2019, quelque 12, 5 millions d’euros en 2020 et quelque 12, 5 millions en 2021.
Il faut être attentif à cette évolution, mais nous aurons l’occasion d’en reparler en examinant le prochain projet de loi de finances.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, auteur de la question n° 360, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Monsieur le secrétaire d’État, l’aménagement du triangle de Gonesse, dont le projet Europa City constitue la première phase, répond à une attente forte des Valdoisiens et de leurs élus.
Ce projet, développé par l’opérateur de l’État Grand Paris Aménagement, dans le cadre d’une zone d’aménagement concerté constituée par arrêté du préfet du Val-d’Oise en 2016, est susceptible de créer 50 000 emplois et d’accélérer le développement économique de ce territoire, où sont situées trois des cinq communes les plus pauvres d’Île-de-France.
Toutefois, l’avenir de ce projet est foncièrement lié à la desserte du site par la ligne 17 du métro automatique du Grand Paris. Cette ligne réduira le temps de trajet entre Roissy et Paris et desservira plusieurs territoires des trois départements qu’elle traversera. Elle permettra ainsi d’améliorer les conditions de mobilité des Valdoisiens et de faciliter leur accès à l’emploi.
Or le Gouvernement semble vouloir retarder la construction de cette ligne.
Certes, la loi de finances pour 2018 a définitivement acté le prêt de 1, 7 milliard d’euros par l’État au consortium chargé de la construction de la liaison du Charles de Gaulle Express, laquelle est destinée aux touristes et aux voyageurs d’affaires, entre l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle et la gare de l’Est. Mais cette ligne ne desservira pas les territoires qu’elle traversera.
Pourtant, dans son discours de Bobigny, en 2016, le Président de la République déclarait : « La France des quartiers est aujourd’hui assignée à résidence, alors qu’elle veut réussir. »
Aujourd’hui, la facture du Grand Paris Express explose. Dès lors, certains axes semblent être remis à plus tard, notamment la ligne 17. Alors que la mise en service de la ligne était prévue dès 2024 jusqu’à l’aéroport Charles de Gaulle, et en 2030 jusqu’au Mesnil-Amelot, la nouvelle feuille de route du Grand Paris Express, dévoilée en février dernier, annonçait que les appels d’offres allaient être prochainement lancés pour vérifier la faisabilité technique d’une mise en service jusqu’au Bourget Aéroport à partir de 2024. La ligne ne devrait donc atteindre le triangle de Gonesse qu’en 2027 et l’aéroport Charles de Gaulle qu’en 2030 !
Monsieur le secrétaire d’État, quelle est votre position sur ce dossier ? Comment comptez-vous permettre au Val-d’Oise de disposer de toutes les clés nécessaires à son développement économique ?
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. Sébastien Lecornu, secrétaire d ’ État auprès du ministre d ’ État, ministre de la transition écologique et solidaire. Madame Eustache-Brinio, la ministre des transports, Élisabeth Borne, m’a chargé de répondre en son nom à cette question qui, comme celle que s’apprête à poser M. Bazin, me permet de replonger quelques instants dans mon département de naissance !
Sourires.
Le Gouvernement a annoncé un nouveau calendrier pour la réalisation du Grand Paris Express. Une partie de la ligne 17, que vous avez mentionnée, est concernée par ce rephasage. Ainsi, le Grand Paris Express arrivera en 2027 au triangle de Gonesse et en 2030 au Mesnil-Amelot. Le projet a donc pu être confirmé dans son intégralité, selon un échéancier désormais crédible et réaliste.
Le budget consacré à la seule ligne 17 sera d’environ 40 millions d’euros en 2018 et de près de 900 millions d’euros d’ici à la fin du quinquennat.
Tous ces éléments témoignent de l’engagement du Gouvernement pour la réalisation de cette infrastructure. Le Grand Paris Express accompagnera ainsi pleinement le projet d’aménagement du triangle de Gonesse, dont pourrait faire partie Europa City.
Comme vous l’avez rappelé, le projet d’aménagement lui-même a pris un peu de retard. Le rephasage de l’arrivée de la ligne 17 au triangle de Gonesse ne nuira donc pas à la dynamique de développement de cette zone.
En outre, une ligne de bus à haut niveau de service a récemment été créée entre la gare d’Arnouville, sur le RER D, et la gare du parc des expositions de Villepinte, sur le RER B. Elle dessert le site du triangle de Gonesse et offre ainsi aux Valdoisiens de nouvelles possibilités de déplacement, qui seront encore renforcées par la réalisation de la ligne 17.
Enfin, il est important de ne pas opposer le Charles de Gaulle Express au Grand Paris Express, ou à tout autre projet de transports collectifs. Ces infrastructures répondent à des objectifs différents et sont donc parfaitement complémentaires. Certaines sont adaptées aux transports du quotidien, et donc financées sur fonds publics. Quant au Charles de Gaulle Express, il constitue, comme de nombreux aéroports internationaux, une infrastructure de transports destinée aux passagers aériens, et donc payée à son coût complet par ces derniers.
La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le secrétaire d’État, j’entends bien les précisions que vous m’apportez et je vous en remercie. Toutefois, je vous rappelle que les Valdoisiens participent au financement de la ligne 17 : depuis plusieurs années, ils ont déjà donné plusieurs dizaines de millions d’euros au titre d’une taxe spéciale.
On ne peut pas demander aux élus du Val-d’Oise de se montrer particulièrement actifs pour construire des logements et pour accueillir une population nouvelle sans aider le département à accéder à des moyens de transport dignes de ce nom.
Faute de transports, le développement économique, les créations d’emplois et les mobilités sont aujourd’hui bloqués dans ce département : pourquoi les élus du Val-d’Oise feraient-ils toujours plus d’efforts pour répondre aux attentes du Gouvernement en matière de logement si l’on enferme dans ce département les populations qui s’y trouvent ?
