Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du 3 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre la fraude — Discussion générale

Gérald Darmanin :

… a une clef.

Cette clef, ce n’est pas la DGFiP. C’est encore moins le ministre des comptes publics : il n’a pas accès aux dossiers fiscaux particuliers, il ne demande pas la transmission des dossiers à la CIF et il n’intervient pas auprès de la CIF pour que ceux-ci soient transmis à la justice !

Définissons les critères – il paraît normal que ce soit le Parlement qui le fasse – et discutons-en ! Sont-ils cumulatifs ? Sont-ils importants ? Garantissent-ils la transmission automatique des dossiers que vous jugeriez les plus importants ?

Je salue le travail considérable réalisé par M. le président de la commission des finances et par M. le rapporteur général qui, plutôt que formuler des slogans, sont venus plusieurs fois contrôler sur place et sur pièces et discuter du sujet avec les « professionnels de la profession », comme dirait Jean-Luc Godard.

Discutons des critères du verrou ! C’est la première fois qu’un gouvernement vous propose d’en juger. La majorité des deux assemblées décidera – c’est le principe même de la démocratie parlementaire – ce qui relève du verrou et quels critères sont cumulatifs.

J’ai moi-même déposé un amendement qui devrait faire écho aux propos des sénatrices et sénateurs, car il vise à compléter l’arsenal prévu par M. le rapporteur de la commission des finances : une personne soumise à l’obligation de faire une déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP, ne doit pas faire l’objet d’une réitération.

Ainsi, au terme de la jurisprudence de la CIF et de la direction générale des finances publiques, au-delà de 100 000 euros – c’était grosso modo le montant qu’elles acceptaient –, et dans le cas de personnalités politiques, par exemple d’anciens membres de gouvernements que vous avez soutenus, nous avons transmis directement les dossiers parce que ceux-ci avaient une valeur d’exemplarité.

Je proposerai, par la voie de cet amendement, de compléter les critères, et l’on verra ce que décidera le Sénat.

Si d’autres critères sont proposés, encore une fois, discutons-en, car c’est la première fois que l’on peut le faire.

À l’occasion de cette grande annonce qui est faite aujourd’hui, il ne faut pas faire un procès au Gouvernement parce qu’il accepte l’amendement du rapporteur et de la commission des finances. Cela ne signifie pas que cet amendement est parfait. Il faut sans doute le perfectionner. Les députés, et notamment Mme Cariou et M. Diard, y travailleront.

Il ne s’agit pas de démagogie. En effet, personne ne peut nier qu’il existe une spécificité française de l’impôt. Ainsi le juge de l’impôt est-il en France le juge administratif, ce qui n’est pas le cas dans nombre d’autres pays. Il est donc normal que soient prévues des sanctions administratives et que le ministre des comptes publics ainsi qu’une grande partie des membres de la commission des finances et des parlementaires souhaitent recouvrer l’impôt.

Il est aussi tout à fait normal qu’à partir d’un certain niveau – c’est ce que dit le Conseil constitutionnel –, nous puissions aller au pénal. Il faut définir quel est ce niveau.

Prenez garde d’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Conseil constitutionnel ne vienne pas censurer les dispositions que vous allez adopter. Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur général, nous devons rester dans le cadre de la jurisprudence constitutionnelle. Nous aurons alors fait œuvre de transparence et d’efficacité, tout en évitant la démagogie. En même temps, nous aurons compris que les temps ont changé et que nous devons être, bien sûr, au rendez-vous de la transparence.

Pour ce qui concerne les plateformes, le sénateur Bascher a évoqué une idée qui lui est chère, tout comme à M. le rapporteur et à M. Woerth à l’Assemblée nationale. C’est l’idée du forfait fiscal.

J’ai fait preuve d’une ouverture d’esprit assez large en présentant l’article 4, en vue d’aller loin dans l’égalité entre l’économie nouvelle et l’économie actuelle – je ne sais comment qualifier celle-ci sans porter de jugement de valeur.

De quel droit, monsieur le sénateur, pourrions-nous prévoir un forfait fiscal, c’est-à-dire une exonération fiscale pour l’économie numérique, qui est la nouvelle économie, alors que pour le même produit ou service issu de l’économie dite « réelle », c’est-à-dire non collaborative, on est fiscalisé. Il faudrait à coup sûr, dans ces cas-là, accepter de prévoir un forfait pour les deux types d’économie.

Dans ces conditions, vous vous asseyez sur une partie des recettes déjà existantes du budget de la Nation. Je suis donc certain que, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, vous aurez à cœur de rééquilibrer les comptes publics.

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