La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.
La séance est reprise.
Nous reprenons l’examen, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre II, à l’article 9.
TITRE II
RENFORCEMENT DES SANCTIONS DE LA FRAUDE FISCALE, SOCIALE ET DOUANIÈRE
I. – Après le mot : « involontaires », la fin de l’article 495-16 du code de procédure pénale est ainsi rédigée : « ou de délits politiques. »
II. – Au premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale, la référence : « n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles » est remplacée par la référence : « n° …. du …. relative à la lutte contre la fraude ».
L’amendement n° 3, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Bocquet.
Voici maintenant que nous parvient, à ce stade de l’examen de ce texte, le « plaider-coupable », comme une sorte de précaution à prendre avant la disparition de plus en plus probable du verrou de Bercy et la banalisation de la procédure pénale en matière de délinquance financière, notamment de fraude fiscale.
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, familièrement dénommée « plaider-coupable », a été instituée en droit français par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Dans le cadre de cette procédure, la personne qui reconnaît le principe de sa culpabilité se voit proposer une peine par le procureur de la République. Si elle accepte cette peine, celle-ci devient exécutoire après homologation par un magistrat du siège. Cette procédure, dans laquelle les faits ne sont examinés que de manière très superficielle et dont la publicité est limitée à une fenêtre de quelques minutes au cours de laquelle le fond n’est pas abordé, ne constitue qu’un mode dégradé de gestion productiviste des flux dans un contexte de pénurie de moyens matériels et humains.
Le législateur de 2004 avait expressément interdit le recours à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pour les délits prévus par des lois spéciales, cette disposition visant à titre principal et spécifique le délit de fraude fiscale.
Il avait en effet été considéré avec raison que l’exemplarité attachée aux poursuites pénales de ce chef était incompatible avec une procédure dont les principales caractéristiques sont la superficialité et la discrétion.
En application de la jurisprudence du Conseil constitutionnel précisant les conditions du cumul des sanctions fiscales et des sanctions pénales, la justice ne peut connaître que des faits de fraude fiscale présentant une toute particulière gravité en raison des montants fraudés, du mode opératoire adopté ou de la qualité particulière du fraudeur. Autrement dit, s’il existe un domaine du droit où l’on ne peut mettre en œuvre le plaider-coupable, c’est bien celui de la fraude fiscale !
Quel est l’objectif de l’article 9 ? Dans les faits, essentiellement dispenser un certain nombre de justiciables a priori jouissant d’une assez bonne réputation de se retrouver confrontés aux tourments d’une justice qui viendrait à s’appliquer dans toute sa rigueur et, ne l’oublions pas, toute son équité.
Le plaider-coupable, c’est tout de même l’arme confiée au fort pour être mieux traité que le faible devant les tribunaux !
Mon cher collègue, vous proposez de supprimer la procédure du plaider-coupable. Or la commission des lois, comme je l’ai rappelé au cours de la discussion générale, est favorable à l’extension à la fraude fiscale de cette procédure. Respectueuse des droits de la défense, celle-ci se déroule sous le contrôle d’un juge et permet d’obtenir une condamnation plus rapide.
Nous sommes favorables à ce type de procédures qui contribuent à désengorger nos tribunaux correctionnels et qui n’ont, bien sûr, rien d’automatique, puisqu’elles sont proposées par le procureur lorsqu’elles sont jugées appropriées pour traiter d’une affaire dans le cadre de la politique pénale définie par le Gouvernement.
Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote sur l’article.
Je veux rapidement expliquer la position de mon groupe sur cet article.
La reconnaissance préalable de culpabilité est une disposition très particulière et n’est pas, en soi, extraordinairement satisfaisante. Cependant, elle a trouvé sa place dans l’organisation judiciaire française au fil du temps.
Un mot est très important : « culpabilité ». Nous aurons l’occasion de dire tout à l’heure ce que nous pensons de la convention judiciaire d’intérêt public, qui a le défaut de faire l’impasse sur l’étape de reconnaissance de la culpabilité.
Dès lors que cette procédure est ouverte à toute une série d’infractions, il n’y a pas de raison d’en exclure la fraude fiscale. En dépit de son caractère très particulier, nous y sommes finalement favorables, dès lors qu’il y a reconnaissance de culpabilité.
L ’ article 9 est adopté.
Au premier alinéa du I de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale, les mots : « le blanchiment des infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes, à l’exclusion de celles prévues aux mêmes articles 1741 et 1743 » sont remplacés par les mots : « les infractions prévues aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, ainsi que pour des infractions connexes ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 63 est présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 85 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe La République En Marche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour présenter l’amendement n° 63.
J’en parlais à l’instant, la commission des lois a souhaité élargir le champ de la convention judiciaire d’intérêt public, ou CJIP, dispositif introduit par la loi Sapin II et qui est entré en vigueur il y a un an.
La particularité de la convention judiciaire d’intérêt public, c’est la transaction. La partie poursuivante, à savoir le parquet, et l’auteur de l’infraction se mettent d’accord sur une sanction, ce qui signifie l’absence de toute reconnaissance et de tout prononcé de culpabilité, de toute inscription au casier judiciaire et, ce n’est pas anodin, d’empêchement d’accéder aux marchés publics.
Indépendamment du montant de la transaction qui peut être opérée – on connaît deux cas à ce jour de mise en œuvre de la CJIP –, certains principes sont affaiblis, ce qui pourrait donner le sentiment, quoi qu’on en dise, d’une justice qui ne serait pas la même pour tous.
Depuis le début de ce débat, il est beaucoup question de name and shame, de connaissance des responsables, de la nécessité pour les auteurs d’infraction de reconnaître leur culpabilité. Or cette procédure va à rebours de cela.
Par conséquent, nous sommes défavorables à l’extension souhaitée par la commission des lois de la faculté pour le parquet ou pour une partie poursuivie de conclure une convention judiciaire d’intérêt public.
Nous avons déposé cet amendement de suppression pour avoir un débat sur l’opportunité d’une telle mesure.
La commission des lois a adopté un amendement qui autorise la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public en matière de fraude fiscale.
Lors des réflexions préparatoires à la loi du 9 décembre 2016, l’application de cette convention à l’infraction de fraude fiscale a été écartée en raison de son particularisme procédural.
Outre le fait que sa philosophie repose sur la prévention et la détection des comportements infractionnels, la convention judiciaire d’intérêt public ne s’applique qu’aux personnes morales. Si cette convention présente un intérêt, la rédaction actuelle n’apporte pas les garanties suffisantes à sa bonne utilisation : elle doit être un outil pour renforcer la transparence des comportements et sanctions et doit s’inclure dans une réflexion générale de politique pénale en matière fiscale.
De plus, le dispositif proposé pose la question de l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. La convention judiciaire d’intérêt public est mise en œuvre si l’action publique n’est pas encore engagée, donc au stade où il est possible pour l’administration de transiger, en application de l’article L.247 du livre des procédures fiscales.
Enfin, la lutte contre la fraude fiscale nécessite une validation de la culpabilité. Or la convention judiciaire d’intérêt public n’entraîne pas cette déclaration de culpabilité et n’a pas valeur de jugement.
Pour ces raisons, le dispositif tel qu’il est prévu paraît peu opportun.
L’argument principal est que la convention judiciaire d’intérêt public n’emporte pas reconnaissance de culpabilité, ce qui est exact. La CJIP comporte une dimension transactionnelle : il s’agit de trouver un accord plutôt que d’engager des poursuites, moyennant le paiement d’une amende d’intérêt public et la mise en place d’un programme de mise en conformité.
Cet outil, vous l’avez rappelé, ma chère collègue, a été créé par la loi Sapin II, et il est préconisé par les députés Éric Diard et Émilie Cariou dans leur rapport sur le verrou de Bercy. Il ne s’agit aucunement d’un petit arrangement entre amis, puisque ce dispositif est seulement proposé par le procureur. De plus, la conclusion d’une CJIP doit être homologuée par un juge et la convention est publique. Enfin, il est possible de consulter sur internet les conventions que le parquet national financier a conclues, par exemple avec HSBC ou la Société générale, conventions qui ont chaque fois permis de récupérer des amendes de plusieurs centaines de millions d’euros.
Naturellement, l’opportunité de proposer une CJIP sera appréciée au cas par cas par le parquet dans le cadre de la politique pénale définie par le Gouvernement. La convention prend, par exemple, tout son sens lorsqu’une entreprise a changé de dirigeants et que la nouvelle équipe a envie de solder le passé en trouvant un accord sur le règlement d’une affaire ancienne de fraude fiscale, tout en mettant en œuvre un plan de mise en conformité.
C’est pourquoi la commission des lois émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Ces deux amendements visent à étendre la convention judiciaire d’intérêt public au délit de fraude fiscale. Cette convention a pour objet d’imposer à la personne morale mise en cause, en échange du renoncement aux poursuites par le procureur de la République, les obligations suivantes : verser une amende transactionnelle dite d’intérêt public, se soumettre à un plan de prévention de la corruption et réparer les dommages causés par l’infraction.
Créée par la loi du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, la convention susdite constitue un mécanisme transactionnel permettant un traitement efficace et rapide des procédures ouvertes pour les faits de corruption, de trafic d’influence et de blanchiment de fraude fiscale, initialement élaboré pour les infractions d’atteinte à la probité.
La nouvelle extension aux faits de fraude fiscale emporte deux conséquences.
D’une part, elle permet de contourner le verrou, puisqu’il s’agit d’une forme de transaction judiciaire qui ne constitue pas une poursuite.
D’autre part, en l’absence de jugement de condamnation, la répression pénale est susceptible de perdre toute sa spécificité, puisqu’elle se rapprocherait du mode de règlement transactionnel effectué par l’administration fiscale. Il pourrait être alors paradoxal de vouloir que l’autorité judiciaire puisse se saisir du dossier de fraude fiscale si c’est pour lui réserver par ailleurs un traitement similaire à celui qui est mis en œuvre par l’administration. Je vous renvoie au débat que nous avons eu tout à l’heure et à celui que nous aurons, je l’imagine, en fin de discussion.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces deux amendements qui tendent à la suppression de cette mesure.
Je ne voterai pas ces deux amendements. Certes, c’est un sujet que j’ai moins étudié que Mme Nathalie Delattre, mais lorsque nous avons auditionné Mme Houlette, celle-ci nous a montré l’intérêt de la convention judiciaire d’intérêt public. Il serait assez paradoxal de prévoir cette possibilité pour le blanchiment de fraude fiscale, qui est effectivement une infraction un peu connexe, et de ne pas l’autoriser pour la fraude fiscale elle-même. C’est assez étonnant.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 9 bis est adopté.
Mes chers collègues, je vous rappelle que, à la demande de la commission des finances, l’article 9 ter est réservé jusqu’après l’examen de l’article 13.
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° L’article 413 bis est ainsi rédigé :
« Art. 413 bis. – Est passible d’une amende de 3 000 € :
« 1° Toute infraction aux dispositions du a du 1 de l’article 53 ;
« 2° Tout refus de communication des documents et renseignements demandés par les agents des douanes dans l’exercice du droit de communication prévu à l’article 65 ou tout comportement faisant obstacle à la communication. Cette amende s’applique par demande, dès lors que tout ou partie des documents ou renseignements sollicités ne sont pas communiqués. Une amende de même montant est applicable en cas d’absence de tenue de ces documents ou de leur destruction avant les délais prescrits.
« L’amende n’est pas applicable en cas de refus de communication au titre du i du 1° du même article 65 ;
« 3° Toute infraction aux dispositions du b de l’article 69, de l’article 71, du 1 de l’article 87 et du 2 de l’article 117. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 431 :
a) Les mots : « aux articles 65 et 92 ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à l’article 65, à l’exclusion du i du 1° » ;
b) Le montant : « 1, 50 euro » est remplacé par le montant : « 150 € ».
II. – 1° Le I est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
2° À Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie l’amende prévue à l’article 413 bis du code des douanes et l’astreinte prévue à l’article 431 du même code sont prononcées en monnaie locale compte tenu de la contrevaleur dans cette monnaie de l’euro. –
Adopté.
L’amendement n° 116, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 575 F du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 575 F. – Est réputée détenir des tabacs manufacturés à des fins commerciales au sens du 4° du 1 du I de l’article 302 D toute personne qui transporte dans un moyen de transport individuel affecté au transport de personnes plus de :
« - huit cents cigarettes ;
« - quatre cents cigarillos, c’est-à-dire de cigares d’un poids maximal de trois grammes par pièce ;
« - deux cents cigares, autres que les cigarillos ;
« - un kilogramme de tabac à fumer.
« Les dispositions de l’alinéa précédent s’appliquent également à toute personne qui transporte ces quantités à bord d’un moyen de transport collectif. »
La parole est à M. le ministre.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 117, qui porte sur les sanctions.
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 117, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 1791 ter du code général des impôts, les montants : « 500 € à 2 500 € » sont remplacés par les montants : « 1 000 € à 5 000 € ».
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
Il s’agit, comme cela a été évoqué lors de la discussion générale, de la stratégie du Gouvernement de lutte contre la fraude, particulièrement contre la contrebande, la contrefaçon et la vente de tabac en dehors du réseau des buralistes. Nous examinerons tout à l’heure avec intérêt les amendements de MM. Grand, Daudigny et Bocquet.