Nous vivons des situations difficiles. Je vous rappelle que le Val-d’Oise est le seul département d’Île-de-France qui n’est pas relié au périphérique. Ainsi, quand les RER ne fonctionnent pas, il faut compter une heure et demie à deux heures pour venir travailler à Paris. Bref, les élus du département vous disent : pas de transports, pas de logement !
La parole est à M. Arnaud Bazin, auteur de la question n° 378, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je vais vous parler, moi aussi, de l’enfermement que subit le département du Val-d’Oise, lequel est décidément bien mal loti en ce moment.
Le 15 mai dernier, un mur de soutènement en terre armée de l’autoroute A15 s’effondrait sur le territoire d’Argenteuil. Il s’agissait d’un accident matériel, qui illustre le manque d’entretien du patrimoine autoroutier de l’État.
L’effet de cet incident grave fut immédiat, compte tenu de la situation stratégique de cet ouvrage de l’A15, juste à l’entrée du viaduc de Gennevilliers dans le sens Cergy-Paris.
L’A15 supporte 190 000 véhicules par jour. Je vous laisse imaginer les conséquences de la fermeture complète, pendant quatre jours, des quatre voies qui permettent de franchir la Seine en direction de l’A86 et de Paris : des embouteillages sans précédent se traduisant par une paralysie totale d’Argenteuil, Saint-Gratien et Enghien ; des répercussions sur la Francilienne, la RN184 et toute la moitié nord de l’Île-de-France !
À partir du samedi 19 mai, deux voies sur quatre de l’autoroute A15 ont pu être rétablies. À ce jour, elles restent les seules ouvertes.
Les premières études ont rendu leur verdict : aucun retour à la normale n’est attendu avant le début de l’année 2019. L’appel d’offres doit se dérouler cet été, et les travaux, qui sont censés débuter en octobre 2018, auraient lieu essentiellement l’hiver prochain.
Les Valdoisiens et les entreprises, notamment nombre de petites et moyennes entreprises du bâtiment et des travaux publics, sont encore durement touchés par les répercussions des importants allongements des temps de parcours.
L’A15 et le viaduc de Gennevilliers sont un point de passage stratégique pour le sud et l’ouest de notre département. Face à l’extrême gravité de cette situation, qui s’installe dans la durée, un collectif d’élus, d’entreprises, et d’usagers s’est constitué le 27 juin dernier.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite savoir si l’État a bien pris conscience de l’impact économique et humain de cette situation sur notre territoire ; si l’État a bien prévu dans la procédure d’urgence de son appel d’offres que la réduction du délai des travaux constitue un critère déterminant dans le choix des entreprises et l’examen de variantes techniques, lesquelles peuvent avoir une forte influence sur la date de rétablissement de la circulation sur l’A15 ; enfin, si l’État est prêt à assurer la transparence sur ce dossier.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur Arnaud Bazin, vous avez rappelé la situation dont il s’agit : une partie du mur de soutènement de l’autoroute A15 s’est effondrée le 15 mai dernier, en amont du viaduc de franchissement de la Seine, à Argenteuil.
Pour des raisons de sécurité, la circulation en direction de Paris a été totalement interrompue sur ce viaduc, puis partiellement rétablie sur deux voies dès le 19 mai.
Depuis lors, la direction des routes d’Île-de-France, la DRIF, a bien entendu mené des interventions quotidiennes pour éviter tout affaissement nouveau et sécuriser les interventions de réparation. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage aux agents du service public qui se sont investis sur ce chantier. Les travaux de réparation du remblai et de la chaussée commenceront dès la fin de l’été et devraient durer jusqu’au printemps de 2019.
Que s’est-il passé précisément ? À ce jour, les investigations réalisées ont mis au jour des infiltrations d’eau dans une partie du mur de soutènement, conduisant à une corrosion de ses armatures, qui ont soudainement rompu.
Pouvait-on anticiper cet accident ? Sachez que le patrimoine des ponts et murs du réseau routier national, non concédé en Île-de-France, est surveillé selon une méthodologie précise, comprenant la visite annuelle de chaque ouvrage et une inspection technique régulière, menée tous les trois ans.
La dernière évaluation du mur de l’A15, en 2016, ne faisait apparaître aucun risque de dégradation et aucun défaut visible de stabilité nécessitant un entretien d’urgence. L’inspection détaillée périodique des éléments du mur était prévue pour 2019.
Que compte faire le Gouvernement pour éviter de telles situations ? Le rapport du Comité d’orientation des infrastructures, remis en février dernier, insiste justement sur les priorités que constituent l’entretien et la régénération du réseau routier national non concédé ainsi que la modernisation de son fonctionnement.
Pour mettre un terme à la dégradation du réseau, l’effort budgétaire consenti depuis 2015 doit être amplifié et stabilisé sur la durée. En 2018, un peu plus de 800 millions d’euros seront consacrés à l’entretien et à l’exploitation du réseau, un chiffre à comparer aux 670 millions d’euros dépensés en moyenne annuelle ces dix dernières années. L’effort budgétaire est donc considérable.
En augmentant progressivement le budget annuel d’entretien et d’exploitation, on pourra engager, dès 2020, un plan de sauvegarde des chaussées, des ouvrages d’art et des équipements du réseau routier national non concédé. Ce plan fixera des objectifs quantitatifs d’amélioration du réseau à échéances quinquennales en 2022, 2027, 2032 et 2037.
Sachez en tout cas, en tant qu’ancien président du conseil départemental, que, sur ce dossier, le cabinet de la ministre des transports se tient à votre entière disposition, ainsi qu’à celle de l’ensemble des élus du Val-d’Oise.
La parole est à M. Arnaud Bazin pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de ces précisions sur l’état du patrimoine de l’État en matière d’ouvrages d’art et sur vos intentions. Mes questions étaient toutefois plus centrées sur le dossier du Val-d’Oise.
J’attends de la ministre chargée des transports qu’elle donne des instructions à son administration, afin, d’abord, que les services routiers du département du Val-d’Oise, qui sont prêts à collaborer avec ceux de l’État, soient sollicités. Ils ont été quelque peu oubliés au début de cette crise, ce qui a donné lieu à des inconvénients regrettables, comme la détermination d’itinéraires de déviation non pertinents.
