Le Sénat vient d’adopter les articles 4 ter à 4 sexies, dont vous êtes à l’initiative, monsieur le rapporteur.
Au-delà du vote qui vient d’intervenir, le Gouvernement souhaite que les différentes étapes d’examen du texte soient l’occasion d’apporter un certain nombre de précisions.
Nous sommes réservés sur les articles qui viennent d’être adoptés, car les travaux en cours à l’échelon européen, notamment l’adoption du paquet e-commerce, nous paraissent de nature à répondre à beaucoup des préoccupations exprimées par le rapporteur, et ce dès 2021.
La lutte contre la fraude à la TVA en matière de ventes effectuées au profit de particuliers à travers la plateforme d’e-commerce vient de faire l’objet d’une directive, le 5 décembre dernier. Ce dispositif harmonisé nous paraît constituer la réponse pertinente pour s’attaquer au problème de la fraude à la TVA dans le domaine soit des importations de biens à destination de consommateurs finaux, soit des ventes à distance intracommunautaires. Les nouvelles règles garantissent le paiement de la TVA dans l’État membre du consommateur final. Cela permet de consolider la nouvelle approche en matière de perception de la TVA dans l’Union européenne déjà en place pour les prestations de services électroniques et de respecter un engagement central de la stratégie pour un marché unique numérique en Europe.
Par ailleurs, la directive prévoit que les plateformes de marché en ligne devront assumer la responsabilité de la perception de la TVA sur les ventes. J’ajoute que nous demandons aux plateformes de rendre publique et de communiquer sur l’identité des utilisateurs dès 2019 et d’assumer la responsabilité de perception sur les ventes réalisées sur leur plateforme par des sociétés établies dans des pays tiers auprès des consommateurs de l’Union européenne. Cela inclut notamment les ventes de biens déjà stockés par des entreprises de pays tiers dans des entrepôts au sein de l’Union, qui peuvent souvent être utilisés pour vendre frauduleusement des biens en franchise de TVA.
Les nouvelles règles s’imposeront donc aux États membres, et la directive sera impérativement transposée pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2021. La Commission a proposé une révision du règlement relatif à la coopération administrative en matière de TVA, qui contient aussi un certain nombre d’avancées positives de nature à faciliter les échanges entre les États membres, et ce avec le soutien unanime du conseil lors de l’Ecofin du 22 juin 2018.
Dans ces conditions, l’instauration de dispositifs purement nationaux dans le domaine de perception de la TVA sur les opérations d’e-commerce ne nous semble pas souhaitable, ne serait-ce que parce que de tels dispositifs ne seraient pas en conformité avec la directive. Il nous paraît plus efficace de jouer collectif avec l’Union européenne.
En outre, le dispositif mis à la discussion nous paraît moins opportun et moins robuste que la solution retenue par la directive e-commerce. Celle-ci rend redevable de la taxe la plateforme qui facilite les ventes au sein de l’Union, qu’il s’agisse de ventes réalisées par des non établis en Europe ou, plus largement, de toute livraison de biens importés d’une valeur intrinsèque de moins de 150 euros.
Contrairement à la directive, le dispositif ne s’applique qu’à certaines plateformes, en l’occurrence celles qui ont plus de 5 millions de visiteurs par mois. Cela nous semble en réduire la portée.
Par ailleurs, vous proposez un dispositif qui repose sur l’existence de présomption du non-respect des obligations par un redevable de la TVA, qui peut être établi non seulement en France, mais aussi n’importe où dans le monde. Nous pensons que cette exigence peut rendre le dispositif potentiellement peu efficace, voire inefficace lorsque la plateforme et le vendeur sont hors Union européenne. Et nous craignons également qu’il ne soit peu lisible, la notion de présomption n’étant pas définie.
Sur le plan de la gestion fiscale, la mise en œuvre d’une telle procédure nous paraît extrêmement complexe au 1er janvier 2019, qu’il s’agisse de la détection des plateformes concernées par le dispositif ou de la détection des utilisateurs de ladite plateforme.
En conclusion, les travaux menés à l’échelon européen nous paraissent plus opportuns et plus efficaces que les dispositifs adoptés par la commission. Par conséquent, à ce stade du débat, nous tenions à exprimer les grandes réserves du Gouvernement sur ces articles et notre volonté de continuer à travailler sur le sujet dans le cadre de la navette.