L’idée est de rappeler le dispositif prévu par la circulaire, laquelle a été assez peu appliquée jusqu’à présent en raison de la volonté assez compréhensible de la direction générale des douanes d’intervenir seulement sur les cas les plus flagrants.
Nous avons souhaité faire figurer dans la loi, afin que la représentation nationale ne l’ignore pas, le nombre maximal de paquets de cigarettes, de cigarillos ou de cigares que les particuliers peuvent transporter.
Il s’agit donc d’indiquer dans la loi les seuils minimaux retenus par la directive européenne pour les pays de l’Union européenne et ceux qui se trouvent hors de celle-ci. Cela signifie, pour les cigarettes, une cartouche pour les personnes qui arriveraient d’un pays extérieur à l’Union européenne et quatre pour celles qui sont dans l’Union.
Nous avons ainsi donné la consigne, à partir de ce mois de juillet, à la direction générale des douanes de faire intervenir avec force les agents des douanes sur le terrain. En effet, il faut lutter à la fois contre les trafics de grande ampleur, et ce travail est fort bien effectué par la douane, et contre ce petit trafic, parfois industrialisé, via internet, la livraison de petits colis ou les passages de frontières, je l’ai évoqué lors de la discussion générale.
C’est un changement assez fort de la façon dont le ministère de l’action et des comptes publics souhaite organiser la lutte contre la consommation du tabac, notamment vendu en dehors du réseau des buralistes. Nous le devions à ces derniers en contrepartie de l’augmentation du prix du paquet de cigarettes qui ne sera évidemment pas remise en cause par le Gouvernement. Mais la lutte contre cette contrebande doit être beaucoup plus intense.
L’amendement n° 117 tend à doubler le montant des sanctions par rapport à celles qui sont prévues à l’article 1791 ter du code général des impôts pour les faits visés dans l’amendement précédent tendant à insérer un article additionnel après l’article 10 de ce projet de loi.
La commission des finances n’a pas d’avis, puisqu’elle n’a pu examiner ces amendements, qui viennent seulement de nous parvenir.
Après une lecture rapide, on ne peut pas nier que le commerce illicite de tabac soit un problème majeur pour certains buralistes, notamment dans les zones frontalières, qui subissent une concurrence déloyale et pour l’État, qui supporte une perte de recettes. Une série d’amendements proposés par nos collègues Jean-Pierre Grand et Yves Daudigny visent à renforcer les sanctions en la matière.
Les amendements n° 116 et 117 vont dans le bon sens, mais suscitent un certain nombre d’interrogations. La douane aura-t-elle réellement les moyens de contrôler par exemple tous les véhicules suspects ? En tous les cas, l’amendement n° 117, qui tend à augmenter les sanctions, est très bienvenu. L’amendement n° 116 visant l’augmentation des quantités transportées à des fins de consommation personnelle est également une bonne chose, par souci de coordination avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Mais la commission des finances n’ayant pas pu se réunir et faute d’expertise suffisante, elle s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements.
Si des amendements de même nature avaient été déposés par des sénateurs, ils auraient été introduits différemment. Or il me semble qu’il est très important d’insérer les dispositions de ces amendements dans le présent texte. Je vous présente mes excuses pour l’impolitesse commise à l’égard de la commission, mais ces amendements soulèvent peu de questions.
Monsieur le rapporteur, vous vous demandez si les douanes auront les moyens d’effectuer leurs contrôles.
Lorsque les douanes procèdent à des opérations de contrôles sur la route, dans les ports ou les aéroports, elles constatent parfois des consommations personnelles dépassant ce qu’il est normalement convenu d’accepter. Or les agents n’interviennent pas pour des raisons pratiques, par exemple une instruction de la part du ministre par le biais d’une circulaire, ou parce qu’ils s’intéressent à d’autres trafics plus importants.
Le trafic de tabac n’a peut-être pas été jusqu’à présent une grande priorité de la direction générale des douanes, parce que celle-ci est notamment responsable d’une grande partie de la lutte contre les stupéfiants et la contrefaçon.
J’ai donné comme objectif principal la lutte contre le tabac de contrebande et de contrefaçon compte tenu de l’augmentation des tarifs et de la contrepartie que nous devions aux buralistes. Je peux vous assurer, monsieur le rapporteur, que ces dispositions ne changeront pas les pratiques des agents, puisqu’ils pourront saisir la marchandise sans autre forme de procès.
N’ayez aucune inquiétude quant au fonctionnement de ces contrôles, et n’hésitez pas, monsieur le rapporteur, à renouveler vos déplacements. Cela étant, les mesures proposées sont bienvenues pour les buralistes et pour la santé publique.
J’entends les propos et les excuses du ministre qu’il nous demande de bien vouloir accepter pour la présentation tardive de ces deux amendements. Mais je ne peux pas ne pas souligner à quel point cette façon de travailler est inopportune. Ce sujet nécessite un peu de coordination entre nous, car plusieurs commissions sont concernées. Il aurait fallu pouvoir prendre le temps d’interroger quelque expert sur ces questions, alors que ces amendements n’ont même pas été examinés par la commission.
Je vote contre par principe, juste pour une question de méthode.
Je viens moi aussi de prendre connaissance de ces amendements. Effectivement, j’aimerais avoir un peu plus d’explications, notamment pour ce qui concerne les zones frontalières et la concurrence entre les pays de l’Union européenne.
En réalité, j’ai le sentiment que nous sommes face à une sorte de surenchère, car avec la politique qui est menée, les produits illicites, qui représentent 25 % des achats, augmenteront automatiquement, du fait du différentiel existant au sein de l’Union européenne concurrentielle. Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas empêcher par ces méthodes, malgré les douaniers, les règlements et toutes les mesures coercitives que vous voulez prendre, l’explosion du marché noir. Il serait intéressant que vous nous expliquiez la situation à l’égard des autres pays de l’Union européenne.
Monsieur le sénateur, c’est tout le contraire ! Puisque vous m’y invitez, je vais brosser un aperçu de la situation. Notre pays, avec la Grande-Bretagne – mais elle quitte l’Union européenne –, sera celui où le paquet de cigarettes est le plus cher.
Cette différenciation culturelle, si j’ose dire, et nous en sommes fiers, permet de lutter contre le tabagisme. Malgré tout, la France est l’un des pays où l’on fume le moins, même si certaines populations, à la fois régionalisées et situées dans une tranche d’âge donnée, fument plus que d’autres. Et nous connaissons tous, je ne vous fais pas l’article, les affres du tabac sur la santé publique et la dépense sociale.
Jusqu’à présent, tous les gouvernements ont augmenté le prix du tabac, prenant même des mesures coercitives comme le paquet neutre, l’augmentation du prix étant la mesure la plus efficace pour déshabituer les Français du tabac.
Nos concitoyens ont-ils substitué des paquets de contrebande ou de contrefaçon, en raison des augmentations du prix du tabac depuis de nombreuses années, aux paquets de cigarettes achetés chez les buralistes ? Vous évoquez 25 % de tabac vendu en dehors du réseau des buralistes, selon le chiffre – je ne le conteste pas – d’une étude réalisée par un cabinet de conseil à la demande de la Fédération des buralistes. S’il est difficile de définir ce qu’est une fraude, nul ne peut contester que, en l’espèce, elle est importante.
Jusqu’à présent, le ministère de l’action et des comptes publics et le ministère des solidarités et de la santé travaillaient évidemment sur la lutte contre la contrebande et la contrefaçon, mais ils ne l’avaient pas utilisée comme un outil en faveur de la santé publique. J’ai indiqué aux buralistes que, si nous assumions pleinement l’augmentation de fiscalité, en contrepartie, nous avions décidé de déployer beaucoup plus de moyens dans cette lutte.
Oui, les zones frontalières sont problématiques eu égard à la différence de fiscalité. Mais non, ce n’est pas le seul problème. Désormais, une grande partie de la contrebande a lieu en dehors des frontières telles que nous les connaissons physiquement ; elle se fait par internet, le dark web, les réseaux sociaux et les « microentreprises », avec notamment des envois de colis qui se multiplient. Parfois, les réseaux sont beaucoup plus importants, dont ceux de contrebandiers extrêmement structurés et en lien avec le crime organisé, voire avec d’autres réseaux.
Je ne vous exposerai pas les résultats que TRACFIN ou la direction générale des douanes, notamment son service de renseignement, me font l’honneur de me transmettre. Je dirai juste que, parfois, ces réseaux ne se contentent pas d’être criminels, ils peuvent même porter atteinte à la souveraineté de notre pays. Je n’en dirai pas plus.
Il faut lutter à la fois contre la petite et la grande contrebande. La douane a beaucoup travaillé de façon un peu isolée, je partage ce constat avec mon collègue ministre de l’intérieur, sur la grande contrebande de tabac. Elle réalise à cet égard de grandes opérations avec de grands réseaux, peut-être un peu moins nombreuses que celles qui concernent d’autres contrebandes néanmoins, par habitude et en raison de la difficulté à surveiller autant de frontières.
Nous avons décidé, tout d’abord, de renforcer la cellule Cyberdouane, c’est-à-dire des agents qui détectent sur internet, les réseaux sociaux ou le dark web un certain nombre de petites ou de grandes contrefaçons et contrebandes. Ainsi, des opérations ont été couronnées de succès : comme vous l’avez peut-être constaté encore récemment, Le Parisien s’est fait l’écho du démantèlement du deuxième réseau sur le dark web par les douanes et Cyberdouane, et ce grâce à des moyens renforcés.
Nous luttons, ensuite, contre les colis contenant des produits illicites, notamment du tabac, ce qui est parfois le cas, vous le savez, avec la multiplication des ventes par correspondance et de la logistique. Nous avons renforcé le nombre de douaniers dans les centres de tri, qu’il s’agisse du tri postal ou autres, et nous avons recours soit à des chiens spécialisés, soit à des scans particuliers, soit au flair du douanier ou des services du renseignement – tout aussi efficaces.
Bien sûr, les fraudes aux frontières sont les plus usuelles, les plus évidentes.
À la frontière pyrénéenne, on aurait pu penser que la différence de prix du tabac avec l’Espagne et, plus particulièrement, avec Andorre aurait causé une augmentation du trafic de contrebande et une baisse du chiffre d’affaires des buralistes. Ce n’est pas ce que nous constatons depuis le début de l’année, parce que nous avons beaucoup renforcé les contrôles à la frontière andorrane. Je me suis moi-même rendu en Andorre pendant trois jours, afin de rencontrer le Premier ministre andorran, qui s’est engagé à une diminution de la production de cigarettes dans son pays, lequel produit plus de cigarettes que ne le requiert la consommation de ses habitants, sans toucher, en échange, à la fiscalité pour d’autres raisons, j’y reviendrai, les Andorrans étant eux-mêmes affectés par la fiscalité espagnole.
Nous avons une meilleure coordination des services andorrans et français, et nous sommes très efficaces, vous avez pu le constater.
En Italie, les différences de prix sont négligeables ; elles sont en revanche beaucoup plus fortes en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne.
L’amendement n° 117 prévoit le doublement des sanctions pour les personnes qui ont recours à ces trafics du quotidien, parce que les dispositifs existants ne sont pas dissuasifs aujourd’hui. Quant à l’amendement n° 116, il tend à limiter la détention de cartouches à des fins personnelles lors du passage d’une frontière au seuil minimal prévu par la directive européenne.
Par conséquent, ces deux amendements ne sont pas laxistes. Ils visent à lutter au contraire, comme vous l’appelez de vos vœux, contre la contrebande et la contrefaçon.
Je n’ai pas demandé une explication des amendements ! J’ai demandé que le Parlement puisse faire son travail et examiner ces amendements en amont !
Si vous voulez la parole, monsieur le président de la commission des finances, je vous la cède volontiers.
La parole est à M. le rapporteur.
Le ministre a été très complet, presque long diront certains. C’est tout à fait normal, car ma collègue Nathalie Delattre faisait remarquer que ces dispositions permettraient de sanctionner plus sévèrement les « circuits illicites », selon les termes qui figurent dans l’objet de votre amendement n° 116, monsieur le ministre. Cela étant, comme l’a souligné M. le président de la commission des finances, ces amendements ont malheureusement été déposés un peu tardivement.
Je le répète, faute d’expertise dans les délais suffisants, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur des mesures sans doute nécessaires. Peut-être cet avis convaincra-t-il mes collègues, Jean-Pierre Grand notamment, de se rallier à ces amendements, au moins à l’amendement concernant l’augmentation des sanctions qui ne soulève aucune difficulté.
Représentant un département frontalier, les Ardennes, je sais que ce problème n’est pas simple. Je rejoins M. le président de la commission des finances concernant le dépôt tardif de ces amendements, mais je comprends aussi les engagements du Gouvernement.
Monsieur le ministre, la commission des finances, dont je remercie le président, le rapporteur et mes collègues qui en sont membres, s’est rendue à Roissy pour effectuer une visite du service de l’administration des douanes. Nous avons beaucoup appris et avons pris conscience de tout le travail accompli par l’administration des douanes qui dépend de votre ministère. Nous avons pu mesurer le combat mené contre la contrefaçon, et la fraude en général. Concernant le trafic de cigarettes, les départements frontaliers sont très affectés.