Ensuite, j’espère que le préfet du Val-d’Oise fera preuve de transparence sur la question des délais et des variantes envisagées pour réparer cet ouvrage, parce que cette situation est vraiment intenable, au point que notre territoire apprécierait vraiment de gagner seulement une semaine !
Je forme également le vœu que les services de l’État fassent preuve de sympathie et de bienveillance envers les entrepreneurs qui risquent de se trouver en difficulté, car nombre d’entre eux vont travailler dans la petite couronne ou dans Paris.
Enfin, j’espère que l’administration a vraiment pris conscience de l’extrême gravité des conséquences de cette situation particulièrement difficile, pour les habitants et pour les acteurs économiques de l’ensemble du département du Val-d’Oise.
La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 379, adressée à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports.
Je veux attirer l’attention de Mme la ministre sur la nécessité de voir se réaliser le prolongement de la ligne 11 du métro de Rosny-sous-Bois à Noisy-Champs.
Si le dossier de la liaison des Lilas à Rosny-sous-Bois, commune de Grand Paris Grand Est, a avancé, la suite du parcours semble plus incertaine, alors que ce projet est acté par le décret n° 2011-1011 du 24 août 2011, qui approuve le schéma d’ensemble du nouveau réseau de transports en commun du Grand Paris.
Si ce tronçon du Grand Paris Express ne voyait pas le jour, de nombreux projets immobiliers et zones d’activités pourraient en pâtir : les projets Maison-Blanche et Ville-Evrard, avec 7 000 logements à Neuilly-sur-Marne, plus de 2 000 logements prévus à Villemomble, près de 3 000 logements à Champs-sur-Marne, le projet de rénovation urbaine des Fauvettes, dans lequel 150 millions d’euros ont été investis, ainsi que les zones d’aménagement concerté, ou ZAC, de Noisy-le-Grand.
Pour rappel, ces projets de construction dans le parc social comme privé ont été lancés sur la base de l’engagement de l’État, qui n’a cessé de demander leur exécution. Or les futurs bâtiments ne pourront accueillir de nouveaux habitants ou de nouvelles entreprises dans de bonnes conditions que si leur desserte est assurée.
Aussi, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir m’indiquer de façon claire et précise comment le Gouvernement compte s’engager pour réaliser ce projet de prolongement de la ligne 11, qu’il a lui-même validé.
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Roger, permettez-moi d’excuser l’absence de la ministre des transports, qui m’a confié la charge de répondre à votre question.
Le prolongement de la ligne 11 de Rosny-Bois-Perrier à Noisy Champs appartient au réseau complémentaire du Grand Paris Express. Il a été introduit dans le schéma d’ensemble établi par la Société du Grand Paris au titre des réseaux structurants. Il relève donc non pas de la maîtrise d’ouvrage de la Société du Grand Paris, mais de celle d’Île-de-France Mobilités.
Le tracé de ce prolongement comporte une fourche à partir de Rosny-Bois-Perrier, avec une branche en direction de Champigny et une autre en direction de Noisy-Champs. Lors de la définition du schéma du nouveau Grand Paris, en mars 2013, l’option visant à réaliser cette seconde branche sous la forme d’un prolongement de la ligne 11 avait été envisagée, sous réserve d’études approfondies.
Île-de-France Mobilités a donc confié à l’Institut d’aménagement et d’urbanisme une mission en vue d’actualiser les données sociodémographiques prises en compte pour les études de ce prolongement, en lien avec les communes concernées. Ce travail a conduit à une légère amélioration des résultats, qui restent, malgré tout, négatifs d’un point de vue socio-économique.
Face à des choix qui engagent des investissements publics importants, la démarche d’Île-de-France Mobilités, qui consiste à en évaluer la pertinence, apparaît légitime ; il lui revient de se prononcer sur leur opportunité. Pour autant, il convient d’assurer dans les meilleures conditions possible, la desserte de ces territoires, en particulier au sud-est de la Seine-Saint-Denis.
L’État, monsieur le sénateur, y sera attentif et y prendra sa part, notamment dans le cadre du contrat de plan État-région.
La parole est à M. Gilbert Roger pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Le projet initial de cette desserte était de faire passer la ligne 15 Est du Grand Paris Express à Neuilly-sur-Marne, par Villemomble, avant de rejoindre Noisy-le-Grand et l’intersection.
Le Gouvernement et la société du Grand Paris ont finalement privilégié un autre trajet pour cette ligne et ont lancé l’étude du prolongement de la ligne 11. En conséquence, nous nous retrouvons sans aucune solution. Ce n’est pas une bonne méthode de travail avec les collectivités territoriales, qui, une fois de plus, sont méprisées.
La parole est à Mme Viviane Artigalas, auteur de la question n° 388, adressée à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
M. le ministre a transmis à la Commission européenne une liste d’ouvrages hydroélectriques qui pourraient être proposés à l’ouverture à la concurrence. Sur quatre cents barrages, cent cinquante pourraient ainsi être soustraits à la gestion d’EDF d’ici à 2022.
L’article 126 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique prévoit pourtant que, dans le cas d’investissements importants réalisés par les opérateurs industriels, les ouvrages ne peuvent être soumis à la concurrence.
Or la Commission européenne conteste cette disposition et exige que la France renouvelle ses concessions hydrauliques, sous prétexte que la situation existante nuit à la concurrence auprès des clients finaux. Je rappelle que plus d’un million de nos concitoyens ont changé de fournisseur en 2017, preuve que la concurrence sur le marché de l’électricité existe déjà.
Par ailleurs, les concessions hydroélectriques participent d’un service public d’intérêt général : l’accès à l’électricité, qui est un bien de première nécessité pour tous nos concitoyens et qui doit donc rester une compétence exclusivement française.
Cette ouverture à la concurrence menace également la gestion des multiples usages de l’eau, avec toutes les conséquences que cela peut avoir en termes environnementaux et sociaux, suscitant des craintes quant aux autres spécificités et fonctions des barrages, telles que la sécurité, l’irrigation des cultures, l’alimentation en eau potable, la gestion des crues, l’approvisionnement des industries, le tourisme, ainsi que des inquiétudes sur le maintien des emplois directs et indirects locaux.
