La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte commun sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Monsieur le président, lors du scrutin n° 186 sur l’ensemble du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, Mme Véronique Guillotin souhaitait s’abstenir.
Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureux de défendre en premier lieu devant votre assemblée le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, après l’avoir présenté devant votre commission des finances.
En effet, la Haute Assemblée travaille depuis longtemps, quelle que soit sa majorité, sur la lutte contre la fraude, en particulier fiscale. C’est donc lui rendre justice que de lui permettre de travailler avec le Gouvernement sur ce sujet. Je sais que c’est dans cet esprit que vos auditions ont été menées et que M. le rapporteur général a travaillé.
Notre objectif est de lutter mieux encore contre la fraude fiscale et contre toute forme de fraude. J’ai souhaité, au nom du Premier ministre et du Président de la République, un texte aussi court que possible, afin qu’il ne se perde pas dans des méandres où l’essentiel disparaîtrait.
La fraude, c’est du vol. C’est de l’argent qui manque dans les caisses de la Nation pour améliorer la solidarité et le fonctionnement des services publics. C’est un impôt davantage concentré sur ceux qui paient honnêtement le juste impôt que nous devons à la Nation.
Partant de ce principe, nous devons renforcer les dispositions législatives qui nous permettent, au sein de la direction générale des finances publiques, de la direction générale des douanes, du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice, de mieux lutter contre la fraude fiscale et contre toute forme de fraude.
Peut-être pouvons-nous nous arrêter quelques instants sur l’évaluation : combien la fraude fiscale représente-t-elle en France ?
De très nombreux chiffres sont avancés et, comme toujours, il est difficile d’estimer un phénomène qui est caché.
J’entends parler de 60 à 80 milliards d’euros. Je m’étonne de ces montants, qui correspondent parfois à l’exact montant du déficit public… Il ne faudrait pas que ces évaluations nous portent à la paresse dans la réduction de nos dépenses publiques, avec l’idée qu’il suffirait de lutter contre la fraude pour restaurer l’équilibre des comptes publics.
Il est vrai que le montant de 20 milliards d’euros, sur lequel nous ne recouvrons que 12 milliards d’euros, de redressements en tout genre, constaté régulièrement, notamment dans le budget précédent, qui permet d’avoir un chiffre officiel validé par le Gouvernement, est sans doute bien en deçà de la réalité de la fraude fiscale. Je dirais donc, à première vue, que le montant annuel de la fraude fiscale se situe entre 20 et 80 milliards d’euros…
Pour essayer de limiter les incertitudes, j’ai proposé, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, qu’avec votre assemblée, dans toute sa diversité politique, ainsi qu’avec l’Assemblée nationale, nous nous réunissions en septembre à Bercy, avec aussi les organisations non gouvernementales, l’OCDE et les spécialistes de la direction générale des finances publiques, afin de travailler à une méthodologie qui nous permette d’approcher du chiffre le plus consensuel possible.
Nous pourrons ainsi améliorer notre perception du phénomène et, peut-être, rendre possible un travail sur la partie immergée de l’iceberg.
Cette suggestion que je vous soumets est, je crois, originale, car il est rare que Bercy propose ainsi d’objectiver un montant de fraude – une fraude que nous essayons par ailleurs de combattre.
Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons voulu un texte court. Mais, pour être court, le projet de loi n’en prévoit pas moins des moyens très importants pour lutter contre la fraude fiscale, de manière extrêmement pragmatique, sans idéologie et peut-être même sans grands effets de manche.
Sans vouloir parler à votre place, monsieur le rapporteur, vous avez reconnu que ce texte était intéressant, et il a, je crois, été salué par votre commission. Il l’a été aussi par les syndicats, y compris par ceux qui sont parfois les plus contestataires quand j’ai la chance de discuter avec eux au sujet des agents des finances publiques.
De fait, ce projet de loi va manifestement assez loin dans la frontière un peu trouble entre l’évasion et la fraude – parfois même, monsieur le rapporteur, entre le conseil et le montage fiscal frauduleux.
Surtout, nous avons entendu préserver les droits du Parlement, qui travaille depuis de nombreuses années sur un grand nombre de dispositions en la matière.
Ainsi, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’essaierai d’émettre le plus grand nombre possible d’avis favorables sur vos amendements, de même que sur ceux des députés, quelle que soit la sensibilité de leurs auteurs, dès lors que ces initiatives ne dénatureront pas le texte. Vous aurez d’ailleurs remarqué, monsieur le rapporteur, que, à de très rares exceptions près, le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement de suppression sur le texte de la commission, afin de respecter le travail de la Haute Assemblée.
La question médiatique, peut-être même parfois anecdotique, plus que profonde, du « verrou de Bercy » occupera sans doute une partie de nos travaux. Le Gouvernement n’a pas souhaité l’intégrer dans le texte adopté en conseil des ministres, parce que la mission d’information commune de l’Assemblée nationale sur les procédures de poursuite des infractions fiscales, présidée par M. Diard et dont Mme Cariou était la rapporteur, travaillait sur cette question, bien mal nommée, du « verrou de Bercy ». Nous avons ainsi souhaité respecter le temps du Parlement.
Sur ce sujet, monsieur le rapporteur, vous avez fait adopter par la commission un amendement reprenant, avec de légères modifications, l’essentiel de ce que nous avons proposé, pour la première fois dans l’histoire de ce verrou.
Je rappelle que, à la fin des années soixante-dix, le président Giscard d’Estaing et sa majorité ont voulu protéger les contribuables du pouvoir politique en mettant en place la commission des infractions fiscales. Depuis lors, plusieurs décisions sont intervenues, notamment du juge constitutionnel, interdisant de condamner une même personne deux fois pour un même motif, à l’exception des cas les plus graves.
Même si l’Assemblée nationale pourra, si elle le souhaite – j’imagine que ce sera le cas –, améliorer le dispositif en la matière, je donnerai mon accord de principe pour que les clés du verrou, si j’ose dire, reviennent au Parlement et qu’il vous appartienne de définir les critères.
Nous avons évoqué, au cours de nombreuses auditions, la difficulté de mener des enquêtes fiscales. À cet égard, je regrette – c’est peut-être le seul point de désaccord entre nous – que la commission ait supprimé l’article 1er du projet de loi, notamment la police fiscale.
Madame la rapporteur pour avis, l’argument selon lequel nous pourrions renforcer la police qui travaille sur les enquêtes fiscales au sein du ministère de l’intérieur, sous prétexte d’éviter un doublon, n’est à mon avis pas pertinent.
Les enquêtes fiscales, lorsque le procureur de la République est saisi, peuvent être confiées à la brigade du ministère de l’intérieur où travaillent des agents des impôts ou à un autre service, dirigé par un magistrat – en l’occurrence, une magistrate – et qui dépend du ministre de l’action et des comptes publics, même s’il est évidemment autonome, puisqu’il ne peut être saisi que dans le cadre d’un travail judiciaire. Je veux parler du service national de douane judiciaire, ou SNDJ, qui a été créé voilà quelques années et qui a fait montre d’une grande efficacité. Ce service d’enquête douanière permet de lutter contre les faits connexes de blanchiment, de contrebande, de contrefaçon et de trafic.
Un magistrat a donc aujourd’hui deux services à sa disposition : la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF, et le SNDJ.
J’essaierai de vous convaincre de l’intérêt de notre proposition : créer une police fiscale, placée, évidemment, sous l’autorité d’un magistrat – elle ne pourra pas être saisie par le ministre de l’action et des comptes publics – et qui pourra travailler sur les enquêtes concernant spécifiquement – il appartiendra au magistrat d’en juger, et c’est lui qui aura la possibilité de saisir ou non tel ou tel service – la fraude fiscale. Il s’agit en effet, il faut bien le dire, d’un service très particulier, qui mène des enquêtes très particulières.
Je fais remarquer à la représentation nationale que l’une des difficultés de notre droit et de notre pratique tient à ce que, lorsque, après le verrou, la direction générale des finances publiques transmet un dossier, par exemple, à la commission des infractions fiscales, qui elle-même le transmet à la justice, non seulement il s’écoule un temps parfois très long entre le moment où la plainte est déposée, celui où l’instruction est faite et celui où la personne est inquiétée, mais la spécificité de l’enquête fiscale ne résiste pas tellement à la procédure judiciaire.
Nous le constaterons ensemble, pas grand monde, voire personne, ne va en prison pour fraude fiscale seule. Même dans les affaires médiatiques, lorsque nous nous attendons toutes et tous à ce que des condamnations fermes ne soient pas remises en cause. Tout récemment encore, une très grande affaire, qui a mobilisé les services de Bercy et de la justice, s’est terminée par, dirons-nous, une mauvaise nouvelle pour les finances publiques et la justice, du fait de vices de procédure.
Sans doute la spécificité de l’enquête fiscale justifie-t-elle un certain nombre de mesures. C’est pourquoi je vous proposerai de rétablir l’article 1er du projet de loi, relatif à la police fiscale. Si, malheureusement, votre assemblée en décidait autrement, je suis certain que l’Assemblée nationale suivrait le Gouvernement sur ce point.
Parce que je m’efforce de travailler en bonne intelligence avec la Haute Assemblée, j’ajoute, dans la perspective de l’accord aussi efficace que possible auquel nous souhaitons parvenir, que le Gouvernement ne pourra pas reculer, y compris en commission mixte paritaire, sur l’article 1er et la police fiscale qu’il instaure.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué plusieurs sujets, notamment lors des discussions relatives au projet de loi de finances et vous le ferez sans doute encore à l’avenir dans le cadre de l’examen du prochain projet de loi de finances. Je veux parler de la fiscalité et de la lutte contre la fraude des plateformes.
Nous avions déjà bien avancé avec les derniers textes qui faisaient suite à l’amendement Cherki déposé à l’Assemblée nationale ; en effet, ce premier pas ne nous permettait pas d’aller plus avant comme nous le souhaitions. Nous avons donc travaillé sur un certain nombre de plateformes notamment hôtelières – je ne veux pas citer nommément les sites visés –, et nous avons bien progressé ; chacun des élus pourra constater que le Gouvernement a tenu sa promesse, encouragé, il est vrai, par les deux assemblées.
Je suis prêt à examiner les dispositions que vous évoquez, monsieur le rapporteur – peut-être faudra-t-il les affiner si vous permettez que nous ayons une discussion sur ce point. Vous aurez constaté qu’il n’y a pas d’amendement de suppression concernant, notamment, la TVA pour ces plateformes – je sais que c’est l’un de vos chevaux de bataille, à l’instar de nombreux membres de cette assemblée. Nous aurons peut-être aussi cette discussion à l’Assemblée nationale.
Même s’il ne faut pas décourager la nouvelle économie, il n’y a pas de raison que, en matière fiscale, celle-ci soit traitée de manière distincte de l’ancienne économie, si je puis dire. Aussi, nous examinerons les amendements présentés par votre assemblée, notamment par vous-même, monsieur le rapporteur, avec un œil bienveillant, comme je l’avais souligné dans le cadre de l’examen de la loi de finances.
Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur plusieurs autres dispositions, qui font naître, me semble-t-il, des petites révoltes, plutôt qu’une grande révolution, pour reprendre vos termes, monsieur le rapporteur.
J’aborderai d’abord la question du renforcement des capacités de contrôle informatique en matière douanière.
Les agents des douanes font un travail très important : vous le savez, ils concourent à la sécurité de la Nation en tenant les frontières et, parfois, en luttant contre le terrorisme. Leur action est évidemment très importante dans le Brexit, avec l’accompagnement de nos entreprises en matière de fiscalité. Mais ils sont aussi parfois, et souvent en premier lieu, confrontés à des contrebandiers, des fraudeurs, des malfaisants, on peut le dire, qui les rudoient avec une certaine énergie. Or la loi ne permet malheureusement pas de sanctionner comme il se doit ceux qui ne se plient pas aux contrôles des douaniers.
Ainsi, l’article 2 prévoit de renforcer les capacités de contrôle informatique en matière douanière, et je suis certain que votre assemblée, qui a eu l’occasion, en lien avec la commission des finances, de conduire avec intérêt quelques missions sur le travail, très important, de nos douaniers, sera encouragée à renforcer les moyens que nous pourrons octroyer à ces derniers, ainsi qu’aux agents des impôts.
L’article 3 concerne l’échange d’informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude. À cet égard, nous aurons à réaliser un travail très important avec l’ensemble des administrations de contrôle, c’est-à-dire l’URSSAF ou encore les agents de l’inspection du travail.
La lutte contre la fraude exige parfois des moyens, ainsi qu’une mutualisation dans l’échange d’informations que la loi ne permet pas. Il est évident que les administrations de contrôle, lorsqu’elles sont face à de véritables fraudeurs, doivent recourir à toutes les dispositions en vigueur et à toutes les informations possibles pour avoir un accès direct, avec l’efficacité la plus grande, au fichier de la Direction générale des finances publiques, la DGFiP, mais nous aurons cette discussion ultérieurement.
Je ne reviendrai pas sur l’article 4 relatif aux plateformes d’économie collaborative, parce qu’un débat intéressant sur ce sujet aura lieu dans les deux assemblées.
En revanche, je veux évoquer avec vous la question assez importante de ceux qui conseillent non pas l’optimisation de l’impôt – on peut porter un jugement moral sur l’optimisation fiscale, mais ce n’est pas contra legem –, mais des montages de fraude fiscale.
Dans la phase préparatoire de ce texte, il m’est arrivé à plusieurs reprises de rencontrer des contrôleurs fiscaux, notamment ceux qui réalisent des perquisitions fiscales – Bercy peut en faire dans le cadre de telle ou telle enquête. Ceux-ci ont la preuve irréfutable que des conseils proposent non pas des optimisations, mais des montages de fraude fiscale, sans le moindre questionnement. Souvent, on n’organise pas seul son évasion fiscale…
C’est pourquoi il est essentiel d’arrêter et de condamner – en tout cas, il faut que vous nous aidiez à le faire – ceux qui proposent, de façon industrielle, des montages fiscaux frauduleux. La frontière est évidemment mince ; le Parlement aura donc intérêt à préciser l’esprit de la loi avec le Gouvernement pour distinguer le conseil de celui qui propose un montage frauduleux ; il ne doit pas y avoir de doute sur ce point.
Toutefois, monsieur le rapporteur, permettez-moi d’être un peu en désaccord avec l’idée que vous défendez selon laquelle il faudrait attendre que la personne soit condamnée pour poursuivre la personne qui aura fait ce montage frauduleux. Il me semble, au contraire, que nous pourrions le faire dans le même temps, ce qui ne signifie pas qu’il n’y aura pas de voie de recours pour les personnes que nous poursuivrons ; mais nous aurons sans doute cette discussion.
Ce point est très important, et j’accepterai sans doute les amendements visant à aggraver les peines que nous avons évoquées dans le texte. Comme je l’ai indiqué en commission, il s’agit en quelque sorte d’un article d’appel de la part du Gouvernement. Sans doute trouverons-nous la bonne sanction, de nature à décourager les uns et les autres d’œuvrer dans l’industrie de la fraude.
L’article 6 prévoit un changement très important pour répondre aux demandes à la fois des gouvernements précédents et des législatures précédentes ; il est conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel : il s’agit de la publication des sanctions administratives appliquées aux personnes morales à raison de manquements fiscaux graves et frauduleux qu’elles ont pu commettre ; c’est ce que l’on appelle le name and shame. Cela permettra, j’en suis sûr, de contribuer au civisme fiscal que certains d’entre vous encouragent et auquel je m’associe.
La réputation fiscale présente un grand intérêt, et nos concitoyens demandent, me semble-t-il, cette transparence, qu’il s’agisse des sanctions pénales ou administratives, mais nous y reviendrons ultérieurement. Nous avons encore un petit désaccord sur ce point, monsieur le rapporteur, mais je suis sûr que le débat permettra de le lever ici ou à l’Assemblée nationale.
L’article 8 aggrave les amendes, tandis que l’article 9 étend la procédure dite du « plaider-coupable » – cette procédure a bien fonctionné depuis le vote de la loi Perben II, qui a permis, entre 2012 et 2016, de simplifier des dizaines de milliers de procédures, afin de condamner mieux et plus vite un certain nombre de fraudeurs. Nous souhaitons ici améliorer l’efficacité du dispositif.
Enfin, par l’article 10, nous souhaitons mettre en avant le travail très important des douaniers, en aggravant les sanctions contre ceux qui entravent leur action.
Deux derniers points sont en débat.
L’article 11 évoque la liste des paradis fiscaux, des trous noirs fiscaux, en bref, des pays qui ne jouent pas le jeu que la France souhaite mener, à l’instar de certains autres pays. Aussi, nous devons ici prendre des engagements.
Pour ma part, je me suis engagé, d’ici à la fin de l’adoption définitive de ce texte, c’est-à-dire à la fin du mois d’août ou au début du mois de septembre prochain, à faire la tournée de ce qu’il est convenu d’appeler les « trous noirs fiscaux ».
Aujourd’hui, la position du Gouvernement est d’être conforme au droit européen et au droit français. Cela ne signifie en aucun cas que nous ne pouvons pas faire avancer le débat européen.
L’une des difficultés – le sénateur Éric Bocquet le sait – tient au fait que, pour l’instant, les choses sont déclaratives. Viendra le moment, dans un an et demi, où les choses seront constatées. C’est ainsi que l’Union européenne a construit sa liste noire. Sans doute les choses sont-elles lentes, trop lentes, mais elles avancent, et je suis certain que le débat parlementaire qui aura lieu ici et à l’Assemblée nationale aidera le Gouvernement à intervenir plus efficacement.
En effet, on ne peut pas construire la même Europe avec de telles différences en matière de fiscalité. Celles-ci ne tiennent pas simplement à une décision politique ; elles s’apparentent plutôt à ce que l’on pourrait appeler un montage frauduleux européen dans la mesure où telle ou telle entreprise bénéficie de manquements à la solidarité fiscale européenne, pourrais-je dire, pour laisser la valeur s’échapper : c’est donc de l’argent qui ne rentre pas dans les caisses de l’État, alors que ce devrait justement être le cas.
Le dernier point concerne le tabac. Plusieurs sénateurs – je pense à M. Daudigny ou M. Grand – ont déposé des amendements sur ce sujet, sur lesquels j’émettrai sans doute un avis favorable – peut-être faudra-t-il en discuter plus largement. Le Gouvernement déposera aussi un amendement en séance publique, car la lutte contre le tabac de contrebande, le tabac de contrefaçon, le tabac qui n’est pas vendu par les seuls à pouvoir le vendre, c’est-à-dire les buralistes, des préposés de l’administration qui exercent un métier difficile, doit mobiliser toute l’énergie du Gouvernement.
À cet égard, j’ai donné des instructions extrêmement claires à M. le directeur général des douanes, qui les appliquera dès cet été, afin que les agents ne fassent plus preuve d’aucune marque de patience, ni d’écoute, ni de simplicité administrative envers ceux qui voudraient passer telle ou telle frontière avec plus de cartouches de cigarettes que cela n’est normalement autorisé.
Vous le savez, dans le passé, nous avons eu un désaccord avec la Commission européenne sur ce point. Mais l’augmentation du prix du tabac, assumée par le Gouvernement et qui porte ses fruits, vise à lutter très fermement contre ce qui pourrait s’apparenter à un laisser-aller en matière de santé : si le tabac vendu chez les buralistes est mauvais, il l’est sans doute plus encore ailleurs parce que ce produit n’est pas contrôlé. Nous devons donc à la santé des Français, mais aussi aux buralistes, d’être très fermes dans la lutte contre les trafics.
Pour ce faire, nous avons renforcé le service Cyberdouane, ce qui a permis, vous l’avez vu très récemment, de réaliser d’importantes saisies, notamment sur le dark web, où, hors des circuits traditionnels, se vend malheureusement désormais du tabac, en même temps que d’autres produits.
Par ailleurs, nous avons renforcé nos frontières. Dès ma prise de fonctions, je suis allé en Andorre et ailleurs pour renforcer les coopérations ; vous avez pu voir les énormes saisies réalisées par les douaniers grâce aux contrôles opérés en commun avec la police andorrane.
Sur ce sujet, je déposerai un amendement visant à respecter stricto sensu le nombre de paquets de cigarettes que les citoyens ont le droit de transporter hors de l’Union européenne et à l’intérieur de l’Union. L’instruction donnée aux services douaniers est claire : à partir du mois de juillet, il ne sera plus possible d’accepter des paquets de cigarettes ou de cigarillos en sus, parce qu’il est trop compliqué de dresser des procès-verbaux ou parce que ceux-ci attendent de faire une saisie importante.
Dans le même temps, le Gouvernement donnera un avis positif – je ne veux pas donner un avis favorable, car nous verrons quelle discussion nous aurons en séance publique – sur les amendements visant à alourdir les sanctions. Nous le devons aux buralistes, à la santé des Français et aux douaniers qui réalisent, chaque jour, un travail important sur notre territoire.
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, madame la rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est donc avec un esprit constructif que j’aborde cette discussion. Je souhaite être présent tout au long des débats, mais je devrai m’absenter en fin de journée, …
… car les réunions budgétaires se terminent – nous ne sommes plus que deux ministres à ne pas être encore passés sous les fourches caudines de M. le Premier ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Veuillez excuser mon absence durant une heure pour le bien de la Nation et des dépenses publiques… Olivier Dussopt me remplacera, mais, comme je vous manquerai beaucoup, je reviendrai vite !
Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, après avoir remercié M. le ministre d’avoir présenté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, je tiens à me féliciter que ce texte ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat.
Vous le savez, ce sujet, bien connu de la Haute Assemblée, a pris une ampleur nouvelle après la crise financière de 2008, qui a entraîné une rupture dans la prise de conscience des enjeux liés à la fraude et l’évasion fiscales, avec une mise en tension des finances publiques. Il en a sans doute résulté une volonté de lutter contre les phénomènes d’évitement de l’impôt ; cela s’est imposé comme un impératif économique et social, qui mobilise bien sûr à la fois les pouvoirs publics et les citoyens.
Vous le savez également, de nombreuses initiatives internationales ont été prises – la commission des finances les connaît bien. Je pense, sans être exhaustif, au projet de lutte contre l’érosion de la base fiscale et le transfert de bénéfices, plus communément appelé BEPS, aux mesures de nature à lutter contre l’optimisation fiscale, au projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, le projet ACCIS, ou encore, tout récemment, à la proposition de directive tendant à contraindre les intermédiaires fiscaux à déclarer les dispositifs de planification fiscale adoptée en mai dernier par le conseil Écofin.
À l’échelon national, c’est la lutte contre la fraude fiscale qui a ces dernières années concentré toutes les attentions, avec le renforcement des procédures et des sanctions ; je pense à la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, par le biais de laquelle a été créé le parquet national financier et à la loi du 9 décembre 2016, dite « Sapin II », qui comporte un important volet relatif à la fraude. Bref, ces différentes lois ont renforcé l’arsenal de la lutte contre la fraude.
Pour autant, cet arsenal largement renouvelé n’a pas empêché la poursuite de conduites et de pratiques tendant à contourner l’impôt ; la révélation récente des affaires des « Panama papers » et des « Paradise papers » a montré l’ampleur de la fraude.
Le présent projet de loi complète donc les dispositifs existants, tout en s’attachant à traiter la fraude à la fois fiscale, douanière et, peut-être dans une moindre mesure, sociale. En effet, les onze articles qu’il contient renforcent les moyens dont dispose l’administration, ainsi que les sanctions applicables. Il doit s’entendre, selon l’exposé des motifs lui-même, comme le « pendant » du « droit à l’erreur », que le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance tend par ailleurs à reconnaître.
Pour en revenir au texte que nous examinons, je ne puis, monsieur le ministre, qu’en partager l’esprit et en accueillir très favorablement les dispositions relevant de la commission des finances, dans la mesure où les articles 1er, 8 et 9 ont été délégués au fond à la commission des lois – notre collègue Nathalie Delattre nous en parlera dans un instant.
Je me félicite tout particulièrement de l’article 4, qui permet de sécuriser la déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus perçus par les utilisateurs, comme vous l’avez mentionné, monsieur le ministre. Cette mesure est directement issue des propositions du groupe de travail de la commission des finances pour adapter la fiscalité et le recouvrement de l’impôt à l’heure du numérique, des amendements adoptés, me semble-t-il, à l’unanimité par le Sénat.
J’émets en revanche des réserves sur la réalité de l’élargissement opéré par l’intégration dans le droit français de la liste européenne des États et territoires non coopératifs, les ETNC, proposé à l’article 11. En effet, un seul État figurant sur la liste européenne se verra appliquer l’ensemble des sanctions : les Palaos. Je ne sais si l’un d’entre vous s’est déjà rendu dans cet État ; peut-être l’un de vos conseillers, monsieur le ministre, y a-t-il rencontré des problèmes de plongée sous-marine ?
Sourires.
Les autres États ne subiront que six des vingt-quatre mesures, et les moins contraignantes. Il convient aussi de rappeler qu’aucun des États figurant sur les listes, française comme européenne, ne constitue en réalité un centre de la finance mondiale, ce qui conduit à relativiser leur portée.
Tout en soutenant les dispositions prévues dans ce projet de loi, la commission des finances a adopté plusieurs amendements visant à renforcer l’efficacité et à garantir la sécurité juridique.
Je pense, par exemple, aux amendements tendant à étendre à la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, le volet « utilisateurs », et non seulement le volet « éditeurs », du dispositif de lutte contre les logiciels permissifs prévu à l’article 2. Je pense aussi aux mesures prévues à l’article 4 par la commission concernant les plateformes en ligne, c’est-à-dire à la déclaration des revenus de leurs utilisateurs. Je pense également à réservation de la publicité des sanctions fiscales des personnes morales aux sanctions devenues définitives, proposée par la commission, mais vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous aviez un petit désaccord sur l’article 6. Voilà quelques-uns des apports.
Nous n’avons pas supprimé la création d’une sanction des intermédiaires prévue à l’article 7, mais ce dispositif nous apparaît pour le moins complexe, compte tenu, notamment, des relations entre les conseils et leurs clients. On devrait prévoir a minima que le tiers ne puisse être sanctionné qu’une fois que la décision prise à l’encontre du contribuable est devenue définitive. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
Au-delà de ces apports aux dispositions proposées par le Gouvernement, la commission des finances a complété le projet de loi, en adoptant dix articles additionnels, qui prévoient, pour certains d’entre eux, des mesures ambitieuses, tel que le rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale. Mais, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, nous avons souhaité y intégrer deux volets absents de votre projet de loi, qui sont le fruit d’initiatives parlementaires, l’un portant sur ce que l’on appelle communément le verrou de Bercy et l’autre sur la lutte contre la fraude à la TVA sur internet.
La lutte contre la fraude à la TVA sur internet est massive, notamment dans le cadre du commerce en ligne. Nous ne pouvons rester sans rien faire, alors que les pratiques illicites sont connues. J’ai rencontré il y a quelques jours des membres de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la DNEF, et ceux-ci m’ont indiqué à quel point cette fraude était massive, y compris sur des plateformes reconnues, où il y a malheureusement un phénomène massif d’évitement de la TVA.
La commission des finances a, vous le savez, institué un régime de responsabilité solidaire des plateformes pour le paiement de la TVA due par les vendeurs qui y exercent leur activité. Monsieur le ministre, je crois profondément à l’utilité de ce dispositif, que nous serons d’ailleurs nombreux à défendre au sein de cet hémicycle.
Permettez-moi de citer à nos collègues qui ont besoin d’être convaincus l’exemple du Royaume-Uni, où un régime similaire a été mis en place et qui porte d’ores et déjà ses fruits : 28 000 vendeurs en ligne hors Union européenne sont aujourd’hui enregistrés, contre seulement 1 600 en 2016. Ce dispositif a apporté 220 millions de livres sterling de recettes supplémentaires. Dans le même temps, en France, seules 3 000 sociétés sont enregistrées, qui ont fait l’objet de dix-huit contrôles, avec 2 millions d’euros de droits et pénalités notifiés et moins de 500 000 euros effectivement recouvrés !
On ne peut effectivement pas demander à un contrôleur d’être derrière chaque plateforme ni derrière chaque acheteur en ligne, mais le meilleur moyen est d’instaurer un régime de responsabilité solidaire des plateformes. L’exemple du Royaume-Uni témoigne de l’utilité de ce dispositif, que je demande à mes collègues de soutenir.
La commission des finances a également complété ce dispositif par la possibilité de prélever la TVA au moment de la transaction. Elle a également proposé la mise en place d’un abattement forfaitaire de 3 000 euros sur les revenus perçus. Ce sont des sujets que vous connaissez bien, puisque nous en parlons systématiquement lors de l’examen de tous les projets de loi de finances, où ces amendements sont très largement adoptés par le Sénat.
Enfin, dans la minute qui me reste, je dirai un mot sur le fameux verrou de Bercy, c’est-à-dire la procédure applicable aux poursuites pénales pour fraude fiscale.
Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé à rencontrer, avec le président de la commission des finances, les services du contrôle fiscal – je suis allé voir trois grandes directions d’enquêtes fiscales. Nous avons constaté que l’administration fait efficacement son travail pour recouvrer le mieux possible les sommes dues à l’État et pour appliquer des pénalités lorsque celles-ci sont de droit. Cela, on ne peut le remettre en cause. Pour autant, nous constatons collectivement que la procédure actuellement applicable est, à juste titre, critiquée, notamment parce qu’elle repose sur des critères prévus dans de simples circulaires parfois peu explicites.
Sur mon initiative, la commission des finances a donc supprimé la procédure dite « du verrou de Bercy » et adopté un nouveau dispositif, en nous inspirant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité importantes, a posé le principe suivant : le cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale doit être réservé aux cas les plus graves. Et le Conseil constitutionnel a énuméré un certain nombre d’éléments prouvant la gravité des faits.
C’est pourquoi nous proposons l’instauration d’une transmission obligatoire au parquet des cas les plus graves, selon trois critères : des pénalités d’au moins 80 % ; un montant significatif des droits éludés – le Conseil constitutionnel le demande également – ; et soit une réitération des faits, ce que l’on pourrait appeler une récidive, soit des comportements aggravants.
L’administration conservera la possibilité – ce point est important –, dans des cas exceptionnels, de ne pas poursuivre le fraudeur, mais elle devra en informer le parquet, qui pourra toujours décider de l’opportunité ou non d’engager des poursuites. Bien sûr, même si les critères ne sont pas remplis, l’administration pourra toujours déposer plainte, pour donner l’exemple, la sanction pénale pouvant avoir une vertu pédagogique.
Le dispositif que nous proposons est, me semble-t-il, équilibré et réaliste, et il permet de faire reposer la décision de poursuite pénale non pas sur une procédure interne, mais sur des critères légaux et objectifs. Cela mettra fin aux fantasmes qui peuvent exister.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi, tel qu’il est issu des travaux de la commission des finances, amélioré par les travaux de la commission des lois. Nous examinerons au cours des débats un certain nombre d’amendements et de propositions du Gouvernement pour améliorer encore ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord vous remercier de m’avoir confié la tâche de rapporter, au nom de la commission des lois, une partie de ce projet de loi, une première expérience d’autant plus enrichissante qu’elle répond à une attente citoyenne forte.
En effet, s’il y a encore quelques années les fraudeurs fiscaux n’étaient considérés que comme faisant défaut aux intérêts financiers d’un État, aujourd’hui ces manœuvres frauduleuses sont perçues comme portant une atteinte directe à l’effort de probité et de solidarité que tout Français, personne privée ou morale, doit avoir envers ses concitoyens. Il est donc nécessaire que le système actuel évolue.
S’il convient de renforcer la sanction d’un contribuable qui se soustrait sciemment à ses obligations contributives, il y a consensus à ne porter devant la justice que les affaires les plus emblématiques et pour lesquelles l’exemplarité de la sanction pénale, avec la publicité qui s’y attache, présente un intérêt majeur. Pour ce faire, ces règles doivent être transparentes et légalisées, et c’est tout le sens du travail qui a été mené au Sénat.
La commission des finances a délégué au fond à la commission des lois l’examen des articles 1er, 8 et 9, et la commission des lois s’est saisie concomitamment pour avis de l’article 5. Aussi, je vous ferai part des conclusions de l’étude approfondie que la commission des lois a menée sur ces quatre articles.
En ce qui concerne l’article 5 relatif à la publicité des condamnations pour fraude fiscale, plus communément appelée le name and shame, la commission des lois estime le dispositif proposé est satisfaisant, en ce qu’il permet de rétablir une règle de condamnation dissuasive, qui se concilie avec le principe d’individualisation des peines. Elle entérine également en l’état l’article 8, qui traite de l’alourdissement des amendes prévues en cas de fraude fiscale, en les portant au double du produit tiré de l’infraction.
La commission des lois juge pertinent l’article 9, qui vise à étendre à la fraude fiscale la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, plus communément appelée le « plaider-coupable ».
La CRPC, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, déclenchée sur l’initiative du procureur, permet d’éviter un long procès, sans effacer pour autant la culpabilité de l’auteur, puisque la peine est homologuée par le président du tribunal de grande instance en audience publique. La commission des lois veut même aller plus loin, puisqu’elle propose d’introduire deux outils complémentaires à la disposition des juges.
Nous proposons, en premier lieu, d’inscrire la jurisprudence Talmon dans la loi. Depuis 2008, la Cour de cassation considère que le parquet peut engager des poursuites sur le fondement du blanchiment de fraude fiscale, le blanchiment étant considéré comme un délit distinct de la fraude. L’objet de notre amendement est donc de sécuriser les procédures engagées depuis une dizaine d’années sur la base de cette jurisprudence.
En second lieu, dans le même esprit et en lien avec une proposition pertinente de nos collègues députés, Émilie Cariou et Éric Diard, formulée dans leur rapport d’information sur le verrou de Bercy, nous vous proposons d’étendre à la fraude fiscale la possibilité de conclure une convention judiciaire d’intérêt public, la CJIP.
La conclusion d’une telle convention par une personne morale est possible sur la seule proposition du procureur. Elle implique de verser au Trésor public une amende d’intérêt public et de mettre en œuvre un programme de mise en conformité. La convention est obligatoirement homologuée par un juge, qui doit également en faire publicité via un communiqué de presse.
Déjà autorisée pour le blanchiment de fraude fiscale, la CJIP a été utilisée avec succès par le parquet national financier pour traiter certains dossiers. Il est donc cohérent de l’autoriser aussi pour la fraude fiscale.
Enfin, la commission des lois a procédé à la suppression de l’article 1er, qui vise la création, au sein du ministère du budget, d’un nouveau service à compétence nationale chargé de mener des enquêtes judiciaires en matière de fraude fiscale.
Sur ce point, monsieur le ministre, nous avons une divergence forte : si le Sénat a montré sa volonté de « déverrouiller Bercy » dans ses travaux menés au cours des dernières semaines – sa position est d’ailleurs constante depuis des années –, ce n’est certainement pas pour entrer dans une logique de création d’une police de Bercy !
Depuis 2010, procureurs et juges d’instruction peuvent s’appuyer sur une brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF. Dépendant du ministère de l’intérieur, et coadministrée par Bercy, cette brigade associe des officiers de police judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires. Elle peut ainsi mettre en œuvre les techniques d’investigation de la police judiciaire et bénéficier d’une expertise pointue en matière fiscale. Cette brigade, originale par sa mixité de fonctions, comprend environ quarante personnes, qui peuvent s’appuyer sur l’ensemble du maillage territorial de la police judiciaire, soit environ 5 700 personnes.
Le Conseil d’État précise dans son avis qu’un second service d’enquête judiciaire fiscale hors du ministère de l’intérieur serait concurrent du premier. Il dit même ne pas comprendre pourquoi, dans un souci de bonne administration, n’est pas retenue l’option consistant à renforcer le service existant.
La commission des lois et la commission des finances sont également peu convaincues du bien-fondé de la création d’une nouvelle police, alors que la BNRDF a déjà pour mission de mener des enquêtes fiscales, et uniquement cela. Il nous semble plus sain et plus efficace de doter cette brigade de moyens supplémentaires, plutôt que de créer un nouveau service, qui risque d’alimenter une guerre des polices
M. le ministre fait un signe de dénégation
, préjudiciable à l’efficacité de l’action publique, et de faire fi de la nécessaire coordination que nécessite ce type de dossiers complexes.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la bonne organisation de nos débats, je demande, au nom de la commission des finances, la réserve de l’article 9 ter du présent projet de loi, et des amendements qui s’y rattachent, jusqu’après l’article 13.
En effet, l’article 9 ter modifie l’article L. 228 du livre des procédures fiscales. Or plusieurs amendements déposés à l’article 13 tendent à proposer une nouvelle rédaction de ce même article, voire à l’abroger.
Aussi convient-il d’examiner l’article 13 avant l’article 9 ter.
Je suis donc saisi d’une demande de la commission tendant à réserver l’examen de l’article 9 ter jusqu’après l’examen de l’article 13.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement, lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve formulée par la commission ?
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Didier Rambaud.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je salue, au nom du groupe La République En Marche, un texte qui s’inscrit dans la continuité du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance et dans un ensemble de mesures qui donnent un sens à l’action du Gouvernement. Ce sens, c’est celui de la responsabilité et de l’émancipation, pour permettre à chacun d’avoir une chance de lutter contre les rentes et de punir ceux qui trichent.
Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui n’intervient pas en réponse à une affaire ou à un scandale, comme cela a pu se produire sous les majorités précédentes, mais comme une réponse pragmatique à un combat qui prend encore plus de sens dans un pays qui arrête de surréglementer, qui cesse d’imposer à ses entreprises et à ses citoyens des obstacles qui n’existent pas à l’étranger.