En conséquence, je suis l’avis du rapporteur.
Je suis embêté. J’approuve les observations qui ont été formulées par le président de la commission des finances. Le Gouvernement doit comprendre que les conditions dans lesquelles nous travaillons au Sénat ne sont pas optimales pour aboutir à de bons textes.
Par ailleurs, j’ai, en d’autres circonstances, appelé à mieux maîtriser ou sanctionner le commerce illégal de cigarettes, en particulier les achats transfrontaliers et je ne peux qu’approuver totalement, sur le fond, les deux amendements qu’a déposés le Gouvernement sur ce sujet.
J’aimerais bien qu’on arrête de nous enfumer !
Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, cinq minutes d’explication, cela me paraît démesuré par rapport à cette problématique.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Je mets aux voix l’amendement n° 117.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 414 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, la première occurrence du mot : « soit » et les mots : «, soit lorsqu’ils sont commis en bande organisée » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces faits sont punis de vingt ans de réclusion criminelle et l’amende peut atteindre jusqu’à cent fois la valeur de l’objet de la fraude lorsqu’ils sont commis en bande organisée.
« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article. »
II. – Après le 20° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Contrebande de tabac en bande organisée ».
La parole est à M. Yves Daudigny.
Nous l’évoquons depuis un moment, le commerce illicite de tabac, qui nuit gravement à la santé publique – ce n’est pas le sujet aujourd’hui –, représente un manque à gagner considérable pour les recettes de l’État et alimente l’économie grise. À l’échelon mondial, la contrebande et la contrefaçon continuent de représenter une perte fiscale de l’ordre de 10 milliards d’euros.
En 2017, les services douaniers ont saisi 350 tonnes de tabac de contrebande, un niveau record ayant été atteint en 2015 avec 630 tonnes. L’augmentation des saisies douanières ces dix dernières années confirme qu’une intensification des trafics s’opère.
Or plusieurs études ont prouvé que la contrebande de tabac nourrit non seulement la délinquance, mais aussi les mafias, voire le terrorisme. Le rapport de 2015 intitulé Financement du terrorisme : la contrebande et la contrefaçon de cigarettes, publié par le Centre d’analyse du terrorisme, démontre que la contrebande de cigarettes représente plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes, un phénomène qui prend de l’ampleur depuis l’an 2000.
Ces éléments sont confirmés par le rapport Renforcer la lutte contre la contrebande de cigarettes et les autres formes de commerce illicite de produits du tabac de la Commission européenne qui dispose : « La contrebande de cigarettes constitue une source de revenus pour les groupes criminels organisés d’Europe. »
Enfin, le 26 avril dernier, lors de la Conférence de lutte contre le financement de Daech et d’Al-Qaïda, le commissaire européen au budget lui-même, l’Allemand Günther Oettinger, a indiqué qu’il ne fallait pas seulement limiter la contrebande du tabac aux problématiques de santé publique et de fiscalité, mais qu’il fallait considérer que « la contrebande est devenue une source majeure de revenus pour le crime organisé, et même parfois une source de financement du terrorisme ».
Il est donc proposé d’aggraver les peines encourues pour trafic de cigarettes lorsqu’il est commis en bande organisée, et de permettre l’usage de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisée.
L’amendement n° 34 rectifié bis, présenté par MM. Grand, Milon, Bizet et Sol, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Lefèvre, Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Babary, Revet, Bonne, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 414 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, la première occurrence du mot : « soit » et les mots : «, soit lorsqu’ils sont commis en bande organisée » sont supprimés ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Ces faits sont punis de vingt ans de réclusion criminelle et l’amende peut atteindre jusqu’à cent fois la valeur de l’objet de la fraude lorsqu’ils sont commis en bande organisée.
« Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par le présent article. »
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements n° 35 rectifié ter et 36 rectifié ter.
Peut-on examiner un texte relatif à la lutte contre la fraude sans évoquer la lutte contre le trafic de tabac qui entraîne de lourdes pertes fiscales pour l’État et de nombreuses fermetures de bureaux de tabac, commerces de proximité essentiels sur nos territoires ?
Lors de la présentation du bilan des douanes, dont je salue ce soir l’action, le travail et les résultats, vous aviez, monsieur le ministre, fait de la lutte contre le trafic de tabac une priorité du quinquennat. Je vous présente donc plusieurs amendements, dont l’adoption permettra, je l’espère, d’améliorer notre arsenal législatif.
L’amendement n° 34 rectifié bis vise à lutter contre le trafic de tabac en renforçant les sanctions contre ses auteurs.
Aujourd’hui, la peine d’emprisonnement est d’une durée de dix ans et l’amende peut aller jusqu’à dix fois la valeur de l’objet de la fraude lorsque les faits de contrebande, d’importation ou d’exportation portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la moralité ou la sécurité publiques, dont la liste est fixée par arrêté ministériel. Il en est de même lorsque ces faits sont commis en bande organisée : c’est précisément sur ce point que je tiens à insister.
Selon le rapport remis en mars 2015 par le centre d’analyse du terrorisme, « la contrebande […] de cigarettes représent[e] plus de 20 % des sources criminelles de financement des organisations terroristes », et ce phénomène prend de l’ampleur depuis l’an 2000.
Je vous propose donc de durcir les peines encourues pour trafic de cigarettes, lorsque celui-ci est commis en bande organisée, en portant la peine d’emprisonnement à vingt ans de réclusion criminelle et l’amende jusqu’à cent fois la valeur de l’objet de la fraude.
J’en viens aux amendements n° 35 rectifié ter et 36 rectifié ter.
Le commerce illicite de tabac représente un manque à gagner que chacun peut mesurer ; par définition, il échappe complètement aux taxes et alimente l’économie grise.
Avec le paquet neutre et la hausse du prix du tabac, de plus en plus de Français s’approvisionnent à l’étranger ou sur le marché parallèle, au détriment des buralistes, qui sont très fortement touchés.
L’Office européen de lutte antifraude, l’OLAF, précise que la contrebande de tabac entraîne chaque année des pertes importantes pour les budgets des États membres de l’Union européenne et de cette dernière, sous la forme de droits de douane et de taxes éludés.
Les ventes de tabac de contrebande ne respectent aucune règle et représentent un risque considérable pour les consommateurs et les entreprises. Elles nuisent aux campagnes de santé publique et de lutte contre le tabagisme. De surcroît, elles enfreignent les règles strictes que l’Union européenne et les États membres ont fixées quant à la fabrication, à la distribution et à la vente.
Ainsi, la contrebande de cigarettes et des autres produits du tabac est un phénomène mondial, qui, au sein de la seule Union européenne, inflige une perte annuelle de plus de 10 milliards d’euros de recettes fiscales.
Très rentable, facile à mettre en œuvre et peu risqué, le commerce illicite de tabac de contrebande prend sans cesse de l’ampleur. Il constitue un terreau propice à la marginalisation sociale et à la délinquance. Surtout – nous venons de le constater –, il alimente considérablement le terrorisme et le crime organisé, ce qui est tout sauf neutre !
Nous proposons donc de permettre l’usage de la procédure applicable à la criminalité et à la délinquance organisée dans les cas de contrebande de tabac en bande organisée : on étendra ainsi les moyens d’investigation dont disposent les forces de l’ordre.
Dans le même esprit, l’amendement de repli n° 36 rectifié ter tend à exclure de cette procédure les dispositions d’extension de la garde à vue.
L’amendement n° 35 rectifié ter, présenté par MM. Grand, Milon, Bizet et Sol, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Babary, Revet, Bonne, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 20° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Délits de contrebande de tabac commis en bande organisée prévus à l’article 414 du code des douanes. »
L’amendement n° 36 rectifié ter, présenté par MM. Grand, Milon, Bizet et Sol, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Babary, Revet, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 706-73-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Délits de contrebande de tabac commis en bande organisée prévus à l’article 414 du code des douanes. »
Ces amendements ont été précédemment défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
J’ai bien peur que nous ne soyons ici face aux mêmes difficultés qu’au sujet de la fraude fiscale.
On peut certes adopter des mesures d’affichage, en durcissant considérablement les peines ; en portant la durée d’emprisonnement de dix à vingt ans ; en prévoyant l’interdiction du territoire français pour toute personne étrangère coupable du délit de contrebande ou de fraude fiscale ; ou en aggravant les sanctions en cas de crime ou de trafic commis en bande organisée.
Mais, dans la pratique, ces sujets seront-ils une priorité pour la justice ? Malheureusement, je crains que non : la loi est déjà dissuasive et, en la durcissant encore, on risque fort d’être plus dans l’affichage que dans la réalité.
En la matière, nous venons de voter un dispositif qui augmente déjà le montant des amendes et renforce la possibilité, pour les douanes, d’effectuer des saisies, notamment sur les produits transportés par les particuliers. Certes, nous ne disposons pas encore de toute l’expertise nécessaire. Toutefois, la commission demande le retrait de ces quatre amendements au profit des dispositions qui viennent d’être adoptées.
Cela étant – je suis un peu en désaccord avec Éric Bocquet –, nous ne nions pas qu’il s’agit là d’un vrai sujet. Ces trafics infligent une concurrence déloyale aux commerçants, aux buralistes qui payent leurs impôts en France, et, bien entendu, leurs auteurs n’acquittent pas les taxes imposées par notre pays. En résulte donc une perte de recettes pour l’État.
J’entends les arguments de M. Daudigny et de M. Grand. Toutefois, ces dispositions soulèvent, à mon sens, plusieurs difficultés.
Tout d’abord, j’abonde dans le sens de M. le rapporteur : pour ceux qui se livrent à de tels trafics, la peine maximale est aujourd’hui de dix ans et, à ma connaissance, elle n’a jamais été appliquée…
C’est un véritable sujet. Dans ces conditions, pourquoi aggraver la peine ?
Ensuite, nous sommes face à un problème d’efficacité : les sanctions prévues à travers ces amendements relèvent de la cour d’assises. S’ils sont confondus, les trafiquants disposeront donc d’un temps infini avant d’être convoqués. Or, à l’heure actuelle, ils peuvent être jugés en comparution immédiate et condamnés assez rapidement.
Par sa force symbolique, notre débat d’aujourd’hui aura peut-être une portée pédagogique. En entendant les arguments forts invoqués par le Sénat et par l’Assemblée nationale, les trafiquants du monde entier, qui pourraient se livrer, en France, au commerce illicite du tabac, comprendront peut-être qu’ils ne doivent pas agir ainsi…
Je songe à l’exemple andorran, qui a été évoqué il y a quelques instants : ceux qui se livrent à la contrebande de tabac transportent parfois les cartouches de cigarettes sur leur dos à travers les montagnes pyrénéennes. Sauf erreur de ma part, ces personnes lisent trop rarement les comptes rendus des débats parlementaires pour se demander s’ils doivent ou non traverser les Pyrénées, et affronter les difficultés que nous connaissons.
Sourires sur les travées du groupe La République En Marche.
Enfin – permettez-moi de le dire –, rien ne justifie que le trafic de tabac soit plus sévèrement puni que le trafic de drogue : or c’est ce à quoi l’on aboutirait en adoptant ces amendements.
Je demande donc le retrait de ces derniers. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Je rappelle que, par les deux amendements qui viennent d’être adoptés, le Gouvernement multiplie déjà les sanctions par deux.
En revanche, je me permets d’indiquer d’ores et déjà que je serai favorable à l’amendement n° 37 rectifié ter, lequel a pour objet la vente par internet. Certes, sa rédaction n’est pas parfaite ; sans doute n’est-il pas applicable en l’état, mais l’idée qui le sous-tend est la bonne. Nous pourrions modifier le texte de cet amendement à l’Assemblée nationale pour permettre la mise en œuvre de ses dispositions.
Si la Haute Assemblée le permet, peut-être pourrons-nous également dresser, dans six mois, le bilan des dispositions adoptées aujourd’hui et des instructions données par le ministre de l’économie et des finances au directeur général des douanes. Si telle ou telle insuffisance est observée, nous pourrons en tirer les conséquences. De son côté, la justice pourrait nous fournir des éléments d’analyse plus solides quant aux trafics de tabac observés aujourd’hui.
Monsieur Grand, les amendements n° 34 rectifié bis, 35 rectifié ter et 36 rectifié ter sont-ils maintenus ?
Monsieur le ministre, je suis parfaitement conscient que le Gouvernement se préoccupe de ces questions.
Vous l’avez bien compris, à travers ces amendements, nous traitons du trafic en bande organisée, lequel ne se limite pas au tabac. Gardons à l’esprit que ce trafic alimente les caisses du terrorisme, ce qui conduit nécessairement le Parlement à s’interroger.
Cela étant, j’accède à la demande du Gouvernement et je retire mes trois amendements, monsieur le président.
Les amendements n° 34 rectifié bis, 35 rectifié ter et 36 rectifié ter sont retirés.
Monsieur Daudigny, l’amendement n° 41 rectifié est-il maintenu ?