Une telle décision risque, notamment, de compromettre le développement, voire la sécurité sanitaire, de la région Occitanie, déjà confrontée à un problème majeur de ressources en eau dans les années à venir.
S’il doit y avoir une mise en concurrence, il faut que les opérateurs historiques soient traités avec équité. Or nous avons l’impression que ce n’est pas le cas. Ma question est donc simple. Le Gouvernement peut-il éclairer les élus sur ce qu’il compte faire à ce sujet ?
La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Viviane Artigalas, merci de cette question sur l’hydroélectricité.
Vous le savez, le Gouvernement soutient totalement cette énergie renouvelable flexible et compétitive, qui est importante à la fois pour notre système électrique, afin qu’il atteigne ses objectifs de développement des énergies renouvelables, et pour le développement économique de nos territoires. De plus il s’agit d’une énergie pilotable, qui participe donc pleinement de la transition énergétique.
Le droit français, en conformité avec le droit européen, prévoit que les concessions hydroélectriques échues doivent être renouvelées par mise en concurrence. Cette situation est désormais ancienne, nous en héritons. La loi relative à la transition énergétique et ses textes d’application ont justement réformé le cadre du renouvellement des concessions électriques, en prévoyant la possibilité, pour les collectivités locales, d’être associées à la concession, notamment via des sociétés d’économie mixte hydroélectriques, des SEMH.
L’option de regrouper des concessions hydrauliquement liées pour faciliter leur exploitation et favoriser la sûreté répond à une demande des élus locaux, mais également du corps préfectoral pour la gestion des vallées.
De nombreux échanges ont lieu avec la Commission européenne, afin de parvenir à une mise en œuvre équilibrée de ces dispositifs, qui me semblent faire consensus chez nous. Néanmoins, un accord n’a pu être trouvé à ce stade.
Bien entendu, le Gouvernement compte poursuivre les discussions dans le même état d’esprit : la prise en compte de l’ensemble des enjeux et de l’intérêt public. L’objectif est d’aboutir rapidement à une sortie du statu quo, qui nuit aux investissements dans le secteur pour chacun des ouvrages et constitue une source d’incertitude pour les entreprises, pour les salariés et pour les collectivités territoriales concernées.
Le Gouvernement continuera donc à défendre les regroupements de concessions indispensables à la cohérence des vallées, les projets de prolongation transmis à la Commission et la possibilité, pour EDF, de participer au processus de mise en concurrence. Madame la sénatrice, vous savez que ce dernier point est particulièrement important, vous qui connaissez bien ce dossier.
Le Gouvernement a pris conscience des inquiétudes des salariés et des élus – je suis d’ailleurs allé moi-même à leur rencontre –, mais la remise en concurrence est une politique nationale que nous souhaitons mener. On s’y dérobe depuis des années, et il faut trancher ce problème, afin d’optimiser la gestion de nos barrages et de relancer l’investissement, tout en redistribuant des ressources financières vers les différents territoires.
Le statut des personnels sera préservé dans tous les cas – il faut le dire encore, puisque des inquiétudes peuvent naître ici ou là – et les cahiers des charges devront prévoir la reprise des personnels par le nouvel exploitant, le cas échéant.
Je rappelle enfin un fait intangible : les barrages appartiennent et continueront d’appartenir à l’État, et nous devons les valoriser comme tels.
Les discussions se poursuivent avec la Commission, nous aurons l’occasion d’en tenir le Parlement informé.
La parole est à Mme Viviane Artigalas, pour répondre à M. le secrétaire d’État.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, mais elle ne me satisfait pas tout à fait.
Je rappelle que les grands barrages des Pyrénées, du Massif central et des Alpes sont à la base de notre politique énergie énergétique d’électrification, qu’ils font partie du patrimoine industriel national et qu’ils doivent donc rester français.
En outre, vous l’avez dit, miser sur l’énergie hydraulique s’inscrit pleinement dans une perspective d’évolution vers les énergies renouvelables. EDF et les opérateurs historiques ont fait leurs preuves dans ce domaine.
Pour ces deux raisons, il me semble important, en tant qu’élue de territoire, que les opérateurs historiques gardent la main sur notre production hydroélectrique, afin de préserver certaines garanties.
Dans ma commune des Pyrénées, EDF gère deux barrages. Elle en assure surtout la sécurité en y réalisant, malgré la perspective de la remise en concurrence, des investissements importants. En 2013 comme cette année, ces ouvrages ont assuré une régulation des crues, grâce à la gestion d’EDF, qui a produit sans besoin, de manière à limiter les inondations.
Les élus de mon territoire, qui connaissent bien cette gestion d’EDF, souhaitent que notre opérateur ne perde pas la maîtrise de ces ouvrages. C’est très important pour nous, et vous devez l’entendre.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 258, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Je devais recevoir la réponse de Mme Agnès Buzyn, puis de M. Jean-Michel Blanquer, mais il semble, monsieur le secrétaire d’État, que vous alliez hériter de la lourde tâche de vous exprimer en matière de santé publique !
Lors des multiples grèves du secteur hospitalier et médico-social, les hôpitaux psychiatriques ont dénoncé la dégradation de leurs conditions de travail et de l’accueil des patients, ainsi que le manque patent de moyens.
La discipline connaît une paupérisation d’ampleur, alors même que les besoins ne cessent de croître. Entre 2010 et 2016, quelque 300 000 personnes supplémentaires ont en effet été suivies en psychiatrie ! Faut-il évoquer la nécessité de prévenir et de soigner les enfants souffrant de troubles ? Ceux-ci concernent un enfant sur dix, en France – je voulais en parler au ministre de l’éducation nationale.
Pourtant, les budgets alloués au secteur régressent, si j’en juge par la décision prise récemment de neutraliser la hausse du forfait journalier hospitalier.
