Intervention de Yvon Collin

Réunion du 3 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteur pour avis, chère Nathalie, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la lutte contre la fraude a été déposé devant notre assemblée le 28 mars dernier.

Après le projet de loi pour un État au service d’une société de confiance examiné en début d’année en première lecture, et que nous allons bientôt réexaminer en nouvelle lecture, ce texte se présente comme son pendant répressif, comme cela est clairement expliqué dans l’exposé des motifs : « Si, face à la complexité de notre système de prélèvements fiscaux et sociaux, il peut arriver au contribuable de bonne foi de commettre erreur ou oubli, appelant de l’administration un traitement bienveillant, le fait de se soustraire sciemment à ses obligations contributives doit être poursuivi avec la plus grande efficacité, et sévèrement sanctionné ».

La fraude fiscale coûterait entre 60 et 80 milliards d’euros par an à l’État, soit environ 20 % des recettes fiscales brutes. Ce n’est pas rien ! La fraude la plus importante concerne la TVA. Viennent ensuite l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu. Le taux de fraude à la TVA est élevé dans la plupart des États européens, autour de 50 %, la France se situant dans la moyenne.

Il faudrait ajouter entre 40 et 60 milliards d’euros par an du fait de l’optimisation fiscale agressive, je serais même tenté de dire très agressive. Ces chiffres sont obtenus par extrapolation à partir des cas de fraude identifiés par l’administration fiscale, que cette fraude soit intentionnelle ou non. Ils ne correspondent pas au montant effectivement redressé.

Enfin, la fraude sociale au sens strict – fraude aux prestations et minima sociaux – ou au sens large – fraude au droit du travail, à l’assurance maladie du fait du salarié ou de l’employeur – existe, mais représente des montants nettement inférieurs à ceux de la fraude fiscale, contrairement à ce que l’on imagine généralement. Elle s’élève de quelques centaines de millions à quelques milliards d’euros par an.

Les dispositions du texte concourent à trois objectifs : mieux détecter, mieux appréhender et mieux sanctionner la fraude.

En matière de détection, le projet vise à faciliter l’échange de données entre administrations concourant à la lutte contre les fraudes fiscales, sociales et douanières, et la transmission d’informations par les plateformes d’économie collaborative.

En matière d’appréhension de la fraude, elles renforcent les moyens d’investigation.

Enfin, en matière de sanction, les dispositions complètent et alourdissent l’arsenal existant, notamment dans une logique plus large de publicité – c’est important –, mais aussi par des méthodes inspirées du monde anglo-saxon, comme le name and shame.

Je reviendrai plus précisément sur l’article 1er du projet de loi. La commission des lois, par la voix de sa rapporteur, a décidé de le supprimer, estimant qu’il conduisait à créer un doublon avec les services d’officiers fiscaux judiciaires déjà présents au sein du ministère de l’intérieur. En cela, la commission a suivi l’avis du Conseil d’État qui s’était montré plutôt défavorable à cette mesure.

L’article 2 vise à renforcer les moyens dont disposent les agents des douanes pour lutter contre les logiciels dits « permissifs », conçus pour permettre la fraude et la dissimuler, à l’instar de ceux dont bénéficient déjà les agents de la direction générale des finances publiques.

L’article 3 renforce l’accès à l’information utile à l’accomplissement des missions de contrôle et de recouvrement des agents chargés de la lutte contre la fraude, notamment en ouvrant aux assistants spécialisés de l’autorité judiciaire l’accès aux fichiers de la direction générale des finances publiques.

L’article 4, qui a fait l’objet d’amendements nombreux en commission des finances, précise les obligations fiscales et sociales imposées aux plateformes d’économie collaborative.

Le titre II du projet de loi prévoit un renforcement des sanctions contre la fraude fiscale, sociale et douanière, ce qui en fait le volet le plus répressif de ce texte.

L’article 5 prévoit par défaut l’application de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pour fraude fiscale, aujourd’hui prononcée de manière facultative par le juge répressif.

L’article 6 prévoit la création d’une sanction administrative complémentaire des sanctions financières existantes, consistant à rendre publics les rappels d’impôts et les sanctions administratives pécuniaires dont ils ont été assortis, une fois devenus définitifs.

L’article 7 crée une sanction administrative de 10 000 euros ou, si le montant est supérieur, de 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, exclusive des sanctions pénales, applicable aux personnes qui concourent, par leurs prestations de services, à l’élaboration de montages frauduleux ou abusifs.

L’article 8 aggrave la répression pénale des délits de fraude fiscale en prévoyant que le montant des amendes puisse être porté au double du produit tiré de l’infraction.

L’article 9 vise à ouvrir la faculté au procureur de la République de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le fameux « plaider-coupable », en matière de fraude fiscale.

L’article 10 renforce les sanctions douanières applicables en cas d’injures, de maltraitance ou encore de troubles à l’exercice des fonctions des agents des douanes, ainsi qu’en cas de refus de communication des documents demandés.

Enfin, l’article 11 complète la liste française des États et territoires non coopératifs en matière fiscale afin qu’elle intègre celle qui a été adoptée par l’Union européenne en décembre 2017.

Le texte a été enrichi lors de l’examen en commission de plusieurs dispositions, en particulier l’autorisation de la convention judiciaire d’intérêt public – ou encore transaction pénale – en matière de fraude fiscale, à l’article 9 bis.

À l’article 11 concernant la liste des paradis fiscaux, les membres de la commission des finances ont ajouté avec sagesse la prise en compte de l’échange d’informations et la mention de critère de la liste européenne des paradis fiscaux.

Surtout, le nouvel article 13, au sein d’un nouveau titre nommé « réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale », tend à desserrer le « verrou de Bercy » puisque des dossiers qui rempliront certains critères cumulatifs devront automatiquement être transmis au parquet, qui pourra alors engager des poursuites pénales.

Ces différents sujets, qui sont présents dans le débat public depuis des affaires ayant émaillé le précédent quinquennat, ont déjà été abordés lors de l’examen de la loi de 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et de la loi Sapin II.

Ils résonnent aussi avec l’actualité et les mesures prises à l’échelle internationale, notamment sous l’égide de l’OCDE, avec l’accord multilatéral de 2016 sur l’échange de déclarations pays par pays et, dernièrement, la convention multilatérale de lutte contre l’érosion des bases d’imposition et le transfert de bénéfices, ratifiée par la Haute Assemblée le 19 avril dernier.

Pour l’heure, mon groupe, après une grande discussion, partage évidemment les objectifs de ce projet de loi.

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