Mais ce permis de faire ne signifie pas laisser-faire ! C’est tout l’enjeu du projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, nous avons ici un texte qui apporte une réponse pragmatique à un ensemble de comportements de fraude, ainsi que de nouvelles dispositions qui aideront les services de l’administration à lutter contre ces comportements.
C’est le cas de l’article 2, qui renforce les moyens des agents des douanes pour lutter contre les logiciels conçus pour permettre ou organiser la fraude. Les agents auront accès au code source et à la documentation des logiciels en cause. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui répond à un besoin identifié des agents des douanes. Je crois d’ailleurs que le travail de ces derniers est reconnu à travers ce projet de loi, un travail difficile mais ô combien majeur !
Le texte rend plus effectif le droit de communication dont les agents des douanes bénéficient pour la recherche de la fraude douanière et l’établissement de l’assiette des impositions douanières.
Certes, comme pour les avancées de l’article 3 sur l’échange et l’ouverture de fichiers à différents métiers, notamment aux assistants spécialisés mis à disposition des juridictions, personne ne félicitera le Gouvernement pour ces mesures, mais elles seront aussi efficaces qu’elles sont attendues par ceux qui travaillent au quotidien contre ce qui mine notre pacte républicain.
Gardienne d’un temps long au seul bénéfice de l’intérêt général et de la Nation, notre assemblée doit se réjouir de mesures qui ne sont prises ni dans l’émotion ni dans la réaction.
Ce texte est un texte pragmatique, mais pas seulement. En réalité, la philosophie sur laquelle il repose a deux jambes : pris comme un tout, les mesures proposées allient pragmatisme et exemplarité.
Citons, à l’article 6, l’introduction du name and shame en droit français ou encore l’automaticité de la peine complémentaire de publication en cas de fraude fiscale. Voilà deux mesures nécessaires et complémentaires à la confiance qui est accordée aux entreprises et aux particuliers. Ceux qui travaillent en respectant les règles ne peuvent supporter l’impunité face aux comportements déloyaux.
Enfin, ce texte prévoit de nouvelles voies juridictionnelles utiles, comme l’extension de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité à la fraude fiscale, qui permettra une réponse pénale plus rapide et plus efficace. Le plaider-coupable en matière de fraude fiscale, c’est un gain de temps dans le traitement des procédures de fraude fiscale, une réparation plus rapide pour les parties civiles et une répression plus effective, mieux acceptée et exécutoire de plein droit.
Mes chers collègues, face à ce texte, nous devons faire le choix de l’efficacité.
Tout d’abord, j’appelle le Sénat à la raison pour qu’il réintroduise l’article 1er, supprimé par la commission des lois.
Au regard de l’importance du sujet pour nos concitoyens, comment peut-on s’opposer à la création d’un nouveau service de lutte contre la fraude ? Comment peut-on croire que les postes qui allaient être créés seront créés ailleurs ? Soyons-en sûrs, l’article 1er prévoit la création d’un nouveau service spécialisé pour les cas de fraude complexe, tandis que le champ des dossiers transmis à la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF, est beaucoup plus large et que le volet fiscal n’est qu’une partie du dossier.
Acceptons de créer un nouveau service et évaluons plus tard son action et son efficacité. Ne nous privons pas de moyens supplémentaires pour lutter contre la fraude !
Par ailleurs, ne cédons pas au corporatisme facile : je pense au souhait de certains de supprimer l’article 7, suppression qui, non seulement nuirait à la logique d’ensemble du texte, mais supprimerait également une mesure jugée efficace et dissuasive par les experts du droit.
En outre, mes chers collègues, j’entends souvent un Sénat critique à l’égard des textes longs et complexes. Or nous avons là un texte initial court, composé de onze articles, dont l’architecture est claire. Respectons ce paquet de mesures. Le Parlement aura le temps de les évaluer plus tard, de les améliorer et de les compléter au besoin.
La fraude fiscale bafoue nos principes républicains les plus essentiels ; elle mine les finances publiques – cela représente 29 milliards à 40 milliards d’euros selon les estimations du Conseil des prélèvements obligatoires. C’est autant d’argent qui n’est pas investi au service des Françaises et des Français. Soyons efficaces, pragmatiques et réalistes dans nos débats !
Le groupe La République En Marche suivra donc l’évolution du texte à travers les discussions que nous aurons ensemble. Notre groupe soutiendra les mesures qui complètent le texte, comme ont pu le faire nos collègues rapporteurs de la commission des lois et de la commission des finances, et s’opposera aux mesures d’affichage, inapplicables ou qui réduiraient de fait l’efficacité de la réponse face à la fraude, que cette réponse soit administrative ou pénale.
Notre groupe souhaite également rappeler l’excellent travail de nos collègues députés membres de la mission d’information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales. C’est parce que nous respectons le droit d’amendement de nos collègues parlementaires de l’Assemblée nationale que nous ne soutiendrons pas les mesures qui se réfèrent aux conclusions de cette mission, conclusions qui ne contiennent aucune proposition légistique, je tiens à le rappeler.
Il en va de même pour l’article 13, qui nous donnera néanmoins l’occasion d’une discussion dans l’hémicycle, plus propice au débat démocratique que dans la presse !
M. Arnaud de Belenet et Mme Michèle Vullien applaudissent.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, lorsque le Gouvernement auquel vous appartenez a annoncé en début d’année son plan de lutte contre la fraude, certains se sont pris à rêver du grand soir fiscal. Enfin ! Voilà un gouvernement proactif qui s’attaque au dossier de l’évasion fiscale, sans y être poussé par un nouveau scandale révélé par la presse ou les lanceurs d’alerte. C’est dire si nous attendions avec une certaine impatience vos propositions.
M. François Bonhomme s ’ exclame.
À la lecture de votre projet de loi, nous voulons vous dire d’emblée que nous restons sur notre faim !
Sourires.
Ce texte est encore fortement marqué par une forme d’indulgence à l’endroit des fraudeurs fiscaux. Il reste très modeste dans ses ambitions, se contentant pour l’essentiel d’aménagements à la marge, de modifications cosmétiques et d’un renforcement des sanctions fiscales administratives. Il s’inscrit avant tout dans une volonté globale de marginaliser la poursuite pénale des auteurs de délits fiscaux, de maintenir la légitimité d’un traitement principalement administratif de la fraude fiscale et de tenter de rendre politiquement acceptable le maintien du « verrou de Bercy », qui constitue pourtant une spécificité difficilement défendable et tout à fait inacceptable pour l’ensemble de nos concitoyens.
Dans ce texte, il n’y a pas un mot sur les grands groupes du numérique, pas un mot sur une liste crédible des paradis fiscaux en Europe et dans le monde, pas un mot non plus sur les lanceurs d’alerte, qui ont pourtant joué un rôle essentiel ces dernières années dans les révélations de scandales d’évasion fiscale, très peu de mots, enfin, sur la dimension internationale du sujet.
Aux premières annonces du début d’année, à grand renfort de tambours et trompettes médiatiques, vous avez annoncé la création d’une police fiscale, une nouvelle équipe de trente agents, cinquante à terme. C’était la mesure phare de ce projet.
Il m’est impossible à ce stade de ne pas rappeler ici les 38 000 suppressions d’emplois décidées par les gouvernements successifs depuis vingt ans.
C’est le chiffre que donnait M. Bruno Parent, le directeur général des finances publiques, le 6 juin dernier, lors de son audition devant la commission des finances. Quoi que l’on puisse dire, ces suppressions d’emplois ont des conséquences directes sur les conditions d’exercice du contrôle fiscal. Regardons un peu les chiffres de Bercy pour l’exercice 2017 : une baisse de 2 % des vérifications de comptabilité pour l’année, une baisse de 5 % des droits et pénalités des opérations répressives.
Tandis que le nombre d’entreprises a augmenté de 15 % entre 2010 et 2016, le nombre de vérifications n’a cessé de diminuer. Pendant que l’on parle de lutte contre la fraude fiscale, le taux de couverture des services du contrôle fiscal sur les entreprises a reculé de 22 % en quelques années seulement.
Enfin, cette police fiscale viendrait s’ajouter aux multiples services en charge de la lutte contre la fraude à compétence nationale, soit pas moins de sept services concernés, auxquels il faut ajouter la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.
Pour notre part, nous pensons que l’urgence consisterait à réaffecter les moyens humains, techniques et financiers à tous les services existants, afin qu’ils puissent encore augmenter leur efficacité.
Monsieur le ministre, l’article 11 de ce projet de loi prévoit d’intégrer la liste des paradis fiscaux de l’Union européenne à la liste française. Cette disposition pourrait prêter à sourire si elle ne traitait pas d’un sujet aussi grave pour les finances publiques.
Pour mémoire, rappelons la maigreur de la liste française, qui comporte sept États : le Botswana, Brunei, le Guatemala, les Îles Marshall, Nauru, Niue et le Panama, ce dernier État ayant été rétabli en catastrophe dans la liste en avril 2016, au lendemain des révélations fracassantes des « Panama papers », par le consortium international des journalistes d’investigation. Quant à la liste noire commune de l’Union européenne, telle qu’elle a été établie au 23 janvier 2018, elle comporte huit pays, dont Guam, Samoa et Palaos.
Cette liste est véritablement celle des paradis perdus. Aucun État membre de l’Union européenne n’y figure par décision politique. Pourtant, la planète « évasion fiscale » y tourne très bien. Depuis 2016, année de la révélation de l’affaire dite « LuxLeaks », qui dénonçait ces accords fiscaux très avantageux pour les grands groupes, le Grand-Duché de Luxembourg a conclu 599 accords fiscaux de ce type, tout comme la Belgique voisine, qui en a signé 1081 pour sa part.
Au sein de l’Union européenne, la multinationale Apple a payé des impôts à des taux compris entre 1, 7 et 8, 8 % entre 2015 et 2017. Les spécialistes estiment que la société Apple est parvenue à éviter de payer jusqu’à 21 milliards d’euros à l’Union européenne !
Ce texte nous laisse également sur notre faim, compte tenu du maintien du « verrou de Bercy ». Nous avons vraiment le sentiment que Bercy s’agrippe à son pouvoir. Il s’agit d’une exception française qui, au fond, institue une justice à deux vitesses. On nous rétorque invariablement que le dispositif actuel est plus efficace en termes de montants et de rapidité. Cela reste bien évidemment à vérifier.
Quand une présomption se fait jour, elle ne peut être établie qu’en recourant à des moyens coercitifs qui, dans un État de droit, ne peuvent être autorisés que dans le cadre d’une procédure judiciaire. C’est ainsi qu’il peut arriver que des indices ne soient ni traités ni transmis à la justice.
Pour véritablement rétablir la confiance chez nos concitoyens, l’heure est à la transparence et à la justice.
Mes chers collègues, M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, déclarait à l’Assemblée nationale le 6 novembre dernier, au lendemain des nouvelles révélations des « Paradise papers » que « l’évasion fiscale est une attaque contre la démocratie ». Il est très regrettable que ces propos n’aient pas été suivis d’effets véritables. Depuis trente ans, des politiques de dumping fiscal ont été menées par certains pays, y compris au sein de l’Union européenne.
Ces politiques trouvent leur origine dans la liberté complète de circulation des capitaux, décrétée dans les années quatre-vingt, et érigée en véritable dogme depuis. Une guerre sans merci s’est alors développée pour attirer les capitaux. Dès qu’un État assouplit sa législation fiscale, les capitaux bondissent vers le pays d’accueil. Je ne suis pas de ceux qui se résignent à cette injustice ! Dès lors qu’il y a un impôt, certains cherchent à s’en affranchir. C’est tout à fait inacceptable !
La différence entre évasion et fraude fiscales me laisse toujours un peu pantois. Dès lors que vous élaborez des systèmes particulièrement opaques pour ne pas payer l’impôt, qu’un certain nombre de manœuvres sont accomplies, qu’une ingénierie est mise en place dans une très grande opacité, les jurisprudences et la perception que l’on en a aujourd’hui pourront évoluer… un jour.
Mes chers collègues, les élus, la République, sont au pied du mur pour réaffirmer ici le primat de l’intérêt général. Ce texte en l’état ne nous y conduit pas. Puisse le débat en enrichir la portée !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michèle Vullien applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur, mes chers collègues, dans son esprit, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui peut être directement relié au projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public. Le droit à l’erreur que ce dernier texte prévoit d’introduire au bénéfice du contribuable de bonne foi rend plus que nécessaire, en contrepartie, le durcissement de la répression de la fraude fiscale, dont l’ampleur offense la République et l’honnêteté de chaque citoyen.
Si nécessaire et cohérent fût-il, le projet de loi initial examiné par la commission des finances du Sénat n’était pas parfait, et encore moins complet. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail de la commission des finances et de son rapporteur, grâce à qui la copie du Gouvernement a été substantiellement nourrie et améliorée. Le texte comporte désormais une vingtaine d’articles, là où la version initiale n’en comptait que onze.
Je ne prendrai qu’un exemple : les apports de la commission des finances concernant le renforcement de la lutte contre la fraude sur internet, avec l’instauration inédite d’un régime de responsabilité solidaire des plateformes en ligne pour le paiement de la TVA due par les vendeurs qui y exercent leur activité. Le montant de cette fraude est estimé en France, pour les seules ventes de biens matériels, à plus de 1 milliard d’euros.
Il faut développer les contrôles. Nous espérons que le régime, qui a été introduit voilà deux ans outre-Manche et qui a déjà fait ses preuves, prospérera à l’issue du texte, avec votre avis bienveillant, monsieur le ministre.
Il me semble toutefois que ce projet de loi peut aller plus loin et, avec lui, la lutte contre la fraude fiscale. C’est pourquoi je soumettrai à votre appréciation deux amendements visant à aider l’administration à renforcer son accès à l’information auprès des experts-comptables et de leurs collaborateurs, qui sont si souvent les premiers témoins de la fraude fiscale.
Je profite également du temps qu’il m’est donné pour saluer la commission des lois et le travail de son rapporteur, Nathalie Delattre, qui a permis d’enrichir le texte. Je pense notamment à l’introduction de l’article 9 ter, qui permet d’entériner la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt Talmon et, donc, d’écarter l’application du « verrou de Bercy » en cas de poursuites pour blanchiment de fraude fiscale. Nous aurons à reparler du « verrou de Bercy » dans les heures qui vont suivre. C’est pourquoi je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet.
Je terminerai en soulignant les apports au texte de ma collègue Nathalie Goulet, apports que nous soutiendrons.
Mes chers collègues, ce projet de loi revêt à nos yeux une importance particulière, qui tient à la sensibilité politique, médiatique et sociétale du sujet. En effet, lorsque la fraude n’est pas correctement appréhendée et réprimée, l’édifice fiscal et social est compromis. Il nous revient collectivement de préserver et d’encourager l’honnêteté, c’est-à-dire garantir de punir.
Le texte, sous réserve des modifications qui seront apportées lors de son examen à venir, agit en ce sens. C’est la raison pour laquelle les membres du groupe Union Centriste l’adopteront.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Daniel Chasseing applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour débattre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, contre les fraudes.
Il se veut complémentaire du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, mais il représente plutôt une tentative de rééquilibrage à la suite des baisses d’impôts accordées aux plus fortunés depuis le début de ce quinquennat. Bref, nous sommes évidemment favorables à la poursuite du chemin entamé pour lutter efficacement contre la fraude, chemin tracé par les lois Sapin I et II qui ont, de l’avis des ONG très mobilisées sur le sujet, marqué d’importants progrès dans cette lutte.
Plein de bonnes intentions, ce texte ne peut cependant être qualifié de « grand texte » : avant son examen en commission, il n’apportait aucune avancée significative en ce qui concerne la fiscalité des plateformes d’économie collaborative, par exemple. Il peut également mieux faire sur la liste des paradis fiscaux, comme l’a dit le rapporteur général et rapporteur de la commission des finances. En outre, il n’y a rien sur le « verrou de Bercy ».
Certes, ce texte comporte quelques dispositions pour doter le ministère des finances d’une nouvelle police fiscale et donner au ministère des finances ou à la justice de nouvelles prérogatives censées dissuader les fraudeurs. Nous prenons acte de la plupart de ces mesures qui sont des avancées et nous ferons des propositions pour les améliorer.
Nous saluons avec satisfaction le fait que la commission des finances, dans une belle unanimité, ait amélioré les dispositions fiscales applicables aux plateformes collaboratives et proposé un dispositif clair pour lutter contre la fraude à la TVA sur internet. Nous espérons que le Sénat, qui a beaucoup travaillé sur ces questions, sera entendu au cours de la navette parlementaire qui suivra.
S’agissant des paradis fiscaux, nous regrettons que la liste de ces derniers soit aussi peu élargie à des pays dont les pratiques fiscales s’apparentent à un véritable dumping. Le texte de la commission va dans le bon sens, mais ne va pas encore assez loin. Il est temps que la France reprenne la main, puisque la Commission européenne a fait montre de son impuissance.
Enfin, concernant le verrou de Bercy, nous sommes surpris de voir le rapporteur continuer à communiquer sur sa suppression. En effet, les dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales qui l’organisent n’ont pas été modifiées. Avec cette rédaction, les juges ne pourront toujours pas poursuivre de leur propre chef des personnes suspectées de fraude fiscale.
Le texte de la commission prévoit certes un aménagement, mais largement insuffisant. Il s’agit d’automatiser la transmission de certains dossiers au parquet. Parfait ! Ces dossiers devront correspondre à des critères. Très bien ! En effet, personne ne souhaite envoyer 15 000 dossiers devant des tribunaux, car ils seraient alors engorgés.
Mais ces critères sont très restreints, trop restreints et, surtout, cumulatifs ! Cela ne répond pas à cette exigence qu’est la suppression du verrou de Bercy !
Par exemple, un contribuable, ou une entreprise, qui serait sanctionné par l’administration fiscale pour une pénalité de 40 % et qui récidiverait ne verrait pas son dossier automatiquement transmis.
Il n’est pas raisonnable que les critères définis soient cumulatifs. De très nombreux dossiers vont encore passer entre les mailles du filet, dans la droite ligne du manque de transparence qui caractérise la situation actuelle.
Nous regrettons vivement que, pour une partie de nos collègues, la lutte contre la fraude se limite à l’encaissement des droits et pénalités pour les malchanceux qui se sont fait prendre. Nous regrettons aussi que la poursuite pénale n’apparaisse, dans ce cadre, que comme un moyen de pression pour amener le contrevenant à négocier. La convention juridique d’intérêt public est par ailleurs l’aboutissement de cette logique qui tend à faire de la justice une simple gestionnaire et à vider la procédure pénale de sa substance. C’est la raison pour laquelle nous n’y sommes pas favorables.
Ce débat intervient après celui qui a eu lieu au mois de mai dernier, sur l’initiative de Marie-Pierre de la Gontrie. Celle-ci soumettait à notre assemblée, au travers de sa proposition de loi, la question de la suppression du verrou de Bercy. Le Sénat l’a rejetée en argumentant que nous pourrions y parvenir à l’occasion de l’examen du texte qui nous réunit aujourd’hui. Force est de constater que, pour l’instant, le rendez-vous est manqué.
Parallèlement, une mission d’information relative à la fraude fiscale a été créée à l’Assemblée nationale et a été citée. Le rapport de cette mission et ses propositions ont recueilli l’approbation de tous les partis politiques y ayant participé. Tous ont reconnu l’excellence du rapport. La mission a défini le chemin à suivre et nous devons, devant cette unanimité, répondre présent et ne pas proposer de fausses solutions qui ne seraient que de la communication politique.
Les conclusions de la mission Cariou répondent parfaitement aux enjeux, qui ne se limitent d’ailleurs pas à la suppression du verrou de Bercy. Vous retrouverez, dans nos amendements, des propositions de traduction dans la loi de ses recommandations.
La levée du verrou de Bercy doit permettre la transmission aux parquets de tous les dossiers correspondant aux fraudes fiscales aggravées. Nous proposerons de définir dans la loi les critères non cumulatifs qui détermineront l’envoi automatique des dossiers à la justice.
Nous avons constaté que plusieurs sénateurs de différents groupes politiques présentent des amendements identiques. Nous espérons que cette démarche permettra de faire vivre au Sénat les propositions issues de la commission de l’Assemblée nationale.
La suppression du « verrou de Bercy » est une condition indispensable pour un dispositif antifraude efficace et transparent, mais elle n’est pas suffisante.
Nous présenterons d’autres amendements. Il faut notamment comprendre que tous les dispositifs évoqués dans la discussion ne seront rien si les moyens attribués aux services, en particulier dans le cadre du prochain projet de loi de finances, ne sont pas à la hauteur. Sans ces moyens, la lutte contre la fraude ne pourra être ni efficace ni dissuasive. Mon excellent collègue Thierry Carcenac en dira davantage sur le sujet.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Nathalie Goulet, Michèle Vullien et Sophie Joissains, ainsi que M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.
MM. Daniel Chasseing et Jean-François Longeot, ainsi que Mme Michèle Vullien applaudissent.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, « la fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme » !
Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
La fraude serait une sorte de fatalité, un mal que nous serions impuissants à éradiquer.
Force est de constater que les chiffres sont inquiétants : selon les estimations, avec toutes les imperfections que le ministre a rappelées, la fraude fiscale « classique » ferait perdre à l’État de 20 milliards à 30 milliards d’euros chaque année. M. le ministre a même évoqué le montant de 80 milliards d’euros !
S’y ajoutent la fraude aux cotisations sociales, que la Cour des comptes estime à 20 milliards d’euros, et la fraude à la TVA, qui représente au moins 14 milliards d’euros par an en France, d’après la Commission européenne.
Pourtant l’impôt est ce qui fonde la citoyenneté, le vivre ensemble, la participation de chacun à la vie de la Nation. Les articles XIII et XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen rappellent cette exigence : « une contribution commune est indispensable » et « tous les citoyens ont le droit […] de la consentir librement ». La fraude sape ces fondements républicains de notre société et affaiblit le consentement à l’impôt.
Face à la fraude, on peut être fataliste, répéter que « la fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme », ou alors, on peut agir. On peut renforcer notre arsenal préventif et répressif pour l’adapter aux évolutions de la société.
C’est ce que fait la France depuis plusieurs années au niveau international et européen, d’une part, en appuyant l’action de l’OCDE et de la Commission européenne et au niveau national, d’autre part, à travers l’adoption de la loi du 6 décembre 2013 relative à la fraude fiscale et de la loi Sapin II du 9 décembre 2016.
Ce projet de loi, sans être révolutionnaire, pose une pierre supplémentaire à cet édifice de longue haleine. Il apporte des « petites révoltes », comme vous l’avez dit précédemment, des aménagements bienvenus à nos dispositifs de lutte contre la fraude.
Tout abord, ce texte renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction des douanes, tout en favorisant les échanges d’information entre les administrations.
Ensuite, et c’est peut-être sa plus grande originalité, il prévoit de nouvelles sanctions à l’égard des fraudeurs et il réforme notre arsenal répressif.
L’article 6 du projet de loi permet à l’administration fiscale, sous certaines conditions, de rendre publiques les sanctions administratives qu’elle prononce à l’encontre des personnes morales, au titre de certains manquements particulièrement graves. Cette introduction du name and shame anglo-saxon dans notre tradition juridique doit s’accompagner de garanties fortes, à la mesure du risque « réputationnel » encouru. Notre commission des finances y a pourvu en prévoyant que seules les sanctions définitives pourront faire l’objet d’une publication.
En outre, la liste française des États et territoires non coopératifs s’enrichit des juridictions figurant sur la liste du Conseil de l’Union européenne. Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, les critiques dont fait l’objet ce type de listes, notamment celle de l’Union européenne. On pourrait la muscler encore par l’insertion des juridictions à haut risque identifiées par le Groupe d’action financière, le GAFI. Ce sont des États qui facilitent le blanchiment de la fraude fiscale internationale et le financement du terrorisme. Ils méritent, à ce titre, une vigilance approfondie.
Je ne m’attarderai pas sur les ajouts de notre commission des finances relatifs à la lutte contre la fraude à la TVA sur les plateformes en ligne. Ce sont des recommandations que le Sénat formule depuis longtemps et qui permettraient de nous inspirer des meilleurs exemples étrangers pour récupérer plus de 1 milliard d’euros par an.
En revanche, notre commission a saisi l’opportunité que vous lui aviez offerte à propos du « verrou de Bercy » : elle propose un dispositif équilibré avec trois critères cumulatifs qui entraînent le dépôt obligatoire par l’administration d’une plainte pour fraude fiscale. Nous aurons certainement des débats très nourris – je l’ai compris – sur cette question et sur la place respective du parquet et de l’administration.
Nous devrons notamment mieux articuler les procédures de poursuites pour fait de fraude fiscale et pour fait de blanchiment de fraude fiscale. Le régime actuel fait coexister deux procédures parallèles dont la cohérence n’est pas assurée. Nous en avons eu la preuve il y a quelques jours encore avec l’annulation de la mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale d’un milliardaire russe, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.
Pour être vraiment efficaces, nous devons, me semble-t-il, harmoniser ces procédures tout en développant les coopérations entre le parquet et l’administration fiscale. Il faudra s’éloigner du prisme de l’idéalisation du parquet, car quoi qu’il arrive l’opportunité des poursuites, contrairement à ce que certains semblent croire, existera toujours, qu’elle soit le fait d’un spécialiste au sein de l’administration fiscale ou le fait d’un magistrat plus généraliste au sein d’un parquet. Il faut donc se décrisper sur l’existence ou non d’une forme d’opportunité des poursuites.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte tel que complété par notre commission des finances est un texte équilibré, qui permet des avancées législatives certaines. Nous devrons donner les moyens à la direction générale des finances publiques, la DGFiP, et aux douanes de le mettre en pratique, en utilisant plus largement des techniques nouvelles, comme le « data mining » ou l’intelligence artificielle.
Dans la compétition entre les fraudeurs et le régulateur, où les fraudeurs essaient d’avoir en permanence une longueur d’avance, il est de notre responsabilité de veiller à ce que les armes de l’État soient toujours les plus affûtées, les plus rapides et les plus précises possible.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – MM. Marc Laménie et Arnaud Bazin applaudissent également.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur, mes chers collègues, le présent projet de loi s’inscrit dans la lignée des projets adoptés sous les quinquennats précédents et visant à répondre à la problématique de la fraude fiscale, mise en lumière, trop souvent, par une série de scandales, et dont le préjudice pour les recettes fiscales de l’État avait été évalué par le Sénat en 2012 à un montant compris entre 30 milliards et 50 milliards d’euros par an. J’ai entendu, monsieur le ministre, que vous organiseriez une grand-messe à la rentrée pour objectiver le chiffre : espérons qu’il fasse référence !
Il s’agit donc d’un enjeu de finances publiques, mais il s’agit également d’un enjeu sociétal : le consentement à l’impôt peut être raisonnablement remis en cause par l’explosion des scandales de fraude fiscale, encore faut-il qu’il y ait consentement à l’impôt. En effet, quand on ne paie pas d’impôt parce qu’on en supprime, je pense à la taxe d’habitation ou à l’impôt sur le revenu qui n’est payé que par la moitié des contribuables, le consentement à l’impôt n’a pas grand sens.
Ce projet de loi apparaît par ailleurs comme la contrepartie du projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, actuellement en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, dont la mesure principale est l’instauration d’un droit à l’erreur pour les contribuables. Indulgence pour l’honnête contribuable, sévérité pour le fraudeur : c’est un bon équilibre.
La partie répressive se traduit dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui par une série de mesures, utiles pour certaines, sans être pour autant révolutionnaires.
Il s’agissait, en premier lieu, de créer une nouvelle police fiscale dépendante de Bercy. Notre commission des lois a jugé cependant cette mesure largement inopportune. Nous estimons en effet qu’il eût été plus judicieux de renforcer les moyens de l’actuelle BNRDF, …
Évitons, monsieur le ministre, une nouvelle guerre des polices, créons plutôt un deuxième bureau, car il a fait ses preuves en son temps.
Il s’agit, en second lieu, d’introduire une procédure de « plaider-coupable » pour les infractions de fraude fiscale, mais aussi de publier les noms des plus gros fraudeurs et de sanctionner les intermédiaires financiers coupables de montages financiers frauduleux ou « abusifs », terme que nous jugeons d’ailleurs trop flou.
Ce projet de loi sera aussi l’occasion pour le Gouvernement de réformer le « verrou de Bercy » grâce au Sénat, maintenant que l’Assemblée nationale a compris l’ensemble de la question. Vous avez souhaité avancer sur le « verrou de Bercy » lors de l’examen du texte qui nous occupe aujourd’hui, je vous en remercie. Notre commission des finances a fait des propositions sur ce point, j’y reviendrai dans quelques instants.
Je souhaiterais tout d’abord rappeler que le Sénat suit de près les questions de fraude fiscale depuis plusieurs années déjà. En juillet 2012, un rapport de notre collègue Éric Bocquet…
… fut publié dans le cadre d’une commission d’enquête sénatoriale présidée par Philippe Dominati.
En octobre 2013, un second rapport d’Éric Bocquet, …
… fut publié à l’initiative d’une commission d’enquête sénatoriale sur le rôle des banques, présidée par François Pillet. Il faut croire que le grand appétit de justice fiscale et sociale de M. Bocquet n’est pas rassasié…
La question de la fraude liée à l’économie collaborative a été également un sujet de préoccupation de notre commission des finances à travers son groupe de travail sur la fiscalité du numérique, qui a conduit à la remise d’un rapport en mars 2017.
Actuellement, un groupe de suivi de la commission sur la fraude et l’évasion fiscales travaille également sur le sujet de la fraude.
Le Sénat a adopté à plusieurs reprises, souvent à l’unanimité, des mesures contenues dans le rapport de 2017, mais notre assemblée, hélas ! n’a pas été suivie par l’Assemblée nationale.
Comme le rapporteur Albéric de Montgolfier, dont je tiens à saluer la constance sur ces sujets, je me félicite du fait que la vertu pédagogique de la répétition ait fait évoluer le Gouvernement, d’une part, et, nous l’espérons, l’Assemblée nationale, d’autre part.
Il s’agit de l’obligation pour les plateformes d’économie collaborative de transmettre au fisc les revenus de leurs utilisateurs. Jusqu’à présent, les plateformes n’avaient l’obligation de ne communiquer le montant annuel des revenus qu’à leurs seuls bénéficiaires et de rappeler à ces derniers les règles fiscales et sociales applicables afin de les inciter à les déclarer.
Si la commission des finances a depuis longtemps prôné des mesures encourageant la fiscalisation des revenus sur les plateformes en ligne, elle a cependant toujours estimé qu’un abattement était nécessaire.
Une franchise de quelques milliers d’euros par an semble préférable à une fiscalisation au premier euro, afin d’exonérer les petits compléments de revenus occasionnels permettant de « boucler des fins de mois », à distinguer d’activités dégageant des recettes plus substantielles et professionnalisées, relevant de la fraude.
C’est pourquoi notre groupe soutient l’adoption d’un abattement forfaitaire de 3 000 euros, qui avait déjà été adopté à l’unanimité par le Sénat dans le projet de loi de finances pour 2018, avant d’être rejeté, encore une fois, par l’Assemblée nationale.
De la même façon, nous soutenons l’interdiction, pour les plateformes en ligne, d’effectuer des versements à leurs utilisateurs sur des cartes prépayées. Ce système de cartes permet en effet de rendre « invisibles » aux yeux du fisc les revenus perçus par les utilisateurs.
Notre commission s’est également intéressée depuis plusieurs années au cas spécifique de la fraude à la TVA. Nous vous demandons, de ce fait, monsieur le ministre, que les dispositions que nous avons adoptées à l’unanimité en commission soient conservées dans le texte final.
Vous le savez bien, des plateformes en ligne, comme Amazon ou Alibaba – celle-ci ne doit pas se transformer en quarante voleurs de TVA §–, vendent directement leurs produits référencés, mais servent également de marketplaces entre des vendeurs particuliers, professionnels ou non, et des acheteurs en ligne.
Or les vendeurs professionnels situés dans des pays étrangers ne transmettent souvent pas de numéro de TVA à ces plateformes et en conséquence ne paient pas de TVA, ce qui leur permet d’afficher des prix inférieurs de 20 % à ceux du marché.
La perte de recettes est estimée au bas mot à 1 milliard d’euros. Monsieur le ministre, alors que vous grappillez euro après euro dans les conférences budgétaires, pourquoi négliger 1 milliard ? Cette recette serait la bienvenue pour lutter contre notre déficit.
Pour remédier à cette situation, la commission des finances, sur l’initiative de notre rapporteur général, a souhaité que le numéro soit obligatoirement collecté par les plateformes. À défaut, ces dernières doivent être solidaires fiscalement si des vendeurs coupables de fraude à la TVA sont détectés par l’administration et qu’il s’avère qu’aucune mesure n’a été prise par la plateforme.
Ce dispositif est inspiré du système britannique qui a fait ses preuves et qui a permis d’augmenter les recettes de TVA outre-Manche.
L’article 4 quater adopté par la commission des finances reprend également une mesure envisagée par le Royaume-Uni et déjà adoptée au Sénat à plusieurs reprises.
Enfin, notre commission a prévu une solidarité fiscale des filiales françaises des plateformes pour les amendes en cas de non-respect du devoir d’information des utilisateurs quant à leurs obligations fiscales et sociales et en cas de non-transmission au fisc des revenus des utilisateurs, ainsi qu’une solidarité fiscale des filiales françaises des entreprises auxquelles est appliquée l’amende pour manquement au droit de communication non nominatif.
La première mesure a pour objet d’éviter que les grandes plateformes, qui sont pour la plupart situées à l’étranger, ne s’affranchissent des obligations prévues à l’article 4, alors même qu’elles disposent de plusieurs filiales en France.
La seconde mesure vise, de la même façon, à obliger les filiales françaises des plateformes en ligne à transmettre des informations non nominatives à l’administration fiscale en les rendant solidairement responsables du paiement des amendes. Cette obligation d’information incombe, en effet, aux sites en ligne depuis 2015, mais elle est peu appliquée quand ceux-ci ont leur siège dans un pays tiers.
Venons-en maintenant au sujet légendaire du « verrou de Bercy ».
Notre commission des finances a fait des propositions qui, assurément, permettent d’atteindre un équilibre entre la nécessité de l’efficacité et la nécessité de la transparence, reprenant les pistes que j’avais tracées voilà deux mois à cette tribune.
En effet, lorsqu’il y a quelques semaines j’ai rapporté la proposition de loi de notre collègue socialiste Marie-Pierre de la Gontrie renforçant l’efficacité des poursuites contre les auteurs d’infractions financières et supprimant le « verrou de Bercy », j’avais mis en garde contre les conséquences d’un transfert brutal de tous les dossiers de fraude fiscale à l’autorité judiciaire.
Les risques d’engorgement des tribunaux, de perte d’expertise et de perte de confidentialité sont réels. Le temps de l’impôt est le temps de l’économie, qui n’est pas le temps de la justice. Il y a là un risque majeur.
Toutefois, j’avais insisté également sur la nécessité d’encadrer davantage le système afin de le rendre parfaitement transparent et contrôlable. J’avais invité les fonctionnaires de Bercy à ne pas avoir peur de la transparence eu égard à leur probité. Ainsi j’avais prôné, avant le rapport Cariou, que les critères de sélection des dossiers par Bercy et la commission des infractions fiscales, aujourd’hui définis par une circulaire, soient redéfinis par la loi. Tel est l’objet du nouvel article 13, introduit dans ce projet de loi par notre commission des finances.
Ce système de critères transparents, car définis par la loi, entraînerait donc obligatoirement le dépôt par l’administration fiscale d’une plainte pour fraude fiscale auprès du parquet.
Ces critères sont cumulatifs : la fraude devrait porter sur un montant suffisamment élevé qui serait défini par décret en Conseil d’État et entraîner une pénalité possible d’au moins 80 %, avec un comportement du fraudeur d’une gravité particulière – y compris, pourquoi pas, pour les parlementaires –, par exemple la réitération qui serait considérée comme une circonstance aggravante. Sauf exception particulière, l’administration devra aller devant le parquet, qui, comme l’a souligné à juste titre mon collègue Capus, pourra toujours demander à se saisir d’un dossier, même si les deux critères cumulatifs ne sont pas remplis. Ainsi, le parquet reste maître des poursuites.
Cette réforme du « verrou de Bercy » n’est peut-être pas la suppression que vous attendiez, le verrou étant trop souvent fantasmé. En tout état de cause, nous garantissons l’efficacité en matière de recouvrement, ce qui est le plus important.
Les dossiers les plus substantiels seront confiés à l’autorité judiciaire et les dossiers les moins importants pourront faire l’objet d’un traitement plus rapide, la répartition des dossiers étant fondée sur des critères clairs et contrôlés par la représentation nationale.
Pour conclure, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi tel qu’il a été amélioré et enrichi par les travaux de notre Haute Assemblée.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – M. Emmanuel Capus applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur pour avis, chère Nathalie, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la lutte contre la fraude a été déposé devant notre assemblée le 28 mars dernier.
Après le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance examiné en début d’année en première lecture, et que nous allons bientôt réexaminer en nouvelle lecture, ce texte se présente comme son pendant répressif, comme cela est clairement expliqué dans l’exposé des motifs : « Si, face à la complexité de notre système de prélèvements fiscaux et sociaux, il peut arriver au contribuable de bonne foi de commettre erreur ou oubli, appelant de l’administration un traitement bienveillant, le fait de se soustraire sciemment à ses obligations contributives doit être poursuivi avec la plus grande efficacité, et sévèrement sanctionné ».