Depuis cinq ans, cinq rapports ont été rendus sur la situation, dont celui d’une mission d’information du Sénat, le 4 avril 2017, auquel j’ai pris part, consacrée à la situation de la psychiatrie.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l ’ éducation nationale, prend place au banc du Gouvernement.
Les auteurs de chacun de ces rapports répètent les mêmes constats et débouchent sur les mêmes recommandations : manque de personnel, désaffection du secteur, avec 25 % de postes vacants, et nombre des lits insuffisant. Les soins psychiatriques sont réduits à la prise en charge d’urgence, le recours à la chambre d’isolement s’accroît, conduisant la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté à évoquer « des pratiques indignes ».
Le 26 janvier dernier, Mme la ministre a annoncé douze mesures en faveur de la psychiatrie. Si elle a indiqué ainsi la volonté du gouvernement de préserver les moyens, elle n’a pas évoqué d’augmentation des budgets dédiés, y voyant une solution de facilité. Elle appelle à une meilleure organisation des professionnels et des services concernés, alors que celle-ci est déjà mise en œuvre.
Face à cette situation, quelles solutions concrètes le Gouvernement entend-il proposer pour améliorer la situation de la psychiatre ?
Madame Blondin, comme vous le soulignez, la santé mentale est un déterminant essentiel de la santé, sur lequel il faut évidemment agir le plus en amont possible. Cette question est certainement insuffisamment prise en compte dans notre pays jusqu’à présent, et la psychiatrie a été laissée à l’écart des différentes réformes.
Le Gouvernement s’engage à changer de stratégie. La ministre des solidarités et de la santé a présenté, le 28 juin 2018, lors de l’installation du nouveau comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, une feuille de route très ambitieuse, dont l’un de ses axes vise précisément à garantir des parcours de soins coordonnés et soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité.
Pour organiser les parcours de soin des patients, chaque territoire devra se doter d’un projet territorial de santé mentale, auquel participeront tous les acteurs de l’organisation territoriale.
Pour concrétiser ces ambitions, la ministre porte une attention particulière aux moyens de la psychiatrie, notamment de la pédopsychiatrie, qui est une discipline trop délaissée. Elle souhaite ainsi accroître le nombre de professionnels formés. Cela passe par les effectifs dévolus à la psychiatrie, mais aussi par le renforcement de la formation des médecins généralistes dans le champ de la santé mentale. Il faut promouvoir l’accès à des stages de formation en psychiatrie des étudiants en deuxième et troisième cycle.
Par ailleurs, un travail sur les pratiques avancées en psychiatrie sera réalisé. Enfin, la ministre souhaite résolument développer la recherche dans cette spécialité.
Afin que soient adaptées les ressources, une réflexion a été engagée début 2018 avec les agences régionales de santé pour concevoir des critères de modulation interrégionale. Celle-ci a déjà conduit à un renforcement de la dotation de trois régions historiquement sous-dotées. Parallèlement, des travaux sont menés sur la réforme des modes de financement. Il faut faire en sorte que les établissements de santé mentale soient incités à s’inscrire dans des démarches de qualité.
Cette feuille de route traduit l’ambition de ce gouvernement en faveur de la psychiatrie, afin de garantir à cette discipline la juste place qu’elle mérite au sein de notre système de santé.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces annonces, qui sont récentes, puisqu’elles datent du 28 juin dernier, disiez-vous.
Des comités de pilotage ont été organisés et une assemblée des établissements en santé mentale, qui en regroupe plus de deux cent vingt, avait émis des propositions pour lutter contre tous les manques dont souffre ce secteur.
Vous avez souligné avec pertinence, et j’ai bien pris note de vos propos, monsieur le ministre de l’éducation nationale, la question de la santé à l’école. Vous avez évoqué la prise en charge des problèmes de souffrance psychique des enfants – ils touchent un enfant sur dix en France – qui les empêchent d’acquérir les connaissances voulues et qui constituent un frein à leur apprentissage. J’aurais également souhaité vous parler des pratiques avancées, que vous avez évoquées en psychiatrie et qui existent également en médecine scolaire.
En tout cas, monsieur le ministre, il faut absolument que vous souteniez les établissements de santé mentale, non seulement par des mots, mais aussi par des actes et par des moyens.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, auteur de la question n° 254, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Ma question concerne le financement des services municipaux de médecine scolaire.
La médecine à l’école connaît une anémie profonde, qui conduit à une prise en charge inégale des élèves. En dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de près d’un tiers. Si 57 % des enfants sont vus par un médecin pendant leur scolarité, l’amplitude des visites varie de 0 % à 90 % selon les départements. Vous-même, monsieur le ministre, avez reconnu, lors d’une audition au Sénat, que la visite médicale « n’était pas une réalité pour tous les élèves de France ».
Nous sommes donc d’accord sur le constat. Notre approche diffère toutefois quant à la solution proposée. Vous souhaitez mobiliser la protection maternelle et infantile, ou PMI, et les médecins libéraux. Je vous propose une autre solution, simple et efficace, qui est déjà mise en application dans onze villes, parmi lesquelles Villeurbanne, Antibes, Bordeaux, Rennes, Grenoble, Vénissieux ou Lyon, qui disposent d’un service de médecine scolaire. Ceux-ci répondent aux besoins des enfants, qui sont parfois dans des situations de grande pauvreté.
Cette prévention bénéficie aux enfants, mais aussi à la société tout entière : détectées plus tôt, certaines pathologies sont mieux traitées, alors qu’elles coûteraient plus cher, notamment à l’État, si elles étaient diagnostiquées plus tard.
Aujourd’hui, ces services municipaux sont pourtant sur la sellette. Leur situation révèle une double inégalité : inégalité dans la prise en charge des enfants quand l’État gère le service de médecine scolaire, mais aussi inégalité financière entre les communes, dont certaines se substituent à l’État. Certes, ces dernières sont volontaires, mais pas à n’importe quel coût. Celui de la prise en charge par l’État a été évalué à près de 40 euros par enfant et par an, mais l’État verse une subvention moyenne de 9, 50 euros seulement aux onze villes volontaires.