J’insiste : il est nécessaire que les sanctions soient adaptées à ces trafics de tabac qui, loin d’être négligeables, alimentent la grande criminalité et le terrorisme.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si les sanctions proposées peuvent être dissuasives. À mon sens, les dispositions de cet amendement étaient assez complémentaires de celles que vous avez défendues et que le Sénat a votées.
Toutefois, je retire mon amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 41 rectifié est retiré.
L’amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 415 du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’interdiction du territoire français peut être prononcée dans les conditions prévues à l’article 131-30 du code pénal, soit à titre définitif, soit pour une durée maximale de dix ans, à l’encontre de tout étranger coupable de l’une des infractions prévues au présent article. »
La parole est à M. Yves Daudigny.
Avec ces dispositions, nous traitons de nouveau de la lutte contre le commerce illicite de tabac.
Cet amendement a pour objet les dispositifs très ingénieux mis en œuvre par les trafiquants pour rendre la contrebande et la contrefaçon relativement libres d’accès.
Afin de réduire les pertes en cas de détection, les groupes impliqués se livrent de plus en plus à des trafics en petites quantités : ainsi, les cigarettes sont transportées en faibles volumes, mais de manière plus fréquente et régulière, par un ensemble d’itinéraires et de réseaux.
Bien sûr, de tels procédés augmentent potentiellement les coûts du trafic ; mais les quantités transportées atteignent rarement les seuils fixés par les autorités de contrôle. En conséquence, les produits passent sous les radars des forces de l’ordre. Les pertes potentielles s’en trouvent réduites, et les profits dégagés sont améliorés.
S’est ainsi développé le phénomène dit des mules : on désigne par ce terme les passeurs qui multiplient les allers-retours entre les pays, en rapportant à chaque fois de petites quantités de produits à but de contrebande.
Ces trafics cumulés représentent des volumes très importants, dont une grande part provient de l’Algérie.
Les dispositions de cet amendement permettraient aux juridictions répressives de prononcer, à titre principal ou complémentaire, des peines d’interdiction du territoire français en répression de l’infraction de trafic de produits du tabac, pour laquelle elles étaient jusqu’à présent exclues.
Ces peines, comme les précédentes, peuvent sembler élevées. Mais c’est le moyen qui a été trouvé pour mettre un terme aux faits de contrebande précédemment décrits.
Je me suis déjà plus ou moins exprimé sur ce sujet.
Monsieur Daudigny, pensez-vous sérieusement que les tribunaux prononceront, en pareil cas, une peine d’interdiction du territoire français ?
M. le ministre nous indique que les peines de dix ans ne sont pas mises en œuvre : j’ai donc quelques doutes…
À nos yeux, il n’est pas opportun d’étendre une telle sanction à la contrebande de tabac. J’ajoute que cet amendement relève plutôt de la commission des lois : l’échelle des peines ne relève pas nécessairement de la compétence première de la commission des finances.
Je suis sensible à l’argument de M. Daudigny : il est avéré que des personnes étrangères à notre pays, parfois en situation illégale, se livrent à de tels trafics, quelquefois en étant exploitées et manipulées au titre de la contrebande. Mais je suis également sensible à l’argument de M. le rapporteur : ce n’est pas dans un texte relatif à la lutte contre la fraude que l’on peut modifier la proportionnalité des peines.
L’obligation de quitter le territoire est réservée à ceux qui commettent des crimes et délits graves, notamment un trafic de stupéfiants.
Il y a un instant, j’ai fait le parallèle entre le tabac et les stupéfiants. Gardons en tête que le tabac n’est pas un produit interdit, même si la contrebande est prohibée.
J’entends l’avis défavorable émis par M. le rapporteur. Pour ma part, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 37 rectifié ter, présenté par MM. Grand, Milon, Bizet et Sol, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Babary, Revet, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « argent », sont insérés les mots : « et d’achat de tabac » ;
2° À la seconde phrase, après le mot : « jeux », sont insérés les mots : « ou d’achat de tabac ».
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Le marché parallèle du tabac ne cesse de progresser. Il représente désormais plus de 25 % de la consommation en France.
Ce phénomène met en échec les politiques publiques de lutte contre le tabagisme et entraîne la fermeture de très nombreux bureaux de tabac en France.
Le marché parallèle sur internet connaît un essor préoccupant, alors même que la loi interdit la vente et l’achat de tabac en ligne.
Ainsi, le code général des impôts indique que la vente à distance de produits du tabac manufacturé, y compris lorsque l’acquéreur est situé à l’étranger, est interdite en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer. Il en est de même de l’acquisition, de l’introduction en provenance d’un autre État membre de l’Union européenne ou de l’importation en provenance de pays tiers de produits du tabac manufacturé dans le cadre d’une vente à distance.
Sur le modèle de la répression des activités illégales de jeux d’argent, cet amendement tend à imposer aux fournisseurs d’accès à internet de prévoir un dispositif informant de l’illégalité et des risques encourus pour l’achat de tabac sur internet.
À l’origine, la commission était réservée quant à cet amendement.
Sur le fond, il s’agit évidemment d’un véritable sujet. Il y a quelque temps, j’ai eu l’occasion de me rendre auprès de l’administration des douanes, et notamment au sein du service Cyberdouane. De nombreux sites proposent du tabac à prix discount, c’est-à-dire sans taxe. Il s’agit là d’un phénomène massif, et M. Grand a tout à fait raison : pour lutter contre de telles ventes, il faut sans doute prévenir les clients potentiels de ces sites.
Un dispositif analogue existe d’ailleurs pour les jeux en ligne : très concrètement, les fournisseurs d’accès sont tenus d’informer les utilisateurs des risques qu’ils encourent.
Nous nous demandions simplement si ce dispositif était bien à sa place dans ce projet de loi. À nos yeux, il relève plutôt d’un texte pour la confiance dans l’économie numérique.
Cela étant, j’ai bien entendu les arguments de M. le ministre et de Jean-Pierre Grand, insistant sur le caractère massif de cette fraude. J’émets donc un avis de sagesse plutôt positive.
M. le ministre a précédemment émis un avis favorable sur cet amendement.
Tout à fait ! Mais il faudra malgré tout traiter le problème de réécriture…
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 10.
L’amendement n° 38 rectifié ter, présenté par MM. Grand, Milon et Bizet, Mmes Lassarade, Deromedi et Delmont-Koropoulis et MM. Courtial, Frassa, Danesi, Sido, H. Leroy, Chaize, Allizard, Revet, Bonne, J.M. Boyer, Duplomb, Pillet et Mayet, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 575 E bis du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Cet amendement, le dernier de ceux que je présenterai sur ce texte, tend à mettre fin à un trafic franco-français né de la fiscalité réduite applicable en Corse, territoire où les produits du tabac sont en moyenne 25 % moins chers qu’en France continentale.
En vertu de la directive du 21 juin 2011, la France ne pouvait laisser perdurer une telle disparité que jusqu’au 31 décembre 2015 – et nous sommes en 2018 !
Ce sujet relève peut-être du domaine des lois de finances ; mais n’est-il pas temps de mettre fin à ce régime dérogatoire accordé à la Corse depuis le Consulat de Napoléon Bonaparte ?
Cette suppression permettra de lutter contre la fraude. Je pense notamment au trafic constaté en février dernier : on a observé une hausse spectaculaire des commandes de tabac en Corse, à la veille de l’augmentation des prix. Or cette hausse ne s’est pas accompagnée des déclarations obligatoires de stocks par les buralistes corses. Il s’agit là d’une situation discriminante pour les buralistes des autres départements.
Monsieur le ministre, j’appelle également votre attention sur quelques chiffres de santé publique. En la matière, les comparaisons entre la Corse et le continent sont terrifiantes.
En Corse, la surmortalité par cancer du poumon est supérieure à la moyenne nationale de 12 % pour les hommes et de 27 % pour les femmes. Au total, 38 % de jeunes Corses fument quotidiennement, alors que la moyenne nationale s’établit, pour les jeunes, à 32, 4 %.
Voilà pourquoi je tiens à lancer l’alerte. Je n’imagine pas que l’on puisse me donner raison sur cet amendement en dehors des débats budgétaires. Toutefois, je souhaitais, ce soir, poser publiquement la question au Gouvernement !
Mon cher collègue, j’entends tout à fait vos propos.
Toutefois, la commission s’interroge : s’agit-il réellement d’un enjeu de lutte contre la fraude, ou le but est-il de traiter des différentiels de taxes, y compris avec la Corse ? En pareil cas, ce sujet relève du projet de loi de finances, et il faut se pencher sur l’ensemble des dispositifs similaires, par exemple les taux réduits applicables aux carburants.
Nous ne souhaitons pas que l’on commence à prendre de telles mesures, relatives aux taux d’imposition, au titre de ce projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. À cet égard, je réfrène, moi aussi, de nombreuses tentations…
Sourires.
Nous n’entendons pas évacuer le sujet : il s’agit d’une question de fond, …
Monsieur Grand, nous n’allons pas, au titre de ce projet de loi, modifier la fiscalité du tabac en Corse, même si – vous l’avez rappelé –, les chiffres sont très mauvais pour la santé publique.
De plus, la Haute Assemblée, qui s’intéresse de très près au fonctionnement des collectivités territoriales, sait que les recettes de la fiscalité du tabac en Corse sont attribuées, pour partie, à la collectivité territoriale : on ne saurait revenir ainsi sur une partie de la fiscalité affectée à cet échelon.
Même si la question est intéressante et mérite d’être posée, compte tenu des enjeux de santé publique qu’elle soulève, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 38 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mme Boulay-Espéronnier, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 17, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 57 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le transfert de fonctions et de risques par une entreprise établie en France à une entreprise liée au sens du premier alinéa et située hors de France, fait présumer un transfert de bénéfice, lorsque l’entreprise établie en France ne démontre pas qu’elle a bénéficié d’une contrepartie financière équivalente à celle qui aurait été convenue entre des entreprises indépendantes. L’entreprise établie en France fournit les nouvelles modalités de détermination des résultats réalisés par les entreprises parties au transfert, y compris celles établies hors de France. » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « premier, deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « quatre premiers ».
II. – Le I s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2018.
La parole est à Mme Céline Brulin.
Cet amendement vise à reprendre un amendement déposé il y a quelques années par un ancien rapporteur général. À mon sens, il tend à poser une véritable question : celle des transferts d’actifs à effet retard, si l’on peut dire, à savoir l’ensemble des processus qui, au sein d’un groupe donné à base française et à vocation internationale, peuvent conduire à modifier la domiciliation de certains actifs, dont le potentiel de valeur ajoutée peut venir à manquer au moment d’établir la contribution fiscale de l’entreprise en France.
C’est évidemment le cas dès lors que l’on procède à des mouvements sur les éléments matériels du patrimoine de l’entreprise, par exemple, quand on déplace des machines sur un autre lieu de production.
Ces problèmes peuvent également se présenter en cas de circulation d’éléments de l’actif incorporel – à savoir les brevets, le process de fabrication, parfois même le nom commercial de l’entreprise –, dont l’absence va affecter la création de valeur dans l’entreprise de départ.
Combien de nos PME familiales ont connu des fortunes diverses, après avoir été approchées par des investisseurs qui ont récupéré, au fil de leur participation à la transmission de l’entreprise, les meilleurs morceaux de celle-ci – brevets, modes de fabrication, parfois savoir-faire des ouvriers et capacités d’innovation du bureau d’études – jusqu’au dernier moment, celui de la procédure collective de redressement et de liquidation ?
Il s’agit donc de poser une vraie question, qui va bien au-delà, me semble-t-il, du simple respect de la liberté d’entreprendre. Dans un groupe industriel et commercial donné, dès lors que l’on déplace un brevet, les revenus tirés de l’exploitation de ce brevet se déplacent également !
L’article 57 du code général des impôts permet dès à présent d’effectuer un redressement sur les prix de transfert. Mais, évidemment, il appartient à l’administration fiscale d’apporter la preuve.
Or, si l’on votait cet amendement, on créerait une forme de présomption générale de manipulation des prix de transfert dès lors que les groupes réalisent des opérations à l’international. Malheureusement, ou heureusement, ces échanges font partie de la vie des entreprises, notamment pour les groupes qui déploient des activités à l’étranger.
À nos yeux, on ne peut pas introduire une telle présomption de manipulation en cas de transfert des fonctions et des risques hors de France. Des fraudes peuvent exister ; elles sont assez compliquées pour ce qui concerne les prix de transfert. Quoi qu’il en soit, il appartient à l’administration de les établir.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui, de fait, tend à inverser la charge de la preuve.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 1649 AB du code général des impôts, il est inséré un article 1649-… ainsi rédigé :
« Art. 1649 -… – Toute personne élaborant, développant ou commercialisant un schéma d’optimisation fiscale est tenue de porter ce dernier à la connaissance de l’administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d’achat du dispositif.
« Le manquement à cette obligation entraîne l’application de l’amende prévue à l’article 1734.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.
Cet amendement vise à reprendre une proposition formulée il y a déjà quelque temps, dans le cadre des recommandations de la première commission d’enquête sur l’évasion et la fraude fiscales.