La fraude fiscale coûterait entre 60 et 80 milliards d’euros par an à l’État, soit environ 20 % des recettes fiscales brutes. Ce n’est pas rien ! La fraude la plus importante concerne la TVA. Viennent ensuite l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu. Le taux de fraude à la TVA est élevé dans la plupart des États européens, autour de 50 %, la France se situant dans la moyenne.
Il faudrait ajouter entre 40 et 60 milliards d’euros par an du fait de l’optimisation fiscale agressive, je serais même tenté de dire très agressive. Ces chiffres sont obtenus par extrapolation à partir des cas de fraude identifiés par l’administration fiscale, que cette fraude soit intentionnelle ou non. Ils ne correspondent pas au montant effectivement redressé.
Enfin, la fraude sociale au sens strict – fraude aux prestations et minima sociaux – ou au sens large – fraude au droit du travail, à l’assurance maladie du fait du salarié ou de l’employeur – existe, mais représente des montants nettement inférieurs à ceux de la fraude fiscale, contrairement à ce que l’on imagine généralement. Elle s’élève de quelques centaines de millions à quelques milliards d’euros par an.
Les dispositions du texte concourent à trois objectifs : mieux détecter, mieux appréhender et mieux sanctionner la fraude.
En matière de détection, le projet vise à faciliter l’échange de données entre administrations concourant à la lutte contre les fraudes fiscales, sociales et douanières, et la transmission d’informations par les plateformes d’économie collaborative.
En matière d’appréhension de la fraude, elles renforcent les moyens d’investigation.
Enfin, en matière de sanction, les dispositions complètent et alourdissent l’arsenal existant, notamment dans une logique plus large de publicité – c’est important –, mais aussi par des méthodes inspirées du monde anglo-saxon, comme le name and shame.
Je reviendrai plus précisément sur l’article 1er du projet de loi. La commission des lois, par la voix de sa rapporteur, a décidé de le supprimer, estimant qu’il conduisait à créer un doublon avec les services d’officiers fiscaux judiciaires déjà présents au sein du ministère de l’intérieur. En cela, la commission a suivi l’avis du Conseil d’État qui s’était montré plutôt défavorable à cette mesure.
L’article 2 vise à renforcer les moyens dont disposent les agents des douanes pour lutter contre les logiciels dits « permissifs », conçus pour permettre la fraude et la dissimuler, à l’instar de ceux dont bénéficient déjà les agents de la direction générale des finances publiques.
L’article 3 renforce l’accès à l’information utile à l’accomplissement des missions de contrôle et de recouvrement des agents chargés de la lutte contre la fraude, notamment en ouvrant aux assistants spécialisés de l’autorité judiciaire l’accès aux fichiers de la direction générale des finances publiques.
L’article 4, qui a fait l’objet d’amendements nombreux en commission des finances, précise les obligations fiscales et sociales imposées aux plateformes d’économie collaborative.
Le titre II du projet de loi prévoit un renforcement des sanctions contre la fraude fiscale, sociale et douanière, ce qui en fait le volet le plus répressif de ce texte.
L’article 5 prévoit par défaut l’application de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale, aujourd’hui prononcée de manière facultative par le juge répressif.
L’article 6 prévoit la création d’une sanction administrative complémentaire des sanctions financières existantes, consistant à rendre publics les rappels d’impôts et les sanctions administratives pécuniaires dont ils ont été assortis, une fois devenus définitifs.
L’article 7 crée une sanction administrative de 10 000 euros ou, si le montant est supérieur, de 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, exclusive des sanctions pénales, applicable aux personnes qui concourent, par leurs prestations de services, à l’élaboration de montages frauduleux ou abusifs.
L’article 8 aggrave la répression pénale des délits de fraude fiscale en prévoyant que le montant des amendes puisse être porté au double du produit tiré de l’infraction.
L’article 9 vise à ouvrir la faculté au procureur de la République de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le fameux « plaider-coupable », en matière de fraude fiscale.
L’article 10 renforce les sanctions douanières applicables en cas d’injures, de maltraitance ou encore de troubles à l’exercice des fonctions des agents des douanes, ainsi qu’en cas de refus de communication des documents demandés.
Enfin, l’article 11 complète la liste française des États et territoires non coopératifs en matière fiscale afin qu’elle intègre celle qui a été adoptée par l’Union européenne en décembre 2017.
Le texte a été enrichi lors de l’examen en commission de plusieurs dispositions, en particulier l’autorisation de la convention judiciaire d’intérêt public – ou encore transaction pénale – en matière de fraude fiscale, à l’article 9 bis.
À l’article 11 concernant la liste des paradis fiscaux, les membres de la commission des finances ont ajouté avec sagesse la prise en compte de l’échange d’informations et la mention de critère de la liste européenne des paradis fiscaux.
Surtout, le nouvel article 13, au sein d’un nouveau titre nommé « réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale », tend à desserrer le « verrou de Bercy » puisque des dossiers qui rempliront certains critères cumulatifs devront automatiquement être transmis au parquet, qui pourra alors engager des poursuites pénales.
Ces différents sujets, qui sont présents dans le débat public depuis des affaires ayant émaillé le précédent quinquennat, ont déjà été abordés lors de l’examen de la loi de 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et de la loi Sapin II.
Ils résonnent aussi avec l’actualité et les mesures prises à l’échelle internationale, notamment sous l’égide de l’OCDE, avec l’accord multilatéral de 2016 sur l’échange de déclarations pays par pays et, dernièrement, la convention multilatérale de lutte contre l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices, ratifiée par la Haute Assemblée le 19 avril dernier.
Pour l’heure, mon groupe, après une grande discussion, partage évidemment les objectifs de ce projet de loi.
M. Yvon Collin. Il déterminera sa position définitive en fonction des débats.
MM. Jean-Claude Requier, François Patriat et François Bonhomme applaudissent.
Merci de votre indulgence, monsieur le président, car j’ai largement dépassé le temps qui m’était imparti.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, un débat sur la fraude fiscale de plus n’est jamais un débat sur la fraude fiscale de trop !
Nous sortons, on l’a déjà dit, du cycle « un scandale, une annonce, un texte ». Néanmoins, ce n’est pas le grand soir de la lutte contre la fraude fiscale, comme vous l’avez vous-même reconnu à la tribune, monsieur le ministre. J’ai déposé avec mon groupe une batterie d’amendements, notamment pour mieux lutter contre la fraude sociale, puisque notre pays compte 1, 8 million de faux numéros d’INSEE, qui sont 1, 8 million de fois « Sésame, paie-moi » ! Nous avons également déposé des amendements sur la suppression du « verrou de Bercy » et prévu un certain nombre de propositions pour mieux coordonner les procédures judiciaires et administratives.
Je souhaite revenir sur les conditions d’examen de ce texte. Il devait être examiné à la fin du mois de juillet, il est discuté au début du mois. Nous avons certes travaillé en commission, mais à un rythme tout à fait déraisonnable par rapport à l’enjeu.
De plus, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée alors que, une fois encore, rien ne le justifie. Nous allons donc être privés de la navette pour améliorer des dispositifs qui, reconnaissez-le, monsieur le ministre, sont quand même importants. Je pense notamment à l’article 4 sur la fiscalité du numérique, pour lequel il aurait été utile de consulter la commission de la culture et notre collègue Catherine Morin-Desailly. Certes, la commission des finances est la première concernée, mais vous abordez dans ce texte un certain nombre de sujets qui sont loin d’être inintéressants. Ils sont pourtant examinés en commission à la vitesse du TGV, et non à 80 kilomètres par heure
Sourires.
C’est un procédé indigne du sujet que nous traitons, d’autant qu’il n’y a aucune urgence, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, à prendre les dispositions que vous proposez.
Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, ainsi qu’au rapporteur général qui est parti, je voudrais, pour avoir travaillé depuis très longtemps sur le sujet, vous dire que ce projet de loi, notamment son article 13, s’apparente à un texte Canada Dry : ça ressemble à la suppression du verrou de Bercy, ça porte le nom du verrou de Bercy, mais ça ne supprime pas le verrou de Bercy !
Pour tout dire, sur l’article 11 en particulier, concernant la liste des paradis et des territoires non coopératifs, comme je l’ai déjà dit à cette tribune et puisque c’est la saison, je vous annonce que je déposerai un amendement sur la réforme constitutionnelle de façon que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales soit inscrite à l’article 34 et qu’enfin le Parlement puisse être associé à l’élaboration de cette liste des territoires non coopératifs, alors qu’on est régulièrement sanctionné.
En résumé, monsieur le ministre, mon modeste sentiment est le suivant : entre la police de Bercy, heureusement supprimée par la commission des lois, et le renforcement des sanctions fiscales, administratives, ce texte apparaît comme un renforcement d’un traitement administratif de la fraude fiscale, au détriment des poursuites pénales. L’alibi de l’encombrement présumé des tribunaux ne constitue pas un motif sérieux pour justifier un texte modeste dont le contenu ne correspond pas aux attentes d’une société de confiance. C’est un signal. L’impression qui se dégage, parodiant Cyrano, est que vous vous servez une réforme fiscale de peur que d’autres ne vous la servent !
En conséquence, nous avons beaucoup à débattre sur ce texte. Je vous demande, monsieur le ministre, de lever l’urgence qui le frappe afin que nous puissions travailler dans de bonnes conditions, car le sujet le mérite !
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur, mes chers collègues, comme rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques », j’ai eu à évoquer à plusieurs reprises les objectifs de la direction générale des finances publiques : asseoir, recouvrer, contrôler les impôts.
Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, entre dans ce dernier objectif : contrôler, contrepartie du consentement à l’impôt et d’un système déclaratif. Il fait suite à de nombreuses dispositions fiscales entrées dans notre droit positif sous le précédent gouvernement. Depuis, les révélations de multiples affaires ont jeté un regard insupportable sur l’évasion fiscale agressive et la fraude fiscale organisée. La réprobation des opinions publiques est à la hauteur des montants éludés.
Des dispositions du projet de loi, ainsi que les améliorations apportées par la commission des finances, notamment sur la taxation des plateformes de commerce en ligne, sont de nature à favoriser la lutte contre la fraude. Même si elles mériteraient d’être évaluées par la suite, elles ne peuvent qu’être approuvées par le groupe socialiste et républicain.
Elles viennent rééquilibrer les mesures déjà adoptées concernant la redéfinition du contrôle fiscal par l’examen à distance des comptabilités, la limitation de durée des interventions sur place et les mesures d’allégement des contrôles par la reconnaissance du « droit à l’erreur ».
Ce projet de loi n’exonère cependant pas d’une redéfinition des missions de l’administration fiscale encouragée par la Cour des comptes dans son dernier rapport thématique La DGFiP, dix ans après la fusion, qui évoque une transformation en profondeur des structures et aborde seulement une administration de services et non l’administration de respect des obligations.
Dans un précédent rapport, j’ai évoqué les limites d’une administration de services qui demande beaucoup de moyens humains et matériels alors que la dématérialisation se poursuit.
Monsieur le ministre, quelle place dès lors réserver au contrôle fiscal, qui concerne environ 10 000 agents sur les 105 000 que compte la direction générale des finances publiques ? Dans le passé, c’est-à-dire dans l’ancien monde, était revendiquée la sanctuarisation des effectifs du contrôle fiscal. Nous constatons qu’il n’en a rien été puisque 3 000 agents entre 2010 et 2017 ont été supprimés dans ce secteur alors que le nombre d’entreprises soumises à la TVA augmentait ; il est passé de 4 millions en 2008 à 5, 5 millions en 2016.
L’organisation territoriale en brigades n’a que peu évolué et n’a pas suivi la restructuration des secteurs économiques sur nos territoires. Ainsi, une entreprise a plus de risques d’être contrôlée dans certains secteurs industriels en déclin que dans d’autres qui sont en expansion du fait de la métropolisation de nos territoires.
La numérisation et l’informatique, qui conduisent à examiner du bureau les comptabilités, pourraient permettre de transférer le contrôle de secteurs en expansion tout en maintenant une présence territoriale, gage d’un bon aménagement du territoire que le Sénat ne peut qu’encourager.
Vous le constatez, au-delà du simple problème des moyens humains, la sélection des dossiers souhaitée par l’administration – 20 % par algorithmes – nécessite la présence, aux côtés d’inspecteurs et de contrôleurs très bien formés, d’informaticiens pour déceler les faiblesses d’une organisation d’un contrôle par trop traditionnel.
En ce qui concerne les grandes entreprises, en dépit d’une redéfinition incertaine de l’établissement stable, l’échange de données entre administrations fiscales, douanières, sociales et au niveau international ne peut qu’être positif.
Un mot sur la « police fiscale ». Le fonctionnement de la police judiciaire douanière sous le contrôle d’un magistrat est une bonne chose. Nous ne pouvons que regretter la position de la majorité sénatoriale de la commission des lois, qui veut supprimer cette possibilité.
Nous avons pu apprécier la complémentarité entre la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la BNRDF, et la police douanière. Dès lors, un complément d’agents, certes modeste, ne peut qu’être le bienvenu. Leur nombre initial limité devrait évoluer et il conviendrait d’éviter de les prélever sur les effectifs du contrôle fiscal.
Vous le comprendrez, la position brillamment exprimée par Sophie Taillé-Polian concernant, notamment, « le verrou de Bercy » doit être complétée par une redéfinition des missions du contrôle fiscal que nous appelons de nos vœux. Car nous sommes conscients de l’ingéniosité fiscale et des moyens toujours renouvelés pour éluder l’impôt, et nous ne souhaitons pas que les mesures proposées ne soient que des effets de communication limités par la suppression annoncée de l’exit tax, et par le plaider-coupable qui permet d’éviter la sanction judiciaire sous couvert d’efficacité et de rapidité.
Monsieur le ministre, vous trouverez notre groupe toujours vigilant sur cette question et favorable à des mesures qui permettent de sanctionner tout autant les « cols blancs » que la petite fraude des particuliers.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mmes Nathalie Goulet et Michèle Vullien, ainsi que M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.
Je souhaite remercier Mmes et MM. les sénateurs, M. le rapporteur général, Mme la rapporteur pour avis et M. le président de la commission des finances pour leurs propos. Je constate qu’il y a un consensus sur l’objectif et sur la plupart des mesures contenues dans ce texte.
Sur la forme, madame la sénatrice Goulet – je le dis avec le sourire –, je ne comprends pas pourquoi vous faites ce procès d’intention.
Cela fait désormais un an, depuis je fréquente cet hémicycle, qu’à l’occasion de divers textes, notamment financiers, le Sénat étudie des questions liées à la lutte contre la fraude. M. le rapporteur général lui-même, ainsi que plusieurs de vos collègues, m’ont encouragé à aller en ce sens. Ils me disaient que les sénateurs avaient beaucoup travaillé, écrit de nombreux rapports et fait nombre de propositions. Le Gouvernement a aussi refusé beaucoup d’amendements avant que n’arrive ce texte.
On ne peut donc pas dire que le Sénat a travaillé dans la précipitation sur la lutte contre la fraude fiscale. Le texte que j’ai présenté a d’ailleurs été très largement annoncé auparavant et copartagé avec la représentation nationale. Je suis venu en premier lieu devant le Sénat et sa commission des finances, laquelle a été saisie voilà plusieurs semaines déjà et a pu travailler longuement, sur la base de rapports de qualité que j’ai lus – je pense notamment au rapport pour avis de la commission des lois, fait en complément de celui de la commission des finances.
Je ne suis pas certain, madame la sénatrice, qu’il faille retarder encore nos travaux, d’autant que le consensus est manifestement la norme si j’en crois le travail que vous avez fait et celui de l’Assemblée nationale, avec le rapport de M. Éric Diard et de Mme Émilie Cariou. J’espère donc que nous allons trouver un chemin commun, comme c’est la volonté du Gouvernement.
Je ne pense pas non plus qu’il faille, sur la forme, faire une navette qui n’aurait pas beaucoup d’intérêt. Sauf à constater sans doute, au final, que nous sommes en total désaccord sur les principaux articles de ce projet de loi. Cela ne m’est pourtant pas apparu évident à l’écoute des prises de parole des divers groupes…
Je veux aussi réagir sur la question du verrou de Bercy.
Je ne comprends pas très bien la critique faite à l’encontre du texte présenté par le rapporteur.
Tout d’abord, il faut rappeler que le dispositif visé, que je soutiens mais qu’une partie d’entre vous critique, est une initiative du rapporteur et du Sénat.
C’est la première fois, depuis la création de la commission des infractions fiscales, la CIF, qu’un tel changement est à l’ordre du jour des deux assemblées. Permettez-moi de faire remarquer que le précédent gouvernement, que vous souteniez, n’a manifestement pas eu le courage de supprimer ce verrou. Il est un peu dommage de demander désormais que l’on y consacre trois fois plus d’énergie, alors que vous n’aviez pas, à l’époque, changé une demi-virgule au dispositif. Peut-être n’a-t-on pas le même sens des responsabilités quand on en est aux affaires et quand on est dans l’opposition.
Alors que la CIF avait été créée avant l’élection de François Mitterrand, durant les quatorze ans où celui-ci a été Président de la République, jamais le principe du verrou n’a été remis en cause, pas plus qu’au cours des cinq ans du gouvernement de Lionel Jospin, ou que sous la présidence de François Hollande. Or je ne suis pas certain que François Mitterrand, Lionel Jospin ou François Hollande avaient envie de laisser les fraudeurs s’évader…
Cela signifie qu’une fois aux affaires, les responsables de la Nation prennent des dispositions bien éloignées des discours politiciens que j’entends ici ou là. Dont acte : c’est le jeu.
Vous évoquez, madame la sénatrice, les mêmes préoccupations que nous. Vous dites que les critères choisis par M. le rapporteur et la commission des finances ne sont pas les bons. Discutons-en ! C’est justement ce que je propose : je suis le premier ministre des comptes publics à dire que le verrou – s’il existe ; l’expression n’est pas tout à fait juste –…
… a une clef.
Cette clef, ce n’est pas la DGFiP. C’est encore moins le ministre des comptes publics : il n’a pas accès aux dossiers fiscaux particuliers, il ne demande pas la transmission des dossiers à la CIF et il n’intervient pas auprès de la CIF pour que ceux-ci soient transmis à la justice !
Définissons les critères – il paraît normal que ce soit le Parlement qui le fasse – et discutons-en ! Sont-ils cumulatifs ? Sont-ils importants ? Garantissent-ils la transmission automatique des dossiers que vous jugeriez les plus importants ?
Je salue le travail considérable réalisé par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général qui, plutôt que formuler des slogans, sont venus plusieurs fois contrôler sur place et sur pièces et discuter du sujet avec les « professionnels de la profession », comme dirait Jean-Luc Godard.
Discutons des critères du verrou ! C’est la première fois qu’un gouvernement vous propose d’en juger. La majorité des deux assemblées décidera – c’est le principe même de la démocratie parlementaire – ce qui relève du verrou et quels critères sont cumulatifs.
J’ai moi-même déposé un amendement qui devrait faire écho aux propos des sénatrices et sénateurs, car il vise à compléter l’arsenal prévu par M. le rapporteur de la commission des finances : une personne soumise à l’obligation de faire une déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, ne doit pas faire l’objet d’une réitération.
Ainsi, au terme de la jurisprudence de la CIF et de la direction générale des finances publiques, au-delà de 100 000 euros – c’était grosso modo le montant qu’elles acceptaient –, et dans le cas de personnalités politiques, par exemple d’anciens membres de gouvernements que vous avez soutenus, nous avons transmis directement les dossiers parce que ceux-ci avaient une valeur d’exemplarité.
Je proposerai, par la voie de cet amendement, de compléter les critères, et l’on verra ce que décidera le Sénat.
Si d’autres critères sont proposés, encore une fois, discutons-en, car c’est la première fois que l’on peut le faire.
À l’occasion de cette grande annonce qui est faite aujourd’hui, il ne faut pas faire un procès au Gouvernement parce qu’il accepte l’amendement du rapporteur et de la commission des finances. Cela ne signifie pas que cet amendement est parfait. Il faut sans doute le perfectionner. Les députés, et notamment Mme Cariou et M. Diard, y travailleront.
Il ne s’agit pas de démagogie. En effet, personne ne peut nier qu’il existe une spécificité française de l’impôt. Ainsi le juge de l’impôt est-il en France le juge administratif, ce qui n’est pas le cas dans nombre d’autres pays. Il est donc normal que soient prévues des sanctions administratives et que le ministre des comptes publics ainsi qu’une grande partie des membres de la commission des finances et des parlementaires souhaitent recouvrer l’impôt.
Il est aussi tout à fait normal qu’à partir d’un certain niveau – c’est ce que dit le Conseil constitutionnel –, nous puissions aller au pénal. Il faut définir quel est ce niveau.
Prenez garde d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Conseil constitutionnel ne vienne pas censurer les dispositions que vous allez adopter. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, nous devons rester dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle. Nous aurons alors fait œuvre de transparence et d’efficacité, tout en évitant la démagogie. En même temps, nous aurons compris que les temps ont changé et que nous devons être, bien sûr, au rendez-vous de la transparence.
Pour ce qui concerne les plateformes, le sénateur Bascher a évoqué une idée qui lui est chère, tout comme à M. le rapporteur et à M. Woerth à l’Assemblée nationale. C’est l’idée du forfait fiscal.
J’ai fait preuve d’une ouverture d’esprit assez large en présentant l’article 4, en vue d’aller loin dans l’égalité entre l’économie nouvelle et l’économie actuelle – je ne sais comment qualifier celle-ci sans porter de jugement de valeur.
De quel droit, monsieur le sénateur, pourrions-nous prévoir un forfait fiscal, c’est-à-dire une exonération fiscale pour l’économie numérique, qui est la nouvelle économie, alors que pour le même produit ou service issu de l’économie dite « réelle », c’est-à-dire non collaborative, on est fiscalisé. Il faudrait à coup sûr, dans ces cas-là, accepter de prévoir un forfait pour les deux types d’économie.
Dans ces conditions, vous vous asseyez sur une partie des recettes déjà existantes du budget de la Nation. Je suis donc certain que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, vous aurez à cœur de rééquilibrer les comptes publics.
M. Jérôme Bascher sourit.
Je ne pense pas que l’on puisse considérer différemment l’économie réelle et l’économie numérique. Soit l’on considère qu’il faut fiscaliser parce que c’est une question de justice vis-à-vis de ceux qui jouent dans le monde « réel », c’est-à-dire l’économie qui n’est pas celle des plateformes numériques collaboratives, soit on prévoit un forfait. Votre raisonnement peut se comprendre, mais, dans ce cas, il faut l’appliquer à tous. Nous devons être responsables et avoir cette discussion.
Puisque nous ne pouvons pas nous asseoir sur une partie des recettes, l’État devant malheureusement fonctionner avec un déficit très important, l’avis sera défavorable sur cette proposition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous reviendrons assez longuement sur l’article 1er.
Je ne peux partager les attendus de Mme la rapporteur, même si j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt ce qu’elle a dit sur la police fiscale. Peut-être aurons-nous l’occasion d’y revenir en examinant ledit article 1er.
Enfin, je suis très heureux de commencer l’étude de ce texte.
MM. Didier Rambaud, François Patriat, Philippe Bonnecarrère et Marc Laménie, ainsi que Mme Michèle Vullien, applaudissent.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
RENFORCER LES MOYENS ALLOUÉS À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE
À l’article L. 10 B du livre des procédures fiscales, après la référence : « 321-6, » sont insérées les références : « 324-1 à 324-6-1, ».
L’amendement n° 102, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Nous aurons un débat très important sur l’article 1er, et notamment sur le rétablissement de la police fiscale.
Je passe donc rapidement sur le présent amendement de suppression de l’article 1er A, afin que nous puissions en venir très vite à ce qui est le véritable objet de notre courroux, c’est-à-dire l’article 1er !
Le Gouvernement souhaite revenir sur la position de la commission des finances, prise sur l’initiative de Nathalie Goulet, après rectification.
Nous considérons, très concrètement, que disposer du concours des agents de l’administration pour lutter contre le blanchiment de fraude fiscale est tout à fait possible.
L’avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 1 er A est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 6 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 19 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 199 C du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 199 … ainsi rédigé :
« Art. L. 199 … – Lorsqu’une partie au procès devant le juge de l’impôt en fait la demande expresse par mémoire ou conclusions avant la clôture de l’instruction, la juridiction saisie y compris en cassation se prononce sur l’ensemble des moyens soulevés en demande ou en défense pour les accueillir ou les rejeter explicitement.
« Si la Cour de cassation ou le Conseil d’État ne statue pas sur un moyen soulevé ainsi qu’il est dit au premier alinéa, la partie concernée peut présenter un recours en omission de statuer dans les deux mois du rendu de la décision afin de la faire compléter et confirmer ou infirmer. »
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 6.
L’état actuel de traitement du contentieux fiscal, et notamment la nécessité de sortir du cadre de la loi de 1977, ainsi que l’activité de la commission des infractions fiscales, nous impose de définir de nouvelles règles, plus équilibrées, en matière de procédure contentieuse.
Rappelons tout de même que le juge de l’impôt statue selon la technique dite « de l’économie des moyens » : si le contribuable, dans sa contestation, soulève à la fois des moyens de fond et des moyens de forme, et que l’un des moyens de forme permet au juge d’annuler le redressement fiscal, ce dernier rendra sa décision sur ce seul moyen de forme sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens. Cela pose le problème de la prise en compte des éléments de fond dans le traitement de l’affaire, chacun en conviendra.
Le simple respect de la jurisprudence constitutionnelle et de la jurisprudence de la Cour de cassation, ou l’analyse des nouvelles sanctions proposées dans le présent texte à l’endroit des conseils nous conduisent à vous inviter à adopter cet amendement qui vise à sécuriser et à garantir la qualité des procédures.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 19.
Éric Bocquet et moi-même allons proposer un certain nombre d’amendements qui nous sont communs. C’est l’habitude dans cette maison, puisque cela fait très longtemps que nous travaillons ensemble sur ces sujets.
Je n’ajouterai pas grand-chose à ce qui vient d’être dit, sinon que l’obligation prévue dans notre amendement existe d’ores et déjà pour le contentieux de l’urbanisme, à l’article L. 600–4–1 du code de l’urbanisme. Il s’agit de l’extension d’une pratique connue dans un but de protection du justiciable. L’objectif est d’éviter que ne soient condamnés pour fraude fiscale des contribuables qui ne doivent en réalité pas d’impôt. C’est donc une mesure de bon sens et de protection du justiciable.
Je pense que vous aurez à cœur, mes chers collègues, d’adopter ces amendements.
Ce sujet étant difficile, nous souhaiterions savoir s’il concerne beaucoup de personnes. L’amendement vise le cas d’un contribuable qui serait condamné, alors même qu’une décision du juge de l’impôt serait différente.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité célèbre, a distingué entre les motifs de fond et les motifs de forme, et considéré qu’un contribuable qui avait été déchargé de l’impôt pour un motif de fond ne pouvait être condamné pour fraude fiscale. Il y a eu une résistance de la Cour de cassation.
Vous comprendrez que c’est assez choquant : imaginez qu’il y ait, parallèlement à une poursuite pour fraude fiscale, un recours auprès du juge de l’impôt. Si celui-ci juge que l’impôt n’est pas dû, l’élément matériel de l’infraction disparaît et il faut trouver une solution. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une annulation pour motif de forme, cela pose une difficulté.
La solution proposée au travers de ces amendements consiste à obliger, dans un certain délai, le juge de l’impôt à statuer, en se prononçant sur l’ensemble des moyens soulevés en demande et en défense, et pas simplement sur les moyens de fond.
Cela remet quelque peu en cause le principe de l’économie des moyens que vient de rappeler Éric Bocquet. Il suffit par exemple que l’un des moyens d’annulation soit un moyen de forme pour que le juge administratif annule une imposition.
Faut-il pour autant obliger ce juge à statuer sur l’ensemble des moyens ? Cela me paraît un peu lourd. Peut-être y a-t-il d’autres solutions, comme le sursis à statuer ou une question préjudicielle systématique ?
Il faudrait que le Gouvernement nous dise, avant que nous nous prononcions, s’il existe beaucoup de cas de ce type, c’est-à-dire dans lesquels une personne pourrait être condamnée pour fraude fiscale alors même que le juge de l’impôt aurait rendu une décision d’annulation de l’imposition.
Dans ce cas, mais c’est une mesure extrêmement lourde, on pourrait toujours demander la révision du procès pénal.
Il serait ainsi possible à une personne condamnée pour fraude fiscale, et dont le juge de l’impôt annulerait l’imposition, de demander, en distinguant le fond de la forme, la révision du procès pénal. Mais les conséquences pourraient être lourdes. Par exemple, si une société cotée est condamnée pour fraude fiscale, son cours de bourse baisse, même si, au final, elle gagne devant le juge de l’impôt.
Sur cette question difficile, nous ne disposons pas de suffisamment d’éléments statistiques. Nous souhaitons donc entendre Gouvernement.
Monsieur le rapporteur, il y a moins d’une dizaine de cas par an, c’est infinitésimal.
J’entends votre argument, madame Goulet, monsieur Bocquet. Vous plaidez la sécurité juridique, alors qu’en réalité les amendements que vous proposez auraient pour conséquence d’allonger le délai de traitement.
Or l’une des difficultés que nous rencontrons – nous en reparlerons à l’occasion de l’article 1er et des articles suivants, notamment à propos du verrou de Bercy –, c’est que les délais de procédure sont très longs. Il y a d’abord le temps du contrôle fiscal, puis celui de l’enquête, s’il y en a une et si une plainte a été déposée. Pour aboutir au jugement, il faut plusieurs années.
Je ne suis pas certain qu’allonger cette durée plaide beaucoup en faveur de la lutte contre la fraude fiscale.
Enfin, vous avez évoqué le code de l’urbanisme.
Lorsque le juge de l’urbanisme, juge administratif, annule une décision, il demande à l’administration de reprendre. Ce n’est pas tout à fait la même chose en matière fiscale puisque, dans ce cas, le juge décharge le contribuable de l’impôt et l’administration ne reprend pas, car, souvent, il y a prescription.
Les cas visés étant très particuliers, il ne nous appartient pas de retenir ces amendements. M. le rapporteur a évoqué des pistes. Peut-être l’Assemblée nationale pourrait-elle chercher une solution correspondant à la philosophie de cette proposition.
L’avis est défavorable, car les amendements auraient pour conséquence d’allonger les délais de jugement, qui sont déjà très longs. La faute n’en revient d’ailleurs pas seulement aux magistrats. Les retards sont aussi liés à la complexité du contrôle, puis à l’enquête elle-même.
J’ai bien compris votre exposé, monsieur le ministre. Vous dites que l’on verra si les députés pourront trouver une solution.
Certes, mais comment faire pour améliorer un dispositif à l’Assemblée nationale si celui-ci n’est pas adopté ici, au Sénat ? Il faut bien qu’il figure quelque part !
La question revient dans plusieurs amendements qui se succèdent. Nous verrons donc comment se déroule le débat…
Je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 6 d’Éric Bocquet.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis de nouveau saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 11 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 20 est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 228-… ainsi rédigé :
« Art. L. 228 -… – Avant toute décision sur l’action publique hors ouverture d’une information judiciaire ou comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour des faits de fraude fiscale, de recel de fraude fiscale ou de blanchiment de fraude fiscale, la personne visée peut saisir en urgence le juge de l’impôt afin que celui-ci détermine si les impositions visées dans l’enquête sont dues et le montant de celles-ci.
« La décision sur l’action publique mentionnée au premier alinéa ne peut alors intervenir avant que le juge de l’impôt n’ait statué définitivement.
« Le procureur de la République lui transmet une copie de la procédure pénale.
« L’administration fiscale est appelée en la procédure.
« En cas d’ouverture d’une information judiciaire, le contribuable mis en examen ou ayant le statut de témoin assisté peut également saisir en urgence le juge de l’impôt.
« Le juge d’instruction lui transmet une copie de la procédure pénale.
« Une ordonnance de renvoi ne peut alors intervenir avant que le juge de l’impôt n’ait statué définitivement.
« Le juge de l’impôt de première instance statue dans les deux mois de sa saisine si une personne est en détention provisoire dans le cadre de l’enquête pénale et dans les six mois en cas contraire. Les mêmes délais s’imposent au juge d’appel et au juge de cassation.
« Si le juge de l’impôt est déjà saisi au moment de l’engagement des poursuites pénales, la personne poursuivie l’informe par voie de mémoire ou conclusions pour bénéficier des dispositions des deuxième ou sixième alinéas. Les délais mentionnés au huitième alinéa s’imposent alors au juge de l’impôt.
« Le contribuable est recevable à soulever l’ensemble des moyens de légalité externe et interne qu’il considère pertinents.
« Les décisions du juge de l’impôt rendues en application du présent article ont l’autorité de la chose jugée vis-à-vis du juge pénal.
« Si le contribuable a fait le choix de la procédure d’urgence prévue au présent article, il ne peut contester les mêmes impositions selon la procédure classique. »
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 11.
Que faut-il préférer : une meilleure articulation des procédures entre contentieux fiscal et traitement juridique de la question, ou le recours prévisible à la reconnaissance préalable de culpabilité qui, par principe, ne risque d’intéresser que les justiciables potentiels ayant quelques moyens de transiger ?
Telle est un peu notre démarche dans cet amendement, dont la rédaction pourrait sans doute être améliorée – on en conviendra –, mais qui présente au moins l’avantage de se positionner sur la voie d’une sécurisation grandissante des procédures, et donc de l’évitement des processus formels et formalistes qui ne règlent pas grand-chose aux dossiers.
Le travail inhérent à la poursuite de la fraude fiscale est suffisamment complexe pour être respecté. Il n’y a sans doute rien de pire, à notre avis, pour un service fiscal ayant instruit un dossier contentieux avec tout le souci requis, et notamment le souci de l’intérêt général, que de voir ce travail et ses conclusions mis en question au travers d’une transaction discrète aux conséquences assumées.
A contrario, il importe aussi que le bon droit du contribuable poursuivi puisse être respecté. C’est en ce sens que nous vous proposons cet amendement.
Dans le cadre de la réforme des amendes fiscales prévue dans le projet de loi, qui deviennent proportionnelles, fixer précisément le montant des impositions fraudées devient indispensable afin d’assurer l’effectivité de la sanction. C’est le travail du juge de l’impôt, et non celui du juge pénal.
Organiser la saisine préjudicielle du juge de l’impôt est donc une priorité à laquelle tend à répondre le présent amendement.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 20.
Cet amendement, identique à celui de M. Éric Bocquet, vise à organiser la saisine préjudicielle du juge de l’impôt, priorité à laquelle il s’agit de répondre.
L’idée est de coordonner : afin d’éviter des cas préjudiciables de divergences de jurisprudence entre le juge de l’impôt et le juge pénal, il est absolument indispensable de prévoir une articulation. Pour l’instant, ce sujet n’est absolument pas traité.
On peut constater, lors d’enquêtes pénales pour fraude fiscale, que la procédure est extrêmement déséquilibrée, le ministère public et la juridiction ayant tendance à intégrer la position de l’administration fiscale comme celle d’un expert indépendant, alors qu’il s’agit d’une partie poursuivante. Les principes fondamentaux de l’équilibre de la procédure ne sont donc pas respectés.
Afin de rétablir cet équilibre, le présent amendement tend à permettre aux seuls acteurs indépendants de la fixation de l’impôt dû d’intervenir. Il prévoit un mécanisme de saisine en urgence du juge de l’impôt – en pratique, bien souvent, le juge administratif – par le contribuable poursuivi pour fraude fiscale, afin qu’il puisse faire juger rapidement si les impositions contestées sont réellement dues. Cela évitera des divergences et des difficultés d’appréciation entre les deux juridictions saisies.
Les amendements concernent l’articulation entre le juge de l’impôt et le juge pénal.
Le juge pénal n’est pas juge de l’impôt, ce qui peut poser des difficultés réelles, notamment par rapport à une sanction qui pourrait être fixée en fonction du montant des droits.
Il y a, certes, une possibilité de question préjudicielle, prévue à l’article 386 du code de procédure pénale. La difficulté, c’est que les juridictions pénales refusent très souvent la question préjudicielle, qui serait pourtant la solution.
Les amendements prévoient le renvoi systématique de la question préjudicielle vers le juge de l’impôt afin de déterminer l’existence et le montant des impositions dues, avec le risque que j’évoquais, si la question préjudicielle n’était pas admise, de divergence. Ainsi, un contribuable pourrait être condamné pour fraude fiscale, alors que le juge de l’impôt aurait une position divergente, allant même jusqu’à considérer que l’imposition n’est pas due. C’est une véritable difficulté.
Je n’avais pas proposé à la commission un avis favorable en l’état, les amendements qui prévoient des délais très compliqués méritant sans doute d’être retravaillés. C’est la raison pour laquelle je souhaitais entendre le Gouvernement. Se pose, notamment, une difficulté par rapport à l’article 8 du projet de loi.
L’article 8 modifie la situation juridique en ce qu’il prévoit des amendes pénales, décidées par le juge pénal, lesquelles, aux termes dudit article, peuvent être portées au double du produit tiré de l’infraction, en l’occurrence du montant fraudé.
Comment le juge pénal pourra-t-il fixer l’amende alors même que le juge de l’impôt ne s’est pas prononcé sur le montant des droits fraudés ? Cette question nous semble prendre une tournure nouvelle, du fait de sa combinaison avec l’article 8. Encore une fois, pour pouvoir fixer une amende en fonction du montant fraudé, encore faudrait-il que ce montant soit définitivement établi, ce que seul le juge de l’impôt peut faire. Quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?
Je donnerai ensuite la position définitive de la commission, qui tendrait à faire vivre cette question dans le débat parlementaire, afin de la trancher définitivement.