Ma question est simple, monsieur le ministre : le Gouvernement entend-il revaloriser ces subventions à hauteur du coût de la prestation ?
Monsieur Devinaz, comme vous l’avez dit au début de votre intervention, nous sommes d’accord sur le constat. Le grand objectif est notamment de parvenir à la visite médicale systématique pour tous les enfants avant l’âge de six ans.
L’école a une responsabilité en matière de santé, celle-ci étant entendue au sens large, considérée dans sa dimension psychique, physique et environnementale. J’en suis conscient et je souhaite que nous l’assumions pleinement, pour favoriser la réussite scolaire des élèves et permettre, de ce fait, la réduction des inégalités sociales.
Notre politique de santé repose sur trois axes : l’éducation à la santé, la prévention et la protection. Ces axes sont mis en œuvre dans le cadre du parcours éducatif de santé, qui constitue un ensemble continu de la maternelle à la terminale, cohérent et progressif.
Pour veiller à la santé des élèves et à leur bien-être, l’institution scolaire s’appuie sur les médecins et les infirmiers de l’éducation nationale, qui participent à la mise en œuvre de ce parcours de santé, mais elle peut également recourir à d’autres intervenants. Le code de l’éducation, dans son article L. 141-1, lui fait obligation d’assurer à tous les élèves au cours de leur sixième et douzième année une visite médicale ou de dépistage, une prise en charge et un suivi adapté, notamment en prenant les mesures appropriées pour que les familles soient aussitôt informées des constatations médicales.
Il est arrivé, en effet, que les collectivités prennent en charge cette mission pour l’école primaire, vous l’avez rappelé. Le ministère de l’éducation nationale leur verse alors une subvention. C’est encore le cas de onze villes, qui continuent à prendre en charge les missions de santé scolaire.
Comme il s’agit d’une compétence de l’État, le versement de la subvention est assis sur une convention de délégation négociée par chaque service académique en tenant compte des spécificités locales.
Or il n’est pas possible de comparer les dépenses des collectivités en la matière et celle de l’État, d’abord parce qu’elles ne concernent pas le même périmètre : les prestations des communes sont circonscrites au premier degré, tandis que celles de l’État concernent le premier et le second degré. De plus, et surtout, la plus grosse part de la dépense de santé scolaire du ministère de l’éducation nationale concerne les personnels : c’est le salaire des infirmières, des médecins et des secrétaires médico-scolaires du premier degré comme du second degré.
Toutefois, si certaines des communes déposaient des demandes argumentées de réexamen des conditions de partenariat auprès des services rectoraux, ces dossiers seraient étudiés de manière approfondie ; à la suite de votre question, je vais examiner ce dossier avec attention. Bien entendu, cette évolution des rectorats se fera en liaison avec l’administration.
Je profite de votre question pour insister sur la politique du Gouvernement, qui vise à atteindre l’objectif de 100 % de visites médicales. Elle consiste à rassembler les forces, celles que vous avez évoquées, mais également celles de la protection maternelle et infantile, ainsi que de la médecine générale de ville, en effet. Nous devons parvenir à la médecine scolaire pour tous les enfants. Il s’agit d’un enjeu social et de santé qui est fondamental.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour répondre à M. le ministre.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de l’ouverture que vous proposez au réseau des onze communes qui se substituent, en quelque sorte, à l’État, en exerçant une compétence qui n’est pas obligatoire.
Je nourris toutefois quelques inquiétudes quant à la pérennité du service proposé par ces communes, en raison des difficultés financières qui s’accentuent et qui pèsent sur leurs budgets. Je crains que, un jour ou l’autre, ces communes n’y mettent un terme. Il me semble donc qu’une aide de l’État est nécessaire.
Vous proposez de vous reposer sur les médecins libéraux. Là encore, je suis circonspect. Ces médecins rencontrent déjà des difficultés à faire face à la désertification médicale, en ville comme en zone rurale. Je ne vois pas comment ils pourraient dégager du temps pour suivre les problématiques de santé scolaire.
Si l’État impose des dépenses aux collectivités territoriales, il est légitime qu’il soutienne ces dernières quand elles s’impliquent dans le bien-être de leurs populations.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 324, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’école élémentaire, les élèves reçoivent un enseignement de langues étrangères à partir du CE1. À l’issue de cet enseignement, tous les élèves doivent avoir atteint le niveau 1 du cadre européen commun de référence des langues dans l’une des huit langues retenues.
Pour chaque académie, dans le cadre de ses attributions, la commission sur l’enseignement des langues vivantes étrangères veille, notamment, à la diversification de l’offre linguistique. Toutefois, force est de constater sur le terrain que de nombreux parents d’élèves s’émeuvent d’une situation réelle qui apparaît bien éloignée de la théorie.
Dès 2011, j’avais interpellé le ministre de l’époque au sujet du manque de moyens accordés à la mise en place de l’apprentissage des langues au sein de l’école primaire.
J’avais cité l’exemple d’une commune que je connais bien, celle de Talange, en Moselle, en évoquant le cas d’une école dans laquelle seule la langue italienne était proposée aux élèves. Je reprenais alors le questionnement des parents quant au sens du choix de cette langue dans un territoire frontalier.
De son côté, le département de la Moselle, avec vos services, monsieur le ministre, développe un plan important d’apprentissage de la langue du pays voisin, c’est-à-dire l’allemand. Il semble en effet plus pertinent de proposer aussi dans ce territoire au moins l’allemand, voire l’anglais, qui est indispensable dans le monde connecté, ce qui permettrait aux élèves d’aborder ensuite l’allemand en deuxième langue.
Sept ans plus tard, interpellé à nouveau par des parents d’élèves de la même commune, je ne puis malheureusement que constater une aggravation de cette situation : à Talange, aujourd’hui, seul l’italien est proposé à tous les élèves. Le directeur académique reconnaît par courrier que l’adéquation entre les besoins et l’offre est difficile à réaliser, compte tenu des contraintes techniques et financières auxquelles cette gestion est soumise.