En s’inspirant de la législation que le Royaume-Uni a adoptée en 2004 et dont l’efficacité préventive a été démontrée, il s’agit de créer, sous peine d’amende, une obligation, à la charge du promoteur du schéma d’optimisation fiscale – il s’agit la plupart du temps d’un cabinet de conseil – ou, à défaut, de son utilisateur, de communiquer le contenu du montage à l’administration fiscale dès les pourparlers de vente ou d’achat du dispositif.
Une phase expérimentale pourrait consister à permettre aux cabinets d’avocats ou de conseil qui le souhaitent de communiquer à l’administration les montages dont ils connaissent l’existence, mais qu’ils refusent de mettre en place pour leurs clients.
Une telle mesure favoriserait les conseils de pondération, tout en mettant en danger ceux qui proposent des schémas d’optimisation agressifs et litigieux.
Chère collègue, cet amendement sera satisfait sur le fond par la transposition du projet de directive adopté le 25 mai dernier par le conseil des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne.
Ce projet de directive oblige les intermédiaires à déclarer les schémas de planification fiscale qu’ils vendent à leurs clients. Normalement, ces dispositions seront transposées par la France avant le 31 décembre 2019.
De plus, ces dispositions avaient déjà été votées en 2014 par nos collègues députés, et elles avaient à l’époque été censurées par le Conseil constitutionnel : nous n’allons pas prendre ce risque, alors même que, pour une fois, l’Union européenne nous permet d’atteindre précisément le but visé !
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À l’article 238-0 A :
1° Au premier alinéa du 1, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
2° Le 2 est ainsi modifié :
a)
« a) En sont retirés les États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers du 29 octobre 2014 ou ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant d’échanger automatiquement tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties ;
« b) Y sont ajoutés ceux des États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral ou conclu avec la France la convention d’assistance administrative mentionnés au a) dont les stipulations ou la mise en œuvre n’ont pas permis à l’administration d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française, ainsi que les États et territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance administrative permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties et auxquels la France avait proposé, avant le 1er janvier de l’année précédente, la conclusion d’une telle convention ;
« c) En sont retirés les États ou territoires ayant signé l’accord multilatéral mentionné au a) et n’ayant pas conclu avec la France la convention d’assistance administrative mentionnés au a), auxquels la France n’avait pas proposé la conclusion d’une telle convention avant le 1er janvier de l’année précédente, et qui ont obtenu au moins l’évaluation « largement conforme » du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations en matière fiscale, créé par la décision du conseil de l’Organisation de coopération et de développement économiques en date du 17 septembre 2009, en ce qui concerne la norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements. »
b)
3° Après le 2 sont insérés un 2 bis et un 2 ter ainsi rédigés :
« 2 bis Nonobstant le 2, sont inscrits sur la liste mentionnée au 1 les États et territoires, autres que ceux de la République française, figurant à la date de publication de l’arrêté mentionné au même 1 sur l’annexe I, le cas échéant actualisée, relative à la liste de l’Union européenne des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales, des conclusions adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 5 décembre 2017, pour l’un des motifs suivants :
« 1° Ils ne respectent pas le critère 2.2 de l’annexe V des conclusions adoptées par le Conseil de l’Union européenne qui sont mentionnées au 2 bis ;
« 2° Ils ne respectent pas au moins un des autres critères définis à l’annexe V mentionnée au 1° ;
« 2 ter L’arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget modifiant la liste indique le motif qui, en application des 2 et 1° ou 2° du 2 bis, justifie l’ajout ou le retrait d’un État ou territoire. Lorsque l’ajout ou le retrait est effectué en application du 1° ou 2° du 2 bis, l’arrêté précise le ou les critères et sous-critères, au sens de l’annexe V mentionnée au 2 bis, dont l’évaluation a justifié l’ajout ou le retrait de la liste. » ;
4° Au premier alinéa du 3, après la référence : « 2 », est insérée la référence : « et du 2 bis ».
B. – Au dernier alinéa du 5 de l’article 39 terdecies :
1° Après les mots : « non coopératif », sont insérés les mots : « au sens de l’article 238-0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis de ce même article 238-0 A » ;
2° Sont ajoutés les mots : «, sauf si la société de capital-risque apporte la preuve que les opérations de la société établie hors de France dans laquelle est prise la participation correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire non coopératif ».
C. – Le deuxième alinéa du II bis de l’article 125-0 A est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces revenus et produits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ces revenus et produits dans un État ou territoire non coopératif de ce même article 238-0 A ».
D. – Au VI de l’article 182 A bis :
1° Après les mots : « État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A », sont insérés les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-A 0 » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Cette retenue est libératoire de l’impôt sur le revenu et n’est pas remboursable. »
E. – La première phrase du V de l’article 182 A ter est complétée par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que ces avantages ou gains correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
F. – Le III de l’article 182 B est ainsi rédigé :
« III. – Le taux de la retenue est porté à 75 % lorsque les sommes et produits, autres que les salaires, mentionnés au I, sont payés à des personnes domiciliées ou établies dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf si le débiteur apporte la preuve que ces sommes correspondent à des opérations réelles qui ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif. Cette retenue est libératoire de l’impôt sur le revenu et n’est pas remboursable. »
G. – Le premier alinéa de l’article 244 bis est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf s’ils apportent la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces profits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
H. – Le deuxième alinéa de l’article 244 bis B est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A, sauf s’ils apportent la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces profits ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
I. – Au c du 2 de l’article 39 duodecies, au troisième alinéa du 2° du 2 de l’article 119 bis, au premier alinéa du III de l’article 125 A, au d du 6 de l’article 145, au premier alinéa du 3 de l’article 150 ter, au 2 de l’article 187, au premier alinéa du 1 du II et au deuxième alinéa du 4° du 2 du II de l’article 163 quinquies C, au premier alinéa de l’article 163 quinquies C bis, au premier alinéa du a sexies-0 ter du I de l’article 219, et au dernier alinéa du 2 du II de l’article 792-0 bis, après la référence : « 238-0 A », sont insérés les mots : « autre que ceux mentionnés au 2° du 2 bis du même article 238-0 A ».
II. – Le 4° de l’article L. 62 A du livre des procédures fiscales est complété par les mots : « autres que ceux mentionnés au 2° du 2 bis de ce même article, sauf si le redevable apporte la preuve que les opérations auxquelles correspondent ces sommes ont principalement un objet et un effet autres que de permettre leur localisation dans un État ou territoire non coopératif ».
III. – Les I et II s’appliquent à compter du premier jour du deuxième mois qui suit la date de publication de la présente loi.
L’amendement n° 56 rectifié bis, présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Van Heghe et Guillemot, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 238-0 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 238 -0 A. – I. – Sont considérés comme non coopératifs, à la date du 1er janvier 2019, les États et territoires qui répondent à au moins un des quatre critères suivants :
« a) En matière de norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements et de norme de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière d’échange de renseignements à la demande, n’ont pas obtenu l’évaluation “largement conforme” du Forum mondial ;
« b) N’ont pas ratifié ou ne participent pas à la convention multilatérale de l’Organisation de coopération et de développement économiques concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dans sa version modifiée ;
« c) N’ont pas pris l’engagement de respecter et de mettre en œuvre de manière cohérente les normes anti-BEPS minimales adoptées dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« d) Ou permettent l’existence sur leur territoire de régimes fiscaux dommageables tels que définis au V du présent article.
« II. – Les États ou territoires les moins avancés, tels que définis par le Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies, et ne disposant pas de centre financier ne peuvent être considérés comme non coopératifs au sens du I du présent article.
« III. – La liste des États et territoires non coopératifs est fixée annuellement au cours du premier mois de l’année par un arrêté des ministres chargés de l’économie et du budget, après avis du ministre des affaires étrangères.
« Dans le délai d’un mois après la publication de cet arrêté, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’application des critères définis au présent article. Ce rapport détaille notamment les motifs justifiant l’ajout, le maintien ou le retrait d’un État ou d’un territoire de cette liste.
« Ce rapport fait l’objet d’un débat devant les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et des affaires étrangères, dans un délai de deux mois à compter de sa transmission. Il peut également faire l’objet d’un débat en séance publique.
« IV. – Les dispositions du présent code relatives aux États ou territoires non coopératifs s’appliquent à ceux qui sont ajoutés à cette liste, par arrêté pris en application du III du présent article, à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de celui-ci. Elles cessent de s’appliquer à la date de publication de l’arrêté qui les retire de cette liste.
« V. – Est réputé comme dommageable un régime fiscal qui répond à au moins un des sept critères suivants :
« a) Un niveau d’imposition effectif inférieur de plus de la moitié au taux effectif moyen constaté dans l’Union européenne, y compris une imposition nulle, qu’il résulte du taux d’imposition nominal, de la base d’imposition ou de tout autre facteur pertinent ;
« b) Des dispositions ne permettant pas la divulgation de la structure sociétale des personnes morales ou du nom des détenteurs d’actifs ou de droits, ni celle de l’identité de leur bénéficiaire effectif ;
« c) Des mesures fiscales avantageuses réservées aux non-résidents ;
« d) Des mesures facilitant la création de structures ou dispositifs destinés à attirer des bénéfices sans activité économique réelle dans cet État ou territoire ou l’octroi d’avantages fiscaux même en l’absence de toute activité réelle ;
« e) Des incitations fiscales en faveur d’activités qui n’ont pas trait à l’économie locale, de sorte qu’elles n’ont pas d’impact sur l’assiette fiscale nationale ;
« f) Des règles pour la détermination des bénéfices faisant partie d’un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment celles approuvées par l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« g) Des mesures fiscales manquant de transparence, y compris lorsque les dispositions légales sont appliquées de manière moins rigoureuse et d’une façon non transparente au niveau administratif. »
La parole est à M. Patrice Joly.
Mes chers collègues, cet amendement vise à rénover les critères d’identification des États ou territoires non coopératifs plus communément appelés paradis fiscaux.
Tel qu’il est actuellement rédigé, l’article 11 n’est pas à la hauteur des enjeux de l’évitement fiscal, qui, selon les évaluations de la Commission européenne, représente plus de 1 000 milliards d’euros de pertes de recettes à l’échelle de l’Union.
Avec cet amendement, nous proposons de fonder l’action menée à ce titre sur quatre critères objectifs.
Les trois premiers critères ont été publiés et adoptés par le Conseil de l’Union européenne le 5 décembre dernier. Plus ambitieux, le quatrième critère permet de sanctionner les régimes fiscaux dommageables. Il repose sur les conclusions du conseil Ecofin du 1er décembre 1997, en matière de politique fiscale.
En vertu du premier critère, il faut avoir reçu l’évaluation largement conforme du Forum mondial, pour ce qui concerne les échanges d’informations et de données.
Le deuxième critère est la participation aux conventions multilatérales de l’OCDE, pour ce qui concerne l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
Le troisième critère est la mise en œuvre des mesures minimales anti-BEPS, afin de lutter contre l’érosion des bases fiscales et le transfert de bénéfices.
Le quatrième critère est le fait de ne pas avoir mis en place de régime fiscal dommageable. Les cas dont il s’agit sont définis au V de l’amendement, lequel détaille sept hypothèses, correspondant à des pratiques identifiées par l’Union européenne et figurant dans les conclusions du conseil Ecofin évoqué précédemment.
Je ne détaillerai pas ces sept cas, je mentionnerai simplement les principaux éléments : avoir un niveau d’imposition inférieur à la moitié du taux effectif moyen de l’Union européenne ; présenter une absence de transparence quant aux structures et aux bénéficiaires effectifs ; réserver des avantages fiscaux à des non-résidents ; présenter une absence réelle d’activité et de lien avec l’économie locale ; ou encore déterminer des bénéfices des groupes multinationaux non conformes aux standards internationaux, ou instaurer des mesures fiscales manquant de transparence, notamment des pratiques de rescrits abusifs, lesquelles ont été dénoncées récemment.
L’application de ces critères permettrait de dresser une liste correspondant aux pratiques fiscales réelles des États.
En outre, grâce à cet amendement, le Parlement pourrait être associé à l’élaboration de la liste des paradis fiscaux ; il ne suffit pas de fixer des critères, il convient d’en vérifier l’application.
Enfin, une clause de sauvegarde porte sur les pays reconnus comme moins avancés, qui ne disposent pas d’un centre financier : il convient de ne pas les pénaliser.
Monsieur Joly, pour ce qui concerne les listes de territoires non coopératifs, la France fait plus que d’autres pays : nous appliquons à la fois la liste européenne et la liste nationale. Or de nombreux États ne suivent que la liste européenne.
De plus, en détaillant les critères proposés, vous avez évoqué un certain nombre de préoccupations qui me paraissent assez largement satisfaites par la rédaction actuelle de l’article 11.
Je ne relève ainsi que trois différences principales.
La première différence est l’inscription dans la loi des critères de la liste européenne – à mon sens, il ne nous revient pas de procéder à un tel travail, d’autant que ces critères sont susceptibles d’évoluer. Il faut éviter toute rigidité excessive.
La deuxième différence a trait à l’application de l’ensemble des mesures de rétorsion aux États de la liste de l’Union européenne. L’article 11 prévoit une application complète aux seuls États qui favorisent des structures offshore. De votre côté, vous allez un peu plus loin. Mais, à ce stade, l’équilibre de l’article 11 me semble satisfaisant.