J’entends bien qu’il n’y a qu’une dizaine de cas par an.
Quant à la demande de révision du procès pénal, c’est tout de même assez lourd : un contribuable a été condamné pour fraude fiscale, mais le juge de l’impôt considère que l’imposition n’est pas due ; l’élément matériel de l’infraction disparaît alors.
Peut-être y a-t-il une solution plus simple ?
Cette question est importante, même si elle ne concerne que très peu de cas.
Dans les faits, et c’est la contrepartie de notre débat sur le verrou de Bercy, les dossiers qui arrivent sur le bureau du juge sont en général extrêmement sérieux, ils ont passé plusieurs étapes de sélection, contrairement à ce qui se passe dans d’autres cas de dualité de juridictions. Il y a d’abord eu un contrôle fiscal, qui a été transmis à la CIF, puis le dossier a été déposé sur le bureau d’un magistrat. La sélectivité est donc très forte.
Nous pouvons tous en convenir, le moment auquel le juge prendra une décision sur le dossier ne sera pas remis en cause par ce que fera l’autre juge, celui de l’impôt.
Dans les faits, le juge pénal suspend et demande au tribunal administratif de juger. Cela se passe actuellement pour de grands dossiers, sur lesquels le Gouvernement, par exemple, fait appel : cela commence par une poursuite pénale ; le juge lui-même demande l’arrêt de la procédure ; le tribunal administratif se prononce, un appel est formé, puis le juge pénal reprend le dossier.
Il y a une pleine juridiction du juge pénal. Cela paraît compliqué, par rapport à la dualité de nos tribunaux, de retirer la compétence au juge pénal !
Encore une fois, seuls quelques cas sont concernés. Dans les faits, le juge pénal suspend lorsqu’il veut que le juge de l’impôt prenne sa décision. À la fin des fins, les dossiers, très sérieux, arrivent sur le bureau d’un juge tout aussi sérieux. Il n’y a pas de remise en cause du jugement des enquêteurs et du contrôle de l’administration.
Je ne pense donc pas que ce sursis à statuer ait un intérêt ; il aurait surtout pour conséquence de retarder la procédure. Vous allez permettre aux contribuables de suspendre les poursuites, alors même que vous nous encouragez à aller plus vite et à ce que la justice se saisisse plus rapidement des dossiers.
Ce travail est déjà fait, en grande partie, dans la pratique. Vos amendements auront surtout pour conséquence de retarder les condamnations pénales et de rendre moins efficace l’arsenal que nous proposons pour lutter contre la fraude fiscale.
Je vous invite donc à rejeter ces amendements.
Je vous rappelle, madame Goulet, que l’Assemblée nationale pourra toujours prévoir des dispositions. Nous devons considérer en premier lieu l’efficacité de notre système de lutte contre la fraude et condamner au plus vite les cas de fraude.
J’entends bien ce que dit M. le ministre, mais ce que prévoient les amendements, c’est une question préjudicielle encadrée.
Je suis conscient des limites des amendements, qui sont sans doute perfectibles. Un travail commun avec la commission des lois aurait été utile, car le sujet est très juridique.
Je souhaite néanmoins que l’on ne referme pas ce sujet, et je m’en remets pour cette question à la sagesse du Sénat, même si, encore une fois, je suis conscient du caractère perfectible des dispositions proposées.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
J’ai bien écouté les explications. Il est vrai que ces deux amendements soulèvent un problème réel, auquel ils apportent une solution extrêmement précise et travaillée, qui est très efficace.
J’ai entendu la position du Gouvernement : je dois dire que j’ai eu un peu de mal à tout comprendre, et je vous prie, monsieur le ministre, de m’en excuser. On nous explique que les dossiers seront très robustes, puisqu’ils auront passé de nombreuses étapes, alors que j’avais compris que le verrou de Bercy – vous dites qu’il n’existe pas vraiment, je pense le contraire – serait quelque peu desserré, ce qui conduira par nature les juridictions à avoir demain plus de dossiers.
Surtout, cela éviterait les contradictions entre décisions. Mais vous ne pouvez pas dire qu’un sursis à statuer pour une question préjudicielle est systématiquement ordonné. Cela n’est pas vrai et, en plus, l’intérêt des sursis à statuer est d’éviter les contradictions !
Sur ce point, on voit bien que les amendements prévoient un dispositif extrêmement précis. Permettez-moi de dire que ce n’est pas parce qu’il y a peu de cas qu’on ne doit pas s’en soucier pour autant. Prévoir la mécanique d’une question préjudicielle obligatoire dans les quelques cas concernés semble absolument nécessaire si l’on veut une bonne administration de la justice.
Encore une fois, l’idée, monsieur le ministre, n’est pas nécessairement d’aller vite, mais de faire bien. Lorsque deux décisions se contredisent, on est peut-être allé vite – cela reste à prouver ! –, mais on n’a pas fait bien… C’est ce que vise l’outil proposé, et je remercie M. le rapporteur d’avoir dit qu’il est sans doute nécessaire d’avancer.
Je complète mon propos en indiquant que si ces amendements n’étaient pas retenus, les dispositions qu’ils prévoient ne seraient pas intégrées dans ce texte et ne pourraient donc pas être rediscutées à l’Assemblée nationale, sauf à considérer que toute innovation ne peut advenir que par un amendement de celle-ci ajoutant des dispositions. Mais alors, je ne sais plus trop à quoi sert le Sénat…
M. le rapporteur général a eu l’attention et la très grande sagesse d’inviter les membres du groupe qui travaille sur la fraude fiscale à toutes les auditions qu’il a menées en tant que rapporteur sur ce texte. Cette innovation doit être saluée, car cela était vraiment très utile.
À chaque audition, monsieur le ministre, j’ai posé la même question et chaque fois on m’a répondu la même chose, à savoir qu’il y avait un problème. Par exemple, un classement sans suite de l’enquête pénale pour fraude fiscale n’a aucune autorité de la chose jugée vis-à-vis du juge administratif, juge de l’impôt, alors même que le procureur de la République, saisi par exemple à la suite d’un avis favorable de la CIF, a déterminé qu’il n’y avait pas de délit de fraude.
Ne pensez-vous pas, dans ces conditions, que la loi devrait évoluer pour donner une autorité à l’extinction des poursuites pénales, afin que le juge de l’impôt ne rende pas de décision contradictoire, comme vient de le dire notre collègue, en édictant des pénalités pour mauvaise foi ou manœuvres frauduleuses ?
Nous sommes exactement dans ce cas de contradiction entre les décisions : une personne reconnue innocente au pénal, que le procureur de la République décide de ne pas poursuivre, se verra appliquer des pénalités fiscales de 80 %, alors qu’une autre poursuivie au pénal et relaxée ne devra rien. Vous le voyez, il y aura non seulement une contradiction de décisions, mais aussi une rupture d’égalité face à des comportements identiques.
C’est la raison pour laquelle je propose que l’on adopte ces deux amendements identiques n° 11 et 20, qui pourraient être ensuite retravaillés dans le cadre de la navette.
Le débat est intéressant, mais l’argumentation de Mme de la Gontrie me laisse un peu pantois.
Finalement, madame la sénatrice, vous êtes totalement contradictoire ! Pourquoi mettre des critères, si l’on part du principe que ces critères forment un verrou et que ce verrou a été transféré au Parlement, du moins si l’on adopte le texte présenté par M. le rapporteur, en imaginant même que l’on change les critères puisqu’il y a un débat sur ce point ? Parce que les dossiers les plus solides, ceux qui correspondent à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, c’est-à-dire les dossiers les plus graves, ceux pour lesquels l’administration fiscale a la certitude que la fraude est caractérisée, doivent être transmis devant le juge ! C’est le principe de départ.
Il s’agit d’une dizaine de cas sur lesquels on pourrait évidemment se pencher. Vous voudriez généraliser la possibilité d’un sursis à statuer pour éviter les contradictions, mais c’est justement parce qu’il y a ces critères qu’on évite ces contradictions ! Si on envoyait tous les dossiers, il y aurait évidemment contradiction…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie s ’ exclame.
Madame la sénatrice, vous allez surtout permettre à tous les avocats bien intentionnés du monde de gagner du temps. Que fait un avocat ? Il essaie de gagner du temps sur la forme et sur le fond. Systématiquement, il va demander au juge pénal un sursis à statuer pour se tourner vers le juge administratif. Le principe de mettre un verrou et de fixer des critères, c’est non seulement pour être conforme avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel et pouvoir récupérer au plus vite les fonds, mais aussi – avouons-le ! – pour ne pas encombrer les tribunaux avec des dossiers qui ne seraient pas sérieux.
Quand on transmet des dossiers, c’est qu’on pense qu’ils sont sérieux, sinon on ne les transmettrait pas ! La DGFiP elle-même considérait sans doute qu’un dossier qui ne va pas jusqu’au bout est un échec. C’est bien naturel !
En l’occurrence, pour quelques cas, vous allez généraliser un dispositif qui va donner aux avocats la possibilité d’allonger les délais au terme desquels leurs clients seront condamnés. Vous allez prévoir le contraire de ce que vous souhaitez faire en supprimant le verrou ou en modifiant les critères proposés par M. le rapporteur. Votre démonstration me semble quelque peu étonnante…
J’invite vraiment la Haute Assemblée à rejeter ces amendements parce qu’ils vont à l’encontre de la lutte contre la fraude. Même si la philosophie du texte que vous proposez peut s’entendre, ces amendements sont contraires à ce qu’il faut faire, parce que, d’une part, ce n’est pas comme cela que les choses se passent dans la vraie vie pénale et administrative et que, d’autre part, vous allez donner aux avocats une arme formidable pour gagner quelques mois ou quelques années.
Deux questions prioritaires de constitutionnalité sont intervenues dans les affaires – suivez mon regard ! – « Alec W. » et « Jérôme C. ». J’ai relu le commentaire du Conseil constitutionnel : concrètement, il ne peut pas y avoir de condamnation pénale si la décision du juge de l’impôt décharge pour des motifs de fond.
Le problème vient du cas où le juge pénal rend sa décision alors même que le juge de l’impôt ne s’est pas encore prononcé. On se trouve alors en contradiction avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cela concerne peu de cas, mais cette situation est tout de même très choquante : en effet, on apprend en première année de droit que, parmi les éléments constitutifs d’une infraction, il y a certes l’élément intentionnel, mais également l’élément matériel. L’élément matériel, c’est que l’impôt est dû. Le tribunal administratif peut décider qu’au final il n’y a pas de pénalités, pas d’impôt, alors même que le juge pénal aura déjà condamné…
Le dispositif est sans doute imparfait, perfectible, mais il est encadré par des délais – je comprends le risque de manœuvres dilatoires et d’allongement des délais. Mais au moins, et c’est la raison pour laquelle je m’en suis remis à la sagesse du Sénat, ces amendements posent un véritable problème…
… sur lequel, à ce stade, nous n’avons pas de réponse satisfaisante, notamment par rapport à la décision du Conseil constitutionnel, à laquelle d’ailleurs la Cour de cassation et les juridictions répressives résistent.
Le sujet est vraiment intéressant. Je ne vais pas faire passer à votre assemblée toute la soirée sur cette question, mais cela renvoie à la philosophie que vous entendez mener.
En agissant de la sorte, que faites-vous ? Vous affaiblissez le juge pénal.
Si ! Faire sauter le verrou de Bercy, si j’ai bien compris ce que veut le côté gauche de l’hémicycle, revient à dire que le juge pénal serait plus efficace que le juge administratif ou, en tout cas, que des sanctions administratives, pour de nombreuses raisons – pas simplement de recouvrement de l’impôt, mais aussi pour des raisons symboliques tenant à la condamnation.
En déniant au juge pénal son mode de fonctionnement actuel, vous conditionnez son éventuelle décision de condamnation à la décision que prendra le juge de l’impôt, le juge administratif, le juge de l’administration. §Vous allez donc affaiblir la position du juge pénal, alors que celui-ci peut tout à fait, parce qu’il examine le dossier et qu’il dispose de sa liberté de magistrat, surseoir à statuer et regarder ce que va décider le juge de l’impôt, s’il a un doute.
J’insiste, vous allez de fait affaiblir le juge pénal. C’est totalement contradictoire avec le discours que vous portez, qui est de dire que c’est au juge pénal de juger un certain nombre de dossiers.
Cela étant dit, je crois que les manœuvres dilatoires ne doivent pas être minimisées. Je vous ai fait part de mon argumentation, qui vient à mon avis plutôt soutenir la position que vous avez défendue lors de la discussion générale, et la vôtre vient plutôt soutenir la mienne.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er A.
L’amendement n° 14, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2312-36 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Impôts et taxes effectivement payés et dettes fiscales ; »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette obligation de réserve n’est pas opposable au cas où un ou des représentants du personnel est ou sont en situation de dénoncer une fraude fiscale avérée ou supposée. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
La lutte contre la fraude fiscale est, selon nous, un combat de toute la société : c’est, bien sûr, l’affaire d’une administration, du politique, de l’exécutif et du législatif, mais aussi, plus largement, celle des citoyens, parce que tout le monde paye l’impôt, qui contribue au fonctionnement de la société dans laquelle nous vivons tous.
Mais nous avons nous-mêmes nos principes constitutionnels, selon lesquels, notamment, chacun doit être en mesure de participer à la charge commune à raison de ses facultés, c’est-à-dire de la réalité des revenus qu’il tire de son travail comme de ses biens et de ses avoirs.
Notre amendement tend donc à ramener le débat au niveau de l’entreprise, là où tout commence en quelque sorte, pour l’essentiel, qu’il s’agisse de la production de biens et de services, de celle des salaires, revenus essentiels de la population, de l’assiette de la TVA, de l’impôt sur les sociétés, ou encore des cotisations sociales.
Nous proposons donc de compléter utilement la base de données en y faisant figurer, au-delà des mouvements financiers, pour les organisations des salariés au sein de l’entreprise, la réalité des relations fiscales entre l’entreprise et l’administration fiscale, sous forme de l’indication des impôts et taxes normalement acquittés et de ce qui resterait de dettes fiscales éventuelles.
Le plus souvent, comme chacun le sait, l’existence des acomptes de l’impôt sur les sociétés acquittés au fil de l’année budgétaire motive l’absence de telles dettes et engendre plutôt des créances sur le Trésor.
Cela posé, les élus du comité seraient par ailleurs délivrés de leur obligation de secret professionnel si l’analyse de ces données permettait, au fil du temps, de déceler ici ou là l’existence d’une fraude fiscale présumée.
La commission souhaite le retrait de ces amendements, car elle considère que le droit existant y satisfait. Dans les listes des informations que peuvent obtenir les représentants syndicaux, on trouve les informations sur les investissements, les rémunérations, les flux financiers à destination de l’entreprise, y compris les crédits d’impôt, les transferts commerciaux et financiers entre entités du groupe.
Cela couvre donc aussi les informations fiscales. Donner des chiffres précis irait à l’encontre du secret fiscal. Mais les impôts et taxes nous semblent entrer dans les informations de base que peuvent obtenir, notamment, les délégués syndicaux ou les membres du comité social et économique de l’entreprise.
Aussi, la commission demande le retrait de cet amendement, qui est a priori satisfait par le droit existant.
Je demande également le retrait de cet amendement, à moins que M. Bocquet ne nous explique en quoi l’argumentation du rapporteur et la mienne ne sont pas exactes.
Comme l’a expliqué le rapporteur, les éléments sont connus, négociés entre les syndicats et l’employeur, ou prévus par voie réglementaire.
Par ailleurs, l’article L. 1132–3–3 du code du travail prévoit la possibilité pour les représentants du personnel de bénéficier d’une protection personnelle, dès lors qu’ils dénoncent des faits constitutifs d’un délit tel qu’une fraude fiscale.
Votre amendement, monsieur le sénateur, est satisfait par la loi, sauf à démontrer l’inverse.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 2, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 2312-69 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « trois cents » sont remplacés par le mot : « cinquante » ;
2° Au 2°, après les mots : « cotisations sociales », sont insérés les mots : «, impôts et taxes venus à échéance ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement vise à renforcer les droits d’alerte accordés, dans les entreprises, aux instances représentatives du personnel.
La plus grande part des dossiers de fraude fiscale concerne des entreprises, et les impôts les plus fraudés sont la TVA et l’impôt sur les sociétés, tandis que la fraude sociale concerne bien plus souvent des cotisations non acquittées que des systèmes de fausses déclarations ou de fraude aux allocations par des particuliers…
Il est donc évident que c’est à partir de l’entreprise que nous pouvons trouver les voies et moyens d’une lutte préventive efficace contre la fraude fiscale et sociale.
En abaissant le seuil de 300 à 200 salariés, on sort, me semble-t-il, de l’objet du projet de loi, qui est la lutte contre la fraude.
Pour cette raison, l’avis est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 13, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l’article 2-23 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Les infractions de fraude fiscale ; ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Cet amendement a pour objet de permettre aux associations de lutte contre la délinquance financière d’intervenir dans les dossiers de fraude fiscale.
Tout le monde est d’accord ici pour que la société civile dans son ensemble agisse afin de faire reculer ces manquements réitérés au pacte républicain que peuvent constituer des actes de fraude sociale et fiscale.
Nous avons bien conscience, avec cet amendement, que nous partons de l’existant législatif, mais nous souhaitons le renforcer. Dans plusieurs domaines, le législateur a fini par reconnaître quelques vertus à l’action de groupe et a autorisé les associations agréées à ester en justice, avec l’ensemble des droits accordés à la partie civile.
L’article 2–23 du code de procédure pénale, largement complété, comme l’ensemble des articles figurant dans cette partie du code, par la loi pour l’égalité réelle et la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, prévoit que toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions suivantes : les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées à des articles du code pénal ; les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées à d’autres articles de ce même code – vous pouvez me faire confiance, je ne vais pas vous citer tous les numéros des articles ; les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées à d’autres articles encore dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées ; enfin, les infractions réprimées aussi à plusieurs articles du code électoral. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être agréées.
Très simplement, on peut donc ester en justice pour combattre le trafic d’influence, le manquement au devoir de probité, le recel ou l’achat de votes lors de consultations électorales.
On peut aussi se porter partie civile pour des faits de recel et de blanchiment, mais pas pour ce qui concerne la fraude fiscale, alors même qu’il s’agit de l’une des préoccupations essentielles des associations non gouvernementales de lutte contre la corruption.
Nous vous demandons, au bénéfice de ces observations, mes chers collègues, d’adopter cet amendement qui, nous le reconnaissons une nouvelle fois, vise à renforcer la législation actuelle.
Cet amendement vise à autoriser les associations de lutte anticorruption à se constituer partie civile dans les affaires de fraude fiscale. Il pose hélas ! deux problèmes.
D’abord, la lutte anticorruption et la fraude fiscale sont deux sujets assez différents : dans l’immense majorité des cas, la fraude fiscale n’implique pas la corruption d’un agent public. Or, lorsque la loi permet à une association de se porter partie civile, elle le prévoit toujours pour des infractions en lien direct avec l’objet de l’association. Je le répète, l’objet anticorruption n’est pas celui de la fraude.
Ensuite, cet amendement permettrait à des associations de saisir la justice et d’obtenir éventuellement l’ouverture d’une information judiciaire pour des faits de fraude fiscale, quelle qu’en soit la gravité. Ce n’est pas le sens des travaux de la commission des finances, qui souhaite plutôt inscrire dans la loi des critères pour déterminer les affaires méritant une transmission à la justice, la sanction pénale ne devant, à notre sens, concerner que les infractions les plus graves.
L’avis est donc défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 27 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 78 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans sa rédaction suivante :
La seconde phrase du III de l’article 28-2 du code de procédure pénale est supprimée.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 27.
Monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur, vous avez, comme moi, évoqué précédemment l’article 1er, sur lequel certains ont déjà pris position, qu’ils soient pour ou contre cet article tel qu’il a été proposé par le Gouvernement.
De quoi s’agit-il ? Il s’agit de créer un service de police fiscale à Bercy, sous l’autorité d’un magistrat et non, je le précise, du ministre de l’action et des comptes publics – je le dis, car j’ai entendu un intervenant évoquer le ministère des finances. Le ministère du budget aurait la responsabilité de cette police fiscale, qui pourrait être saisie par des magistrats pour enquêter notamment sur les cas très précis de fraude fiscale, avec toute la technicité des agents placés sous l’autorité de ce magistrat.
J’ai entendu dire que cela risquait de conduire à une « guerre des polices ». Ce n’est ni possible ni exact. Pas possible, car ce sont les magistrats qui choisiront à qui confier telle ou telle enquête, et non les polices qui s’autosaisiraient. Pas exact, parce que, devant l’énorme travail à accomplir, des services spécialisés, qui devront mener des enquêtes elles-mêmes de plus en plus spécialisées, sont totalement nécessaires.
Au moment des « Panama papers » – M. Bocquet évoquait précédemment ce scandale –, que s’est-il passé lorsqu’il y a eu des soupçons de fraude fiscale ? Le Parquet national financier, le PNF, a réuni la direction générale des finances publiques et des services ou des personnes chargés des enquêtes dépendant notamment du ministère de l’intérieur : ils se sont mis d’accord pour travailler séparément, les uns dans le cadre d’enquêtes et les autres par des contrôles. Il n’y a pas eu de guerre des services. La direction générale des finances publiques a été sollicitée alors qu’elle avait peu de moyens – en tout cas pas les moyens que nous proposons de mettre en place avec ce projet de loi, pour faire ce travail d’enquêtes fiscales spécialisées. C’est pourtant bien ce qu’on a demandé à la DGFiP de faire, dans un cadre normatif qui n’est pas aujourd’hui très encourageant.
Les services du ministère de l’intérieur n’ont pas le monopole des enquêtes fiscales. M. Perben a créé un service des enquêtes douanières, qui a d’ailleurs démontré sa grande efficacité. Rien que l’année dernière, ce sont quasiment 900 millions d’euros de saisies qui ont été faites par ce service, placé sous l’autorité d’un magistrat – en l’occurrence, une magistrate – à Bercy, relevant du ministère des comptes publics.
Ce service a également prouvé son efficacité pour des dossiers qui lui sont confiés par des magistrats sur des circuits de blanchiment ou de contrefaçon. Cela permet de mieux intervenir dans des dossiers qui sont parfois complexes.
Vous évoquiez précédemment le fait qu’il faille donner plus de moyens sans doute à la BNRDF. Je signale que le ministère de l’intérieur, depuis la création de cette brigade, a tout de même changé quelque peu de priorité. Depuis quelques années, notre pays est tout de même très largement concerné par les questions de sécurité et de terrorisme. Le ministère de l’intérieur souhaite garder ce service : il faut effectivement le conserver, et nous ne proposons d’ailleurs pas de le supprimer, mais de le compléter par un autre service d’enquête.
En effet, la fraude est de plus en plus sophistiquée, cela a été dit et redit ; les moyens dont dispose Bercy pour lutter contre cette fraude ne sont pas à la hauteur de l’ingéniosité des fraudeurs pour échapper à l’impôt, cela a été aussi largement souligné ; le ministère de l’intérieur peut avoir, comme on peut facilement l’imaginer, d’autres priorités que celle de lutter contre la délinquance économique et financière. Nous proposons non pas de diminuer les agents de la BNRDF, mais de créer un nouveau service, qui sera à la disposition des magistrats.
Madame la rapporteur, vous faites un quiproquo : dire que j’ai la cotutelle ou la coadministration de ce service est totalement faux. Ce service ne dépend que du ministère de l’intérieur, et il comprend des agents de la DGFiP qui sont mis à disposition.
Permettez-moi de vous dire qu’il est un peu anormal qu’aucun des agents de la DGFiP ne soit chef de ce service, qui est toujours commandé par un policier, bien que ces agents fassent une partie du travail. On pourrait considérer que, dans le cadre d’enquêtes fiscales – c’est ce que nous proposons avec la police fiscale et ce qui se passe d’ailleurs dans la « police douanière », si vous me passez cette expression un peu malheureuse –, les agents de la DGFiP, parce qu’ils connaissent les montages frauduleux, soient davantage capables de gérer les dossiers qui seraient typiquement des cas de fraude fiscale et rien d’autre.
Pour toutes ces raisons, je propose le rétablissement de l’article 1er.
Je voudrais vous donner quelques exemples de la procédure judiciaire d’enquête fiscale depuis la création en 2009 de la BNRDF. La DGFiP a déposé 500 dossiers, qui représentent environ 5 milliards d’euros d’avoirs. Les recouvrements de la BNRDF s’élèvent à 200 millions d’euros. Je constate avec vous qu’une cinquantaine de dossiers sont traités par an et qu’il y a six ans d’attente à peu près.
Nous avons un service d’enquêtes douanières qui, parce qu’il a l’habitude du fonctionnement de Bercy, pourrait utilement aider cette police fiscale : l’idée n’est pas de les confondre, mais de les mettre l’un à côté de l’autre, en lien. Ce travail montre son efficacité puisque, comme je l’ai évoqué, rien que l’année dernière, le service des enquêtes douanières a effectué à peu près 900 millions d’euros de saisies.
Il ne s’agit pas d’une guerre des polices ou de supprimer un service pour un autre, il s’agit de compléter l’arsenal que les magistrats auraient sous leur responsabilité, avec des enquêteurs qui pourraient faire un travail d’enquêtes approfondies : c’est déjà le cas avec les perquisitions, ce serait le cas avec les mises sur écoute, les gardes à vue, les filatures. Ce travail ne concernerait que la fraude fiscale.
Les mêmes critiques ont été faites quand M. Perben était ministre : pourquoi créer un service d’enquêtes douanières ? On s’aperçoit aujourd’hui, et cela a d’ailleurs été souligné dans plusieurs rapports parlementaires, que ce service est extrêmement efficace, qu’il correspond à des demandes d’enquête proposées par les magistrats.
Aussi, c’est avec force que je milite pour le rétablissement de l’article 1er et la création de cette police fiscale.
Dans mon intervention lors de la discussion générale, j’ai exprimé fortement notre souhait de voir rétabli l’article 1er. Tel est l’objet de cet amendement.
J’ai aussi entendu les arguments de Mme la rapporteur contre la création d’un nouveau service composé d’officiers fiscaux judiciaires, au motif que la BNRDF suffirait. Je crois qu’il ne faut pas se tromper effectivement sur les missions de cette brigade : elle intervient sur un champ d’enquête bien plus large que les seuls dossiers de présomption caractérisée de fraude fiscale, c’est-à-dire des dossiers où la fraude fiscale n’est qu’un élément de l’affaire.
Ce que propose le Gouvernement, et qui vient d’être très bien expliqué par M. le ministre, c’est bien de créer un nouveau service spécialisé dans la fraude fiscale, face au nombre croissant de dossiers complexes. Voilà une proposition plus qu’utile !
Par ailleurs, mes chers collègues, soyons-en conscients : refuser la création de cette police fiscale ne se traduira pas par davantage de personnel au sein de la BNRDF.
La commission des lois, qui a été suivie sur ce point par la commission des finances, n’a pas du tout été convaincue par l’utilité de créer ce nouveau service d’enquêtes fiscales au sein du ministère du budget, …
Mme Nathalie Delattre, rapporteur pour avis. … tout comme le Conseil d’État, qui a donné un avis défavorable.
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
Il existe déjà au ministère de l’intérieur, on l’a dit, la BNRDF, qui est dirigée par un commissaire de police issu de ce ministère et qui est codirigée par un inspecteur des finances publiques issu de Bercy.
La BNRDF est compétente pour enquêter, à la demande du parquet ou d’un juge d’instruction, sur les affaires complexes qui nécessitent des investigations. Le nouveau service que le Gouvernement propose de créer aurait le même champ de compétences que la BNRDF et serait donc un service non pas complémentaire, mais concurrent.
Contrairement à ce que vous dites, monsieur le ministre, la BNRDF n’a pas changé de priorité : comme cela est prévu par les textes, elle ne peut traiter que de fraude fiscale ou du blanchiment pour fraude. Elle n’a pas dévié de ses compétences, elle travaille uniquement dans ce champ d’action.
D’ailleurs, un tiers des dossiers qui lui sont confiés par le PNF concerne des affaires complexes. Dès lors que survient un aspect incident, pour reprendre les termes qu’ils utilisent, c’est-à-dire si l’on suspecte un trafic de drogue pendant une enquête sur de la fraude fiscale, cet incident est traité non pas par la BNRDF, mais par la police locale. La BNRDF est donc bien centrée sur sa mission de lutte contre la fraude fiscale.
Les chiffres que vous avez cités ne sont pas exacts : le nombre d’affaires en cours d’instruction, dont j’ai eu connaissance, s’établit à 250. Le traitement moyen des dossiers de la BNRDF est de vingt-quatre mois, sans compter – cela dépend de votre façon de calculer – le délai de la DGFiP avant la saisine et le délai du tribunal après.
On pourrait entrer dans une bataille de chiffres : 200 millions par les douanes contre 75 millions en 2017 par la BNRDF. Mais cela dépend complètement des dossiers, qui ne sont peut-être pas les mêmes, et dont les enjeux financiers sont certainement différents. Il est difficile de se prononcer par rapport à des chiffres donnés.
J’ajoute que la BNRDF a un grand atout qu’il faudrait conserver et que n’aurait pas le nouveau service que vous dites vouloir rétablir à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, à savoir la mixité des fonctions. Elle est composée d’officiers de police judiciaire formés à la contrainte, aux perquisitions et aux auditions, mais aussi d’officiers fiscaux judiciaires, qui, eux, sont d’excellents contrôleurs fiscaux, mais qui, même s’ils bénéficient d’une formation de police de seulement trois mois, n’ont pas les mêmes compétences. Le risque est qu’ils commettent des erreurs de procédure, comme cela a été dit précédemment. Il est donc très important de préserver cette mixité.
La guerre des polices aura bien lieu, dans le recrutement. Aujourd’hui, seuls 42 officiers fiscaux judiciaires ont été formés. Il est donc évident que vous allez déshabiller Paul pour habiller Pierre.
Je maintiens donc mon avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous nous avez envoyé une étude d’impact très complète, très détaillée – un document de soixante-douze pages –, laquelle retrace notamment l’historique de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, qui a été créée en 2010 par la loi de finances rectificative pour 2009 et placée au sein du ministère de l’intérieur.
Si l’article 1er était rétabli, monsieur le ministre, la mise en place d’un nouveau département supposerait le redéploiement d’une trentaine d’effectifs au sein de la DGFiP. Les moyens humains sont très importants. Or, la DGFiP, dans nos départements respectifs, et nous pouvons tous en témoigner, a déjà été très affectée par des baisses de moyens humains.
Comme Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois, je pense que la brigade nationale, qui a une histoire, joue un rôle réellement important. Nous nous interrogeons : pourquoi la concurrencer ?
Bien entendu, je me range à l’avis de la commission des finances.
Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la création d’une police fiscale est importante et intéressante.
Contrairement ce que dit le Conseil d’État dans son avis, il existe actuellement un service national de douane judiciaire et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, et il n’y a pas de concurrence entre les polices pour le moment.
Par ailleurs, nous avons auditionné le 18 juin ici même les avocats généraux de la Cour de cassation, ainsi que Mme Solange Moracchini, qui a été chef du service national de douane judiciaire. L’organisation proposée ne les a pas choqués.
Ma seule réserve porte sur le fait que les 30 agents nécessaires à la création de cette police risquent d’être prélevés sur le contrôle fiscal. Autrement dit, on déshabille un peu le contrôle fiscal.
Pour le reste, ce service sera placé sous la présidence d’une magistrate, contrairement d’ailleurs à la brigade nationale, qui, elle, est dirigée par un commissaire. Le cadre, vous le voyez, est protecteur.
Notre groupe votera en faveur du rétablissement de l’article.
Je reprends à mon compte les arguments de mon ami Thierry Carcenac, qui a, je crois, posé les termes du débat et bien décrit l’enjeu auquel nous sommes confrontés.
Je me suis entendu dire au cours de ce débat que l’amendement du groupe La République En Marche serait un copier-coller de celui du Gouvernement. Mes chers collègues, je vous rappelle que notre groupe est celui qui, sur tous les textes que nous venons d’examiner – nous avons achevé fort tard hier l’examen du projet de loi Agriculture et alimentation –, a déposé le moins d’amendements, …
Sourires.
Si nous avons déposé cet amendement, c’est parce que nous pensons que le Gouvernement a raison de vouloir rétablir le texte initial.
Non, cher président de la commission des finances : faites-vous communiquer le nombre d’interventions de notre groupe sur le texte que nous avons examiné durant quatre jours. Vous verrez alors que, si tout le monde avait fait comme nous, les débats auraient duré moins longtemps…
… et qu’il y aurait eu beaucoup moins d’interventions redondantes. Mais nous vous avons écoutés avec attention et avec respect, sans jamais vous interrompre.
Je pense que le Gouvernement a raison de déposer l’amendement que nous déposons aussi, car nous souhaitons tous, de façon unanime, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, lutter efficacement contre la fraude fiscale.
Une police fiscale qui vient non pas en concurrence, mais en complément me paraît utile pour lutter contre ce fléau que nous dénonçons tous.
Nous pensons qu’il ne faut pas rétablir l’article 1er. L’avis du Conseil d’État, auquel notre groupe se réfère rarement, évoque très clairement une concurrence entre ce nouveau service et les services existants. De la part du Conseil d’État, ce n’est pas rien !
Je rappelle que les effectifs du contrôle fiscal ont chuté de manière spectaculaire depuis vingt ans et qu’il a perdu 38 000 emplois. C’est tout de même extraordinaire ! Quelle entreprise, quelle autre administration aurait supporté un tel choc ?
Je rappelle également qu’il y six directions à compétence nationale sur le sujet : la direction des vérifications nationales et internationales, la direction nationale d’enquêtes fiscales, la direction nationale de vérification de situations fiscales, la direction des impôts des non-résidents, la direction des grandes entreprises et la direction nationale d’interventions domaniales. On y ajoutera la BNRDF et la police douanière. Cela fait franchement beaucoup de monde ! Il est nécessaire de mettre en place des coopérations, de rationaliser cette organisation et de renforcer les effectifs de manière importante.
Enfin, je suis un peu surpris d’entendre notre collègue Rambaud dire que si la police fiscale n’était pas créée, on ne retrouverait pas les moyens prévus pour cette police dans les services existants. C’est bien ce que vous avez dit, cher collègue ? Avez-vous sur ce point des informations de Bercy concernant le prochain projet de loi de finances ?
Monsieur Bocquet, je ne peux pas vous laisser dire ce que vous venez de dire.
D’abord, on n’a pas supprimé 38 000 postes dans le contrôle fiscal. Depuis deux quinquennats, le service du contrôle fiscal n’a connu aucune suppression de postes. §D’ailleurs, si, en France, 38 000 personnes étaient affectées au contrôle fiscal, ce serait très important.
La DGFiP compte 107 000 agents. Ce n’est pas à vous, monsieur le sénateur, que je vais apprendre qu’elle ne fait pas que du contrôle fiscal. Je le répète, cela fait dix ans, sous deux gouvernements successifs, de deux couleurs politiques différentes, que le nombre d’agents du contrôle fiscal n’a pas diminué.
On peut discuter de la modernisation des services publics si vous le souhaitez, mais il ne sert à rien d’utiliser des arguments de tribune qui ne sont pas conformes à la réalité.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, permettez-moi de vous dire que vous avez confondu les carottes avec un autre légume, en l’occurrence des services judiciaires, dirigés par des magistrats – c’est le cas notamment du service d’enquêtes douanières à Bercy – et des services de contrôles fiscaux. Le groupe CRCE doit être cohérent avec lui-même. Vous êtes ordinairement plutôt du genre à nous encourager à donner plus de moyens à la justice, mais là, alors que nous vous disons que nous allons créer un service de justice supplémentaire, vous nous répondez qu’on a déjà bien assez de services de contrôle administratif !
Très franchement, monsieur le sénateur, dans un débat aussi sérieux que celui-ci, vous ne pouvez pas confondre les services de contrôle administratif, placés sous l’autorité du ministre, et les services judiciaires.
Je vous propose la création d’un nouveau service judiciaire, parce que, contrairement à ce que dit Mme la rapporteur pour avis, la BNRDF, qui réalise un travail très important, s’occupe surtout de blanchiment, …
Ce n’est pas vrai. Le blanchiment ne représente qu’un tiers de son activité, c’est tout !
… ce qui est très différent de la fraude. Ce n’est pas le même métier.
Il me semble totalement contre-intuitif de vouloir lutter contre la fraude tout en demandant la suppression du service d’enquête supplémentaire que nous voulons créer. C’est un peu particulier…
Je remercie M. Patriat et M. Carcenac de leur soutien. M. Carcenac ayant longtemps travaillé à la DGFiP, il sait de quoi il parle.
Si vous confondez les services de contrôle administratif et les services judiciaires, vous ne pouvez pas porter un regard objectif sur le service dont nous proposons la création.
Très sincèrement, je ne comprends pas votre position, monsieur le sénateur Bocquet. Je peux à la limite comprendre celle de Mme la rapporteur, qui considère, de manière assez cohérente, qu’on doit être au sein du ministère de l’intérieur et que Bercy ne doit pas bénéficier de moyens supplémentaires en ce qui concerne les enquêtes. Pourquoi pas ? En revanche, monsieur Bocquet, vous êtes assez éloigné de ce qu’il faudrait faire en termes de service de justice pour lutter plus efficacement contre ceux qui se rendent coupables de fraude fiscale et dont les moyens sont beaucoup plus importants aujourd’hui que ceux de la DGFiP. C’est dommage. C’est un rendez-vous manqué pour vous.
Le groupe Union Centriste suivra les conclusions de la commission des lois et de la commission des finances et souhaite le maintien de la suppression de ce dispositif.