Pourtant, toutes les études s’accordent pour souligner que les premières années d’enseignement sont décisives dans l’apprentissage d’une langue.
Si nous sommes conscients des difficultés réelles rencontrées par le monde enseignant en termes de moyens, la réponse du ministère de l’éducation nationale ne peut pas être satisfaisante : l’avenir de nos enfants ne saurait se trouver pris au piège des seules contingences matérielles ou financières !
Sans remettre en cause la qualité des enseignements prodigués ni le dévouement et le professionnalisme des enseignants, je repose la question de la diversité linguistique offerte à nos élèves. Certes, monsieur le ministre, vous héritez de la situation, mais quelles mesures entendez-vous prendre pour que les élèves de Talange et de toutes les zones frontalières puissent accéder à une offre linguistique diversifiée dès le CE1 ?
Je précise, pour que les choses soient claires, que je n’ai rien contre l’italien, étant moi-même d’origine italienne – mon père est mort italien…
Monsieur Todeschini, nous allons nous retrouver sur bien des points, à commencer par l’amour de l’Italie…
C’est un sujet dont je parlais tout récemment avec l’ambassadrice d’Italie, parce que nous avons, en effet, à fortifier la diversité linguistique, donc des langues comme l’italien. Le tout dans le cadre d’une stratégie générale des langues qui ne date pas d’hier – vous avez eu raison de le souligner. Depuis une vingtaine d’années, des progrès ont été accomplis en France dans ce domaine : la situation est ainsi plus satisfaisante aujourd’hui que par le passé, même si bien des voies d’amélioration demeurent.
L’académie de Nancy-Metz a été interrogée sur l’enseignement des langues vivantes étrangères dans le premier degré dans le département de la Moselle, dont la commune de Talange fait partie. Au cours de l’année 2017-2018, les élèves du CP au CM2 ont bénéficié d’un enseignement de l’anglais à 56 %, de l’allemand à 41 %, de l’italien à 2 % et du luxembourgeois à 0, 55 %. Ce portrait fait donc apparaître une certaine diversité linguistique dans un département significatif comme la Moselle.
La situation des deux écoles de Talange, qui comptent 450 élèves, est historiquement imprégnée par la culture italienne, comme vous l’avez expliqué, à travers la population de migrants italiens. Cette influence continue de vivre à travers l’enseignement de l’italien. D’ailleurs, le festival du film italien de Villerupt est une référence dans son domaine.
Dans le cadre d’un accord avec les autorités consulaires italiennes, l’enseignement de l’italien dans les deux écoles de la commune, ainsi qu’à Metz et à Moyeuvre-Grande, est assuré par trois locuteurs natifs, financés par le consulat. L’inspectrice de l’éducation nationale chargée de la circonscription du premier degré dont dépend Talange atteste la qualité de l’enseignement dispensé.
L’apprentissage de l’italien permet d’élargir le répertoire linguistique des élèves et vise l’obtention du niveau A1 en italien en fin de CM2. L’inspectrice de l’éducation nationale chargée du dossier n’a fait part d’aucun retour négatif des familles au sujet de cet enseignement.
Dans le cadre de la poursuite de la scolarité, la continuité linguistique est assurée au collège de Talange, qui offre dès la sixième une classe bilangue anglais-italien et l’enseignement de l’italien en langue vivante 2.
La commission académique sur l’enseignement des langues vivantes étrangères, présidée par le recteur de l’académie, est chargée de veiller à la diversité de l’offre de langues, ainsi qu’à la cohérence et à la continuité des parcours. Cette commission établit chaque année un bilan de l’enseignement et peut proposer des aménagements à la carte académique des langues.
Il est possible d’envisager, tout en préservant l’identité culturelle historique de ces écoles, de proposer l’apprentissage d’autres langues vivantes, en fonction des ressources en enseignants disponibles. C’est ainsi que, s’il me paraît bon que l’italien continue d’être enseigné fortement dans cette académie, des évolutions pourront éventuellement intervenir au nom de la diversité des langues.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour répondre à M. le ministre.
Monsieur le ministre, je connais parfaitement la situation du département de la Moselle, en particulier du plateau lorrain, et la présence importante d’immigrés italiens de deuxième ou troisième génération.
L’italien comme langue de culture d’origine, les parents n’ont rien contre ! Mais, en l’occurrence, on impose cette langue à tous les jeunes. Ce que vous dit l’inspectrice de l’éducation nationale, qui est à Rombas et que je connais bien, est juste : sur l’enseignement et les enseignants italiens qui se succèdent, il n’y a pas rien à dire.
Je n’ai pas voulu aborder la question du consulat. C’est l’Italie, il est vrai, qui finance l’apprentissage de l’italien dans cette commune.
Reste que les parents s’inquiètent. Tous les matins, en effet, quelque 80 000 Mosellans franchissent la frontière pour travailler au Luxembourg ; dans le Grand Est, en comptant les trajets vers l’Allemagne, on dénombre 175 000 frontaliers. C’est pourquoi le département développe, en liaison avec vos services, un plan important en faveur de l’apprentissage de l’allemand.
Dans ce contexte, les parents ne peuvent pas comprendre que seul l’italien soit proposé, et, de fait, imposé. Je le répète, je n’ai rien contre cette langue. Simplement, je pense que, dans ces communes – il y en a où la présence d’immigrés italiens est encore plus forte qu’à Talange –, une diversité de possibilités pourrait être offerte. Cela s’est fait naguère, à une époque où l’allemand était enseigné par des professeurs de collège, mais ce n’est apparemment plus le cas.
La parole est à Mme Jocelyne Guidez, auteur de la question n° 367, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur un sujet préoccupant : la situation scolaire des enfants dyslexiques.
Aujourd’hui, les différents troubles « dys » concerneraient environ 10 % de la population française. Dans ce contexte, je dois dire que les témoignages entendus à l’occasion de ma rencontre avec l’Association d’adultes et de parents d’enfants dyslexiques de l’Essonne semblaient en totale contradiction avec le discours officiel prononcé lors de la rentrée de septembre dernier.