La troisième différence est relative à la clause de sauvegarde que vous prévoyez pour les pays qui ne sont pas des centres financiers. Néanmoins, sur ce point, la rédaction de l’article 11 me paraît également satisfaisante.
La commission souhaite que l’on s’en tienne à l’équilibre atteint pour cet article. Sur le fond, vos propositions sont très largement satisfaites par la rédaction élaborée. Je demande donc le retrait de cet amendement.
Au regard des enjeux de la fraude fiscale et des pratiques des paradis fiscaux, il me paraît nécessaire d’être exigeant, car la justice fiscale est nécessaire à la cohésion nationale et communautaire.
Je maintiens donc cet amendement.
Il me semble que nous sommes très en dessous de ce que nous pouvons faire en l’espèce. En tout état de cause, nous sommes en première lecture au Sénat, nous pouvons faire preuve d’un peu d’exigence. L’Assemblée nationale rabotera nos critères si elle le souhaite, mais au moins aurions-nous accompli de bonnes choses.
Je ne vois pas comment nous pourrions nous satisfaire de la situation actuelle, après les scandales que nous avons connus. Je comprends et je respecte la volonté d’équilibre de M. le rapporteur, mais cette liste ne me semble pas suffisante.
Nous pouvons nous permettre d’avoir des exigences supérieures. C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 73, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
…° Avant le 1, il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« … Sont coopératifs les États et territoires dont le droit fiscal n’est défini par aucun des critères suivants :
« - Taux d’imposition nuls ou notoirement inférieurs à la pratique admise et aux recommandations internationales ;
« - Dispositifs de contrôle administratif et judiciaire inexistants ou notoirement insuffisants ;
« - Absence ou ineffectivité de conventions bilatérales fiscales ou portant sur l’échange automatique d’informations ;
« - Existence et promotion d’instruments juridiques facilitant l’opacité des transactions et mouvements financiers. » ;
La parole est à Mme Céline Brulin.
Je fais miens les propos de ma collègue nous invitant à faire preuve d’exigence au cours de cette première lecture au Sénat.
Nous avons voté en faveur de l’amendement présenté à l’instant par nos collègues du groupe socialiste et républicain, mais nous vous proposons d’être encore un peu plus exigeants en définissant, dans une approche positive, les États et territoires coopératifs plutôt que les paradis fiscaux.
Il s’agit des juridictions dans lesquelles les travers des partisans du moins-disant fiscal ne sont pas intégrés au droit, qui ne pratiquent pas, par exemple, des taux d’imposition attractifs pour attirer les investisseurs. D’ailleurs, l’annonce d’un taux d’impôt fédéral à 7, 5 % indique qu’il faudrait sans doute se demander où placer les États-Unis aujourd’hui !
Dans le même ordre d’idée, nous pourrions nous demander où mettre le Luxembourg, où sont domiciliées quelques officines avisées de conseil en gestion pour une clientèle de gros patrimoines aimant la discrétion et d’entreprises à vocation internationale qui n’apprécient guère que leurs activités et placements fassent l’objet d’une trop grande publicité.
Cette transparence est un mal nécessaire. Le combat doit être mené ; il est utile pour que les mentalités évoluent au moins autant que les termes de l’échange entre ce que l’on appelle le Sud et les pays développés, parce que la fraude fiscale est le corollaire du pillage des économies des pays du Sud, de leurs matières premières, de leurs forces vives et de leur potentiel sans cesse gaspillé.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à vous proposer cet amendement, mes chers collègues. Nous ne doutons pas que vous aurez à cœur de le soutenir !
Vous allez être un peu déçue, ma chère collègue !
Je préfère que l’on inscrive dans la loi ce qui est interdit plutôt que ce qui est autorisé. Votre proposition revient à écrire que les États et territoires coopératifs sont ceux qui ne sont pas non coopératifs. C’est une lapalissade. Il est préférable d’écrire ce qu’est un État non coopératif plutôt que l’inverse.
En outre, il y a sans doute – heureusement ! – plus d’États coopératifs. Il reste beaucoup à faire, mais nous pouvons convenir que les choses ont changé et que la situation évolue.
Je ne prétends pas que la fraude fiscale internationale a diminué, parce que nous constatons également un changement de pratiques et une internationalisation qui permet encore à de grands groupes mondiaux d’échapper à l’impôt, mais l’OCDE comme l’Union européenne et la France ont pris des initiatives qui ont conduit à réduire le nombre d’États et territoires non coopératifs.
La loi doit, à mon sens, exclure ce qui est interdit et non expliquer ce qui est autorisé.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 57 rectifié bis est présenté par Mmes Taillé-Polian et Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Van Heghe et Guillemot, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie.
L’amendement n° 72 est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au premier alinéa du 1, les mots : « non membres de la Communauté européenne » sont supprimés ;
La parole est à M. Patrice Joly, pour présenter l’amendement n° 57 rectifié bis.
Cet amendement a pour objet de supprimer l’exclusion des pays européens de la liste française des États et territoires non coopératifs. Nous souhaitons nous interroger collectivement sur l’exclusion de la liste des paradis fiscaux d’États européens tels que les Pays-Bas, l’Irlande ou le Luxembourg.
Ces juridictions ont en effet été évoquées dans divers scandales au cours de ces dernières années. Si l’Union européenne est elle-même en pointe dans la lutte contre l’évasion fiscale, ce n’est pas le cas de tous ses membres. L’existence de pratiques aussi inventives que le « sandwich hollandais » ou les rescrits accordés aux multinationales, comme à Apple par l’Irlande, le démontrent.
Le Parlement européen lui-même, dans son ensemble, a regretté que les États membres de l’Union soient exclus a priori de la liste noire commune établie en décembre 2017.
Par cet amendement, nous appelons donc le Gouvernement à agir résolument auprès de l’Union européenne, afin de mettre fin à ce gâchis massif de ressources.
Rappelons les propos du Président de la République lui-même, dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre dernier : « cette divergence fiscale nourrit une forme de désunion, désagrège nos propres modèles et fragilise toute l’Europe […] On ne peut pas bénéficier de la solidarité européenne et jouer contre les autres. »
Rappelons quelques éléments sur ce sujet. Avec cette liste, qui rassemble les États et territoires non coopératifs, nous sommes dans le champ de la fraude fiscale de haut vol, celle qui traverse les frontières, qui ignore les océans et qui adore les algorithmes.
L’article 11 présente quelques défauts, dont le moindre n’est pas de conditionner l’existence d’une liste noire à une forme d’accord européen, puisque la liste produite par le conseil des ministres des finances aurait plus de sens que celle que le travail de l’administration française a permis d’établir.
Cette difficulté n’est pas secondaire et elle se double du postulat, pour le moins discutable, selon lequel les États et territoires situés en Europe ou contrôlés et gérés par des États membres de l’Union européenne bénéficient d’une sorte de présomption d’innocence quant au respect des recommandations internationales en matière de transparence fiscale.
C’est oublier que l’Europe ne comprend pas que des États et territoires parfaitement coopératifs et libérés de la pression du moins-disant fiscal. L’Europe, c’est, bien sûr, le couple franco-allemand, si souvent célébré, c’est l’Italie, la Pologne, la Slovénie ou la Catalogne, mais c’est aussi Jersey, Guernesey, l’île de Man, l’archipel des Açores, les Canaries, sans parler de Saint-Martin, d’Aruba, de Curaçao, de la Polynésie française, ou encore du Luxembourg, des tax rulings irlandais et de la discrétion des banques autrichiennes.
La Suisse elle-même est libérée, par ces accords, de toute inquiétude, alors que son territoire comprend des cantons qui ont fait de l’optimisation fiscale leur principal atout touristique.
Selon la Banque mondiale, le PIB des îles anglo-normandes s’élève à 11, 5 milliards de dollars, les plaçant en 129e position à l’échelle planétaire, devant des pays comme le sultanat de Brunei, les Bahamas, mais aussi le Mozambique, la République du Congo ou encore le Tchad, l’Arménie et Madagascar, excusez du peu !
Le PIB de l’île de Man atteint 6, 8 milliards de dollars ; il est plus élevé que celui de pays comme la Mauritanie, le Togo ou le Monténégro, et ne voyez aucun mépris dans mes propos pour ces États, mes chers collègues. Aruba est plus riche que le Libéria, le Burundi, la République centrafricaine ou la République du Cap-Vert.
Derrière la façade de l’Union se trouve donc une arrière-cour étrangement peuplée, qui mérite, pour le moins, que nous nous y intéressions.
La fraude fiscale est une matière un peu aride, et je remercie Éric Bocquet de nous faire voyager ce soir vers des endroits plus ou moins agréables !
Ces amendements soulèvent certaines questions. Il est vrai qu’un bon nombre des territoires qui ont été cités ne sont pas exemplaires en matière fiscale, en ce qu’ils pratiquent des taux bas et offrent des services offshore. Faut-il, pour cela, les inscrire sur cette liste ? C’est un vrai sujet.
Toutefois, pratiquent-ils l’échange d’informations ? M. le ministre sera à même d’y répondre plus précisément et de nous dire si, quand l’administration fiscale française interroge ses homologues de Guernesey, de Jersey ou de Chypre, cette coopération est effective. C’est cela qui est intéressant.
La liste ne fait pas tout, nous l’avons vu avec le Panama, qui en avait été sorti contre l’avis du Sénat, avant que la France ne soit contrainte de l’y inscrire de nouveau. Il faut de l’effectivité et M. le ministre nous éclairera à ce sujet : les États membres de l’Union européenne cités répondent-ils aux demandes ou ne le font-ils pas parce qu’ils pratiquent le secret fiscal ? S’il y a échange d’informations, il n’y a pas lieu de les inscrire sur cette liste.
La vraie difficulté, qui me conduit à demander le retrait de ces amendements, réside dans les conséquences de l’inscription sur la liste, notamment la mise en place de taux dissuasifs et de retenues à la source majorées. Ces dispositions sont en effet interdites par les directives européennes qui priment, malheureusement, sur nos lois et sur nos règlements.
Par conséquent l’inscription d’un État de l’Union européenne sur la liste serait sans doute très satisfaisante sur le plan intellectuel, mais elle resterait dépourvue de conséquences concrètes.
C’est pour cette raison que je souhaite entendre le Gouvernement. M. le ministre nous avait d’ailleurs dit au mois de mars dernier qu’il n’était pas défavorable, sur le principe, à une telle inscription, même si celle-ci entraînerait sans doute des difficultés relationnelles avec nos partenaires.
J’ai donc deux réticences envers ces amendements et une interrogation quant au caractère effectif de l’échange d’informations avec ces pays. Pour ces raisons, la commission demande leur retrait ; à défaut, son avis serait défavorable.
Nous faisons face à une difficulté : une fois la liste établie, comment constater que nous ne nous contentons pas de fermer les yeux et de travailler avec des États qui seraient non coopératifs ? Il ressort de nos débats, me semble-t-il, ainsi que des propos de M. le rapporteur, que la liste importe peu, car ce sont parfois les pays qui posent problème.
Dans l’Union européenne, pour le moment, le processus est déclaratif. Il suffit qu’un État affirme se plier à un certain nombre de pratiques que l’Union lui demande de mettre en œuvre pour qu’il sorte de la liste. Dans un an, vous le savez, un constat sera dressé. Des pays qui, après s’être engagés à rentrer dans le droit chemin indiqué par l’Union européenne, feront sans doute l’objet d’un constat négatif et seront inscrits sur la liste.
Il faut donc accepter cette chronologie, qui a été négociée entre les États de l’Union européenne, pour savoir quels pays relèveront d’une liste qui sera peut-être complétée.
En ce qui concerne l’Union européenne, nous pourrions tout à fait inscrire des pays membres sur cette liste, à la condition, comme l’a bien dit M. le rapporteur, qu’il s’agisse d’États avec lesquels nous n’avons pas d’échange de renseignements. Or je suis obligé de vous dire qu’il n’y a pas d’États dans l’Union européenne avec lesquels la France n’entretient pas de tels échanges pour lutter contre la fraude fiscale.
Si cela devait changer, si nous rencontrions de grandes difficultés, voire une absence d’échange d’informations, avec un État membre, je l’ai dit, inscrire celui-ci sur cette liste ne me gênerait pas. Ce pays serait d’ailleurs confronté à un problème très important, puisqu’il se trouverait en dehors des règles que l’Union européenne s’est fixées.
La question se posera peut-être au lendemain du Brexit, lorsque la Grande-Bretagne quittera l’Union européenne. Vous avez cité la Suisse, mais vous savez mieux que moi encore, monsieur le sénateur, que ce pays n’a pas le même statut que les membres de l’Union européenne.
Les échanges d’informations fonctionnent donc avec les pays de l’Union européenne, même si nous pouvons porter quelque jugement sur certaines façons de pratiquer la fiscalité. J’ai déjà indiqué ce que je pensais de certains pays, à propos desquels on pourrait s’interroger sur le respect des règles fiscales et de la solidarité de l’Union européenne.
