Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, après avoir remercié M. le ministre d’avoir présenté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, je tiens à me féliciter que ce texte ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat.
Vous le savez, ce sujet, bien connu de la Haute Assemblée, a pris une ampleur nouvelle après la crise financière de 2008, qui a entraîné une rupture dans la prise de conscience des enjeux liés à la fraude et l’évasion fiscales, avec une mise en tension des finances publiques. Il en a sans doute résulté une volonté de lutter contre les phénomènes d’évitement de l’impôt ; cela s’est imposé comme un impératif économique et social, qui mobilise bien sûr à la fois les pouvoirs publics et les citoyens.
Vous le savez également, de nombreuses initiatives internationales ont été prises – la commission des finances les connaît bien. Je pense, sans être exhaustif, au projet de lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices, plus communément appelé BEPS, aux mesures de nature à lutter contre l’optimisation fiscale, au projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, le projet ACCIS, ou encore, tout récemment, à la proposition de directive tendant à contraindre les intermédiaires fiscaux à déclarer les dispositifs de planification fiscale adoptée en mai dernier par le conseil Écofin.
À l’échelon national, c’est la lutte contre la fraude fiscale qui a ces dernières années concentré toutes les attentions, avec le renforcement des procédures et des sanctions ; je pense à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, par le biais de laquelle a été créé le parquet national financier et à la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », qui comporte un important volet relatif à la fraude. Bref, ces différentes lois ont renforcé l’arsenal de la lutte contre la fraude.
Pour autant, cet arsenal largement renouvelé n’a pas empêché la poursuite de conduites et de pratiques tendant à contourner l’impôt ; la révélation récente des affaires des « Panama papers » et des « Paradise papers » a montré l’ampleur de la fraude.
Le présent projet de loi complète donc les dispositifs existants, tout en s’attachant à traiter la fraude à la fois fiscale, douanière et, peut-être dans une moindre mesure, sociale. En effet, les onze articles qu’il contient renforcent les moyens dont dispose l’administration, ainsi que les sanctions applicables. Il doit s’entendre, selon l’exposé des motifs lui-même, comme le « pendant » du « droit à l’erreur », que le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance tend par ailleurs à reconnaître.
Pour en revenir au texte que nous examinons, je ne puis, monsieur le ministre, qu’en partager l’esprit et en accueillir très favorablement les dispositions relevant de la commission des finances, dans la mesure où les articles 1er, 8 et 9 ont été délégués au fond à la commission des lois – notre collègue Nathalie Delattre nous en parlera dans un instant.
Je me félicite tout particulièrement de l’article 4, qui permet de sécuriser la déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus perçus par les utilisateurs, comme vous l’avez mentionné, monsieur le ministre. Cette mesure est directement issue des propositions du groupe de travail de la commission des finances pour adapter la fiscalité et le recouvrement de l’impôt à l’heure du numérique, des amendements adoptés, me semble-t-il, à l’unanimité par le Sénat.
J’émets en revanche des réserves sur la réalité de l’élargissement opéré par l’intégration dans le droit français de la liste européenne des États et territoires non coopératifs, les ETNC, proposé à l’article 11. En effet, un seul État figurant sur la liste européenne se verra appliquer l’ensemble des sanctions : les Palaos. Je ne sais si l’un d’entre vous s’est déjà rendu dans cet État ; peut-être l’un de vos conseillers, monsieur le ministre, y a-t-il rencontré des problèmes de plongée sous-marine ?