En effet, alors qu’avait été annoncé « le développement de l’information aux familles afin de simplifier leurs démarches », ces mêmes familles parlaient plutôt d’un parcours du combattant et de méandres administratifs. Alors que « le renforcement de l’accompagnement humain » avait été présenté comme une priorité, les familles faisaient état d’un handicap invisible et d’un manque de communication, parfois même de considération. D’ailleurs, la formation des enseignants sur les troubles spécifiques du langage et des apprentissages est primordiale.
Enfin, alors que « le numérique au service d’une école inclusive » avait été vanté, ces parents dénonçaient une discrimination en constatant que leurs enfants se voyaient refuser pour des examens les aménagements auxquels ils étaient pourtant habitués en classe, comme des ordinateurs, la présence d’auxiliaires de vie scolaire ou du temps supplémentaire.
Certes, la scolarisation de ces jeunes aux besoins particuliers peut entraîner des difficultés pour l’administration ; je puis le concevoir. Toutefois, afin de les accompagner positivement dans leur parcours, il paraît légitime que des aménagements simples et pragmatiques soient mis en place pour simplifier la vie de ces nombreuses familles et soutenir ces enfants dans l’apprentissage des savoirs.
Monsieur le ministre, cette situation m’en rappelle malheureusement une autre : celle, elle aussi souvent oubliée, des jeunes aidants. S’occupant chaque jour d’un parent malade ou handicapé, ils sont épuisés : ils ont donc besoin d’une meilleure adaptation et mériteraient de bénéficier également d’un accompagnement personnalisé. Cela devient urgent !
En conclusion, et sans remettre en cause la sincérité de vos propos ni votre engagement plein et entier, un décalage entre les souhaits et la réalité du quotidien est à déplorer. Or l’école de la République ne saurait négliger l’idéal d’égalité auquel nous croyons tous !
Pour reprendre les mots de Jacques Chirac, « la démocratie, c’est l’égalité des droits, mais la République, c’est l’égalité des chances ». Ainsi, la société inclusive qu’appelle de ses vœux le Président de la République ne peut s’affranchir d’une école qui soit elle aussi inclusive.
C’est pourquoi je souhaite connaître, monsieur le ministre, vos engagements en faveur de ces enfants qui, comme tous les enfants, ont le droit de réussir.
Madame Guidez, la question que vous soulevez est très importante et s’inscrit, en effet, dans l’enjeu de ce que nous appelons l’école inclusive. Il n’y a évidemment aucune différence entre vous et moi sur la priorité que constitue la réalisation de cette école inclusive.
Depuis les propos tenus par Jacques Chirac voilà une vingtaine d’années, les choses ont beaucoup évolué, et dans un sens plutôt positif. Il faut considérer la distance parcourue sur ce long chemin, qui suppose de nombreuses évolutions, à commencer par une amélioration de notre capacité à repérer les troubles « dys », ces problèmes divers et qui se complexifient à mesure que la recherche progresse. Un tel enjeu du repérage est à rattacher à ce que je disais précédemment de la médecine scolaire.
La formation des professeurs est le deuxième enjeu : un enjeu clé, car, si nous voulons une école inclusive, nous avons besoin de professeurs qui connaissent et comprennent ces questions, ce qui est plus le cas aujourd’hui qu’hier mais doit l’être encore bien davantage demain. La prochaine réforme de la formation des professeurs prendra pleinement en compte cette dimension.
Un troisième enjeu est la formation des personnels dédiés, qui sont de plus en plus nombreux. C’est pourquoi je suis moins d’accord avec vous au sujet du décalage à la rentrée dernière : nous avons créé 8 000 postes supplémentaires pour l’accueil des élèves en situation de handicap, ce qui a directement retenti sur les élèves atteints de troubles « dys ».
Certes, l’institution n’est peut-être pas encore parfaitement à la hauteur, quantitativement et qualitativement, mais elle est en progrès sur cette question, et nous avons pu suivre davantage d’élèves « dys » cette année que la précédente. À ces élèves, les plans d’accompagnement personnalisé, ou PAP, inscrits à l’article D. 311-13 du code de l’éducation permettent de bénéficier d’aménagements et d’adaptations pédagogiques.
En matière d’aménagements d’examen, nous recommandons vivement aux médecins scolaires d’accorder aux élèves les aménagements qu’ils sollicitent, dès lors que ceux-ci ont pu en bénéficier tout au long de leur parcours scolaire. C’est ce que l’institution scolaire s’engage à faire aujourd’hui et ce que nous avons pratiqué dans la période d’examen qui vient de s’achever.
Dans l’intérêt même de l’élève, et afin de ne pas l’exposer à des conditions d’examen qui ne lui seraient pas familières, les aides et aménagements qui lui sont accordés doivent être en cohérence avec ceux qui lui ont été accordés tout au long de sa scolarité.
Madame la sénatrice, c’est une politique d’ensemble que nous menons, Sophie Cluzel et moi-même, en faveur des élèves en situation de handicap, et elle prend pleinement en compte les élèves « dys ». Cette dimension est pleinement prise en compte dans notre politique pédagogique, de manière à prévenir certains troubles et à adopter, plutôt qu’une approche fondée sur la médicalisation, une approche pédagogique des problèmes « dys » – l’approche médicale étant mise en œuvre chaque fois que nécessaire, grâce aux liens entre l’éducation nationale et la santé.
Je suis totalement convaincu que nous sommes en progrès sur l’ensemble de ces questions et que la prochaine rentrée le montrera encore !
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre écoute. J’espère que le chemin dont vous avez parlé, qui, jusqu’à présent, était semé d’embûches, débouchera sur une plus grande égalité des chances. Ces enfants en ont besoin.
Nous avons encore besoin de progresser, car les parents qui viennent nous voir rencontrent de sérieux problèmes. Ce n’est peut-être pas la réalité, mais ils ont l’impression de ne pas être suffisamment écoutés. La prochaine rentrée, dites-vous, sera certainement meilleure : nous l’attendons avec impatience.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente, pour l’examen du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.