Ceux-ci, toutefois, ne doivent pas figurer sur la liste. Cela ne signifie pas qu’ils ne l’intégreront pas un jour, mais, aujourd’hui, le ministre que je suis constate que nous échangeons des informations avec chacun des pays de l’Union européenne et que, à ce titre, les États membres ne peuvent pas être placés sur cette liste, sauf à prendre le risque d’être nous-mêmes condamnés pour cela.
Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas être désagréable et je comprends bien ce que vous nous expliquez, comme ce que M. le rapporteur nous dit.
Toutefois, en matière de lutte contre la fraude fiscale, nous jouons au football avec les règles du basket ! Vous constatez bien que nous ne sommes pas du tout équipés pour lutter ! S’il y a échange de renseignements, alors on retire le pays de la liste, quitte à l’y remettre si jamais il ne remplit pas les conditions l’année prochaine… Il existe un décalage complet entre les pesanteurs de l’administration, nos règles et ces pratiques ! C’est l’histoire de l’obus et du blindage !
Je comprends très bien les rigueurs du droit. Nous sommes tout de même là pour faire du droit, mais en même temps nous devons envoyer des signaux. Or nos signaux ne sont pas très optimistes quant à la façon dont nous pourrions venir à bout de ces territoires non coopératifs.
J’ai beaucoup de mal à admettre que nous ne puissions pas être plus combatifs. Certains pays pratiquant une fraude agressive, je ne vois pas pourquoi notre législation ne le serait pas un peu plus.
Vous soulevez une question importante. Afin qu’il n’y ait pas de quiproquo, madame la sénatrice, je vais m’étendre un peu, ce qui me permettra d’être laconique sur d’autres amendements.
Il me semble qu’il faut distinguer deux cas de figure.
Des pays, dont certains membres de l’Union européenne, pratiquent une fiscalité que nous jugeons agressive. Nous souhaitons que l’on mette en place la même fiscalité en Europe entre pays frères, pour éviter des concurrences qui pourraient s’apparenter à de l’optimisation. Cela vaut pour l’Irlande comme pour d’autres.
D’autres États ne sont pas coopératifs, c’est-à-dire qu’ils n’acceptent pas l’idée de l’échange d’informations. La liste des États et territoires non coopératifs, comme son nom l’indique, est bâtie sur ce principe.
Vous demandez l’inscription de pays membres de l’Union européenne sur cette liste, mais il n’y a pas, je le répète, d’État membre avec lequel nous n’échangeons pas d’informations. Il n’y a aucune raison politique d’inscrire sur cette liste des États avec lesquels nous échangeons des informations, quels que soient, par ailleurs, les jugements que nous portons sur la politique fiscale de tel ou tel d’entre eux. C’est une autre question.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 54, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le deuxième alinéa du 1 est complété par les mots :
et après avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le ministre, je le sais, cet amendement est absolument inconstitutionnel.
Sourires.
Comme je ne désespère pas de parvenir à ajouter la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales à l’article 34 de la Constitution, il faudra bien, à un moment ou à un autre, associer le Parlement à l’élaboration de la liste visée.
À chaque fois, nous arrivons à la fumée des cierges, le Parlement n’a rien à faire et nous nous retrouvons face à une liste sur laquelle nous ne pouvons absolument pas agir. Vous avez vous-même cité le Panama ; Nicole Bricq et mon groupe étaient à l’époque fermement opposés au retrait du Panama de la liste, mais cela n’a pas empêché le Gouvernement de le faire. Le rôle du Parlement est tout de même réduit sur ce sujet et le moment est venu, me semble-t-il, de lui donner un peu de pouvoir.
Il s’agit d’un amendement d’appel. Vous allez m’expliquer qu’il est anticonstitutionnel. Par conséquent je le retire, mais j’aurai au moins eu le plaisir de le défendre !
L’amendement n° 54 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 86 est présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 100 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud, pour présenter l’amendement n° 86.
Il s’agit d’un amendement pragmatique, identique à celui qu’a déposé le Gouvernement et que M. le ministre va excellemment présenter !
Il vise à revenir au texte initial du projet de loi.
Si le Gouvernement partage la volonté de la commission et de son excellent rapporteur de favoriser l’échange automatique de renseignements sur les comptes financiers, il n’est pas favorable à l’évolution proposée. D’abord, parce que l’effectivité de l’échange automatique de renseignements est déjà prise en compte par la liste européenne des pays et territoires non coopératifs. Ensuite, parce que le critère retenu par la commission pour cette inscription s’écarte de celui qu’a choisi le Conseil de l’Union européenne, s’agissant de la liste européenne, et est donc contraire à la volonté du Gouvernement d’appliquer strictement les critères adoptés à l’unanimité des États membres après négociation. Enfin, parce que l’absence de support juridique permettant l’échange automatique ne signifie pas nécessairement que l’autre État ne coopère pas avec la France.
Comme l’a très bien dit M. le sénateur du groupe La République En Marche, il s’agit d’un amendement pragmatique.
L’amendement n° 12, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 8
Après les mots :
avec la France
insérer les mots :
depuis au moins trois ans
La parole est à M. Éric Bocquet.
La mise à jour de la liste française des États et territoires non coopératifs se fait en appliquant les critères définis à l’article 238-0 A du code général des impôts.
Deux éléments sont pris en compte pour décider de l’inscription ou de la radiation d’un État de cette liste, à compter du 1er janvier de l’année : l’existence d’un accord fiscal avec la France ou, en l’absence d’un tel accord, la qualité de la coopération fiscale.
Nous avons déjà vu quelles évolutions implique cet article du projet de loi, avec la fusion des listes française et européenne.
Ainsi, il est prévu de radier les États qui ont conclu une convention fiscale avec la France ou qui sont considérés par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales comme coopératifs, même s’ils n’ont pas signé de convention avec notre pays, dès lors que celui-ci ne leur a pas proposé de le faire.
À l’inverse, sont inscrits sur la liste des États et territoires non coopératifs, ou ETNC, ceux qui ont conclu une convention avec la France dont la mise en œuvre est insatisfaisante ou qui, n’ayant pas signé un tel accord, ont décliné la proposition française ou ont été jugés non coopératifs par le Forum mondial.
L’actualisation de la liste, qui a lieu chaque année, se fait de manière largement mécanique : la simple signature d’une convention fiscale avec la France suffit ainsi à en faire sortir un État. En cas de non-coopération, il s’écoule donc au moins une année avant que le pays soit rétabli sur la liste.
Durant cette année, les flux financiers vers cet État, peut-être hâtivement radié, pourront échapper aux mesures de rétorsion prises en pareil cas, telles que la majoration des taxations sur de nombreux flux à destination et en provenance des États et territoires concernés. Ce manque à gagner fiscal est regrettable.
Pour l’éviter, il conviendrait de revoir les critères de radiation de la liste française des ETNC : un État ne devrait pas être radié de la liste, et donc qualifié de coopératif, au seul motif qu’il a conclu une convention fiscale avec la France, mais sa radiation ne devrait intervenir qu’a posteriori, une fois qu’il aura été constaté que la mise en œuvre de la convention signée avec la France permet effectivement à l’administration fiscale d’obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française.
Imaginons, mes chers collègues, que la France joue son quart de finale contre l’Uruguay avec un gardien de but menotté et onze joueurs, alors que l’Uruguay en aurait treize !
Le Gouvernement et le groupe La République en Marche proposent, par deux amendements identiques, de revenir sur la position de la commission des finances.
Il nous semble que la situation est assez complexe : il y a donc une liste française et une liste européenne ; pour la liste européenne, on applique le critère de l’échange automatique, mais pour la liste française, pour une raison étrange, on ne pourrait pas le faire.
Nous souhaitons que la norme mondiale en matière de coopération fiscale internationale, qui est l’échange automatique, s’applique aussi bien à la liste française qu’à la liste européenne. Cela va dans le sens de l’Histoire. Par conséquent la commission est défavorable à ces amendements identiques.
L’amendement n° 12 tend à imposer un délai de trois ans entre la signature d’un accord d’échange automatique d’informations et le retrait de la liste des ETNC. Je préfère m’assurer de l’effectivité de l’engagement.
Prenons un exemple : une alternance politique se produit dans un pays, alors que le précédent gouvernement avait triché. La nouvelle équipe est élue sur l’engagement de lutter contre la fraude fiscale et de sortir le pays de la liste. La législation du pays change, mais on devrait lui imposer une pause de trois ans avant de lui donner satisfaction.
On peut toujours réinscrire un État sur la liste, vous le savez. La commission des finances était ainsi défavorable à la sortie du Panama et, de fait, le Gouvernement a été contraint de l’inscrire de nouveau en 2016. Je préfère cette possibilité à la mise en place d’un délai de carence de trois ans.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
même 1
insérer les mots :
sur la liste des juridictions à haut risque et sous surveillance du Groupe d’action financière ou
La parole est à M. Emmanuel Capus.
Nous voyons bien que la liste des ETNC pose une difficulté, mais, en même temps, nous peinons à trouver un accord sur son extension.
J’ai donc une proposition à vous faire, mes chers collègues : sortons du schéma actuel et référons-nous à la liste établie par le Groupe d’action financière, le GAFI, un organisme adossé à l’OCDE et chargé de promouvoir des politiques de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le GAFI a identifié les juridictions qui présentent des défaillances stratégiques à l’égard des normes relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme. On ne peut pas dire que la fraude fiscale soit éloignée de ses compétences, tant elle entre explicitement dans le champ des infractions considérées.
Il me semble donc que nous pourrions inclure les pays identifiés par le GAFI dans les ETNC français. Cela permettrait de mieux prendre en compte les enjeux de la lutte contre le blanchiment, contre la corruption et contre le financement du terrorisme, dont les liens avec la fraude fiscale internationale sont particulièrement bien documentés.
Emmanuel Capus a rappelé très justement que les objectifs de la liste du GAFI – la lutte contre le blanchiment et le terrorisme – ne sont pas identiques à ceux des listes des États et territoires non coopératifs, même s’ils en sont proches.
Si cet amendement était adopté, notre liste gagnerait vingt-quatre juridictions supplémentaires, qui présentent sans doute un risque de blanchiment. Cela pourrait poser des difficultés réelles. La Tunisie, par exemple, est sur la liste du GAFI. Or de nombreuses entreprises françaises travaillent avec ce pays et nous sommes liés à lui par beaucoup de flux. L’inscrire sur la liste des États et territoires non coopératifs pourrait donc emporter des conséquences très dommageables.
L’avis de la commission est défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 87, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Ils ne respectent pas le critère, défini à l’annexe V des conclusions du Conseil de l’Union européenne citées ci-dessus, relatif aux États ou territoires facilitant la création de structures ou de dispositifs offshore destinés à attirer des bénéfices qui n’y reflètent pas une activité économique réelle ;
II. – Alinéa 13
Remplacer les mots :
à l’annexe V mentionnée au 1°
par les mots :
dans l’annexe V mentionnée ci-dessus
La parole est à M. Didier Rambaud.
Cet amendement tend à modifier la référence au critère offshore en optant pour une définition plus large du critère d’équité fiscale, au-delà du seul point 2.2 de l’annexe V des conclusions du Conseil de l’Union européenne.
Depuis l’édit de Villers-Cotterêts – une propriété du ministère de l’économie et des finances très mal gérée, au demeurant, et qui s’effondre sous son toit de tôle ondulée –, …
… la langue française s’impose, notamment, au législateur. L’inscription du mot « offshore » dans la loi ne plaît pas du tout à la commission des finances, qui émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Cet amendement vise peut-être à rétablir le texte du Gouvernement, mais de grâce, écrivez en français, monsieur le ministre !
Sourires.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 114, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 28
Supprimer les mots :
au troisième alinéa du 2° du 2 de l’article 119 bis,
II. – Après l’alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… – Le cinquième alinéa du 2 de l’article 119 bis est complété par les mots : « autre que ceux mentionnés au 2°du 2 bis du même article 238-0 A ».
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote sur l’article.
Les uns et les autres, sur différentes travées, nous avons présenté un certain nombre de propositions pour améliorer ces fameuses listes de paradis fiscaux. Au terme de l’examen de l’article 11, force est de constater que notre sentiment d’insatisfaction se confirme.
En particulier, nous avons défendu un amendement d’appel destiné à interpeller le Gouvernement pour connaître l’action engagée, notamment au plan européen. Les réponses ne sont pas au rendez-vous, et on ne voit pas aujourd’hui ce qui pourrait débloquer les choses.
Il est extrêmement regrettable que nous en arrivions à cette conclusion, mais il y a un véritable sentiment d’impuissance.
Nous nous abstiendrons sur cet article, parce qu’il n’est décidément pas à la hauteur des enjeux.
L ’ article 11 est adopté.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, sont insérés treize alinéas ainsi rédigés :
« Sont également considérés comme non coopératifs à la date du 1er janvier 2019, les États et territoires qui répondent à au moins un des quatre critères suivants :
« a) En matière de norme commune de déclaration relative à l’échange automatique de renseignements et de norme de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière d’échange de renseignements à la demande, n’ont pas obtenu l’évaluation “largement conforme” du Forum mondial ;
« b) N’ont pas ratifié ou ne participent pas à la convention multilatérale de l’Organisation de coopération et de développement économiques concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, dans sa version modifiée ;
« c) N’ont pas pris l’engagement de respecter et de mettre en œuvre de manière cohérente les normes anti-BEPS minimales adoptées dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« d) Ou permettent l’existence sur leur territoire de régimes fiscaux dommageables.