Monsieur le ministre, vous avez le soutien du groupe socialiste sur cette question, mais il n’en demeure pas moins que nous nous interrogeons sur la façon dont ces différents services vont travailler ensemble.
Nous sommes ainsi très inquiets lorsque nous entendons dire que des agents seront prélevés sur le contrôle pour créer le nouveau service. Il ne faut pas déshabiller Pierre pour habiller Paul. Il faudra, dans le projet de loi de finances pour 2019 et dans les suivants, augmenter le nombre d’agents affectés au contrôle fiscal. Le système ne peut être efficace si nous n’augmentons pas aussi le nombre de contrôles réalisés chaque année, lequel reste stable alors que le nombre d’entreprises, lui, progresse.
Nous soutenons la création de ce service de police certes supplémentaire, mais commun au service des douanes, nous sommes néanmoins plus que dubitatifs s’agissant des moyens qui lui seront octroyés. Nous serons donc vigilants.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 80 … ainsi rédigé :
« Art. L. 80 … – Le contribuable peut contester devant le juge administratif les décisions implicites ou explicites mentionnées à l’article L. 80 B.
« Tant que le juge administratif n’a pas statué définitivement, le contribuable peut appliquer l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires qu’il a présentée à l’administration.
« Si le juge administratif rejette définitivement l’interprétation du contribuable, l’administration peut redresser les impositions sur l’ensemble de la période visée.
« Le contribuable ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’abus de droit ni de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, de blanchiment ou de recel de fraude fiscale s’il a fait usage des dispositions des deux premiers alinéas du présent article. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Peut-être certains d’entre vous vont-ils s’étonner de voir notre groupe présenter un amendement sur le rescrit fiscal alors que nous n’en avons jamais été de très fervents partisans, contrairement aux contribuables, personnes physiques ou morales, qui ont quelques – bonnes ? – raisons de défendre leur position, mais il nous semble utile de procéder à quelques ajustements afin de sécuriser l’application de cette procédure et de permettre une explication franche et argumentée entre les différentes parties en présence.
Le recours au rescrit permettrait en effet de gérer au mieux les procédures précontentieuses, dans le droit fil de la disposition de contrôle préjudiciel que nous avons évoquée précédemment. C’est d’ailleurs de cette manière qu’une société de presse en ligne, bien connue du grand public pour son inclination à dénoncer les travers, voire les injustices, de notre société, a pu faire valoir ses droits et faire confirmer que le taux réduit de TVA était applicable à la fois à la presse papier et à la presse en ligne.
La mise en œuvre du rescrit serait associée à une démarche de bonne foi du contribuable et serait donc exempte, dans un premier temps, de toute pénalité pour retard de paiement.
Au bénéfice de ces observations, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 18 rectifié est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 106 rectifié est présenté par MM. Requier, Collin, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 80 … ainsi rédigé :
« Art. L. 80 … – Le contribuable peut contester devant le juge de l’impôt les décisions implicites ou explicites mentionnées au 1° de l’article L. 80 B. S’agissant des décisions résultant de l’application du 1° de l’article L. 80 B, le contribuable qui a eu recours à l’article L. 80 B peut saisir le juge administratif dans les mêmes conditions du présent article, le cas échéant.
« Tant que le juge de l’impôt n’a pas statué définitivement, le contribuable peut appliquer à sa situation, sous réserve qu’elle soit identique à celle présentée à l’administration, l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires qu’il a soulevée préalablement devant l’administration.
« Si le juge de l’impôt rejette définitivement l’interprétation du contribuable, l’administration peut notifier ou recouvrer les impositions sur l’ensemble de la période visée, à l’exclusion de toute pénalité ou majoration hors intérêts annuels.
« Pour l’ensemble de la procédure mentionnée aux alinéas précédents, le délai de mise en recouvrement applicable est suspendu jusqu’à l’intervention de la décision définitive.
« Le contribuable ne peut pas faire l’objet d’une procédure d’abus de droit ni de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, de blanchiment ou de recel de fraude fiscale s’il a fait usage des dispositions des deuxième et troisième alinéas. Par exception, le juge de l’impôt, à la demande de l’administration, peut s’opposer à l’inapplication de la procédure d’abus de droit ou à l’absence d’engagements de poursuites pénales pour délits de fraude fiscale, s’il constate, par décision motivée, que le contribuable a usé, de mauvaise foi, de la procédure prévue au premier alinéa. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 18 rectifié.
Cet amendement fait partie de ceux que j’ai annoncés en discussion générale et visant à améliorer les relations et à coordonner les décisions. Le présent amendement tend à sécuriser la procédure de rescrit fiscal et à améliorer le dialogue entre l’administration et les contribuables.
L’interprétation de la loi fiscale, on le sait, est particulièrement complexe et source d’importantes divergences. La procédure de rescrit fiscal est là pour éclairer les contribuables en leur permettant de soumettre leur interprétation à l’administration.
Si un contribuable n’est pas d’accord avec l’administration, il ne peut pas, en l’état de la jurisprudence du Conseil d’État, contester l’interprétation du fisc devant le juge de l’impôt, car il doit attendre un éventuel contentieux sur le fond. Cela revient à insécuriser les contribuables qui peuvent, le cas échéant, relever de la procédure de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit, voire de poursuites pénales pour fraude fiscale, alors même qu’ils n’ont pas pu encore faire valoir leurs arguments devant le juge de l’impôt.
Il s’agit, à travers cet amendement, d’établir dans la loi un dispositif sécurisé pour l’ensemble des contribuables de bonne foi, qui permette d’améliorer significativement les relations entre l’administration et les usagers.
La rédaction est précisée par l’établissement d’une suspension de la prescription afin de garantir les possibilités de recouvrement par le Trésor public et d’éviter que des contribuables de mauvaise foi n’abusent de ce nouveau dispositif.
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 106 rectifié.
Comme on dit lors des inaugurations au cours des week-ends : tout a été dit et bien dit. Je n’ajouterai donc pas grand-chose au propos de notre collègue. Je précise juste que l’idée est évidemment non pas de protéger d’éventuels fraudeurs, mais de garantir les droits du contribuable proactif et de bonne foi face à l’administration.
Ces trois amendements tendent à prévoir la possibilité de contester un rescrit devant le juge administratif. Une telle demande nous paraît tout à fait légitime, mais elle est satisfaite par le droit existant. Depuis l’arrêt Société Export-Presse, on peut former un recours devant le juge administratif pour excès de pouvoir contre un rescrit fiscal. M. le ministre me disait à l’instant qu’on pouvait même demander un second examen du rescrit, avec une collégialité différente.
Le premier alinéa, qui prévoit que le « contribuable peut contester devant le juge administratif les décisions implicites ou explicites mentionnées à l’article L. 80 B. », est d’ores et déjà satisfait. Je le répète, on peut former un recours pour excès de pouvoir contre un rescrit.
Aller plus loin en permettant concrètement de continuer à appliquer sa propre interprétation nous paraît dangereux et pourrait être à l’origine de manœuvres dilatoires. C’est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de ces amendements.
L’amendement n° 10 rectifié est retiré.
Madame Goulet, qu’en est-il de l’amendement n° 18 rectifié ?
Je ne suis pas très convaincue, mais je retire quand même cet amendement, monsieur le président, parce que nous avons déposé d’autres amendements importants.
L’amendement n° 18 rectifié est retiré.
Monsieur Requier, qu’advient-il de l’amendement n° 106 rectifié ?
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le paragraphe 2 de la section 3 du chapitre IV du titre II est complété par un article 65 quater ainsi rédigé :
« Art. 65 quater. – Les personnes qui conçoivent ou éditent des logiciels de gestion, de comptabilité, des systèmes de caisse ou interviennent techniquement sur les fonctionnalités de ces produits affectant directement ou indirectement la tenue des écritures, la conservation ou l’intégrité des documents originaux nécessaires aux contrôles de l’administration des douanes sont tenus de présenter aux agents de cette administration, sur leur demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s’y rattachent.
« Pour l’application du premier alinéa, les codes, données, traitements ainsi que la documentation doivent être conservés jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle le logiciel ou le système de caisse a cessé d’être diffusé. » ;
2° La section 1 du chapitre VI du titre XII est ainsi modifiée :
a) Le E du paragraphe 2 est complété par un article 413 quater ainsi rédigé :
« Art. 413 quater. – Est passible d’une amende de 10 000 € par logiciel, application ou système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation a été réalisée dans l’année tout manquement aux obligations prévues par l’article 65 quater. » ;
b) Après l’article 416, il est inséré un article 416-1 ainsi rédigé :
« Art. 416 -1. – I. – Les personnes mentionnées à l’article 65 quater qui mettent à disposition les logiciels ou les systèmes de caisse mentionnés au même article 65 quater sont passibles d’une amende lorsque ces logiciels, systèmes ou interventions techniques sont conçus pour permettre la commission de l’un des délits mentionnés aux articles 414, 415 et 459, en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales.
« L’amende prévue au premier alinéa du présent I s’applique également aux distributeurs de ces produits qui savaient ou ne pouvaient ignorer qu’ils présentaient les caractéristiques mentionnées au même premier alinéa.
« L’amende encourue est de 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées, correspondant à l’année au cours de laquelle l’amende est prononcée et aux cinq années précédentes.
« L’application de l’amende prévue au présent I exclut celles prévues aux articles 1770 undecies et 1795 du code général des impôts à raison des mêmes logiciels, systèmes ou interventions et du même chiffre d’affaires.
« II. – Les personnes mentionnées au I sont solidairement responsables du paiement des droits rappelés correspondant à l’utilisation de ces logiciels et systèmes de caisse mis à la charge des entreprises ayant commis les délits mentionnés aux articles 414, 415 et 459 et qui se sont servis de ces produits dans le cadre de leur exploitation. »
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1°
2°
« L’avant-dernier alinéa est également applicable en cas de demande des agents des douanes portant sur des logiciels de gestion, de comptabilité ou des systèmes de caisse, affectant, directement ou indirectement, la conservation ou l’intégrité des documents originaux nécessaires aux contrôles de cette administration. »
III. – L’article 1795 du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 1795. – I. – Les personnes mentionnées à l’article L. 96 J du livre des procédures fiscales qui mettent à disposition les logiciels ou les systèmes de caisse mentionnés au même article L. 96 J sont passibles d’une amende lorsque ces logiciels, systèmes ou interventions techniques sont conçus pour permettre la réalisation de l’un des faits mentionnés au 1° de l’article 1743 du présent code, à l’article 1791 ter, aux 3° et 5° de l’article 1794, à l’article 1797 et aux 3°, 8° et 10° de l’article 1810 en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales.
« L’amende prévue au premier alinéa du I s’applique également aux distributeurs de ces produits qui savaient ou ne pouvaient ignorer qu’ils présentaient les caractéristiques mentionnées au même premier alinéa.
« Cette amende est de 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées, correspondant à l’année au cours de laquelle l’amende est appliquée et aux cinq années précédentes.
« L’application de l’amende prévue au présent I exclut celles prévues à l’article 1770 undecies du présent code et à l’article 416-1 du code des douanes à raison des mêmes logiciels, systèmes ou interventions et du même chiffre d’affaires.
« II. – Les personnes mentionnées au I sont solidairement responsables du paiement des droits rappelés correspondant à l’utilisation de ces logiciels et systèmes de caisse mis à la charge des entreprises qui ont commis les faits mentionnés au même I qui se servent de ces produits dans le cadre de leur exploitation. »
IV. – 1° Le I est applicable dans les îles Wallis et Futuna ;
2° À Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie l’amende prévue à l’article 413 quater du code des douanes est prononcée en monnaie locale compte tenu de la contrevaleur dans cette monnaie de l’euro.
V. – 1° Le 1° du I et le 2° du II s’appliquent aux droits de communication exercés à compter du lendemain de la publication de la présente loi ;
2° L’amende et la solidarité de paiement prévues au 2° du I et au III s’appliquent au chiffre d’affaires réalisé et aux droits rappelés correspondant à l’utilisation des produits à compter du lendemain de la publication de la présente loi.
3°
Le 1° du II s’applique à compter du 1er janvier 2019. –
Adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 4 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 21 rectifié est présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article 415 du code des douanes, les mots : « deux à » sont supprimés.
La parole est à M. Pascal Savoldelli, pour présenter l’amendement n° 4.
Cet amendement vise à sécuriser le délit douanier de blanchiment à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité.
La Cour de cassation a en effet saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité le 19 juin 2018. Il s’agissait de faire éventuellement censurer la sanction du délit douanier de blanchiment prévue à l’article 415 du code des douanes.
En effet, ce texte, comme il était d’usage précédemment, vise à établir une sorte d’échelle des peines, en lieu et place d’une fixation précise de la peine encourue à raison de l’incrimination.
Depuis de nombreuses années, cette manière de légiférer en droit répressif a été abandonnée pour mettre notre droit en conformité avec le principe de nécessité des peines et de liberté du juge à fixer celles-ci.
Afin d’éviter une censure potentiellement préjudiciable à la lutte contre la criminalité organisée et la finance criminelle, notamment à vocation terroriste ou à des fins d’évasion fiscale, nous proposons de mettre le code des douanes en conformité avec les principes actuels en supprimant les seuls mots « deux à », ce qui revient à prévoir que le délit douanier de blanchiment est puni de dix ans d’emprisonnement. Cela ne changera rien au droit positif et aux sanctions encourues.
Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 21 rectifié.
Si on devait aujourd’hui adopter l’article 415 du code des douanes, on ne le ferait pas en cette forme. On écrirait : « Seront punis d’un emprisonnement de dix ans… », ce qui signifie toujours de dix ans au maximum.
En application du principe de l’individualisation des peines, le juge peut fixer une peine allant de deux ans à dix ans de prison, mais on ne retiendrait pas aujourd’hui la rédaction « de deux à dix ans ».
C’est la raison pour laquelle une QPC a été transmise le 19 juin 2018 par la Cour de cassation. Il nous avait semblé utile d’attendre cette QPC, mais peut-être le Gouvernement est-il en mesure de nous apporter la précision ; c’est une matière technique : concrètement, un blanchiment douanier peut-il être réprimé d’un an de prison ? Ou la peine encourue doit-elle être comprise entre deux et dix ans d’emprisonnement, conformément à la rédaction actuelle du texte ? Telle est la question qui se pose.
Nous n’avons pas disposé du temps nécessaire pour procéder à une expertise suffisante afin de pouvoir donner un avis définitif.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.
L’amendement n° 16, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa du III de l’article L. 13 AA du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette information est également transmise, pour les entreprises concernées, à l’Agence des participations de l’État. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
C’est l’expérience récente de l’Agence des participations de l’État et du groupe Engie qui nous a inspiré cet amendement.
La Commission européenne juge illégaux les avantages fiscaux accordés au groupe énergétique français. L’addition totale devrait atteindre 300 millions d’euros à terme. Engie et le Luxembourg contestent.
La sanction était attendue depuis l’ouverture d’une enquête à la fin de 2016 contre les pratiques fiscales d’Engie au Luxembourg. Elle a fini par tomber mercredi, en plein rendez-vous – ironie de l’histoire – entre le Premier ministre français Édouard Philippe et le président luxembourgeois de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, a conclu que le Luxembourg devra récupérer 120 millions d’euros d’avantages fiscaux indus accordés depuis 2008 et 2010 à Engie, détenu à 24, 1 % par l’État français.
C’est fort de cette expérience et de cette mésaventure que nous vous soumettons cet amendement.
Cet amendement paraît satisfait par le droit existant. Aujourd’hui, l’Agence des participations de l’État est un actionnaire. En tant que tel, l’Agence a droit à toutes les informations que tout actionnaire peut obtenir, y compris, concrètement, à la documentation relative au prix de transfert.
L’avis est donc défavorable
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le II de la section II du chapitre III du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est complété par des articles L. 135 ZJ et L. 135 ZK ainsi rédigés :
« Art. L. 135 ZJ. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l’administration fiscale en application de l’article 706 du code de procédure pénale disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du présent livre.
« Art. L. 135 ZK. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement portant sur les infractions prévues à l’article L. 8211-1 du code du travail, les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du même code, les agents des organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale, et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des articles 1649 A et 1649 ter du code général des impôts, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B du présent livre. »
I bis
« Art. L. 83 A bis
II. – À l’article 59 octies du code des douanes, les mots : « et de contrôle des substances et produits chimiques, » sont remplacés par les mots : «, de contrôle des substances et produits chimiques et de lutte contre la fraude fiscale ».
III. – Après le 5° de l’article L. 114-12-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, les officiers et agents de police judiciaire, dans la limite de leurs compétences respectives, pour la recherche et la constatation des infractions prévues aux articles L. 8211-1 du même code et à l’article L.114-16-2 du code de la sécurité sociale. »
L’amendement n° 110, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 134 C, il est inséré un article L. 134 CA ainsi rédigé :
« Art. L. 134 CA. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement portant sur les infractions prévues à l’article L. 114-16-2 du code de la sécurité sociale :
« - les agents des organismes mentionnés aux articles L. 211-1, L. 212-1, L. 215-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les déclarations prévues à l’article 1649 ter du code général des impôts ;
« - les agents des organismes mentionnés aux articles L. 212-1, L. 752-4 du code de la sécurité sociale et ceux mentionnés à l’article L. 5312-1 du code du travail et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B. » ;
…° L’article L. 135 ZC est complété par les mots : «, aux données relatives aux mutations à titre onéreux ou gratuit et aux actes relatifs aux sociétés ainsi qu’aux informations mentionnées à l’article L. 107 B. » ;
II. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 135 ZL. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de recouvrement, les agents des douanes individuellement désignés et dûment habilités selon des modalités fixées par décret, disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application de l’article 1649 ter du code général des impôts. »
III. – Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - À l’article 59 octies du code des douanes, les mots : « des transferts transfrontaliers de déchets et de contrôle des substances et produits chimiques » sont remplacés par les mots : « des conditions de traitement des déchets, de leurs transferts transfrontaliers, de contrôle des substances et produits chimiques, et de lutte contre la fraude fiscale ».
IV. – Après l’alinéa 6
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le chapitre III du titre II du code des douanes est complété par des articles 59 terdecies et 59 quaterdecies ainsi rédigés :
« Art. 59 terdecies. – Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les assistants spécialisés détachés ou mis à disposition par l’administration des douanes et droits indirects en application de l’article 706 du code de procédure pénale disposent d’un droit d’accès direct aux informations contenues dans les fichiers tenus en application des réglementations européenne et nationale relatives aux obligations de déclaration de transfert de capitaux, ainsi qu’aux données relatives au droit annuel de francisation et de navigation.
« Art. 59 quaterdecies. – Les agents des douanes, les agents du ministère chargé de l’agriculture, les agents de l’établissement national des produits de l’agriculture et de la mer et les agents de l’office de développement de l’économie agricole d’outre-mer, sont autorisés, pour les besoins de leurs missions de contrôle des produits de l’agriculture, à se communiquer, spontanément ou sur demande, tous les renseignements et documents détenus ou recueillis dans l’exercice de leurs missions respectives. »
V. – Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 6° Sous réserve d’être individuellement désignés et dûment habilités, dans le cadre de leurs missions, les agents de contrôle de l’inspection du travail, mentionnés à l’article L. 8112-1 du code du travail, les officiers et agents de police judiciaire, les agents des douanes et des services fiscaux, y compris ceux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en application des articles 28-1 et 28-2 du code de procédure pénale, les agents du service à compétence nationale prévu à l’article L. 561-23 du code monétaire et financier. »
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à ouvrir la possibilité pour un certain nombre d’agents d’accéder aux nombreuses bases de données de la DGFiP – PATRIM, FICOVIE, BNDP – afin de leur permettre de remplir leur mission très importante de lutte contre la fraude, particulièrement contre la fraude sociale.
Les contrôles réalisés par les caisses de sécurité sociale permettent de connecter uniquement les bases des ressources, mais pas celles qui contiennent le patrimoine des personnes qu’elles souhaitent contrôler. La quasi-totalité des prestations servies par les caisses d’allocation familiales le sont sous conditions de ressources. L’article L. 553–5 du code de la sécurité sociale prévoit une évaluation des éléments du patrimoine lorsqu’une disproportion manifeste existe entre le train de vie des allocataires et le montant des ressources qu’ils déclarent.
Or les agents de contrôle ne disposent pas des outils nécessaires pour procéder à cette évaluation. L’accès aux bases de la DGFiP rendrait ainsi opérationnel ce qui est prévu déjà par la loi.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à adopter cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 30 rectifié sexies, présenté par Mme Vermeillet, M. Moga, Mme Vullien, MM. Louault, Détraigne, Delahaye, Raison et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam et Bonfanti-Dossat, M. Canevet, Mme Sollogoub, M. Delcros, Mmes Guidez et Gatel et MM. Lafon, Luche et Henno, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les besoins de l’accomplissement de leurs missions, les agents assermentés de la direction générale des finances publiques peuvent auditionner les experts-comptables et leurs collaborateurs sur les dossiers de leurs clients afin de recueillir les informations permettant de prévenir, de rechercher ou de constater une fraude fiscale. L’expert-comptable est alors dispensé de son obligation de secret professionnel prévu à l’article 226-13 du code pénal et ses révélations entrent dans les exceptions de l’article 226-14 du même code.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Les experts-comptables et leurs collaborateurs sont souvent les premiers témoins de la fraude fiscale, mais ils sont liés à leurs clients par le secret professionnel, ce qui impose une grande discrétion, voire une réserve sur ces sujets.
Cet amendement vise à permettre à l’administration fiscale de recueillir en direct les informations auprès des experts-comptables et de leurs collaborateurs dans le but d’accroître l’efficience des contrôles.
Chaque mois au moins, lors des déclarations de TVA par exemple, les comptables savent très bien qui triche et qui ne triche pas. Ils le savent parce que ces opérations se répètent ou parce qu’elles sont très anormales. Cela ne signifie pas néanmoins que les comptables sont complices.
Il faut donc permettre d’exploiter la source de connaissances de la profession en la libérant du secret professionnel dans ce seul cas précis. Je ne vois pas pourquoi, d’ailleurs, on s’en priverait si on veut vraiment lutter contre la fraude fiscale.
Contrairement à ce que j’ai entendu ce matin en commission des finances, n’importe qui ne peut exercer le contrôle fiscal. Ce contrôle est effectué par des agents assermentés. Dans ce seul cas, les experts-comptables pourraient révéler les dysfonctionnements qu’ils constatent.
Ces deux amendements portent sur la levée du secret fiscal pour les experts-comptables. Je ne nie pas que les experts-comptables puissent avoir accès à des informations, notamment à des faits constitutifs de fraude fiscale.
Un certain nombre de problèmes rédactionnels ont été évoqués : de quels agents s’agirait-il ?
Par ailleurs, des dispositions existent déjà. Sont-elles suffisantes ? Peut-être le Gouvernement va-t-il nous apporter son éclairage ? Je pense à l’article L. 86 du livre des procédures fiscales, qui donne aux agents de l’administration un droit de communication à l’égard des experts-comptables et prévoit une obligation de déclaration auprès de TRACFIN. Les experts-comptables font partie des professionnels qui, en cas de soupçon, ont l’obligation de les transmettre à TRACFIN, à l’instar des banques et d’autres professions.
Faut-il aller plus loin ?
En l’état, la commission est défavorable à cet amendement, le suivant, qui concerne les professionnels qui concourent à des montages, non seulement les avocats, mais également les experts-comptables, lui paraissant plus équilibré.
J’ai bien entendu l’avis de la commission et l’avis conforme du Gouvernement.
Il me semble que notre collègue confond le rôle de l’expert-comptable avec celui d’autres professionnels du chiffre.
L’expert-comptable a essentiellement une mission de présentation de comptes annuels. Il est lié contractuellement à son client, par un contrat qui peut être résilié à tout moment.
Quand un expert-comptable a des doutes sur l’honnêteté fiscale de son client ou qu’il constate des infractions en matière fiscale, il doit se retirer immédiatement de sa mission et en faire part par écrit pour dégager sa responsabilité auprès du client.
En revanche, et ce sera d’ailleurs l’objet de votre deuxième amendement, ma chère collègue, la loi a confié ce rôle à une autre profession : c’est le commissaire aux comptes.
Le commissaire aux comptes est nommé par une assemblée pour six ans. Parmi ses obligations légales figure celle de révéler au procureur de la République les infractions dont il a connaissance dans le cadre de l’exercice de sa mission.
Le deuxième amendement que vous présentez reprend donc la mission qui échoit au commissaire aux comptes depuis des années.
Or on sait déjà que le ministre de l’économie et des finances tient absolument, dans le cadre du futur projet de loi PACTE, à supprimer le rôle du commissaire aux comptes dans 80 % des PME avec, en toile de fond, les incidences fiscales que cela peut avoir.
Dans 30 % des cas, les bilans des PME sont rectifiés préventivement par le commissaire aux comptes, bien souvent en raison d’infractions fiscales qui sont rectifiées directement.
Par ailleurs, si une fraude fiscale est mise en évidence lors de la mission du commissaire aux comptes, il le révélera au procureur de la République et, bien évidemment, l’administration fiscale effectuera un redressement en conséquence.
Nous avons une profession qui répond aux objectifs recherchés par notre collègue. Avant de supprimer le commissariat aux comptes dans 80 % des sociétés, il serait bon, monsieur le ministre, de prendre un moment pour évaluer, avec la profession et avant que le projet de loi PACTE ne vienne en discussion, l’impact d’économie fiscale ou de prévention fiscale du rôle des commissaires aux comptes dans les PME.
Cet amendement et le suivant me semblent satisfaits par un certain nombre de dispositions relatives au secret professionnel de l’expert-comptable, qui permettent à l’administration fiscale de prendre connaissance d’un certain nombre de choses.
Ainsi, l’article L. 86 du livre des procédures fiscales octroie à l’administration fiscale un droit de communication à l’encontre de l’expert-comptable visant ses clients, lui permettant d’obtenir un grand nombre d’informations sur les activités de ses clients.
De même, le I et le II de l’article L. 561-15 du code monétaire et financier imposent à l’expert-comptable d’effectuer une déclaration auprès de TRACFIN dès lors qu’il sait, soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner que des sommes d’argent ou des opérations proviennent d’une fraude fiscale. Dans ce cas, l’expert-comptable livre spontanément aux autorités les informations dont il a connaissance.
Ces différentes dispositions, qui permettent de lever le secret professionnel, prévoient déjà que l’infraction en cause soit dénoncée le plus rapidement possible.
Cet amendement vise à permettre la « levée » du secret professionnel des experts-comptables vis-à-vis de leurs clients parce qu’ils auraient découvert une fraude fiscale.
Or toutes les personnes qui sont liées par le secret professionnel devraient être comprises dans cet amendement. En effet, les experts-comptables ne sont pas les seuls à intervenir auprès des entreprises, il y a aussi les avocats, il peut y avoir les notaires.
Ainsi, chaque fois que l’on aurait ne serait-ce qu’un soupçon, l’administration fiscale pourrait interroger un professionnel. Mais qui, au sein de l’administration fiscale ? Un agent ? Un inspecteur ? Un administrateur assermenté ?
Ce type d’amendement n’a aucun sens en tant que tel. Il existe des professions réglementées, qui se trouvent dans une situation où il y a un respect du secret professionnel. Les procédures pour lever le secret professionnel sont déjà définies. Pourquoi, du jour au lendemain, proposer un amendement ne visant que les experts-comptables et non les avocats d’affaires, par exemple, qui sont en général ceux qui élaborent les projets d’optimisation fiscale.
Il me semblerait préférable de retirer ces amendements.
Pour notre part, nous allons soutenir ces amendements, tout simplement parce qu’il s’agit d’une bonne idée et que leur adoption pourrait enclencher un changement de culture.
Au-delà du droit existant, les responsabilités des experts-comptables, l’idée des premiers témoins de la fraude fiscale nous plaît bien. Ceux qui décèlent les choses à l’origine sont les mieux placés pour les dénoncer ensuite.
Toute la difficulté, pour un expert-comptable, est de savoir si l’on peut dénoncer celui qui nous rémunère, si l’on est libre de le faire. La question se pose : je ne dis pas que c’est toujours le cas, je ne veux pas faire de mauvais esprit, mais elle peut se poser.
Aussi, permettre aux experts-comptables de jouer ce rôle et, comme le suggère Bernard Lalande, élargir ce dispositif à l’ensemble de la chaîne de responsabilité, notamment aux avocats fiscalistes, qui ont le même niveau de responsabilité, me va bien.
Nous soutiendrons ces amendements qui ont le mérite d’enclencher quelque chose de nouveau.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 31 rectifié sexies, présenté par Mme Vermeillet, M. Moga, Mme Vullien, MM. Louault, Delahaye et Raison, Mme Garriaud-Maylam, M. Lefèvre, Mme Bonfanti-Dossat, M. Delcros, Mmes Sollogoub et Guidez, M. Canevet, Mme Gatel et MM. Lafon, Luche et Henno, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout expert-comptable qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’une fraude fiscale en informe l’administration fiscale et lui transmet tous les renseignements et actes qui y sont relatifs. L’expert-comptable est alors dispensé de son obligation de secret professionnel prévu à l’article 226-13 du code pénal et ses révélations entrent dans les exceptions de l’article 226-14 du même code.
La parole est à Mme Sylvie Vermeillet.
Dans la continuité de l’amendement précédent, il s’agit de permettre aux experts-comptables témoins de fraude fiscale dans l’exercice de leurs fonctions d’informer l’administration.
Cette disposition permettrait un gain de temps et d’efficience en matière de contrôle.
J’entends les arguments de mes collègues. Il n’en reste pas moins que les procédures en vigueur ne me semblent pas forcément très efficaces. J’imagine que, comme moi, ils savent ce qui se passe dans les cabinets comptables : certains contrôles très automatiques ou très périodiques sur certains dossiers bien cadrés sont inutiles et font perdre un temps précieux à l’administration et aux comptables.
L’adoption de cet amendement permettrait une synergie simple avec la DGFiP, tout du moins beaucoup plus simple que la procédure TRACFIN. À l’évidence, des fraudes s’opèrent tous les mois qui ne sont pas révélées.
Nous venons d’avoir un petit débat interne à l’ordre des experts-comptables. Nous en avons déjà eu un ce matin en commission.
Les experts-comptables peuvent en effet être témoins de fraude et, dans un certain nombre de cas, ils sont justement déliés de l’obligation du secret professionnel. C’est notamment le cas à l’égard de l’Autorité des marchés financiers, à l’égard du juge commissaire lors d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou à l’égard des juridictions répressives.
Faut-il étendre cette obligation, ce droit d’alerte, en quelque sorte ? L’ensemble des dispositifs existants nous a paru suffisant. Peut-être le Gouvernement a-t-il un avis différent ? Nous avions souhaité l’entendre. À l’expérience du contrôle fiscal, peut-être serait-il utile d’étendre la liste des cas dans lesquels l’expert-comptable est délié du secret professionnel ?
Peut-être le Gouvernement va-t-il nous convaincre en avançant un argument plus convaincant qui pourrait nous conduire à émettre un avis favorable ? Pour l’instant, nous sommes assez réservés.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le ministre émet un avis défavorable… et il n’aura donc pas convaincu le rapporteur général.
Sourires.
Je ne veux pas alourdir le débat, j’apporterai simplement deux autres précisions.
Tout d’abord, comme je le soulignais voilà quelques instants, lorsqu’un expert-comptable a des doutes ou même constate de manière objective qu’il y a fraude fiscale dans la comptabilité du client qu’il doit superviser, il démissionne immédiatement et lui fait une lettre, il dégage sa responsabilité.
Pour les inspecteurs des impôts qui sont habitués à voir les bilans régulièrement présentés par tel expert-comptable, quand ils voient que, à tel exercice, d’un seul coup l’expert-comptable s’est retiré, automatiquement ça déclenche une suspicion et ça peut déclencher une vérification fiscale. C’est la première remarque.
Ensuite, un amendement tel que celui que présente notre collègue est extrêmement dangereux pour la profession d’expert-comptable. Supposons qu’un expert-comptable « dénonce » une présumée fraude fiscale auprès de l’administration ou auprès de la justice et que, in fine, cette fraude ne soit pas avérée, le client concerné pourra alors mettre en cause la responsabilité civile du professionnel pour une révélation non fondée.
En revanche, un commissaire aux comptes, qui a l’obligation de révéler toute infraction dont il a connaissance, est préservé contre une mise en cause de sa responsabilité civile professionnelle s’il révèle quelque chose qui, in fine, ne se justifie pas.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 111, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
sont satisfaites
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 3 est adopté.
L’amendement n° 1, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts, les mots : « ou clos » sont remplacés par les mots : «, clos ou détenus ».
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Afin de lutter contre la fraude fiscale internationale, les personnes physiques, les associations et les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger au cours de l’année au titre de laquelle doit être déposée la déclaration.
Loin de nous l’idée de penser que ces associations ont pour vocation ou habitude de se conformer à des tâches d’optimisation fiscale au-delà de leur objet social ou de leur mission d’intérêt général ou d’utilité publique. Ces informations confirment en général ce qu’il convient de penser de ces associations.
En revanche, un doute subsiste sur l’application de ces dispositions aux comptes détenus, mais non mouvementés sur l’initiative du contribuable sur une année donnée, c’est-à-dire ceux sur lesquels il n’a effectué, lui-même, aucune opération de crédit ni de débit durant l’année.
L’administration ne pourrait, dans ces cas-là, sanctionner le défaut de déclaration ni mettre en œuvre la procédure de contrôle des comptes financiers et des contrats d’assurance vie détenus à l’étranger, alors même qu’elle a connaissance d’une telle détention.
Afin de clarifier la portée de l’obligation déclarative afférente aux comptes à l’étranger, il est donc proposé de viser l’ensemble des comptes détenus à l’étranger par le contribuable, qu’ils aient été mouvementés ou non durant la période de référence. Dans la plupart des cas, n’en doutons pas, il ne s’agira que d’une simple vérification.
Avis favorable. La clarification proposée par M. le sénateur Bocquet est tout à fait bienvenue.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 111-3 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 111-… ainsi rédigé :
« Art. L. 111-… – L’ensemble des dispositions du présent code sont soumises aux dispositions de l’article L. 114-12-3 du code de la sécurité sociale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements n° 24 rectifié bis et 25 rectifié bis, car ils ont à peu près le même objet.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, et ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 161-15-1 du code de la sécurité sociale est complété par les mots : «, sauf en cas de fraude documentaire ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Il s’agit de lutter contre la fraude documentaire.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, on recense environ 1, 8 million de faux numéros INSEE. Ils constituent 1, 8 million de fois un « Sésame, paie-moi » engendrant une fraude de plus de 15 milliards d’euros.
L’année dernière, j’avais posé une question d’actualité au ministre en charge qui m’avait expliqué que, grâce au logiciel SANDIA, 5 000 numéros frauduleux avaient été supprimés : 5 000 sur 1, 8 million, vous en conviendrez avec moi, le compte n’y est pas.
L’amendement n° 24 rectifié bis vise à compléter les dispositions du code des relations entre le public et l’administration afin d’exclure le paiement en cas de fraude.
L’amendement n° 25 rectifié bis, quant à lui, tend à compléter le dispositif de l’article L. 161–15–1 du code de la sécurité sociale. Cet article, extrêmement important, voté en 2015 et 2016, interdit aux services de suspendre les prestations en cas de fraude.
Je propose, au contraire, avec le groupe Union Centriste, de ne pouvoir suspendre les prestations sociales qu’en cas de fraude documentaire. Sans ces restrictions, je ne vois pas bien comment nous arriverons à bout de cette fraude.
Ces deux articles, situés dans deux codes différents, sont en fait liés.
L’amendement n° 24 rectifié bis aurait pu être rédigé par M. de La Palice. Dire que l’article L. 114–12–3 du code de la sécurité sociale s’applique ne me paraît pas très utile…
L’avis est donc défavorable.
Les limites de l’amendement n° 25 rectifié bis n’ont pas échappé à la commission : il est parfois difficile de distinguer la fraude documentaire de l’erreur. Toutefois, la suppression des prestations en cas de fraude documentaire avérée, déjà adoptée par le Sénat, peut être utile.
La sanction minimale, mais aussi la plus efficace, en cas d’utilisation de faux documents, de fausses déclarations ou d’un faux numéro de sécurité sociale devrait être la suppression du droit à prestations.
Sans doute faudrait-il améliorer la rédaction de cet amendement, raison pour laquelle la commission s’en remet à la sagesse de notre assemblée.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 24 rectifié bis, pour les mêmes raisons que le rapporteur.
Quant à l’amendement n° 25 rectifié bis, si nous sommes d’accord sur le principe, la mesure proposée existe déjà : le troisième alinéa de l’article L. 161–1–4 du code de la sécurité sociale dispose en effet que « Sauf cas de force majeure, la non-présentation par le demandeur de pièces justificatives, la présentation de faux documents ou de fausses informations ou l’absence réitérée de réponse aux convocations d’un organisme de sécurité sociale entraînent la suspension, selon le cas, soit du délai d’instruction de la demande pendant une durée maximale fixée par décret, soit du versement de la prestation jusqu’à la production des pièces demandées ou la réponse à la convocation adressée. »
Pour une meilleure rédaction de la loi, mieux vaut ne pas répéter en termes différents les mêmes dispositions. Pour cette raison, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur le ministre.
Je proposais de compléter l’article L. 161–15–1 du code de la sécurité sociale, qui indique que l’on ne peut pas suspendre les prestations.
