Pour remédier à cette situation, la commission des finances, sur l’initiative de notre rapporteur général, a souhaité que le numéro soit obligatoirement collecté par les plateformes. À défaut, ces dernières doivent être solidaires fiscalement si des vendeurs coupables de fraude à la TVA sont détectés par l’administration et qu’il s’avère qu’aucune mesure n’a été prise par la plateforme.
Ce dispositif est inspiré du système britannique qui a fait ses preuves et qui a permis d’augmenter les recettes de TVA outre-Manche.
L’article 4 quater adopté par la commission des finances reprend également une mesure envisagée par le Royaume-Uni et déjà adoptée au Sénat à plusieurs reprises.
Enfin, notre commission a prévu une solidarité fiscale des filiales françaises des plateformes pour les amendes en cas de non-respect du devoir d’information des utilisateurs quant à leurs obligations fiscales et sociales et en cas de non-transmission au fisc des revenus des utilisateurs, ainsi qu’une solidarité fiscale des filiales françaises des entreprises auxquelles est appliquée l’amende pour manquement au droit de communication non nominatif.
La première mesure a pour objet d’éviter que les grandes plateformes, qui sont pour la plupart situées à l’étranger, ne s’affranchissent des obligations prévues à l’article 4, alors même qu’elles disposent de plusieurs filiales en France.
La seconde mesure vise, de la même façon, à obliger les filiales françaises des plateformes en ligne à transmettre des informations non nominatives à l’administration fiscale en les rendant solidairement responsables du paiement des amendes. Cette obligation d’information incombe, en effet, aux sites en ligne depuis 2015, mais elle est peu appliquée quand ceux-ci ont leur siège dans un pays tiers.
Venons-en maintenant au sujet légendaire du « verrou de Bercy ».
Notre commission des finances a fait des propositions qui, assurément, permettent d’atteindre un équilibre entre la nécessité de l’efficacité et la nécessité de la transparence, reprenant les pistes que j’avais tracées voilà deux mois à cette tribune.
En effet, lorsqu’il y a quelques semaines j’ai rapporté la proposition de loi de notre collègue socialiste Marie-Pierre de la Gontrie renforçant l’efficacité des poursuites contre les auteurs d’infractions financières et supprimant le « verrou de Bercy », j’avais mis en garde contre les conséquences d’un transfert brutal de tous les dossiers de fraude fiscale à l’autorité judiciaire.
Les risques d’engorgement des tribunaux, de perte d’expertise et de perte de confidentialité sont réels. Le temps de l’impôt est le temps de l’économie, qui n’est pas le temps de la justice. Il y a là un risque majeur.
Toutefois, j’avais insisté également sur la nécessité d’encadrer davantage le système afin de le rendre parfaitement transparent et contrôlable. J’avais invité les fonctionnaires de Bercy à ne pas avoir peur de la transparence eu égard à leur probité. Ainsi j’avais prôné, avant le rapport Cariou, que les critères de sélection des dossiers par Bercy et la commission des infractions fiscales, aujourd’hui définis par une circulaire, soient redéfinis par la loi. Tel est l’objet du nouvel article 13, introduit dans ce projet de loi par notre commission des finances.
Ce système de critères transparents, car définis par la loi, entraînerait donc obligatoirement le dépôt par l’administration fiscale d’une plainte pour fraude fiscale auprès du parquet.
Ces critères sont cumulatifs : la fraude devrait porter sur un montant suffisamment élevé qui serait défini par décret en Conseil d’État et entraîner une pénalité possible d’au moins 80 %, avec un comportement du fraudeur d’une gravité particulière – y compris, pourquoi pas, pour les parlementaires –, par exemple la réitération qui serait considérée comme une circonstance aggravante. Sauf exception particulière, l’administration devra aller devant le parquet, qui, comme l’a souligné à juste titre mon collègue Capus, pourra toujours demander à se saisir d’un dossier, même si les deux critères cumulatifs ne sont pas remplis. Ainsi, le parquet reste maître des poursuites.
Cette réforme du « verrou de Bercy » n’est peut-être pas la suppression que vous attendiez, le verrou étant trop souvent fantasmé. En tout état de cause, nous garantissons l’efficacité en matière de recouvrement, ce qui est le plus important.
Les dossiers les plus substantiels seront confiés à l’autorité judiciaire et les dossiers les moins importants pourront faire l’objet d’un traitement plus rapide, la répartition des dossiers étant fondée sur des critères clairs et contrôlés par la représentation nationale.
Pour conclure, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi tel qu’il a été amélioré et enrichi par les travaux de notre Haute Assemblée.