Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 3 juillet 2018 à 21h30
Lutte contre la fraude — Article 9

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Voici maintenant que nous parvient, à ce stade de l’examen de ce texte, le « plaider-coupable », comme une sorte de précaution à prendre avant la disparition de plus en plus probable du verrou de Bercy et la banalisation de la procédure pénale en matière de délinquance financière, notamment de fraude fiscale.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, familièrement dénommée « plaider-coupable », a été instituée en droit français par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Dans le cadre de cette procédure, la personne qui reconnaît le principe de sa culpabilité se voit proposer une peine par le procureur de la République. Si elle accepte cette peine, celle-ci devient exécutoire après homologation par un magistrat du siège. Cette procédure, dans laquelle les faits ne sont examinés que de manière très superficielle et dont la publicité est limitée à une fenêtre de quelques minutes au cours de laquelle le fond n’est pas abordé, ne constitue qu’un mode dégradé de gestion productiviste des flux dans un contexte de pénurie de moyens matériels et humains.

Le législateur de 2004 avait expressément interdit le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les délits prévus par des lois spéciales, cette disposition visant à titre principal et spécifique le délit de fraude fiscale.

Il avait en effet été considéré avec raison que l’exemplarité attachée aux poursuites pénales de ce chef était incompatible avec une procédure dont les principales caractéristiques sont la superficialité et la discrétion.

En application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel précisant les conditions du cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales, la justice ne peut connaître que des faits de fraude fiscale présentant une toute particulière gravité en raison des montants fraudés, du mode opératoire adopté ou de la qualité particulière du fraudeur. Autrement dit, s’il existe un domaine du droit où l’on ne peut mettre en œuvre le plaider-coupable, c’est bien celui de la fraude fiscale !

Quel est l’objectif de l’article 9 ? Dans les faits, essentiellement dispenser un certain nombre de justiciables a priori jouissant d’une assez bonne réputation de se retrouver confrontés aux tourments d’une justice qui viendrait à s’appliquer dans toute sa rigueur et, ne l’oublions pas, toute son équité.

Le plaider-coupable, c’est tout de même l’arme confiée au fort pour être mieux traité que le faible devant les tribunaux !

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