Soit il faut le compléter, en précisant «, sauf en cas de fraude documentaire », soit il faut renvoyer à l’article précédent. Ou bien cela figure, ou bien cela ne figure pas. Entre 2015 et 2016, les services ont détourné ce dispositif, pour une raison assez simple, en continuant de verser des prestations, malgré la fraude documentaire.
Il faut envoyer un signal. Que cette disposition fasse double emploi n’est pas très grave : il s’agit de l’inscrire à deux endroits différents d’un code qui, reconnaissez-le, manque parfois un peu de clarté. Je ne crois pas que le code de la sécurité sociale soit beaucoup alourdi par l’ajout de la mention « sauf en cas de fraude documentaire »…
Je retire mon amendement n° 24 rectifié bis, monsieur le président.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 243-7-6, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 15 % » ;
2° L’article L. 243-7-7 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;
b) Au deuxième alinéa, le taux : « 40 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai également les amendements n° 75 rectifié et 76 rectifié.
J’appelle donc en discussion ces deux autres amendements.
L’amendement n° 75 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 8224-5 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le remboursement de toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public durant les cinq derniers exercices clos.
L’amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article L. 8243-2 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Le remboursement de toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public durant les cinq derniers exercices clos.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
La fraude sociale est l’un des champs de la fraude tout court. Il importe, nous semble-t-il, de déployer une énergie particulière à combattre tout ce qui nuit au financement et à l’équilibre de ce bien commun que constitue la sécurité sociale.
Le pacte républicain dont nous évoquons régulièrement les contours et la nécessité passe aussi par les droits et les devoirs de chacun à l’endroit de la sécurité sociale, c’est-à-dire contribuer à son financement par le biais de cotisations en vue de disposer des prestations dues à raison des risques couverts.
La fraude sociale est le plus souvent, qu’on le veuille ou non, le complément – je n’ai pas trouvé de meilleur terme – de modes de production et d’échange d’entreprises parfois – certes ces cas sont minoritaires, mais ils n’en sont pas moins réels – en délicatesse avec le droit fiscal.
La fraude se fait en quelque sorte sur tous les maillons de la chaîne, ce qui donne, soit dit en passant, tout son sens à l’existence d’un réseau des URSSAF suffisamment dense et performant dans ses missions de recouvrement contentieux et à l’existence d’un outil fiscal de proximité digne de ce nom, au plus près du terrain.
Pour la commodité du débat, personne ne nous en voudra de procéder à la présentation commune des trois amendements que nous avons déposés à cet endroit du texte.
L’amendement n° 75 rectifié vise à augmenter le pourcentage des majorations dues pour les entreprises soumises à un redressement pour retard de paiement réitéré et plus encore pour celles qui ont développé certaines formes de travail illégal.
Pour le coup, il est important de se souvenir que la lutte contre la fraude sociale n’est pas aussi efficace qu’elle pourrait l’être, si tant est que les URSSAF, d’une part, et que les services de l’inspection du travail, d’autre part, disposaient de moyens plus importants. À moins que la société de concurrence libre et non faussée, ou libre et faussée, selon le point de vue de chacun, n’ait besoin d’un tiers-secteur ne respectant ni règles sociales ni règles fiscales pour continuer d’exister.
Les amendements n° 77 rectifié et 76 rectifié, quant à eux, tendent à procéder à l’émergence d’un nouveau type de pénalisation de la fraude sociale sous des modalités éventuellement transposables à la fraude fiscale, à savoir la déchéance pour les entreprises concernées du bénéfice des différentes aides publiques, de quelque origine et nature fussent-elles, perçues par l’entreprise pendant les cinq dernières années accomplies.
Il nous est en effet apparu que le maintien du bénéfice d’aides publiques pour des entreprises ne respectant pas les règles minimales de contribution aux charges communes ne pouvait se concevoir. On ne peut tricher d’un côté et continuer, de l’autre, de percevoir les subsides publics dont il est d’ailleurs à craindre qu’ils auront été, pour l’essentiel, détournés de leur objet.
Au bénéfice de ces observations, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à voter en faveur de ces amendements.
La commission demande le retrait des amendements n° 75 rectifié et 76 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Le dispositif proposé risque en effet de poser un problème d’égalité entre les entreprises. Autant on peut interdire de percevoir des aides publiques à l’avenir, autant en demander le remboursement pourrait être assez compliqué.
Sur l’amendement n° 77 rectifié, une aggravation des sanctions de 5 %, pourquoi pas ? Cela enverrait un signal politique. La question est de savoir si les taux de 10 %, 25 %, 40 % communément appliqués en matière de fraude sociale ont un sens précis. Si le Gouvernement ne nous oppose aucun argument technique, je serais assez favorable à l’envoi de ce signal.
Cette augmentation ne va pas changer fondamentalement les choses. La sanction sera-t-elle plus dissuasive ? Toujours est-il qu’elle témoignera de notre volonté de lutter contre la fraude, notamment contre le travail dissimulé qui concerne notamment les personnes vulnérables et les mineurs, ou lorsque les faits sont commis en bande organisée.
À titre personnel, je suis plutôt favorable à cet amendement. À moins qu’il n’y ait une échelle de sanctions et qu’on aboutisse à des taux très différents des autres taux. Mais peut-être le Gouvernement va-t-il nous éclairer sur ce point.
Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
En ce qui concerne l’augmentation des sanctions, monsieur le rapporteur général, nous partageons tous ici le désir de lutter contre la fraude et de sanctionner les fraudeurs, notamment pour préserver le bien commun qu’est la sécurité sociale.
Je ne suis toutefois pas certain qu’une hausse de 5 % dissuade les fraudeurs. Au-delà de cette question, il est important que la personne condamnée pour fraude puisse s’acquitter du montant de sa condamnation.
Par ailleurs, la sanction a également une vertu pédagogique. Il ne s’agit pas seulement de rembourser ce qui est dû, même si cet aspect est important.
Notre système doit permettre de lutter contre les fraudeurs et de tarir à la source le fait même que l’on puisse frauder, non d’aggraver encore les difficultés financières de fraudeurs qui, à part quelques exceptions de personnes qui participeraient profondément à un système d’enrichissement personnel par ce système, essaient de tirer quelque profit d’un système de solidarité nationale.
Par ailleurs, il me semble que la question de l’aggravation de sanctions déjà importantes aurait plus sa place dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La commission des affaires sociales et la ministre des solidarités et de la santé pourraient alors éclairer ce débat pour mieux comprendre ce qu’est une sanction pédagogique et à partir de quand elle aggrave la situation personnelle des fraudeurs.
Je ne suis pas certain que nous puissions répondre à ses questions au débotté – à moins que vous ne disposiez d’une expertise que je n’ai pas – et changer ces taux au risque d’aggraver encore les difficultés de fraudeurs qu’il ne nous appartient pas de juger, mais dont on peut penser qu’ils ont agi pour des raisons éminemment personnelles.
Je suis d’accord sur le principe : ouvrons le débat avec Mme la ministre des solidarités et de la santé, mais ne le tranchons pas aujourd’hui.
Encore une fois, il ne faudrait pas que des sanctions aggravées rendent la vie des fraudeurs encore plus difficile. Je sais que votre sensibilité politique, monsieur le sénateur, peut vous permettre de comprendre les situations que j’évoque.
La parole est à M. Jacques Genest, pour explication de vote sur l’amendement n° 77 rectifié.
Si l’on instaure des sanctions, c’est que l’on pense que le redevable pourra les payer.
Aggraver des sanctions qui sont déjà de 10 %, 25 % et 40 % commence à faire beaucoup pour ceux qui vont s’en acquitter. En revanche, ceux qui ne paient pas et qui sont souvent insolvables, eux, ne seront pas pénalisés.
Je suis d’accord avec le ministre : il faut faire très attention aux sanctions. Je voterai donc contre cet amendement.
Si l’amendement n° 77 rectifié n’est pas retiré, je suivrai volontiers l’avis de sagesse du rapporteur.
Nous venons d’adopter un amendement qui vise à sanctionner la fraude documentaire. L’augmentation de ces sanctions permettrait d’envoyer un petit signal, ce qui ne me paraît pas stupide. Nous sommes en train de sanctionner et de combattre la fraude sociale, je pense qu’on peut envoyer un signal, même s’il faut revoir l’échelle des taux.
Monsieur le ministre, je comprends votre réponse, tout comme celle de M. Genest.
J’aimerais toutefois que l’on m’explique pour qui se pose cette question de la solvabilité. Dans notre société, se préoccupe-t-on toujours de lier solvabilité et sanction ? La réponse est non.
Tous les jours, des personnes ne peuvent s’acquitter de décisions de justice dont les montants sont d’ailleurs très faibles. Ce raisonnement ne tient pas.
Je finirai par un petit clin d’œil : monsieur le ministre, vous avez dit à Éric Bocquet qu’il avait manqué un rendez- vous.
Je m’adresse aussi à mes collègues de la précédente majorité présidentielle.
Nous parlons ici d’équité entre les entreprises au regard de la loi. Or les comptes de la Nation vont devoir s’acquitter de 3, 4 milliards d’euros de plus au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE, et cet argent public va aussi profiter à certaines entreprises qui licencient. Voilà un rendez-vous manqué il y a cinq ans, qui se poursuit encore aujourd’hui, et qui me semble bien plus important que les questions de personnalité ou d’étiquette politique de chacune et de chacun ici présents.
Monsieur Savoldelli, les amendements n° 77 rectifié, 75 rectifié et 76 rectifié sont-ils maintenus ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 28 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement dans les trois mois suivant le promulgation de la présente loi, et au plus tard lors de l’examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, un rapport sur la situation de la fraude documentaire, des contrôles et des radiations effectuées par le service administratif national d’identification des assurés de la caisse nationale de l’assurance vieillesse des travailleurs salariés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
J’ai dit il y a quelques instants que SANDIA était un logiciel. Or tel n’est pas le cas. C’est un service administratif national d’immatriculation des assurés, qui comporte donc 1, 8 million de faux numéros INSEE.
À l’occasion de la question d’actualité au Gouvernement que j’avais posée en juillet 2016, le ministre m’avait répondu qu’une enquête des services était en cours pour améliorer le dispositif, qui ne l’est toujours pas !
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un amendement d’appel, sachant que le Sénat, et plus particulièrement la commission des finances, déteste les rapports. Toutefois, 14 milliards d’euros de fraude, c’est un vrai problème !
Je suis tout à fait prête, monsieur le ministre, à retirer cet amendement, si vous m’indiquez qu’il y aura une inspection des services en la matière, afin de réduire le taux de fraude documentaire ab initio. S’il n’y avait pas 1, 8 million de faux numéros, il n’y aurait pas 1, 8 million de fraudes. Si on veut réprimer la fraude, il faut la considérer dès le départ, à savoir les faux numéros INSEE. En tout cas c’est ainsi que je comprends les choses.
J’attends votre réponse sur ce sujet, monsieur le ministre. Si, d’ici au projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous nous indiquez qu’une inspection sera mise en place ou des précisions apportées, je retirerai volontiers cet amendement.
Cet amendement pourrait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, dans la mesure où il aggrave les charges publiques : des fonctionnaires devront travailler la nuit pour rédiger le rapport, des photocopieuses seront mises à contribution, des envois seront effectués…
Blague à part, la commission n’est pas très favorable, par définition, à la multiplication des rapports. Nos collègues députés en ont prévu, et nous sommes là à la limite du domaine de compétence de la commission des affaires sociales.
Je préférerai que nous menions un travail de fond en auditionnant la Délégation nationale de lutte contre la fraude. Il serait intéressant de savoir ce qu’elle fait. Mène-t-elle un vrai travail ? Peut-être serait-il plus efficace de disposer d’un travail parlementaire plutôt que d’un rapport que nous n’obtiendrons pas avant un certain temps.
Je ne souhaite pas évacuer le sujet ! Je vous invite au contraire, mes chers collègues, à y retravailler. La commission des finances ou la commission des affaires sociales pourrait travailler un jour sur la fraude documentaire.
M. Gérald Darmanin, ministre. Tout d’abord, je lève évidemment le gage de cet amendement !
Sourires.
La Délégation nationale de lutte contre la fraude mène un travail important, et je vous recommande, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’auditionner.
Sur le principe, madame la sénatrice, il y a un problème avec tous ces rapports. L’administration met beaucoup de temps à vous les remettre et je ne suis pas certain qu’ils soient tous lus de bout en bout.
Selon moi, c’est plutôt au Parlement, en envoyant des questionnaires, en menant des auditions, en contrôlant sur place et sur pièces, d’établir les rapports que vous demandez. En effet, le Gouvernement est un peu de parti pris, puisqu’il présente son propre point de vue, ce qui ne règle pas le problème du contrôle de l’exécutif par le Parlement, qui est l’une de ses fonctions les plus importantes dans une démocratie parlementaire, et plus encore à un moment où l’on se pose la question du rôle du Parlement. Vous avez d’excellents administrateurs, d’excellentes manières de travailler et des pouvoirs d’enquête.
Si la question mérite d’être posée, je me range à l’avis de M. le rapporteur général concernant toutes les demandes de rapport dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, je suis bien sûr favorable à ce qu’on ouvre toutes les portes et fenêtres s’agissant de toutes les données de toutes les administrations qui sont sous ma responsabilité.
I. – Le code général des impôts est ainsi rédigé :
1° L’article 242 bis est ainsi rédigé :
« Art. 242 bis. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, quel que soit leur lieu d’établissement, sont tenus :
« 1° De fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations fiscales et sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire. Elles sont également tenues de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des administrations permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ;
« 2° D’adresser par voie électronique aux vendeurs, aux prestataires ou aux parties à l’échange ou au partage d’un bien ou service qui ont perçu, en qualité d’utilisateur d’une plateforme, des sommes à l’occasion de transactions réalisées par son intermédiaire, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un document mentionnant, pour chacun d’eux, les informations suivantes :
« a) Les éléments d’identification de l’opérateur de la plateforme concerné ;
« b) Les éléments d’identification et le numéro de taxe sur la valeur ajoutée de l’utilisateur ;
« c) Le statut de particulier ou de professionnel indiqué par l’utilisateur de la plateforme ;
« d) Le nombre et le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au cours de l’année civile précédente et dont l’opérateur a connaissance ;
« d bis)
« d ter)
« e) Si elles sont connues de l’opérateur, les coordonnées du compte bancaire sur lequel les revenus sont versés ;
« 3° D’adresser par voie électronique à l’administration fiscale, au plus tard le 31 janvier de chaque année, un document récapitulant l’ensemble des informations mentionnées au 2°.
« Un arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale précise le contenu des obligations prévues aux 1°, 2° et 3°.
« Les obligations prévues aux 1°, 2° et 3° s’appliquent à l’égard des utilisateurs de plateforme résidant en France ou qui réalisent des ventes ou des prestations de service en France au sens des articles 258 à 259 D.
« L’obligation prévue au 3° s’applique également à l’égard des utilisateurs de plateforme établis dans un État ou un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne et qui réalisent des ventes ou des prestations de service en France au sens des articles 258 à 259 D. » ;
2° L’article 1731 ter est ainsi rédigé :
« Art. 1731 ter. – Le non-respect, constaté à l’occasion d’un contrôle, de l’une des obligations prévues au 1° de l’article 242 bis est sanctionné par une amende forfaitaire globale fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 €. » ;
3° Après le mot : « onéreux, », la fin du 34° du B de l’article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 est ainsi rédigée : « 241, s’agissant des droits d’auteur imposés suivant les règles applicables aux bénéfices non commerciaux et des droits d’inventeur, et par les 2° et 3° de l’article 242 bis. » ;
4°
« 9. Les entreprises établies en France et liées, au sens du 12 de l’article 39, à l’opérateur de la plateforme en ligne sont solidairement responsables du paiement de l’amende prévue par l’article 1731 ter et, s’agissant du non-respect des obligations prévues par les 2° et 3° de l’article 242 bis, de l’amende prévue par le III de l’article 1736. »
II. – L’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Art. L. 114 -19 -1. – Toute entreprise mentionnée au premier alinéa de l’article 242 bis du code général des impôts est tenue :
« 1° De fournir, à l’occasion de chaque transaction, une information loyale, claire et transparente sur les obligations sociales qui incombent aux personnes qui réalisent des transactions commerciales par leur intermédiaire. Elles sont également tenues de mettre à disposition un lien électronique vers les sites des organismes permettant de se conformer, le cas échéant, à ces obligations ;
« 2° D’adresser par voie électronique à l’organisme mentionné à l’article L. 225-1, au plus tard le 31 janvier de chaque année, les informations mentionnées au 2° de l’article 242 bis du code général des impôts. Les données ainsi obtenues peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec les données des organismes mentionnés à l’article L.213-1 au titre de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé.
« L’arrêté prévu à l’avant-dernier alinéa du même article 242 bis précise le contenu des obligations prévues aux 1° et 2° du présent article.
« Le non-respect, constaté à l’occasion d’un contrôle, de l’une des obligations prévues au 1° est sanctionné par une pénalité forfaitaire globale, fixée dans la limite d’un plafond de 50 000 €. Toutefois, lorsque les manquements constatés ont déjà donné lieu au prononcé de l’amende mentionnée 1731 ter du code général des impôts, le montant cumulé des deux sanctions ne peut être supérieur à 50 000 €.
« Le non-respect des obligations prévues au 2° du présent article entraîne l’application d’une pénalité de 5 % des sommes non déclarées. Toutefois, lorsque les manquements constatés ont déjà donné lieu au prononcé de l’amende mentionnée au III de l’article 1736 du code général des impôts au titre du non-respect des obligations prévues au 3° de l’article 242 bis du même code, le montant cumulé des deux sanctions ne peut être supérieur à 5 % des sommes non déclarées.
« Les pénalités mentionnées aux cinquième et avant-dernier alinéas du présent article sont recouvrées selon les garanties, les règles et les sanctions applicables au recouvrement des cotisations assises sur les rémunérations. »
III. – L’article 24 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 est abrogé.
IV. – Le chapitre Ier septies du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales et l’article L. 102 AD du même livre sont abrogés.
V. – Les I, II et IV s’appliquent aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2019.
L’amendement n° 79, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 242 bis. – Les entreprises, quel que soit leur lieu d’établissement, qui en qualité d’opérateur de plateforme mettent en relation à distance, par voie électronique, des personnes en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service sont tenues :
La parole est à M. Didier Rambaud.
Cet amendement concerne les obligations de déclaration des plateformes d’économie collaborative.
Au travers de cet amendement, il s’agit de réintroduire une définition moins risquée en termes de contentieux des entreprises visées par l’article 4. Cette définition est plus large que celle du texte adopté en commission.
Par ailleurs, le texte adopté ne recouvre pas complètement la définition de l’article L. 111–7 du code de la consommation, puisqu’il ne prend en compte que l’un des deux alinéas. L’argument fondé sur le choix de fixer une définition d’opérateur de plateforme nous paraît faible.
Notre groupe propose donc un choix pragmatique, qui évite tout risque juridictionnel.
Très souvent, le Gouvernement nous parle de cohérence, nous dit qu’il faut être clair, qu’il faut se référer au bon texte… Nous avons simplement souhaité, pour la définition d’un sujet évolutif, à savoir celui du droit des plateformes en ligne, nous référer au droit existant, c’est-à-dire au code de la consommation. Or le 2° de l’article L. 111–7, qui est issu de la loi pour une République numérique, définit concrètement les plateformes.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons en rester à la définition retenue par la commission, qui est celle du code de la consommation.
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il s’agit d’une clarification importante
M. Michel Savin s ’ esclaffe.
M. Gérald Darmanin, ministre. … et le rapporteur général devrait s’inspirer, me semble-t-il, de la sagesse du Gouvernement, qui ne propose pas de supprimer par amendement une partie des dispositions, afin de trouver un consensus sur les questions soulevées par l’article 4.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie s ’ exclame.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Canevet et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« … – Le numéro d’inscription au fichier de simplification des procédures d’imposition (SPI) de l’utilisateur ne peut être utilisé comme élément d’identification de l’utilisateur. Lorsque le montant total brut des transactions réalisées par l’utilisateur au titre de l’année considérée est supérieur ou égal à 2 500 €, l’opérateur de plateforme vérifie l’identifiant IBAN et les éléments d’identité de l’utilisateur. » ;
La parole est à M. Michel Canevet.
Monsieur le ministre, l’économie collaborative s’est beaucoup développée dans notre pays, et de nombreuses entreprises se sont ainsi créées. Il est souhaitable qu’une telle situation puisse perdurer.
Cet article regroupe un ensemble d’obligations destinées à mieux connaître le détail de ce qui est effectué. Simplement, il faut veiller à ce que les propositions formulées ne tendent pas à décourager, par des dispositifs trop sophistiqués, un certain nombre d’opérateurs et d’utilisateurs.
On le sait bien, demander le numéro fiscal, c’est susciter une certaine inquiétude chez nombre d’utilisateurs, alors même qu’une bonne partie des prestations ne sont pas taxables. Il est donc souhaitable, à mon sens, s’agissant des relations avec l’administration, de nous reposer sur les dispositifs déjà existants. Je pense notamment au KYC, Know Your Customers, qui oblige les plateformes à collecter les données d’identité et l’IBAN des utilisateurs. Cela doit permettre de bien identifier l’ensemble des acteurs redevables d’obligations fiscales.
L’intention est bonne, mais l’IBAN est-il suffisant ? Permettez-moi de prendre quelques exemples qui témoigneront de la difficulté.
Tout d’abord, comment fait-on avec un paiement par PayPal ? Il n’est pas illégal en soi d’utiliser un mode de paiement alternatif, mais cela signifie qu’on ne recueille pas l’identification bancaire. Rien n’interdit non plus d’utiliser le compte d’un conjoint, d’un enfant ou d’un parent.
L’IBAN, ex-RIB, ne suffit donc pas, ce qui soulève la question des modes de paiement alternatifs, qui sont nombreux. On peut avoir un compte prépayé, certaines plateformes acceptent les paiements en bitcoins ou monnaie virtuelle, d’autres, les paiements par Paypal. L’IBAN ne permet pas d’avoir une identification suffisante des utilisateurs de plateformes au regard des obligations fiscales.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 70 rectifié est retiré.
L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après la référence :
du B
insérer la référence :
du I
La parole est à M. le ministre.
L ’ amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 29
Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Les mots : « au I de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le document mentionné au 3° de l’article 242 bis du code général des impôts est adressé à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale au plus tard le 31 janvier de chaque année. Les données ainsi obtenues peuvent faire l’objet d’une interconnexion avec les données des organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du présent code au titre de l’accomplissement de leurs missions de contrôle et de lutte contre le travail dissimulé. »
La parole est à M. le ministre.
Il s’agit d’un amendement de simplification. Jusqu’à présent, deux déclarations étaient nécessaires. L’adoption de cet amendement permettra de n’en avoir plus qu’une seule. La volonté de simplification va aussi de pair avec la lutte contre la fraude. Cet amendement devrait recueillir l’assentiment de votre assemblée.
L’amendement n° 108 rectifié bis, présenté par M. P. Dominati, Mmes Boulay-Espéronnier et Lavarde, MM. Panunzi, Houpert, H. Leroy, Longuet, Sido, Mouiller et Bizet, Mmes Deromedi et Delmont-Koropoulis, M. Revet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Alinéas 22 à 29
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
II. – À l’article L. 114-19-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « au I » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa ».
La parole est à M. Philippe Dominati.
La fraude fiscale est un fléau et nous avons, par le passé, fait pas mal de propositions en la matière.
Monsieur le ministre, dans ce projet de loi, il manque bien évidemment l’essentiel. En effet, la disposition la plus efficace contre la fraude fiscale, c’est la baisse de la fiscalité dans l’un des pays les plus imposés au monde.
La fraude fiscale est en effet le corollaire de la pression fiscale. Malheureusement, les différents budgets et lois de programmation pluriannuelle n’offrent pas une visibilité suffisante. Ce projet de loi ne comporte donc pas un article selon moi essentiel.
Pour autant, j’ai compris que Bercy était affaibli par un manque de moyens et qu’il fallait une police fiscale. Avec cet amendement, je le reconnais, je n’ai pas fait preuve d’une grande créativité face à cet affaiblissement de l’État.
J’estime qu’il faut prendre quelques précautions, parce que l’Europe et la France sont en train de louper, après la révolution industrielle, la révolution numérique. On ne sait manifestement pas comment aborder le sujet. Le sentiment dominant, c’est que l’économie numérique est une pépite que l’on peut taxer, contraindre et freiner à tout prix, ce qui ne manquera pas d’en détourner les consommateurs français.
Il y a là un risque pour les sociétés françaises, dans la mesure où les sociétés étrangères risquent de bénéficier de l’absence de contrainte réglementaire dans leur pays d’origine pour prendre des parts de marché.
À travers cet amendement, il s’agit de simplifier, pour faire en sorte que la France ne surréglemente pas par rapport à ses voisins européens. Ainsi, la double inscription concernant les déclarations et ces obligations n’est pas nécessaire.
La commission est favorable à l’amendement du Gouvernement. Aussi, elle demande le retrait de l’amendement défendu par M. Dominati.
J’ai compris que notre collègue souhaitait, à juste titre, qu’on n’impose pas des obligations nouvelles aux entreprises. En l’occurrence, il propose une obligation nouvelle !
En effet, la transmission automatique par l’administration n’engendrera pas de nouvelles obligations pour les entreprises. Par conséquent, l’adoption de l’amendement présenté par le ministre permettra de satisfaire l’amendement n° 108 rectifié bis.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
J’étais l’auteur du premier amendement que la commission a bien voulu introduire dans le texte. Il prévoyait une double transmission. Mais je me range bien volontiers aux arguments de simplification que M. le rapporteur général vient de rappeler et que M. le ministre a invoqués en déposant cet amendement.
Celui-ci est bien évidemment en totale contradiction avec l’amendement déposé par notre collègue Philippe Dominati. J’en suis désolé pour lui !
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’amendement n° 108 rectifié bis n’a plus d’objet.
L’amendement n° 71, présenté par MM. Canevet et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les I, II et IV ne s’appliquent pas aux revenus perçus de la vente d’objets personnels et usagés tels que définis au dernier alinéa de l’article L. 110-1 du code de commerce.
La parole est à M. Michel Canevet.
Je l’ai dit il y a quelques instants, l’économie collaborative, c’est le développement d’un grand nombre de transactions. Or une partie de ces transactions sont réalisées, en France et à l’étranger, par des opérateurs qui ne sont pas imposables. Il s’agit de toutes les opérations de biens meubles usagés répertoriées à l’article 150 UA du code général des impôts, à savoir les meubles meublants, les appareils ménagers et les voitures automobiles – hormis les objets d’art, de collection ou d’antiquité –, ainsi que les biens meubles autres que les métaux précieux dont le prix de cession est inférieur ou égal à 5 000 euros.
Cela représente un très grand nombre de transactions ! La somme des informations concernées est donc considérable. Quel est l’intérêt de demander aux personnes qui vendent des biens d’occasion par internet leur numéro fiscal ? Surtout, quel est l’intérêt de transmettre ces informations à l’administration fiscale ?
Selon moi, on engorge ainsi l’administration fiscale de données qui n’ont pas lieu d’être, puisqu’il n’y a pas d’imposition. Il vaudrait mieux demander aux plateformes collaboratives d’effectuer le tri entre les opérations correspondant aux critères énoncés par le code et celles qui ne leur correspondent pas.
Je partage totalement les propos de Michel Canevet. Un certain nombre d’opérations sont par nature exonérées, notamment la vente de biens d’occasion. Je pense plus particulièrement à la vente d’une voiture d’occasion par un particulier. Dès lors, on peut effectivement s’interroger sur la nécessité de transmettre les revenus.
La difficulté, c’est que, sur une plateforme, les opérations sont mélangées. Des professionnels font très régulièrement des ventes, qui ne relèvent pas des ventes d’occasions. À mon sens, ce n’est pas à la plateforme d’aller faire le tri entre les opérations exonérées et celles qui ne le sont pas. C’est à l’administration fiscale de considérer que, en application des textes généraux du code général des impôts, l’activité est par nature exonérée. Tel est le cas pour les ventes d’occasions, nous ne le remettons pas en cause.
En revanche, si on prévoit d’emblée que la plateforme fait le tri entre ce qui est exonéré, notamment la vente de biens d’occasion, et ce qui ne l’est pas, à savoir la vente de professionnels, une fraude massive est à redouter. Vous aurez alors des sites sur lesquels tout le monde se déclarera comme vendeur d’occasions, et toutes les activités seront exonérées.
Aujourd’hui, on le sait très bien, sur les grandes plateformes de mise en relation – vous avez un certain nombre de noms en tête, je ne leur ferai pas une publicité particulière –, se glissent des professionnels qui vendent parfois cinquante objets par semaine. Ce n’est plus vraiment de la vente de biens d’occasion ! Cela relève de la fiscalisation, et c’est la raison pour laquelle on a besoin que les informations soient transmises à l’administration fiscale.
Nous sommes favorables à l’exonération de la vente occasionnelle par un particulier. Simplement, ce n’est pas à la plateforme d’aller faire le tri, c’est à l’administration fiscale. C’est le seul moyen de détecter les opérations récurrentes ne relevant pas d’une exonération.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
Je me range à l’excellente argumentation de M. le rapporteur général. Il faudrait, dans un monde parfait – peut-être arrivera-t-il un jour ! –, que les plateformes puissent informer les usagers de ce qui relève d’une taxation et de ce qui n’en relève pas.
Il n’y a pas de changement de réglementation avec ce que nous mettons en place. En revanche, monsieur le sénateur, votre amendement tend à introduire une sorte de différenciation. Bien sûr, son objet ne va pas en ce sens. Je comparais précédemment, sur un autre sujet, avec le sénateur Bascher, la nouvelle et l’ancienne économie, même si je n’aime pas utiliser ces mots.
M. le sénateur Dominati nous a alertés sur le fait que la France prend des dispositions, notamment fiscales, qui l’empêchent d’être celle qui accompagne les nouvelles start-up, les Google de demain. Il a raison ! C’est pourquoi le Gouvernement, sans doute insuffisamment aidé par la majorité sénatoriale, a baissé fortement les impôts, y compris ceux qui pesaient sur les sociétés de capital-risque. Cela ne signifie pas qu’il faut distinguer entre la nouvelle et l’ancienne économie pour un même bien ou un même service. Or, il faut l’avouer, nous n’aurons pas les possibilités de le faire tant que l’administration ne disposera pas des éléments nécessaires.
Il ne s’agit donc pas de changer la fiscalité des objets qui ne sont pas taxables, par exemple une poussette d’occasion. En revanche, s’il y a une plus-value, il ne serait pas normal que, dans le monde physique, les gens payent une taxation – à moins que vous ne la remettiez en cause, ce qui remettrait en cause du même coup de nombreuses recettes de l’État ! –, et que, sur une plateforme numérique, on « oublierait » de le faire. En tout cas, on utiliserait le fait que l’administration fiscale n’est pas informée de cette transaction pour ne pas être taxé.
Aussi, je vous demande de retirer cet amendement, monsieur le sénateur Canevet ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable. Il convient en effet d’encourager les plateformes, conformément à la position de sagesse de M. le rapporteur, à distinguer ce qui relève de la taxation et ce qui n’en relève pas.
C’est dans le droit fil du travail sénatorial ! Je me réfère ainsi aux nombreux rapports et interpellations concernant les plateformes collaboratives dans le système de l’hôtellerie, évoquées longuement dans le cadre du projet de loi de finances. Il n’était alors pas question de remettre en cause les choix des consommateurs en limitant le champ de ces plateformes. Toutefois, les collectivités locales doivent percevoir des taxes de séjour. Parallèlement, ceux qui louent leur appartement ou leur maison doivent payer un impôt comparable à celui qui s’applique, dans le monde physique, à ceux qui font la même chose qu’eux. Il n’y a rien de scandaleux à cela !
J’entends bien les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur. Toutefois, je ne suis pas totalement convaincu, dans la mesure où un certain nombre d’informations sont d’ores et déjà demandées et transmises à l’administration fiscale, notamment le statut des acteurs, qui sont des professionnels ou des particuliers. Ainsi, pourquoi transmettre à l’administration fiscale un très grand nombre d’informations dont on n’a pas besoin ?
En outre, cela pose un problème au regard des libertés individuelles. En effet, retracer tout ce qui est acheté par les uns et les autres et « trimbaler » ces informations dans différents fichiers qui vont on ne sait où, cela nous interpelle ! Pourquoi veut-on savoir qui a effectué telle et telle transaction ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 est adopté.
L’amendement n° 69, présenté par MM. Canevet et Delcros et Mme Saint-Pé, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° L’article L. 110-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« N’est pas considéré comme un acte de commerce la vente par un particulier de biens meubles personnels et usagés. » ;
2° Le dernier alinéa du I de l’article L. 310-2 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les particuliers non-inscrits au registre du commerce et des sociétés sont autorisés :
« – À participer aux ventes au déballage en vue de vendre exclusivement des objets personnels et usagés deux fois par an au plus ;
« – À réaliser des ventes d’objets personnels et usagés depuis des plateformes en ligne. »
La parole est à M. Michel Canevet.
Cet amendement vise à préciser dans le code de commerce ce qu’est la vente par un particulier de biens meubles personnels et usagés.
Il s’agit également de dissocier la vente par des plateformes des ventes au déballage. Il faut que les choses soient plus claires dans le code de commerce à cet égard. Pour ce qui concerne la fiscalisation, l’amendement renvoie à l’article 150 UA du code général des impôts.
La définition de la vente de biens d’occasion n’est pas totalement claire. Sont exonérées les ventes de biens de meubles meublants et de véhicules d’occasion.
La définition actuelle repose notamment sur le fait que le bien n’a pas été acheté en vue d’être revendu et qu’il a fait l’objet d’un certain usage. Par ailleurs, sa valeur doit être inférieure à 5 000 euros, hormis dans le cas d’une exonération. Ainsi, une voiture dont le prix est supérieur à 5 000 euros est exonérée par principe. Idem pour les meubles meublants et les appareils ménagers.
Faut-il pour autant remettre en cause cette définition qui, certes, résulte de la combinaison de plusieurs articles ? Cela me paraît dangereux, notamment par rapport au critère objectif, sans doute en soi problématique, du seuil de 5 000 euros. J’ai peur que cela ne donne lieu à des fraudes.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, ne voyant pas l’utilité de redéfinir aujourd’hui la vente d’occasion. Peut-être la définition actuelle n’est-elle pas totalement adaptée par rapport aux ventes au déballage, mais je ne suis pas certain que la définition proposée le soit plus.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, j’ajoute qu’il serait pour nous préjudiciable en termes de cohérence juridique d’introduire des exceptions non exhaustives au sein de l’article L. 110–1 du code de commerce qui définit l’acte de commerce.
Par ailleurs, l’exception introduite portant sur les ventes par un particulier de biens meubles personnels et usagers nous semble trop large, puisque les ventes au déballage sont considérées en l’état du droit comme des actes de commerce si elles sont d’un nombre supérieur à deux par an.
Ainsi, à l’instar de M. le rapporteur, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
I. – Le VIII de la première sous-section de la section II du chapitre premier du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par un 8 ainsi rédigé :
« 8 : Régime applicable aux revenus perçus par l’intermédiaire de plateformes en ligne
« Art. 155 C. – I. – Sont soumis au régime défini au présent article les redevables de l’impôt sur le revenu qui exercent, par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des revenus fonciers, des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices des professions non commerciales.
« II. – 1. Pour les redevables qui relèvent de l’article 32, de l’article 50-0 ou de l’article 102 ter du présent code, le montant cumulé de la réfaction et des abattements mentionnés au 1 des mêmes articles 32, 50-0 ou 102 ter et appliqués au montant brut des recettes annuelles provenant des activités mentionnées au I du présent article ne peut pas être inférieur à 3 000 €.
« 2. Pour les redevables qui ne relèvent pas des dispositions desdits articles 32, 50-0 ou 102 ter, le montant brut des recettes annuelles provenant des activités mentionnées au I du présent article pris en compte pour la détermination du revenu imposable est diminué d’un abattement forfaitaire de 3 000 €, et seule la fraction des frais et charges supérieure à 3 000 € peut être déduite.
« III. – Le présent article est applicable aux seuls revenus mentionnés sur le document prévu au premier alinéa du 2° de l’article 242 bis, et à condition que celui-ci soit adressé au redevable et à l’administration dans les conditions prévues au 2° et 3° du même article. »
II. – Ne sont pas affiliées au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants non agricoles, sauf option contraire de leur part, les personnes dont les recettes annuelles brutes provenant de l’exercice d’une ou de plusieurs activités par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation n’excèdent pas 3 000 €.
Dans le cas où ces personnes sont par ailleurs affiliées au régime d’assurance maladie et d’assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles en application du code de la sécurité sociale, les revenus qu’elles tirent de l’exercice d’une activité ou de plusieurs activités par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme en ligne sont présumés constituer des revenus à caractère professionnel seulement s’ils proviennent d’activités de même nature que leur autre ou que leurs autres activités professionnelles, ou qui s’y rattachent directement, ou qui sont exercées avec les mêmes moyens que celles-ci.
III. – La perte de recettes éventuelle résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes éventuelle résultant pour les collectivités territoriales des I et II est compensée, à due concurrence, par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement.
V. – La perte de recettes éventuelle résultant pour l’État du IV est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI. – La perte de recettes éventuelle résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
L’article 4 bis nouveau vise à rendre redevables de l’impôt sur le revenu les contribuables qui exercent, par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs opérateurs de plateforme, une activité dont les revenus relèvent de la catégorie des revenus fonciers, des bénéfices industriels et commerciaux ou des bénéfices des professions non commerciales, après application d’un abattement de 3 000 euros.
