Les autres États ne subiront que six des vingt-quatre mesures, et les moins contraignantes. Il convient aussi de rappeler qu’aucun des États figurant sur les listes, française comme européenne, ne constitue en réalité un centre de la finance mondiale, ce qui conduit à relativiser leur portée.
Tout en soutenant les dispositions prévues dans ce projet de loi, la commission des finances a adopté plusieurs amendements visant à renforcer l’efficacité et à garantir la sécurité juridique.
Je pense, par exemple, aux amendements tendant à étendre à la Direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, le volet « utilisateurs », et non seulement le volet « éditeurs », du dispositif de lutte contre les logiciels permissifs prévu à l’article 2. Je pense aussi aux mesures prévues à l’article 4 par la commission concernant les plateformes en ligne, c’est-à-dire à la déclaration des revenus de leurs utilisateurs. Je pense également à réservation de la publicité des sanctions fiscales des personnes morales aux sanctions devenues définitives, proposée par la commission, mais vous avez indiqué, monsieur le ministre, que vous aviez un petit désaccord sur l’article 6. Voilà quelques-uns des apports.
Nous n’avons pas supprimé la création d’une sanction des intermédiaires prévue à l’article 7, mais ce dispositif nous apparaît pour le moins complexe, compte tenu, notamment, des relations entre les conseils et leurs clients. On devrait prévoir a minima que le tiers ne puisse être sanctionné qu’une fois que la décision prise à l’encontre du contribuable est devenue définitive. Mais nous aurons l’occasion d’y revenir.
Au-delà de ces apports aux dispositions proposées par le Gouvernement, la commission des finances a complété le projet de loi, en adoptant dix articles additionnels, qui prévoient, pour certains d’entre eux, des mesures ambitieuses, tel que le rétablissement de la faculté transactionnelle de l’administration fiscale. Mais, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, nous avons souhaité y intégrer deux volets absents de votre projet de loi, qui sont le fruit d’initiatives parlementaires, l’un portant sur ce que l’on appelle communément le verrou de Bercy et l’autre sur la lutte contre la fraude à la TVA sur internet.
La lutte contre la fraude à la TVA sur internet est massive, notamment dans le cadre du commerce en ligne. Nous ne pouvons rester sans rien faire, alors que les pratiques illicites sont connues. J’ai rencontré il y a quelques jours des membres de la direction nationale d’enquêtes fiscales, la DNEF, et ceux-ci m’ont indiqué à quel point cette fraude était massive, y compris sur des plateformes reconnues, où il y a malheureusement un phénomène massif d’évitement de la TVA.
La commission des finances a, vous le savez, institué un régime de responsabilité solidaire des plateformes pour le paiement de la TVA due par les vendeurs qui y exercent leur activité. Monsieur le ministre, je crois profondément à l’utilité de ce dispositif, que nous serons d’ailleurs nombreux à défendre au sein de cet hémicycle.
Permettez-moi de citer à nos collègues qui ont besoin d’être convaincus l’exemple du Royaume-Uni, où un régime similaire a été mis en place et qui porte d’ores et déjà ses fruits : 28 000 vendeurs en ligne hors Union européenne sont aujourd’hui enregistrés, contre seulement 1 600 en 2016. Ce dispositif a apporté 220 millions de livres sterling de recettes supplémentaires. Dans le même temps, en France, seules 3 000 sociétés sont enregistrées, qui ont fait l’objet de dix-huit contrôles, avec 2 millions d’euros de droits et pénalités notifiés et moins de 500 000 euros effectivement recouvrés !
On ne peut effectivement pas demander à un contrôleur d’être derrière chaque plateforme ni derrière chaque acheteur en ligne, mais le meilleur moyen est d’instaurer un régime de responsabilité solidaire des plateformes. L’exemple du Royaume-Uni témoigne de l’utilité de ce dispositif, que je demande à mes collègues de soutenir.
La commission des finances a également complété ce dispositif par la possibilité de prélever la TVA au moment de la transaction. Elle a également proposé la mise en place d’un abattement forfaitaire de 3 000 euros sur les revenus perçus. Ce sont des sujets que vous connaissez bien, puisque nous en parlons systématiquement lors de l’examen de tous les projets de loi de finances, où ces amendements sont très largement adoptés par le Sénat.
Enfin, dans la minute qui me reste, je dirai un mot sur le fameux verrou de Bercy, c’est-à-dire la procédure applicable aux poursuites pénales pour fraude fiscale.
Pour en avoir le cœur net, j’ai demandé à rencontrer, avec le président de la commission des finances, les services du contrôle fiscal – je suis allé voir trois grandes directions d’enquêtes fiscales. Nous avons constaté que l’administration fait efficacement son travail pour recouvrer le mieux possible les sommes dues à l’État et pour appliquer des pénalités lorsque celles-ci sont de droit. Cela, on ne peut le remettre en cause. Pour autant, nous constatons collectivement que la procédure actuellement applicable est, à juste titre, critiquée, notamment parce qu’elle repose sur des critères prévus dans de simples circulaires parfois peu explicites.
Sur mon initiative, la commission des finances a donc supprimé la procédure dite « du verrou de Bercy » et adopté un nouveau dispositif, en nous inspirant de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui, dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité importantes, a posé le principe suivant : le cumul entre une sanction administrative et une sanction pénale doit être réservé aux cas les plus graves. Et le Conseil constitutionnel a énuméré un certain nombre d’éléments prouvant la gravité des faits.
C’est pourquoi nous proposons l’instauration d’une transmission obligatoire au parquet des cas les plus graves, selon trois critères : des pénalités d’au moins 80 % ; un montant significatif des droits éludés – le Conseil constitutionnel le demande également – ; et soit une réitération des faits, ce que l’on pourrait appeler une récidive, soit des comportements aggravants.
L’administration conservera la possibilité – ce point est important –, dans des cas exceptionnels, de ne pas poursuivre le fraudeur, mais elle devra en informer le parquet, qui pourra toujours décider de l’opportunité ou non d’engager des poursuites. Bien sûr, même si les critères ne sont pas remplis, l’administration pourra toujours déposer plainte, pour donner l’exemple, la sanction pénale pouvant avoir une vertu pédagogique.
Le dispositif que nous proposons est, me semble-t-il, équilibré et réaliste, et il permet de faire reposer la décision de poursuite pénale non pas sur une procédure interne, mais sur des critères légaux et objectifs. Cela mettra fin aux fantasmes qui peuvent exister.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le présent projet de loi, tel qu’il est issu des travaux de la commission des finances, amélioré par les travaux de la commission des lois. Nous examinerons au cours des débats un certain nombre d’amendements et de propositions du Gouvernement pour améliorer encore ce texte.