La mesure proposée crée des différences de traitement non justifiées par des différences objectives de situation et encourt, à ce titre, un risque de censure par le Conseil constitutionnel. En effet, la seule circonstance que des revenus soient perçus au travers d’une plateforme, et non pas directement, ne saurait justifier une différence dans le régime d’imposition à l’impôt sur le revenu.
La mesure conditionne l’avantage fiscal, c’est-à-dire l’exonération à concurrence de 3 000 euros, à une déclaration par la plateforme. Or le recours à un tiers déclarant ne peut pas justifier à lui seul l’exonération du revenu déclaré.
En outre, le mécanisme créé par cet article ne concerne pas uniquement les petits revenus occasionnels et accessoires réalisés par des particuliers. En effet, l’abattement de 3 000 euros permet une exonération en faveur de toutes les entreprises, pourvu qu’elles exercent leur activité via une plateforme.
Toutes ces raisons ont conduit le Gouvernement à demander la suppression de cet article.
Le Gouvernement souhaite revenir sur le fameux abattement de 3 000 euros. Sa position est parfaitement bien connue de la commission des finances. Elle est adoptée chaque année en loi de finances, au nom d’arguments que nous connaissons et que nous nous apprêtons à combattre.
Tout d’abord, il faut le remarquer, ce n’est pas la France qui a eu cette idée. En effet, d’autres pays mettent en œuvre une telle exonération, comme le Royaume-Uni, où elle est de 2 000 livres, la Belgique, où une flat tax est appliquée au-delà de 6 000 euros, l’Italie ou le Danemark.
Quelle en est la raison ? Sans doute s’agit-il de distinguer entre ce qui est assimilable à un remboursement de frais et ce qui relève d’un revenu accessoire. Au-delà d’un certain montant, on considère qu’il s’agit d’une activité récurrente qui doit être taxée. En deçà de ce montant, on estime qu’il s’agit de remboursement de frais, ce qui justifie l’abattement.
J’ai bien entendu les arguments développés par M. le secrétaire d’État, relatifs à l’égalité entre les contribuables. Dans la mesure où il ne s’agit pas d’exonérer un revenu de par sa nature, mais en fonction des modalités de déclaration, permettez-moi de prendre l’exemple des organismes de gestion agréés.
Ainsi, quand on adhère à un organisme de gestion agréé, les bénéfices industriels et commerciaux ne sont pas majorés de 25 %. Pour le non-adhérent, c’est 25 % de plus ; pour l’adhérent, c’est 25 % de moins. L’imposition est donc bien liée à des modalités de déclaration ! Il n’y a là aucun principe d’égalité, puisqu’il s’agit des mêmes revenus. Selon les modalités de déclaration et selon le fait qu’on est adhérent ou non à un centre de gestion agréé, il y a 25 % de différence.
Il faudra m’expliquer comment cela tient constitutionnellement. Sans doute est-ce lié à l’objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude et l’érosion fiscales.
C’est précisément l’objectif de cet abattement de 3 000 euros, sur lequel le Gouvernement veut revenir.
La commission émet donc un avis très défavorable sur cet amendement.
Le principe des organismes de gestion agréés, que M. le rapporteur a évoqués, n’est pas de faire bénéficier les adhérents d’un abattement ; ce sont les autres qui subissent une majoration !
Fiscalement, ce n’est pas la même démarche ! C’est une raison supplémentaire de maintenir notre amendement de suppression de l’article 4 bis.
La commission des finances a réalisé un travail considérable sur la fiscalité des plateformes collaboratives. Le dispositif retenu présente l’avantage exceptionnel d’ouvrir le e-commerce à tous les citoyens, sans taxation.
Mais voilà que l’on voudrait taxer les utilisateurs dès le premier euro ; c’est nouveau ! Autrement dit, on reprend les propositions que la commission des finances avait formulées, mais en retirant ce qui en faisait la substantifique moelle. Les débats avec les plateformes collaboratives ne seraient plus possibles.
Je soutiens la position de la commission des finances, qui s’est prononcée à l’unanimité contre cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 4 bis est adopté.
I. – Après l’article 283 du code général des impôts, il est inséré un article 283 bis ainsi rédigé :
« Art. 283 bis – I. – Sont soumis aux dispositions du présent article, quel que soit leur lieu d’établissement, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions défini au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« II. – Lorsqu’il existe des présomptions qu’une personne résidant en France ou réalisant des livraisons de biens ou des prestations de service au sens des articles 258 à 259 D du présent code et qui exerce son activité par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne se soustrait à ses obligations en matière de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, l’administration peut signaler cette personne à l’opérateur de la plateforme en ligne, afin que celui-ci puisse prendre les mesures permettant à cette personne de régulariser sa situation.
« III. – Si les présomptions persistent après un délai d’un mois, l’administration peut mettre en demeure l’opérateur de plateforme en ligne de prendre les mesures mentionnées au II, ou à défaut, d’exclure la personne concernée de la plateforme en ligne.
« IV. – Si, en l’absence de mise en œuvre des mesures mentionnées au III après un délai d’un mois, les présomptions persistent, la taxe est solidairement due par l’opérateur de plateforme en ligne.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont définies par arrêté du ministre chargé du budget.
II. – Après l’article 293 A bis du code général des impôts, il est inséré un article 293 A ter ainsi rédigé :
« Art. 293 A ter – I. – Sont soumis aux dispositions du présent article, quel que soit leur lieu d’établissement, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions défini au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« II. – Lorsqu’il existe des présomptions qu’une personne établie dans un État ou un territoire n’appartenant pas à l’Union européenne et qui exerce son activité par l’intermédiaire d’une plateforme en ligne se soustrait à ses obligations en matière de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, l’administration peut signaler cette personne à l’opérateur de la plateforme en ligne, afin que celui-ci puisse prendre les mesures permettant à cette personne de régulariser sa situation.
« III. – Si les présomptions persistent après un délai d’un mois, l’administration peut mettre en demeure l’opérateur de plateforme en ligne de prendre les mesures mentionnées au II, ou à défaut, d’exclure la personne concernée de la plateforme en ligne.
« IV. – Si, en l’absence de mise en œuvre des mesures mentionnées au III après un délai d’un mois, les présomptions persistent, la taxe est solidairement due par l’opérateur de plateforme en ligne.
« V. – Les modalités d’application du présent article sont définies par arrêté du ministre chargé du budget. »
III. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2019. –
Adopté.
I. – Après l’article 283 du code général des impôts, il est inséré un article 283 ter ainsi rédigé :
« Art. 283 ter – I. – Sont soumis aux dispositions du présent article, quel que soit leur lieu d’établissement, les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation, dont l’activité dépasse le seuil de nombre de connexions prévu au premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du même code.
« II. – Par dérogation aux dispositions de l’article 283, du troisième alinéa du 1 de l’article 293 A et de l’article 1695, l’opérateur d’une plateforme en ligne peut déclarer, collecter et acquitter la taxe sur la valeur ajoutée pour le compte des personnes effectuant des livraisons de biens ou des prestations de service au sens des articles 258 à 259 D et qui exercent leur activité par l’intermédiaire de cette plateforme, dès lors que l’acquéreur ou le preneur est établi ou a son domicile ou sa résidence habituelle en France.
« III. – Pour la mise en œuvre du II, l’opérateur de plateforme en ligne retient le montant de la taxe sur le montant brut payé par l’acquéreur ou le preneur, au moment de la transaction.
« Afin de calculer le montant de la retenue, le vendeur ou le prestataire communique à l’opérateur de plateforme en ligne les taux, ou le cas échéant les exonérations, applicables à l’opération. L’opérateur de plateforme en ligne s’assure que les informations communiquées par le vendeur ou le prestataire ne sont pas manifestement erronées.
« À défaut d’informations communiquées par le vendeur ou le prestataire, le montant de la retenue est égal au montant qui résulterait de l’application du taux prévu à l’article 278 au montant hors taxes de la transaction.
« IV. – Les opérateurs de plateforme en ligne qui mettent en œuvre les dispositions prévues au II ne peuvent être tenus pour solidairement responsables du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée au sens du IV de l’article 283 bis et du IV de l’article 293 A ter.
« V. – Les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités d’exigibilité et de liquidation de la taxe sont définies par décret du ministre chargé du budget. »
II. – Le I est applicable à compter du 1er janvier 2019, sous réserve de l’autorisation du Conseil de l’Union européenne prévue en application de l’article 395 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée. –
Adopté.
I. – Le V de l’article 1754 du code général des impôts est complété par un 10 ainsi rédigé :
« 10. Les entreprises établies en France et liées, au sens du 12 de l’article 39, à l’entreprise à l’égard de laquelle l’administration exerce le droit de communication prévu au deuxième alinéa de l’article L. 81 du livre des procédures fiscales, sont solidairement responsables du paiement de l’amende prévue au premier alinéa de l’article 1734. » –
Adopté.
Le deuxième alinéa du II de l’article 45 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 est ainsi rédigé :
« Art. L. 112 -6 -1 A. – Les opérateurs de plateforme en ligne au sens du 2° du I de l’article L. 111-7 du code de la consommation ne peuvent effectuer aucun paiement au profit de leurs utilisateurs par une valeur monétaire stockée sous forme électronique et utilisable au moyen d’un support physique au sens de l’article L. 315-9 du présent code, dès lors que ces utilisateurs résident en France ou qu’ils réalisent des ventes ou des prestations de services en France au sens des articles 258 à 259 D du code général des impôts. » –
Adopté.
Le Sénat vient d’adopter les articles 4 ter à 4 sexies, dont vous êtes à l’initiative, monsieur le rapporteur.
Au-delà du vote qui vient d’intervenir, le Gouvernement souhaite que les différentes étapes d’examen du texte soient l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions.
Nous sommes réservés sur les articles qui viennent d’être adoptés, car les travaux en cours à l’échelon européen, notamment l’adoption du paquet e-commerce, nous paraissent de nature à répondre à beaucoup des préoccupations exprimées par le rapporteur, et ce dès 2021.
La lutte contre la fraude à la TVA en matière de ventes effectuées au profit de particuliers à travers la plateforme d’e-commerce vient de faire l’objet d’une directive, le 5 décembre dernier. Ce dispositif harmonisé nous paraît constituer la réponse pertinente pour s’attaquer au problème de la fraude à la TVA dans le domaine soit des importations de biens à destination de consommateurs finaux, soit des ventes à distance intracommunautaires. Les nouvelles règles garantissent le paiement de la TVA dans l’État membre du consommateur final. Cela permet de consolider la nouvelle approche en matière de perception de la TVA dans l’Union européenne déjà en place pour les prestations de services électroniques et de respecter un engagement central de la stratégie pour un marché unique numérique en Europe.
Par ailleurs, la directive prévoit que les plateformes de marché en ligne devront assumer la responsabilité de la perception de la TVA sur les ventes. J’ajoute que nous demandons aux plateformes de rendre publique et de communiquer sur l’identité des utilisateurs dès 2019 et d’assumer la responsabilité de perception sur les ventes réalisées sur leur plateforme par des sociétés établies dans des pays tiers auprès des consommateurs de l’Union européenne. Cela inclut notamment les ventes de biens déjà stockés par des entreprises de pays tiers dans des entrepôts au sein de l’Union, qui peuvent souvent être utilisés pour vendre frauduleusement des biens en franchise de TVA.
Les nouvelles règles s’imposeront donc aux États membres, et la directive sera impérativement transposée pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2021. La Commission a proposé une révision du règlement relatif à la coopération administrative en matière de TVA, qui contient aussi un certain nombre d’avancées positives de nature à faciliter les échanges entre les États membres, et ce avec le soutien unanime du conseil lors de l’Ecofin du 22 juin 2018.
Dans ces conditions, l’instauration de dispositifs purement nationaux dans le domaine de perception de la TVA sur les opérations d’e-commerce ne nous semble pas souhaitable, ne serait-ce que parce que de tels dispositifs ne seraient pas en conformité avec la directive. Il nous paraît plus efficace de jouer collectif avec l’Union européenne.
En outre, le dispositif mis à la discussion nous paraît moins opportun et moins robuste que la solution retenue par la directive e-commerce. Celle-ci rend redevable de la taxe la plateforme qui facilite les ventes au sein de l’Union, qu’il s’agisse de ventes réalisées par des non établis en Europe ou, plus largement, de toute livraison de biens importés d’une valeur intrinsèque de moins de 150 euros.
Contrairement à la directive, le dispositif ne s’applique qu’à certaines plateformes, en l’occurrence celles qui ont plus de 5 millions de visiteurs par mois. Cela nous semble en réduire la portée.
Par ailleurs, vous proposez un dispositif qui repose sur l’existence de présomption du non-respect des obligations par un redevable de la TVA, qui peut être établi non seulement en France, mais aussi n’importe où dans le monde. Nous pensons que cette exigence peut rendre le dispositif potentiellement peu efficace, voire inefficace lorsque la plateforme et le vendeur sont hors Union européenne. Et nous craignons également qu’il ne soit peu lisible, la notion de présomption n’étant pas définie.
Sur le plan de la gestion fiscale, la mise en œuvre d’une telle procédure nous paraît extrêmement complexe au 1er janvier 2019, qu’il s’agisse de la détection des plateformes concernées par le dispositif ou de la détection des utilisateurs de ladite plateforme.
En conclusion, les travaux menés à l’échelon européen nous paraissent plus opportuns et plus efficaces que les dispositifs adoptés par la commission. Par conséquent, à ce stade du débat, nous tenions à exprimer les grandes réserves du Gouvernement sur ces articles et notre volonté de continuer à travailler sur le sujet dans le cadre de la navette.
Compte tenu de ce que je viens d’entendre, je reviens sur les articles 4 ter à 4 sexies, qui ont été adoptés à l’unanimité.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à visiter vos propres services et à écouter ce que disent les agents de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la DNEF.
Ils vous indiqueront que la fraude est massive, de l’ordre de plus de 1, 2 milliard d’euros. C’est notamment le cas sur la plus grande plateforme.
Regardons nos téléphones : certains vendeurs n’ont même pas de numéro fiscal. Cela signifie que le risque de non-paiement de la TVA est tout de même très fort !
Plusieurs solutions s’offraient à nous. Nous pouvions effectivement attendre une action dans l’Europe. Mais, comme vous le savez, du fait de la règle de l’unanimité, nous avons parfois des déceptions à cet égard…
Nous pouvions aussi nous inspirer des exemples étrangers. Les Britanniques ont utilisé la technique de la responsabilité solidaire des plateformes à l’égard du paiement. Les résultats sont là. Je me suis rendu auprès du fisc britannique voilà deux ou trois ans. J’ai rappelé précédemment à M. Darmanin ce que j’y ai vu !
Comparons la situation de la France et celle du Royaume-Uni, en considérant le nombre de vendeurs enregistrés ; quand un vendeur n’a pas de numéro de TVA, c’est mauvais signe.
En France, le nombre de contrôles est assez limité. Avec 18 contrôles, on a recouvré 2, 018 millions d’euros, ce qui est assez faible. Et nous avons seulement 3 182 entreprises enregistrées ; certes, c’est mieux qu’en 2013, où il y en avait 569.
Au Royaume-Uni, à la suite de la mise en place du dispositif de responsabilité solidaire 27 550 entreprises ont demandé à être enregistrées, ce qui est considérable ! Elles n’étaient que 1 650 auparavant.
Autrement dit, le fait de rendre les plateformes éventuellement responsables du paiement de la TVA au cas où le vendeur a été signalé a conduit les entreprises à s’enregistrer à la TVA, avec à la clé un surcroît de recettes de plusieurs centaines de millions de livres. C’est donc une mesure efficace.
Nous pouvons dire que nous attendons une action de l’Europe. Mais nous savons bien que certains pays européens n’ont pas forcément intérêt à ce que le commerce en ligne soit plus producteur de revenus.
Ce n’est pas seulement un problème de fraude fiscale. C’est aussi un problème de concurrence déloyale. Un vendeur assujetti en France qui respecte ses obligations est forcément défavorisé par rapport à un autre qui ne déclare même pas la TVA !
J’exhorte donc nos collègues à tenir la position qu’ils viennent d’adopter. Inspirons-nous des exemples qui ont fait leurs preuves ! Il serait tout de même bizarre d’oublier un pan entier, représentant plus de 1 milliard d’euros de fraude dans un projet de loi sur la fraude !
Et, encore une fois, monsieur le secrétaire d’État, allez visiter les locaux de la DNEF à Pantin ; vous verrez, c’est très instructif !
Sur le fond, nos positions convergent évidemment. Permettez-moi cependant de formuler deux remarques.
Premièrement, la directive que j’ai évoquée a été adoptée à l’unanimité du conseil Ecofin. Nous n’avons donc pas à attendre son adoption. Une obligation de transposition en vue d’une application au 1er janvier 2021 est même prévue. D’ailleurs, si les dispositions proposées par M. le rapporteur étaient définitivement adoptées, nous devrions de toute manière les modifier l’année prochaine dans le cadre de la transposition de la directive.
Deuxièmement, et je le dis avec un sourire, vous conviendrez avec moi que les Britanniques sont moins intéressés que nous par l’évolution du droit de l’Union européenne et par l’action de la Commission européenne pour les années à venir.
L’amendement n° 55 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 4 sexies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de 6 mois après la fin de l’expérimentation prévue par l’arrêté du 28 août 2017 modifiant l’arrêté du 21 février 2014 portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé de lutte contre la fraude dénommé « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes », le Gouvernement remet aux commissions des finances des deux assemblées un rapport détaillant les résultats du traitement automatisé de lutte contre la fraude des particuliers et des entreprises. Ce rapport évoque les moyens mis en œuvre, l’articulation avec le nouveau cadre juridique relatif à la protection des données personnelles et les résultats chiffrés de ce traitement en matière de lutte contre la fraude.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Il ne s’agit pas exactement de demander un nouveau rapport.
Comme cela a déjà été évoqué, depuis 2014, Bercy dispose d’une cellule de data mining dédiée au « ciblage de la fraude » et à la « valorisation des requêtes ». Jusqu’à présent, la collecte de données électroniques concernait exclusivement des professionnels, pour lutter contre la fraude à la TVA.
Mais, depuis le 28 août 2017, cette collecte de données est étendue à tous les contribuables, y compris les particuliers. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, a donné son accord. La collecte peut donc porter sur les données non seulement d’administrations, mais également d’acteurs privés. Cela renvoie à ce qu’indiquait notre collègue Michel Canevet, notamment à propos du site Leboncoin. Un logiciel crée des modèles pour savoir qui fraude ou est susceptible de frauder. C’est très bien pour lutter contre la fraude.
La CNIL a tout de même indiqué qu’il fallait poser deux garanties, le dispositif touchant à la vie privée des contribuables. D’une part, il doit s’agir d’une expérimentation de deux ans pour les contribuables. D’autre part, un rapport doit lui être remis à l’issue de l’expérimentation, afin de savoir quelles données ont été collectées.
Mon amendement vise donc à faire en sorte que le rapport réclamé par la CNIL soit également remis aux commissions des finances des deux assemblées. Vous le voyez, dans mon esprit, il ne s’agit pas de demander un nouveau rapport.
M. le secrétaire d’État pourra peut-être nous préciser si le Gouvernement a bien l’intention de remettre un rapport à la CNIL. Bien entendu, si le rapport est public, mon amendement perdra sa raison d’être ; nous pourrons faire l’effort d’aller consulter nous-mêmes le document. Mais si le rapport n’est pas public ou si le Gouvernement n’a pas prévu de déposer un rapport à la CNIL, il me semble utile que ce rapport soit remis aux commissions des finances du Parlement.
De deux choses l’une : soit le rapport est public, et l’amendement n’a plus de raison d’être ; soit il n’est pas public, et je m’engage à en demander communication au nom de la commission des finances – un tel document ne relève pas du secret-défense ou du secret médical –, comme le permet la loi organique relative aux lois de finances. Le sujet intéresse également les rapporteurs spéciaux, dont Thierry Carcenac ici présent, auteur d’amendements sur le data mining.
Dans ces conditions, l’amendement sera satisfait.
Je confirme que le Gouvernement remettra bien un rapport à la CNIL et que le data mining est de toute manière effectué dans le respect des règles prévues par cette dernière. M. le rapporteur vient de s’engager à demander communication du rapport. Pour ma part, je m’engage à vous le communiquer.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, qui est ainsi satisfait.
L’amendement n° 55 rectifié est retiré.
TITRE II
RENFORCEMENT DES SANCTIONS DE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE
Le onzième alinéa de l’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les mots : « peut, en outre, ordonner » sont remplacés par le mot : « ordonne » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Elle peut toutefois, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci, en considération des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. »
L’amendement n° 47, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
L ’ article 5 est adopté.
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1°
Supprimé
2° Après l’article 1729 A, il est inséré un article 1729 A bis ainsi rédigé :
« Art. 1729 A bis. – I. – Les amendes ou majorations appliquées à l’encontre de personnes morales à raison de manquements graves caractérisés par un montant de droits fraudés d’un minimum de 50 000 € et le recours à une manœuvre frauduleuse, au sens des b et c de l’article 1729, dès lors que cette sanction est devenue définitive, peuvent faire l’objet d’une publication, sauf si ces manquements ont fait l’objet d’un dépôt de plainte pour fraude fiscale par l’administration.
« Cette publication porte sur la nature et le montant des droits fraudés et des amendes et majorations appliquées, la dénomination du contribuable ainsi que, le cas échéant, l’activité professionnelle et le lieu d’exercice de cette activité.
« La décision de publication est prise par l’administration après avis conforme et motivé de la commission prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales qui apprécie, au vu des manquements et des circonstances dans lesquels ils ont été commis, si la publication est justifiée.
« La publication est effectuée sur le site internet de l’administration fiscale pendant une durée qui ne peut excéder un an.
« II. – Lorsque la commission prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales est saisie, une copie de la saisine est adressée au contribuable, qui est invité à présenter à la commission ses observations écrites dans un délai de trente jours.
« La publication ne peut être effectuée avant l’expiration d’un délai de soixante jours à compter de la notification de la décision de publication.
« III. – Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. »
3°
« Cette commission est également chargée de donner un avis à l’administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives, en application des dispositions de l’article 1729 A bis du code général des impôts. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 91, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante ;
1° Le chapitre premier du titre II de la troisième partie du livre premier est complété par un VIII ainsi rédigé :
« VIII. – Commission de publication des sanctions fiscales.
« Art. 1653 G. – Il est institué une commission de publication des sanctions fiscales. Cette commission est chargée de donner un avis à l’administration lorsque celle-ci envisage de rendre publiques des sanctions administratives, en application des dispositions de l’article 1729 A bis.
« Cette commission est présidée par un conseiller d’État, en activité ou honoraire.
« Elle est composée de deux conseillers d’État, de deux conseillers maîtres à la Cour des comptes et de deux magistrats à la Cour de cassation, en activité ou honoraires.
« Le président a voix prépondérante. » ;
II. – Alinéas 6 et 8
Remplacer les mots :
L. 228 du livre des procédures fiscales
par la référence :
1653 G
III. – Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud.
Cet amendement vise à rétablir le texte dans sa rédaction initiale.
La commission des finances a supprimé la commission de publication des sanctions fiscales au motif que la création d’une commission représente un coût. Deux arguments me semblent militer contre une telle suppression.
Premièrement, un arrêté de 2011 prévoit que le montant de l’indemnité forfaitaire mensuelle susceptible d’être allouée au président de la commission des infractions fiscales est fixé à 500 euros.
Deuxièmement, il semble dangereux d’ajouter du travail à la commission des infractions fiscales, la CIF. Nous souhaitons quelle connaisse de davantage de dossiers à transmettre au pénal. C’est bien le sens de l’article 13. Je vous rappelle qu’elle a été conçue comme garantie pour les contribuables ; ce rôle nous paraît suffisant.
L’amendement n° 48, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6, 8 et 9
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Pascal Savoldelli.
Avec l’article 6, nous sommes de nouveau dans ce que l’on pourrait appeler la « logique de l’exemplarité ».
Le problème est que cet article, à l’instar de son jumeau l’article 5, met une fois encore l’effectivité de la publication dissuasive en question, des voies de recours pouvant être sollicitées – cela se défend et se conçoit –, tandis que la commission des infractions fiscales se retrouve investie d’une nouvelle fonction : donner le feu vert à la publication des décisions de l’administration.
Nous avons déjà souligné des problèmes très sérieux que posait l’existence de la commission des infractions fiscales du point de vue de la chaîne du droit dans notre pays. Cette commission sert de sas particulièrement sélectif au déferrement d’un certain nombre de contribuables au pénal.
Les cas de fraude fiscale dont l’autorité judiciaire est saisie concernent avant tout des entreprises et des particuliers aux revenus et, surtout, au patrimoine relativement élevés.
Les redressements les plus significatifs relatifs à des entreprises parfois importantes demeurent, pour une grande part, inconnus du public. D’ailleurs, on pourrait se demander ce qu’ont recouvert les opérations menées par le service de traitement des déclarations rectificatives, ou STDR, entre 2013 et 2017 du point de vue de l’éventuelle publicité. En quatre ans, 51 000 dossiers ont été traités, 32 milliards d’euros d’avoirs sont revenus à la surface, et il y a eu 8 milliards d’euros de recettes fiscales ! Tout cela ressemble à une bonne affaire pour l’État sans que nous sachions tout à fait ce qui a procédé de l’application des barèmes et des tarifs en vigueur, des pénalités et des amendes, des transactions éventuelles et des extinctions d’office ou presque de l’action publique !
Nous sommes donc partisans de ne pas saisir la CIF en cas de publication de décisions administratives. Au demeurant, celles-ci ont peut-être aussi le défaut de permettre une défausse sur toute procédure juridique potentielle.
En cas de rejet de cet amendement, nous ne pourrions pas voter l’article 6.
Ces deux amendements portent sur la commission chargée d’autoriser ou non la publication des sanctions fiscales, instance qui est d’ailleurs une nouveauté.
Le Conseil d’État a souligné qu’il s’agissait d’une protection du contribuable. Mais il a aussi considéré que la création d’une nouvelle commission n’était sans doute pas indispensable. En effet, pourquoi créer une nouvelle commission ? Il y a déjà la CIF et, contrairement à ce que vous indiquez, cher Didier Rambaud, elle aura moins de travail. Nous proposons qu’il n’y ait quasiment plus de verrou de Bercy. La loi fixerait les critères, et la CIF serait compétente uniquement lorsqu’on serait en deçà de ces critères. C’est donc une protection contre l’arbitraire éventuel de l’administration.
Pour les cas de fraude fiscale les plus graves, il n’y aura plus de verrou de Bercy. Ce seront les critères légaux qui s’imposeront, et tout sera transmis au parquet. Et dans l’hypothèse où la transmission poserait problème, il y aurait tout de même une concertation avec le parquet.
Inversement, si on est en deçà des critères, il peut y avoir transmission à l’administration fiscale et, dans ce cas et dans ce cas seulement, il y a un passage par la commission des infractions fiscales. Celle-ci aura donc nécessairement moins de travail. Aussi, au lieu de créer une nouvelle commission, il nous semblait plus pertinent de lui confier la mission d’autoriser ou pas les sanctions pénales.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 91.
L’avis est également défavorable sur l’amendement n° 48. Prévoir un avis conforme pour la publication de la sanction par l’administration nous paraît constituer une protection du contribuable.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 48, pour les raisons qu’a évoquées M. le rapporteur. Il nous semble utile qu’une instance puisse se prononcer sur l’opportunité de la publication des sanctions. Nous rejoignons ainsi un avis du Conseil d’État.
Nous ne pouvons évidemment pas être défavorables à l’amendement n° 91, qui vise à rétablir le texte initial du Gouvernement. Toutefois, comme nous entendons également les arguments de M. le rapporteur sur l’évolution de la masse de travail de la commission des infractions fiscales, nous émettons un avis de sagesse sur cet amendement.
Quel sera le coût du nouveau « bidule » qu’il est proposé de créer ? Y aura-t-il un secrétariat ? Des nominations ?
Nous nous plaignons en permanence de la complexité administrative, et nous nous perdons dans les sigles. Pourquoi, alors qu’il existe déjà une commission des infractions fiscales, créer une nouvelle commission ?
La CIF aura demain moins de travail, puisque le verrou de Bercy sera supprimé. Je ne comprends pas très bien l’avis de sagesse du Gouvernement.
Il ne nous semblait pas forcément utile de créer un nouvel organisme, avec nomination d’un président, de membres, indemnisation, secrétariat, etc. Essayons de nous simplifier la vie !
Mme Nathalie Goulet. Nous suivons totalement la position du rapporteur sur ces amendements. Comme nous espérons réduire les pouvoirs de la CIF à leur plus simple expression, c’est une très bonne chose qu’elle puisse s’occuper des publications : cela lui fera un os à ronger !
Sourires.
La situation est paradoxale : nous devons nous prononcer sur cet amendement alors que nous n’avons pas encore statué sur le rôle et la place de la CIF. Certains souhaitent qu’elle continue son travail à peu près dans les mêmes conditions ; d’autres, dont notre groupe, proposent de la supprimer.
Par conséquent, nous nous abstiendrons. Il faudrait tout de même clarifier qui, au sein de l’administration fiscale, décide de la publicité de la sanction.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 80, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
à l’encontre de personnes morales
La parole est à M. Didier Rambaud.
L’amendement n° 80 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 81 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 99 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
dès lors que cette sanction est devenue définitive,
II. - Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les recours portant sur les impositions et les amendes ou majorations correspondantes présentés avant l’expiration du délai mentionné au deuxième alinéa du présent II ont pour effet de suspendre la publication tant que les impositions et les amendes ou majorations ne sont pas devenues définitives. En cas de recours portant sur les impositions et amendes ou majorations présenté après l’expiration de ce même délai, la publication est retirée du site internet de l’administration fiscale tant que n’est pas intervenue une décision juridictionnelle confirmant de manière définitive le bien-fondé de la décision de publication.
La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 81.
Cet amendement vise à rétablir la version initiale du projet de loi s’agissant des garanties liées à la publication des sanctions.
La commission des finances a adopté un amendement visant à ne publier que les sanctions devenues définitives. Nous pensons que le texte initial présente des garanties suffisantes.
D’abord, toute décision de publication est prise après avis conforme et motivé de la commission créée. Ensuite, le projet de loi prévoit un délai de soixante jours avant toute publication, délai qui court à partir de la notification de la décision. Enfin, tout recours sur la sanction a un effet suspensif : a priori, celui qui a reçu une notification et ne présente pas de recours sous soixante jours reconnaît sa faute. Pour mémoire, au civil, l’appel se fait sous trente jours.
En termes d’efficacité des sanctions, l’équilibre retenu dans le projet initial du Gouvernement nous semble être le bon.
La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 99.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être présenté : il s’agit de revenir à la rédaction initiale du projet de loi.
M. le rapporteur et la commission ont fait le choix de rendre publiables les sanctions uniquement après l’expiration de tous les délais de recours. Cela peut porter le délai de publication à plus de deux ans et faire perdre du sens à la sanction que représente la publication de celle-ci : rendre public le comportement délictueux.
Par ailleurs, imaginons qu’un administré concerné par la publication des sanctions ait reconnu sa faute et ait eu ensuite un comportement irréprochable ; deux ou trois ans plus tard, il pourrait voir sa réputation à nouveau réinterrogée du fait d’une publication beaucoup trop tardive par rapport à la date de prise de décision des sanctions.
Nous souhaitons donc revenir à la rédaction initiale. Comme l’a rappelé M. Rambaud, la procédure que nous proposons permet à un administré de faire appel de la décision de publication de la sanction. Cela garantit un processus contradictoire et respectueux.
L’amendement n° 64, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La publication est effectuée soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, aux frais de la personne sanctionnée.
La parole est à M. Thierry Carcenac.
Le texte actuel prévoit que la publication est effectuée seulement sur un site de l’administration fiscale. Nous souhaitons élargir cette publication, en faisant en sorte qu’elle soit effectuée par la presse écrite ou par tout moyen de communication au public par voie électronique, aux frais de la personne morale sanctionnée, comme c’est le cas notamment pour les sanctions prononcées par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation.
On peut être favorable – je comprends la valeur dissuasive d’une telle mesure – à la publication des sanctions, notamment fiscales, à l’égard des personnes morales. Cette nouvelle possibilité ne me choque pas du tout. Nous avons évoqué à l’instant le filtre éventuel.
En revanche, je trouverais choquant qu’une sanction puisse être publiée sans être définitive. Imaginons qu’une société cotée en Bourse dont la sanction a été publiée par l’administration fiscale fasse un recours et l’emporte in fine. Quelle sera la réaction des marchés lors de la publication de la sanction ? Une baisse instantanée de 20 % du cours de la société, du fait d’un « risque contentieux » ! Nous prenons donc une responsabilité considérable ! Et qui devra en assumer les conséquences ? La société pourra-t-elle ensuite faire un recours de plein contentieux contre l’État ou l’administration fiscale ? Un tel dispositif est extrêmement dangereux et, pour tout dire, irresponsable !
Il faut a minima attendre que les délais de recours soient épuisés avant de publier une sanction ; cela me paraît le minimum pour les droits du contribuable !
Autrement, il faut m’expliquer ce qu’il va se passer… J’aimerais savoir, très concrètement, ce qu’il adviendra si l’on publie une décision selon laquelle une société cotée en bourse a fraudé pour, en définitive, avoir une décharge de l’impôt. Le contribuable pourra-t-il demander réparation, au motif que l’on aura indûment publié une sanction fiscale ? C’est une vraie question !
Je suis donc très défavorable aux amendements identiques n° 81 et 99, et soutiens la publication des sanctions, à condition que celles-ci soient définitives.
Sur l’amendement n° 64, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 64, qui vise à la publication sur différents supports.
S’agissant des amendements identiques n° 81 et 99, je répète que les décisions de publication de la sanction, dépendantes d’une commission, quelle qu’elle soit – je ne reviens pas sur le débat relatif à l’article précédent –, sont elles-mêmes susceptibles d’un recours de la part du contribuable dans un délai de soixante jours.
Nous en sommes convaincus, dès lors que la sanction vise l’exemplarité et une forme d’exposition publique du délit commis, il faut aller un peu plus vite que les deux ans de délais de recours prévus !
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Je veux intervenir, au nom de mon groupe, sur les amendements identiques n° 81 et 99.
Avec ces amendements, ce sont les principes généraux du droit que l’on malmène sérieusement !
Une personne poursuivie et condamnée a en principe droit à un certain nombre de recours. Ce n’est qu’à la fin de ces recours que la sanction tombe et est applicable. Il existe des cas d’exécution provisoire, mais ils sont assez rares.
On s’appuie à juste titre sur le dispositif du name and shame. Mais ce procédé ne signifie pas injustice !
Il est d’ailleurs très intéressant de voir un gouvernement, présentant un texte sur les fake news – nous aurons l’occasion, ou pas, d’en discuter –, souhaitant que l’on soit le plus robuste possible sur les accusations, les griefs, les reproches, les informations diffusées, proposer que l’on publie purement et simplement des condamnations temporaires, provisoires, alors même que, plus tard, celles-ci pourraient être invalidées.
C’est pourquoi mon groupe reprend totalement à son compte l’argumentaire de M. le rapporteur.
J’entends par ailleurs que son avis de sagesse sur l’amendement n° 64 vaut presque avis favorable. La seule publication sur les sites de l’administration fiscale, sur lesquels, évidemment, nous nous jetons tous tout le temps, aurait tendance à réduire singulièrement l’effet du mécanisme du name and shame !
Il est tout de même assez étrange de remettre à l’ordre du jour le pilori en place de Grève ! Je trouve cela absolument désolant !
Le name and shame s’apparente à un régime un peu totalitaire : une première décision est prise ; avant même les résultats du recours, l’intéressé est exposé en place de Grève, y compris à titre personnel, et cela peut inclure son entourage familial. Parfois, il faut l’assumer, sans même être coupable. C’est tout de même extraordinaire !
Je suis très peu friand de cette méthode. Si la discrétion de Bercy et des services fiscaux est louée tous les jours, c’est aussi parce qu’elle permet à la discussion sur les sujets fiscaux – sujets ô combien compliqués – de se dérouler normalement, dans le calme et à l’abri des regards. C’est ainsi jusqu’à ce que des décisions soient prises, des décisions évidemment définitives, et non temporaires. On reste présumé innocent jusqu’à la fin des recours !
Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas vous opposer à la mention d’une sanction définitive.
Vous ne pouvez pas envisager la publication de décisions temporaires, en avançant qu’un recours de soixante jours est prévu. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, un univers numérique, le droit à l’oubli n’existe pas. Il est impossible de retirer un lien ! On ne peut rien faire !
Vous allez créer des préjudices…
Absolument, irréparables !
Franchement, je ne comprends pas que l’on discute de cette disposition. Je ne parle même pas de la présomption d’innocence ; je parle d’un simple fait : une fois l’information lâchée sur les réseaux sociaux, vous ne pouvez plus jamais la retirer ! Peu importe qui est visé – personne morale ou physique – il y aura préjudice, comme à l’article 7, d’ailleurs, lors de l’examen duquel nous reviendrons sur cette question du caractère définitif des décisions.
Vous ne pouvez pas sérieusement considérer que le justiciable sera protégé, au motif que l’on a prévu un recours. C’est incroyable ! Cette discussion est complètement irréelle !
Comment voulez-vous justifier la publication d’une sanction qui n’est pas définitive ? Voyez les effets ! Les préjudices seront difficilement réparables, voire ils ne le seront plus du tout. Je ne comprends même pas que l’on discute de cela !
Je me permets d’intervenir devant vous, monsieur le secrétaire d’État, tout comme je l’ai fait tout à l’heure devant M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Nous avons été destinataires, à la fin du mois de mars ou au début du mois d’avril, de l’étude d’impact de ce projet de loi, une étude d’impact comportant 72 pages. La partie consacrée à l’article 6 intitulée Publication des sanctions administratives appliquées aux personnes morales à raison de manquements fiscaux d ’ une particulière gravité comprend plusieurs chapitres : état des lieux, options possibles, dispositif retenu et analyse des impacts des dispositions envisagées. Ce dernier chapitre distingue les impacts juridiques, les impacts budgétaires et les impacts sur les services administratifs.
Sur ce tout dernier point, il est indiqué : « La présente mesure conduira à une augmentation de la charge administrative liée [d’une part] à la préparation des dossiers à soumettre à la commission de publication des sanctions et à l’organisation des séances de la commission chargée de donner un avis sur les propositions de l’administration ; [d’autre part ] à la gestion des contentieux ».
En revanche, pour les impacts budgétaires, il est écrit : « La publicité des sanctions prononcées par l’administration fiscale est de nature à prévenir la fraude fiscale et donc à augmenter les recettes publiques spontanément acquittées ».
Si je peux comprendre ces trois amendements, et si l’article 6 est tout aussi important que les autres articles, de réelles interrogations demeurent. De ce fait, je me rallie à l’avis de la commission.
Je souhaite apporter deux précisions.
Tout d’abord, monsieur le sénateur Jérôme Bascher, vous avez évoqué une possible exposition des proches et de la famille. Or le dispositif ne concerne que les personnes morales. L’amendement n° 80, qui tendait à élargir la mesure aux personnes physiques, a été retiré par ses auteurs. Le fait que seules les personnes morales soient visées devrait calmer votre crainte.
Par ailleurs, je veux de nouveau préciser la portée du recours que le contribuable peut engager contre la décision de publication.
Voici comment se déroulerait le processus : le contribuable est poursuivi, condamné et reconnu coupable d’une fraude fiscale, d’un délit ; il reçoit une notification de la commission, au sujet de laquelle nous avons débattu précédemment, l’informant qu’une publication de la sanction est envisagée ; s’il décide d’engager un recours, nous suspendons la publication de la sanction jusqu’à épuisement de tous les recours.
En d’autres termes, les seules décisions publiées dans de brefs délais, après un jugement en première instance, seraient celles soit qui ne feraient pas l’objet d’un recours au fond, soit qui feraient l’objet de recours « non globaux » ou, en tout cas, pour lesquelles le contribuable accepterait la publication.
La publication interviendrait soixante jours après la première décision, uniquement en l’absence de recours. En cas de recours contre la décision de publication, celui-ci courrait jusqu’au terme de la procédure au fond.
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
J’ai bien compris le processus, et je vous invite à vous référer au rapport écrit, mes chers collègues, qui comporte un schéma adapté aux personnes un peu simples comme moi !
Succinctement, la décision de publier peut faire l’objet d’un recours. Mais il se peut que, en cours de procédure, le conseil du contribuable découvre des éléments nouveaux et s’aperçoive que l’imposition n’était pas due. Tous les jours, les juges du fond, les juges de l’impôt, rendent des décisions favorables aux contribuables.
Pourquoi ne pas attendre simplement que la décision soit définitive ?
Il est tout de même un peu plus compliqué de publier pour avoir, ensuite, à retirer la publication du fait d’une décision inverse !
Nous parlons de personnes morales, je suis bien d’accord, mais ces personnes morales ont des actionnaires, des créanciers…
Elles sont parfois cotées. Quel sera l’impact d’une publication sur une société cotée ?
Considérons qu’il suffit d’attendre la décision définitive pour publier, que l’on ne procède pas à cette publication tant que toutes les voies de recours ne sont pas épuisées. C’est beaucoup plus simple que d’en passer par ce premier procédé, où l’on peut contester la décision de publication elle-même.
Il me paraît de bon sens de prévoir que cette publication vaut pour les seules décisions définitives.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 6 est adopté.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’intitulé du 9 du B de la section I du chapitre II du livre II est ainsi rédigé : « Sanctions à l’égard des tiers » ;
2° Après l’article 1740 A, il est ajouté un article 1740 A bis ainsi rédigé :
« Art. 1740 A bis. – I. – Lorsque l’administration fiscale a prononcé à l’encontre du contribuable une majoration de 80 % sur le fondement du c du 1 de l’article 1728, du b ou du c de l’article 1729, ou de l’article 1729-0 A et dès lors que cette sanction est devenue définitive, toute personne physique ou morale qui, dans l’exercice d’une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte d’un tiers, a intentionnellement fourni à ce contribuable une prestation permettant directement la commission par ce contribuable des agissements, manquements ou manœuvres ainsi sanctionnés est redevable d’une amende.
« La prestation mentionnée au premier alinéa du présent I consiste à :
« 1° Permettre au contribuable de dissimuler son identité par la fourniture d’une identité fictive ou d’un prête-nom ou par l’interposition d’une personne physique ou morale ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
« 2° Permettre au contribuable de dissimuler sa situation ou son activité par un acte fictif ou comportant des mentions fictives ou par l’interposition d’une entité fictive ;
« 3° Permettre au contribuable de bénéficier à tort d’une déduction du revenu, d’un crédit d’impôt ou d’une réduction d’impôt par la délivrance irrégulière de documents ;
« 4° Ou réaliser pour le compte du contribuable tout acte destiné à égarer l’administration.
« II. – L’amende est égale à 10 000 €. Son montant est porté, s’il est supérieur, à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable.
« Cette amende est établie selon les modalités prévues à l’article L. 80 D du livre des procédures fiscales.
« Lorsque les majorations mentionnées au I font l’objet d’un dégrèvement ou d’une décharge pour un motif lié à leur bien-fondé, l’amende qui a été prononcée à l’encontre du tiers fait l’objet d’une décision de dégrèvement.
« L’amende n’est pas applicable en cas de poursuites engagées contre le professionnel sur le fondement de l’article 1742.
« III. – La personne sanctionnée par l’amende prévue au II n’est pas admise à participer aux travaux des commissions instituées aux articles 1650 à 1652 bis, 1653 A, 1653 C et 1653 F. » ;
3° À l’article 1753, la référence : « et 1653 A » est remplacée par les références : «, 1653 A, 1653 C et 1653 F ».
II. – À l’article L. 80 E du livre des procédures fiscales, les mots : « et 1735 ter » sont remplacés par les mots : «, 1735 ter et 1740 A bis ».
III. – Après l’article L. 114-18 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 114-18-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 114 -18 -1. – I. – Lorsque les organismes mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-1 notifient à un cotisant des rectifications sur le fondement de l’article L. 243-7-2 ou lorsque les caisses de mutualité sociale agricole notifient à un cotisant des rectifications sur le fondement de l’article L. 725-25 du code rural et de la pêche maritime et dès lors que ces rectifications sont devenues définitives, toute personne physique ou morale qui, dans l’exercice d’une activité professionnelle de conseil à caractère juridique, financier ou comptable ou de détention de biens ou de fonds pour le compte d’un tiers, a intentionnellement fourni à ce cotisant une prestation ayant directement contribué à la commission des actes constitutifs de l’abus de droit en cause ou à la dissimulation de ces actes, est redevable d’une amende.
« II. – L’amende est égale à 10 000 €. Son montant est porté, s’il est supérieur, à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au cotisant.
« Lorsque les rectifications mentionnées au I font l’objet d’un dégrèvement ou d’une décharge pour un motif lié à leur bien-fondé, l’amende qui a été prononcée à l’encontre du tiers fait l’objet d’une décision de dégrèvement.
« La prescription applicable à l’amende prévue au même I est acquise à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle la prestation sanctionnée a été fournie.
« III. – Le directeur de l’organisme de recouvrement ou de la caisse de mutualité sociale agricole lésée notifie les faits reprochés à la personne en cause et le montant envisagé de la pénalité, afin qu’elle puisse présenter ses observations écrites. Après avoir répondu auxdites observations, le directeur de l’organisme ou de la caisse prononce, le cas échéant, la pénalité et la notifie à l’intéressé par une mise en demeure adressée par tout moyen donnant date certaine à sa réception en lui indiquant les voies et délais de recours applicables. »
IV. – Le présent article s’applique aux prestations fournies le lendemain de la publication de la présente loi.
L’amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
L’article 7, qui crée une sanction nouvelle pour les tiers professionnels ayant participé à l’infraction, soulève une question éminemment délicate. L’ensemble des arguments tout juste exposés à l’article 6 peuvent être repris dans le cadre de l’examen du présent article, tant sur le problème du caractère définitif de la décision que sur celui du respect des principes généraux du droit.
Je ne suis absolument pas choqué par l’introduction d’une sanction très dure à l’encontre des tiers qui se rendent complices d’une fraude fiscale. Soyons très clairs sur ce point : il faut une extrême dureté !
M. le ministre nous a bien expliqué que, lors des contrôles effectués, les agents découvraient des mécanismes mis en place par des professionnels du droit, des professionnels du chiffre ou des professionnels de l’administration de biens.
Mais dans ce cas, je ne comprends pas la sanction envisagée : une amende de 10 000 euros ou 50 % des honoraires. Si l’on se trouve dans un des cas gravissimes visés à l’article, alors l’administration fiscale ne doit pas avoir de doute, elle ne doit pas avoir la main qui tremble : elle doit transmettre le dossier au parquet, et ce afin que des sanctions beaucoup plus sévères soient prises.
Tous les professionnels concernés appartiennent à des ordres – experts-comptables, avocats, administrateurs de biens – dont les règles déontologiques sont extrêmement fermes. Si ces professionnels se rendent complices d’actes d’une telle gravité, ils seront sanctionnés : radiés de leur ordre ou, à tout le moins, suspendus à titre provisoire pour des périodes assez longues.
L’administration fiscale ayant toute possibilité de transmettre le dossier au parquet, cette sanction nouvelle me paraît donc relativement inutile.
Mais elle me semble aussi extrêmement périlleuse à mettre en place !
D’une part, elle se heurte aux principes généraux du droit. Il me paraît effectivement dangereux de sanctionner un professionnel du droit au motif qu’il s’est rendu complice d’une fraude fiscale qui n’a pas encore été définitivement jugée. À ce titre, toute l’argumentation sur le caractère non définitif de la sanction peut être reprise.
D’autre part, si seuls les cas extrêmement graves étaient visés, il n’y aurait pas difficulté, mais le texte mentionne « tout acte destiné à égarer l’administration », et cette mention peut susciter des débats assez longs. Une plaidoirie brillante, dont le but, par définition, est d’exprimer une vision, d’offrir un éclairage différent de celui de l’administration, entrerait-elle dans cette catégorie ?
Nous sommes bien à la frontière de ce que M. le ministre a appelé l’optimisation fiscale, et c’est ce qui fait le caractère périlleux de cette mesure.
De ce fait, le plus simple, le plus sérieux me paraît être de supprimer cet article dangereux.
Nous partageons un certain nombre des réserves très justement émises par notre collègue Emmanuel Capus.
Tout d’abord se pose la question de la combinaison entre le droit de recours du contribuable lui-même et celui de son conseil. Dans la rédaction actuelle, on pourrait tout à fait sanctionner un tiers, alors même que le contribuable, par la suite, gagnerait au fond.
A minima, il faut que la sanction du contribuable soit devenue définitive pour que le professionnel puisse être lui aussi sanctionné. Comment pourrait-on prétendre que ce dernier a concouru à un montage frauduleux que le juge de l’impôt viendrait, par la suite, à considérer comme inexistant ?
La base, c’est que le fait que l’impôt ait été éludé soit définitivement reconnu dans une décision elle-même définitive, donc que toutes les voies de recours aient été épuisées.
Par ailleurs, il y a sans doute quelques imprécisions dans le texte. Je pense en particulier à l’adverbe « notamment », auquel le groupe La République En Marche souhaite revenir.
Depuis quand la loi emploie-t-elle un tel terme ? Franchement !...
Nous travaillons sur la matière législative, mes chers collègues ! Nous ne sommes ni dans l’illustration par des exemples ni dans le commentaire d’articles !
La commission a souhaité que la rédaction soit plus précise. Elle a supprimé l’adverbe « notamment » et indiqué clairement la nature des écarts pouvant entraîner une sanction du professionnel.
Mais, dans tous les cas, la fraude fiscale doit être définitivement jugée pour que, éventuellement, le professionnel ayant concouru à cette fraude puisse lui-même être sanctionné.
La commission des finances désirant en rester là, elle demande à M. Capus de bien vouloir se rallier à sa position.
Il ne nous paraît pas opportun de supprimer l’article 7.
La mesure proposée par le Gouvernement vise à renforcer les pouvoirs de l’administration fiscale dans la lutte contre la fraude fiscale, en sanctionnant les personnes proposant les montages frauduleux ou abusifs les plus graves, et non de simples schémas d’optimisation fiscale qui, eux, peuvent être parfaitement légaux.
La suppression de cet article priverait l’administration de cette possibilité de sanctionner les professionnels dont les agissements portent une grave atteinte au principe d’équité entre les contribuables et aux règles de leur profession.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement de suppression, sans nécessairement, nous aurons l’occasion d’y revenir, nous rallier à la position de la commission des finances.
Je suivrais bien la position de la commission, si j’avais la certitude que le Gouvernement en fasse de même ! Or comme M. le secrétaire d’État vient de le laisser entendre, le Gouvernement souhaite, à travers l’amendement suivant, rétablir l’absence de caractère définitif de la sanction support. On sait donc, par avance, que la position du Sénat ne sera pas suivie !
Par conséquent, bien que très partagé, je maintiens mon amendement et je laisse mes collègues trancher la question…
Il nous semble effectivement important que la sanction soit définitivement prononcée à l’encontre du contribuable avant que celle qui s’impose à l’intermédiaire ne soit mise en œuvre.
Mais considérer que, au cas où cette règle ne serait pas maintenue, il faut supprimer toute sanction destinée à dissuader les intermédiaires d’aider certains contribuables ou certaines entreprises à frauder me semble totalement disproportionné.
Au contraire, nous avons absolument besoin de limiter fortement la propension d’un certain nombre d’intermédiaires à proposer un accompagnement des contribuables allant parfois jusqu’à la fraude – si tel n’était pas le cas, nous ne serions pas là aujourd’hui !
Il faut maintenir la capacité offerte à l’administration d’imposer des sanctions administratives aux complices d’une fraude fiscale. C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement.
Je suis au contraire sensible aux excellents arguments de mon collègue Emmanuel Capus, et ce d’autant que la position du Gouvernement est assez raide, puisqu’il n’est pas question d’attendre une sanction définitive.
Pour détendre l’atmosphère à cet instant, je voudrais vous rappeler que nos chaînes de télévision rediffusent parfois, en noir et blanc, ce film de Sacha Guitry dans lequel Michel Simon joue le rôle d’un assassin potentiel.
Oui, c’est La Poison ! Donc Michel Simon, assassin potentiel, demande à un avocat de le conseiller sur les meilleures façons d’échapper à une peine, avant de commettre son crime. Puis il commet celui-ci tout en adaptant son comportement à la situation. L’avocat se trouve alors condamné pour complicité, alors qu’il n’y est strictement pour rien !
J’aimerais par conséquent que l’on préserve la liberté d’imagination des conseils, sans nécessairement en faire les complices actifs de ceux qui deviendraient ensuite, pour d’autres raisons et d’autres motivations, des criminels. En un mot, je défends le conseil !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 98, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 4
Supprimer les mots :
et dès lors que cette sanction est devenue définitive
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de désaccord portant sur les agissements, manquements ou manœuvres du contribuable mentionnés au I du présent article, les garanties et voies de recours qui lui sont offertes bénéficient également à la personne contre laquelle l’amende mentionnée au premier alinéa a été prononcée.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
Le Gouvernement considère que, en suspendant la possibilité pour les services fiscaux de sanctionner les tiers complices tant que la sanction appliquée aux contribuables n’est pas devenue définitive, le texte de la commission vide de sa substance la mesure proposée.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, une sanction est définitive seulement quand tous les délais de recours sont expirés ou toutes les voies de recours épuisées, ce qui peut demander plusieurs années.
Or le délai de prescription applicable à la sanction des tiers, fixé à seulement quatre ans, est difficilement compatible avec les délais de recours contentieux dont bénéficie le contribuable, auteur de l’infraction. Ce délai de quatre ans pourrait, en effet, être largement écoulé à l’issue de la procédure contentieuse, rendant de fait impossible la sanction du tiers complice.
On pourrait d’ailleurs sans peine envisager que des tiers complices conseillent à leurs clients d’engager des recours dilatoires, à seule fin d’échapper eux-mêmes à la sanction prévue à l’article 7. Ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons, les uns et les autres.
Enfin, cet amendement, qui tend à revenir à la rédaction initiale du Gouvernement, nous renvoie au même débat que celui que nous avons eu précédemment sur la publicité des sanctions et les recours prévus dans ce cadre.
L’avis est évidemment défavorable.
Prenons l’exemple d’un contribuable dont le montage a été considéré comme frauduleux par l’administration. Une amende est infligée au tiers – cela peut être un expert-comptable ou un avocat. Le contribuable forme un recours et, finalement, le montage est jugé totalement légal par le juge de l’impôt ou n’entraîne pas de sanction fiscale. Quid de l’amende prononcée, dès lors que son fondement a disparu et que le montage a été validé ?
Je suis favorable à la sanction des tiers concourant aux montages frauduleux, mais le niveau minimal de droits et de garanties dans un État de droit, c’est tout de même de ne pas condamner avant le jugement de l’objet ! Ne pas attendre le jugement définitif peut devenir extrêmement dangereux !
Que se passera-t-il ensuite ? Le professionnel pourra-t-il demander la révision de sa peine, le remboursement de l’amende ?
Le choix de ne pas attendre que le juge de l’impôt se soit prononcé définitivement sur le dossier est tout de même étonnant. Après tout, c’est cette décision qui provoque la sanction. En cas de montage légal, celle-ci n’aura pas lieu d’être.
J’y insiste, autant la commission est favorable à la sanction des tiers qui concourent à la fraude, avec, de nouveau, une réserve quant à l’emploi du terme « notamment », autant elle demande que l’on attende l’épuisement des voies de recours. Cela paraît être le minimum dans un État de droit !
Même motif, même punition ! Ces sanctions doivent évidemment s’asseoir sur un jugement définitif !
Je veux vous rappeler, mes chers collègues, les problèmes soulevés en tout début d’examen de ce texte sur des divergences de jurisprudence, sur les délais, etc.
Monsieur le secrétaire d’État, vous justifiez l’amendement n° 98 en nous expliquant que les délais de procédure sont très longs et que, de ce fait, on ne pourra pas engager des poursuites contre les conseils. Mais, dans ce cas, donnez des moyens à la justice pour qu’elle puisse juger un peu plus rapidement, et le problème sera réglé !
J’espère en tout cas que l’on n’acceptera pas, dans cet hémicycle, d’adopter un tel dispositif qui serait mis en œuvre alors que les sanctions ne sont pas définitives.
Comme la Constitution que vous nous préparez à l’Assemblée nationale ressemble beaucoup aux Galeries Lafayette – on y trouvera à peu près tout –, il va falloir que l’on garantisse le droit de ne pas avoir de publication avant toute décision définitive !
Mais une solution aux difficultés de ce type, j’y insiste, c’est de donner des moyens à la justice pour permettre des jugements beaucoup plus rapides et, ainsi, ne pas risquer une prescription.
Quoi qu’il en soit, je soutiens complètement la position du rapporteur.
Pour revenir sur mes propos précédents, le minimum, c’est effectivement qu’aucune sanction ne puisse être prononcée à l’encontre du tiers avant l’infraction définitivement jugée et tranchée, avant que l’on soit sûr, dans le respect des principes généraux du droit, qu’il y a bien eu fraude fiscale. Sans cela, nous allons nous retrouver dans des situations ubuesques, violant tous nos principes généraux du droit.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 82, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
consiste
par les mots :
peut notamment consister
La parole est à M. Didier Rambaud.
L’article 7 prévoit un dispositif de sanctions à l’égard des conseils, responsables du montage ou d’une prestation ayant conduit à sanctionner un contribuable.
La commission des finances a adopté un amendement tendant à restreindre les comportements à une liste définitive de prestations. Nous souhaitons revenir sur le caractère définitif de cette liste, avec un argument simple : réduire le champ de l’article conduira nécessairement à sanctionner moins.
Nous sommes en l’espèce face à des avocats. Nous pouvons prendre le pari, aujourd’hui, que si nous restreignons cette liste, beaucoup prouveront avoir réalisé un autre type de prestations.
Nous sommes dans un État de droit et, dans un État de droit, on définit précisément les sanctions et leurs faits générateurs, et cela ne passe pas par l’emploi du terme « notamment » ! Il ne s’agit pas d’avoir une liste que l’on peut compléter au bon vouloir, en expliquant que l’ajout est contenu dans l’adverbe « notamment » !
C’est d’autant plus valable que l’article mentionne « tout acte destiné à égarer l’administration ». Cette catégorie, tout de même assez large, peut inclure un grand nombre de comportements qui ne sont pas définis ab initio.
De nouveau, nous ne sommes ni dans l’illustration par des exemples, ni dans le commentaire d’articles, ni dans l’étude d’impact. Nous travaillons à la fabrication de la loi : celle-ci doit être précise et ne peut se contenter de la mention « notamment » ou d’exemples.
Le Gouvernement est favorable au rétablissement de la rédaction initiale du texte, d’autant plus que cette mention a été ajoutée dans le projet de loi après soumission du texte à l’avis du Conseil d’État et sur proposition de ce dernier.
La définition retenue dans le texte de la commission est déjà extrêmement vaste, en particulier avec la mention « tout acte destiné à égarer l’administration ». Le principe de légalité des délits et des peines implique tout de même que l’on sache la raison pour laquelle on va être poursuivi ou même directement sanctionné, puisque dans le cas présent, il n’y aura pas de poursuite !
Nous nous abstiendrons sur cet amendement. Nous approuvons son objet, mais il nous semble préférable de préciser encore la rédaction, plutôt que d’employer l’adverbe « notamment » susceptible d’entraîner une certaine insécurité juridique.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 65, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes physiques ou morales mentionnées à l’alinéa précédent sont également solidairement responsables du paiement des majorations prononcées à l’encontre du contribuable sur le fondement du c du 1 de l’article 1728, du b ou du c de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A, devenues définitives.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Cet amendement a pour objet d’améliorer le dispositif proposé à l’article 7.
Cela a été dit, sanctionner les intermédiaires qui fournissent une prestation permettant directement de commettre une fraude est une bonne chose.
Mais la peine envisagée nous semble relativement faible : 10 000 euros au minimum, le montant pouvant être porté à 50 % des revenus tirés de la prestation frauduleuse. Nous craignons que certains grands cabinets ou intermédiaires n’entrent dans une logique où ils incluent, dans leurs coûts, les risques liés à ces sanctions.
Nous pensons que, en termes d’efficacité et de dissuasion, il serait profitable de rendre ces intermédiaires solidairement redevables des pénalités fiscales.
Cette disposition est relativement courante en matière fiscale. D’ailleurs, le présent projet de loi prévoit, à deux reprises si je ne m’abuse, qu’elle s’applique aux éditeurs de logiciels. Aussi, rendre ces intermédiaires solidaires des pénalités fiscales qui seraient décidées à l’encontre du contribuable nous semblerait une mesure à la fois réellement dissuasive et efficace, car cela permettrait de faire face au risque d’insolvabilité des contribuables.
Certes, l’exemple des éditeurs de logiciels a été cité, il existe des dispositifs de responsabilité solidaire. Cet amendement soulève cependant une difficulté, ce qui le rend à mon sens fragile, dans la mesure où il prévoit éventuellement un cumul des sanctions : l’amende et la responsabilité solidaire avec le contribuable. Et je ne suis pas certain que ce cumul soit possible sur le plan juridique. Dans les autres cas prévus par la loi, l’amende ne peut se cumuler avec la responsabilité solidaire : c’est l’une ou l’autre.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Le Gouvernement émet les mêmes doutes que le rapporteur sur la constitutionnalité du dispositif que vous proposez, madame la sénatrice, notamment au regard de la décision 2012-239 QPC du Conseil constitutionnel sur le principe de la personnalité des peines.
En réponse à vos arguments, j’ajoute que l’idée que l’intermédiaire intègre, comme vous l’avez imaginé, les coûts de l’amende à hauteur de 50 % du bénéfice dans son équilibre économique ne nous paraît pas un argument suffisant, pour une raison simple : le présent texte prévoit une sanction administrative d’un montant égal à 10 000 euros ou, s’il est supérieur, à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, sans préjudice de la sanction pénale d’ores et déjà prévue par la loi. Il ne me semble pas possible d’intégrer le coût de cette sanction, suffisamment dissuasive, dans l’équilibre économique de l’opération.
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne sanctionnée n’est également pas admise à siéger au sein du comité désigné à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.
La parole est à M. Didier Rambaud.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° 84 rectifié.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud et les membres du groupe La République En Marche, et ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne sanctionnée n’est pas admise à siéger au sein de la commission des infractions fiscales prévue à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.
Veuillez poursuivre, monsieur Rambaud.
Les amendements n° 83 rectifié et 84 rectifié visent à interdire aux avocats condamnés au titre de l’article 7 de siéger au sein, respectivement, du comité de l’abus de droit fiscal, dont le rôle est extrêmement important, et de la commission des infractions fiscales.
Interdire la participation de tiers ayant fait l’objet d’une sanction au comité de l’abus de droit fiscal paraît une mesure de bon sens.
Cette mesure d’interdiction semble un peu plus théorique concernant la commission des infractions fiscales, composée pour partie de personnalités qualifiées désignées pour moitié par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et, pour le reste, de magistrats. J’ignore si les magistrats de la Cour des comptes donnent des conseils en matière de montages frauduleux… Peut-être les services fiscaux ont-ils des noms à nous donner, ce qui nous intéresserait beaucoup !
Avis favorable.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 43 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ladite mise en demeure est contresignée par le directeur de l’organisme ou de la caisse.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Par cet amendement, nous proposons que la mise en demeure notifiant la pénalité soit contresignée par le directeur de l’organisme ou de la caisse lui-même, et non pas seulement par l’agent qui fait le contrôle et qui sanctionne. Ce contreseing est spécifié dans le code général des impôts ou dans le code de la sécurité sociale pour certaines infractions.
La commission m’a objecté que cette spécification n’était pas nécessaire dans la mesure où c’est le directeur de l’organisme ou de la caisse lui-même qui est l’auteur de la notification. Or, dans d’autres cas d’espèce, ce contreseing est prévu quand bien même le directeur est aussi l’auteur de la notification. Mais ma proposition ne paraît pas démesurée, compte tenu du caractère très grave de la sanction prévue à cet article.
L’alinéa 22 de l’article 7, dans sa rédaction issue des travaux de la commission, dispose bien : « Le directeur de l’organisme de recouvrement ou de la caisse de mutualité sociale agricole lésée notifie les faits reprochés à la personne en cause ». Il peut toujours se contresigner lui-même, mais cela ne paraît pas très utile…
Pour « notifier », il faut « signer » !
La commission sollicite le retrait de cet amendement.
Même avis.
La notification de la pénalité à l’intéressé, décision de l’organisme, est prévue par voie de mise en demeure. Or cette décision est signée systématiquement par le directeur de l’organisme.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement.
L’amendement n° 43 rectifié est retiré.
L’amendement n° 112, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Remplacer la seconde occurrence du mot :
le
par les mots :
à compter du
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 7 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741-… ainsi rédigé :
« Art. 1741 -… – L’incitation à la fraude fiscale est le fait, pour toute personne physique ou morale, de concourir intentionnellement et à titre onéreux à :
« a) L’incitation, par voie publicitaire ou par voie de démarchage, la complicité ou la participation pour le compte d’un tiers, à la réalisation des faits mentionnés à l’article 1741, ou à la réalisation de schémas d’optimisation fiscale ;
« b) L’ouverture pour le compte d’un tiers d’un compte bancaire dans un pays signalé comme un site d’évasion fiscale par une organisation internationale dans laquelle siège la France.
« Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 500 000 €. La tentative des infractions prévues par le présent article est punie des mêmes peines. Toute personne condamnée en application des dispositions du présent article peut être privée des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues à l’article 131-26 du code pénal. La juridiction peut, en outre, ordonner l’affichage de la décision prononcée et la diffusion de celle-ci dans les conditions prévues aux articles 131-35 ou 131-39 du code pénal. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
L’amendement n° 58 rectifié bis, présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Guillemot et Van Heghe, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie, est ainsi libellé :
Après l’article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1741 du code général des impôts, il est inséré un article 1741-… ainsi rédigé :
« Art. 1741 -… – Quiconque incite, soustrait ou tente de soustraire frauduleusement un contribuable à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés au présent code, notamment par la voie de la promotion ou de l’offre de montages frauduleux, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’une amende de 500 000 € et d’un emprisonnement de cinq ans. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Aujourd’hui, seule la notion de complicité permet de poursuivre pénalement les intermédiaires impliqués dans une fraude fiscale avérée. Cette notion nous semble donc limitée. Un rapport sénatorial préconisait de créer un délit spécifique d’incitation à la fraude fiscale comportant notamment la répression du démarchage et de la publicité pour des dispositifs d’évasion fiscale.
Il est important, selon nous, de ne pas rester uniquement dans le champ de la complicité. Il serait bien que ces intermédiaires qui démarchent ou accompagnent de nombreuses entreprises puissent être poursuivis pour un délit en propre.
La commission partage l’intention des auteurs de ces amendements, mais considère que le droit en vigueur, sous diverses qualifications juridiques, permet d’ores et déjà de poursuivre ces comportements d’incitation à la fraude fiscale : je pense d’abord au démarchage abusif – j’ai notamment à l’esprit le nom d’une fameuse banque dont le nom commence par un U et se termine par un S, qui passera bientôt en jugement –, au délit de fraude fiscale en bande organisée, délit créé par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui prévoit des peines assez lourdes – 3 millions d’euros d’amende et sept ans d’emprisonnement –, au délit de complicité de fraude fiscale prévu à l’article 1742 du code général des impôts.
Cet arsenal juridique permet d’ores et déjà de réprimer les comportements d’incitation à la fraude fiscale ; il ne nous paraît donc pas utile de l’élargir.
Avis défavorable sur ces deux amendements.
Pour faire écho à ce que vient de dire M. le rapporteur, je rappelle que le Gouvernement partage évidemment les mêmes préoccupations et veut lutter contre ceux qui incitent à la fraude fiscale en commercialisant des schémas abusifs ou en en faisant la promotion. À cet effet, il a souhaité prévoir une sanction administrative contre des tiers, afin de compléter le droit en vigueur, qui permet, à l’occasion de l’exercice de poursuites pénales contre un contribuable, de poursuivre le tiers complice.
Ces instigateurs qui encouragent ou permettent la fraude encourent donc déjà, de ce fait, des sanctions pénales identiques à celles qui sont prévues aux présents amendements, voire supérieures en cas de circonstances aggravantes. Ces amendements ne sont par conséquent pas utiles, car la législation pénale existante permet de poursuivre et de sanctionner ces personnes.
En revanche, l’article 7 du projet de loi complète le dispositif d’une sanction administrative qui vise la mise à disposition par les professionnels de schémas ou de montages frauduleux destinés à être mis en œuvre par leurs clients, dans le cas de manquements graves et caractérisés.
Le Gouvernement sollicite le retrait de ces amendements ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Nous partageons tous les mêmes objectifs. Les dispositions prévues à ces amendements sont les mêmes que celles qui avaient été avancées par une commission d’enquête sénatoriale en 2012. Depuis lors, les moyens se sont extrêmement développés, notamment grâce à internet. Je comprends que ces amendements soient superfétatoires, mais j’ai tout de même une question à poser, même si j’ignore s’il vous sera possible d’y répondre : combien de poursuites ont été engagées pour incitation à la fraude fiscale ? Si vous recherchez sur internet les termes « optimisation fiscale » – laquelle, évidemment, ne constitue pas un délit –, vous allez immédiatement tomber sur des cabinets formulant une flopée de propositions de fraude fiscale.
Je le répète, les moyens proposés par les auteurs de ces amendements ne sont peut-être pas bons, mais, monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous citer le cas de personnes ayant déjà été poursuivies pour incitation à la fraude fiscale, et dans quelles conditions ?
Comme d’habitude, ce n’est peut-être pas le bon amendement, ni le bon endroit, ni le bon jour, ni la bonne heure, mais il n’empêche que l’incitation à la fraude fiscale pose quand même problème.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le mot : « applicables, », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « à 3 000 000 € et sept ans d’emprisonnement » sont remplacés par les mots : « à sept ans d’emprisonnement et à une amende de 3 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, ».
L’amendement n° 74, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
…° Après le neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut également faire l’objet d’une interdiction de gérer au sens de l’article L. 249-1 du code de commerce. »
La parole est à Mme Céline Brulin.
Mme Céline Brulin. Dans son mémoire d’analyse du présent projet de loi, le Syndicat de la magistrature fait part de quelques observations quant au contenu de l’article 8 qui, d’une certaine manière, légitiment l’amendement que nous avons déposé, au-delà des défauts éventuels de ce denier – vous connaissez notre modestie, mes chers collègues !
Sourires.
Le taux maximal de l’amende encourue, actuellement 500 000 euros pour le délit de fraude fiscale simple – 2, 5 millions d’euros pour les personnes morales – et 3 millions d’euros pour le délit de fraude fiscale aggravée – 15 millions d’euros pour les personnes morales –, pourrait désormais être porté au double du montant des sommes fraudées.
Ce maximum légal alternatif paraît proportionné et justifié et n’appelle pas forcément d’observation en lui-même. Mais la moyenne des enjeux financiers des dossiers soumis à la justice pénale par l’administration fiscale s’établissant autour de 300 000 euros et le verrou de Bercy bloquant toute possibilité pour la justice de se saisir elle-même d’autres procédures plus importantes, la hausse prévue par le projet de loi n’aura qu’un impact finalement très limité.
Le Syndicat de la magistrature relève d’ailleurs que le taux maximal actuel n’est en vigueur que depuis moins de six mois et qu’il est déjà proposé une nouvelle augmentation qui peut finalement apparaître comme soit de l’amateurisme, soit une opération de communication instrumentalisant la loi pénale dans le seul but de multiplier les effets d’annonce pour surjouer une certaine fermeté, mais qui n’aura finalement pas la moindre application concrète.
Nous vous proposons donc, ce qui nous semble plus efficace, d’ajouter la possibilité d’une peine d’interdiction de gérer une entreprise pour les justiciables condamnés pour fraude fiscale.
Ma chère collègue, vous proposez que les personnes condamnées pour fraude fiscale puissent également être condamnées à une interdiction de gérer une entreprise. Votre amendement nous paraît satisfait dans la mesure où l’article 1750 du code général des impôts prévoit déjà qu’une personne condamnée pour fraude fiscale peut faire l’objet d’une interdiction de gérer une entreprise, dans les conditions définies à l’article 131-27 du code pénal, lequel précise que cette interdiction peut être définitive ou temporaire.
La commission des lois sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
Même avis. Comme vient de le rappeler Mme Delattre, l’article 1750 du code général des impôts prévoit déjà cette peine.
D’après ce que je sais, cette interdiction de gérer existe. Cependant, elle trouve difficilement à s’appliquer. Il m’a semblé entendre dire, notamment au cours d’un certain nombre d’audiences qui traitaient de fraude fiscale, que des personnes, bien qu’elles aient été interdites de gestion, géraient quand même une entreprise, en raison d’un problème que rencontre le fichier des interdits de gérer.
Ce fichier, je l’ai vérifié, existe bien, mais j’attire l’attention du Gouvernement sur sa tenue, sur son accessibilité et sur son efficacité. Si, au moment de juger une affaire, une interdiction de gérer est prononcée alors même que la personne au banc des accusés a déjà fait l’objet d’une telle interdiction, ce serait tout de même un peu ubuesque. Le Gouvernement doit procéder à des vérifications.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’article.
Je souhaite prendre la parole sur cet article prévoyant une aggravation des peines en cas de fraude fiscale.
Comme l’a rappelé Mme Brulin, qui a défendu l’amendement n° 74, les peines en la matière ont déjà été aggravées il y a peu. Rarement prononcées, elles s’apparentent plus à des tigres de papier, ce qui ne manque pas de nous conduire à nous interroger sur la façon dont les tribunaux gèrent ces affaires de fraude fiscale ou sur la nature de ces affaires soumises aux tribunaux. Et là, bien entendu, nous en revenons au fameux verrou de Bercy, puisque, selon le ressenti même des juges, la plupart des affaires qui leur sont transmises ne sont pas les plus intéressantes, lesquelles relèvent souvent de la fraude à la TVA, d’insolvabilité, sont le fait de petites entreprises, de gérants qui ne parlent pas français.
Évidemment, si les peines ne sont pas pleinement appliquées comme elles pourraient l’être, dans la plupart des cas, c’est aussi en raison du type d’affaires qui passent devant les tribunaux.
Nous reviendrons sur ce débat lorsque nous aborderons le verrou de Bercy.
Nous ne nous opposerons pas à l’aggravation des peines en cas de fraude fiscale, laquelle doit être traitée avec gravité et requiert des peines importantes. Je souhaitais cependant attirer l’attention de notre assemblée sur ce point.
L ’ article 8 est adopté.
Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je salue la présence parmi nous de Mme Cathy Apourceau-Poly, devenue sénatrice du Pas-de-Calais le 1er juillet dernier, en remplacement de M. Dominique Watrin.
Au nom de la Haute Assemblée tout entière, je lui souhaite la bienvenue.
Applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.