« - Est réputé comme dommageable un régime fiscal qui répond à au moins un des six critères suivants :
« a) Un niveau d’imposition effectif nettement inférieur, y compris une imposition nulle, par rapport au taux d’imposition effectif français, qu’il résulte du taux d’imposition nominal, de la base d’imposition ou de tout autre facteur pertinent ;
« b) Des dispositions ne permettant pas la divulgation de la structure sociétale des personnes morales ou du nom des détenteurs d’actifs ou de droits ;
« c) Des mesures fiscales avantageuses réservées aux non-résidents ;
« d) Des mesures facilitant la création de structures ou dispositifs destinés à attirer des bénéfices sans activité économique réelle dans cet État ou territoire ou l’octroi d’avantages fiscaux même en l’absence de toute activité réelle ;
« e) Des incitations fiscales en faveur d’activités qui n’ont pas trait à l’économie locale, de sorte qu’elles n’ont pas d’impact sur l’assiette fiscale nationale ;
« f) Des règles pour la détermination des bénéfices faisant partie d’un groupe multinational qui divergent des normes généralement admises au niveau international, notamment celles approuvées par l’Organisation de coopération et de développement économiques ;
« - Les États ou territoires les moins avancés, tels que définis par le Conseil économique et social de l’Organisation des Nations Unies, et ne disposant pas de centre financier ne peuvent être considérés comme non coopératifs au sens du présent article. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement est un peu comme le huitième mariage d’Henri VIII : une victoire de l’optimisme sur l’expérience…
Sourires.
Je propose d’inscrire après le deuxième alinéa de l’article L. 169 du livre des procédures fiscales des critères supplémentaires de définition des territoires non coopératifs au 1er janvier 2019.
J’ai bien compris que vous n’aviez pas l’intention de changer d’un iota le dispositif en place, mais mon amendement vise des motifs extrêmement sérieux – au moins autant que la contrebande de tabac –, s’agissant, par exemple, des normes communes de déclaration relatives à l’échange automatique de renseignements et des normes de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière d’échanges et de renseignements.
En l’absence d’évaluation, monsieur le ministre, comment décidez-vous de maintenir un territoire hors de la liste ? C’est un peu le problème soulevé précédemment par Éric Bocquet : nous signons une convention pour l’échange de renseignements et nous retirons le pays en question de la liste, mais comment, et dans quel délai, l’évaluation est-elle menée ?
En d’autres termes, vous faites confiance sur parole : alors que l’on connaît très bien les difficultés de contrôle des conventions fiscales internationales et le manque d’effectivité de celles-ci, la signature d’une convention vous suffit pour retirer un État de la liste des territoires non coopératifs.
Je sais que cet amendement sera rejeté, mais les critères supplémentaires qu’il vise à instaurer méritent d’être examinés de près. En effet, le simple fait d’avoir signé une convention fiscale ou une convention d’échange de renseignements entraîne une très grande différence de traitement, sans que l’on procède jamais à une évaluation ni que l’on vérifie l’effectivité de l’échange de renseignements.
Monsieur le ministre, je retirerai cet amendement ou il sera retoqué, peu importe, mais répondez au moins à cette question : de quels moyens disposez-vous pour vérifier l’effectivité de l’échange de renseignements, une fois que vous avez ipso facto retiré un État de la liste ?
Je remercie Mme Goulet d’avoir annoncé par avance le sort de cet amendement…
L’article 11 satisfait largement sinon la lettre, du moins l’esprit de sa demande, surtout avec les dispositions que nous avons adoptées sur la liste française pour assurer l’effectivité de l’échange de renseignements. Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
La nouvelle définition ne s’appliquerait qu’en matière d’allongement des durées de reprise : dix ans au lieu de cinq. Or, aujourd’hui déjà, une combinaison de textes prévoit que le délai de reprise peut être prolongé, par exemple en cas d’agissements frauduleux, de recours à l’assistance administrative internationale, de dépôt de plainte pour fraude fiscale, de flagrance fiscale et d’activités occultes.
Ainsi, le délai de reprise peut d’ores et déjà être prolongé, notamment en cas de non-déclaration d’avoirs détenus à l’étranger et lorsque des revenus proviennent d’État ne pratiquant pas l’échange d’informations.
Je demande également le retrait de cet amendement. Pour ne pas frustrer Mme la sénatrice, je lui réponds une nouvelle fois que, s’agissant de notre liste, nous appliquons le critère de l’échange d’informations : quand nous obtenons des réponses à nos questions, nous continuons de penser que l’attitude est positive.
Pour ce qui est de la liste de l’Union européenne, une petite difficulté se pose, mais qui est temporaire – les choses ont été ainsi négociées. Pour l’instant, c’est du déclaratif ; dans un an, nous aurons tout le loisir de constater si tel ou tel pays ayant annoncé des efforts pour correspondre aux critères de l’Union européenne mérite effectivement d’être retiré de la liste. La France regardera de près si les choses sont faites.
Comme l’a très bien expliqué le rapporteur, ce n’est pas parce que des États sont sortis d’une liste qu’ils ne peuvent pas y être réinscrits dans un an, quand il ne s’agira plus seulement de déclarations, mais de preuves concrètes.
Il est assez facile de démontrer que la liste française et celle de l’Union européenne dans un an correspondent à ce que souhaite la représentation nationale.
L’amendement n° 53 rectifié est retiré.
L’amendement n° 61, présenté par Mme Taillé-Polian, M. Raynal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 511-1 du code monétaire et financier est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Les établissements de crédit dont le siège social se situe en France ne peuvent exercer dans les États ou territoires non coopératifs, au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts, et dans les États ou territoires dans lesquels ils seraient soumis à un régime fiscal privilégié au sens de l’article 238 A du même code, si l’exercice de l’activité est constitutif d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ou si cet exercice n’est inspiré par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales qui seraient normalement dues en France. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
D’assez nombreuses règles de reporting montrent que de grandes banques françaises disposent d’implantations dans des paradis fiscaux. On peut même penser que les vingt plus grandes banques européennes déclarent un quart de leurs bénéfices dans des paradis fiscaux, ce qui représente une perte fiscale considérable.
De fait, la profitabilité des banques dans les paradis fiscaux est plus de deux fois supérieure à celle qui est constatée à l’échelon mondial, et pour cause…
Cet amendement vise à renforcer la lutte contre les pratiques de certaines banques en matière d’évitement fiscal. Afin de ne pas affecter la conduite d’activités bancaires légitimes dans certains États non coopératifs, comme le financement de projets de développement, l’interdiction est ciblée sur les comportements les plus dommageables.
Je pense qu’il est temps d’envoyer un signal clair pour faire en sorte que nos banques ne participent plus, par leur présence et leur implantation sans activités réelles dans des paradis fiscaux, à ces grandes machines à laver de l’argent.
Les banques françaises ont sans doute des implantations, mais qu’elles réalisent aujourd’hui leurs profits au Guatemala ou à Palau, j’en doute quelque peu.
Il est très sympathique de vouloir interdire, mais, pour moi, une interdiction sans sanction n’aurait pas grande portée : incantatoire, elle ne serait pas opérante.
En revanche, une sanction est bien prévue aujourd’hui contre une banque qui exercerait son activité dans un État ou un territoire non coopératif, puisqu’elle se verrait appliquer une fiscalité dissuasive. Avec 75 % de retenue à la source, je pense qu’elle n’aurait pas intérêt à poursuivre son activité.
Cette proposition est donc largement satisfaite dans son esprit. Interdire sans sanction n’aurait pas grande signification. Je demande le retrait de l’amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 66, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 561-31 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces informations sont également transmises au procureur de la République financier. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Cet amendement s’inspire d’une proposition de la mission de l’Assemblée nationale relative à la poursuite des infractions fiscales.
Cette mission relève que la cellule de renseignement financier nationale TRACFIN « apporte une plus-value importante pour la détection des fraudes fiscales qui reposent sur le transfert de fonds vers les paradis fiscaux, ou encore en matière d’organisation d’insolvabilité ».
Aujourd’hui, le code monétaire et financier permet à TRACFIN de transmettre à l’administration fiscale des informations sur des faits pouvant relever de la qualification de fraude fiscale ou de blanchiment de fraude fiscale. Selon le rapport Cariou, ce dispositif a permis de procéder à des rappels d’impositions et de pénalités à hauteur de près de 900 millions d’euros.
Toutefois, en l’état du droit, la transmission de ces notes au procureur de la République financier n’est pas prévue. Cet amendement vise à résoudre ce problème, afin de rendre notre système plus efficace. La transmission des notes au parquet national financier améliorera l’information de celui-ci.
TRACFIN participe à la communauté du renseignement et transmet des notes, y compris au parquet national financier, mais un tri professionnel est nécessaire en amont ; je doute que le parquet puisse faire quelque chose de 70 000 déclarations non triées…
Je me suis rendu chez TRACFIN, qui travaille sur des dossiers fiscaux – l’année dernière, 624 notes transmises ont permis 900 millions d’euros de rappels d’impositions et de pénalités –, mais également, entre autres, sur la lutte contre le terrorisme.
Pour avoir vu les services de TRACFIN, je vous assure, ma chère collègue, que si l’on noie le parquet national financier sous l’ensemble des notes, cela ne sera pas très efficace.
Avis défavorable.
Monsieur le président, pour prendre en compte l’observation du rapporteur sur les 70 000 notes non triées, je rectifie mon amendement en remplaçant le mot : « sont » par les mots : « peuvent être ». TRACFIN triera les notes, ce qui rendra la transmission plus efficace.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 66 rectifié, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article L. 561-31 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces informations peuvent être également transmises au procureur de la République financier. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
Ce que vous proposez, ma chère collègue, est prévu par le code monétaire et financier, ainsi que par l’article 40 du code de procédure pénale.
Avis défavorable.
Madame la sénatrice, c’est déjà ainsi que les choses se passent, comme le rapporteur l’a expliqué. Je vous encourage à vous rendre à TRACFIN pour le constater. Il ne faut surtout pas changer les très bonnes habitudes d’un très bon service de renseignement !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 67, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les troisième à dernier alinéas de l’article L. 561-46 du code monétaire et financier sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le registre des bénéficiaires effectifs est un document ouvert librement au public, utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. »
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
La cinquième directive anti-blanchiment prévoit la création dans chaque pays de registres publics des sociétés, afin d’identifier les véritables propriétaires et détenteurs d’actifs des structures.
La directive précise que « les États membres veillent à ce que les informations sur les bénéficiaires effectifs soient accessibles dans tous les cas » à tout membre du grand public. Cet amendement vise à transposer cette disposition dans le droit français en prévoyant de rendre public le registre des bénéficiaires effectifs.
Cette mesure permettrait de lever l’impossibilité d’appliquer un article de la loi Sapin II en raison d’une censure du Conseil constitutionnel.
Maintenant que cette directive existe, transposons-la dans notre droit ! Rendre public le registre des bénéficiaires effectifs permettra de grands progrès.
La question a déjà été évoquée dans le cadre de la loi de finances. Rendre public ce registre serait assez nuisible du point de vue du secret des affaires et du secret fiscal. Avis défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 62, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le groupe Agence française de développement ne peut participer au financement de projet quel que soit son pays de réalisation, si l’actionnaire de contrôle est immatriculé dans un État ou territoire considéré comme non coopératif au sens de l’article 238-0 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Dans un rapport d’information parlementaire de 2013 relatif à la lutte contre les paradis fiscaux, il est proposé de développer les initiatives concrètes mettant en cause les paradis fiscaux, telle que l’interdiction des transferts de fonds vers certains pays décidés par l’Agence française de développement, l’AFD.
Cette agence a développé un code de conduite dans lequel cette exigence figure. Le présent amendement vise à donner une valeur législative à ce code de conduite.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 11
L’amendement n° 88, présenté par MM. Yung, Bargeton, Patient, Rambaud, Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’occasion de la publication de l’arrêté mettant à jour la liste des États et territoires non coopératifs de l’article 238-0 A du code général des impôts, le Gouvernement est chargé de remettre au Parlement un rapport répertoriant les mesures fiscales des territoires de l’Union européenne qui répondent aux critères établis au point B du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, annexé aux conclusions du Conseil « Affaires économiques et financières » du 1er décembre 1997 en matière de politique fiscale.
La parole est à M. Didier Rambaud.
Sur l’initiative de notre collègue Richard Yung, nous proposons de commencer une réflexion sur les mesures prises par les pays membres de l’Union européenne en matière de fiscalité. Nous souhaitons nous appuyer sur les critères du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises adopté par le conseil des ministres de l’économie et des finances.
Oui, le Gouvernement a fait de la lutte contre la fiscalité dommageable l’un de ses principes d’action. Mais la Commission européenne est aujourd’hui à la tâche, et le ministre de l’économie et des finances veille à ce que le but qui nous est commun soit recherché dans le cadre des négociations avec nos partenaires européens, dans le domaine très particulier de la fiscalité où, je vous le rappelle, l’unanimité est de règle.
Pour ne pas gêner ces efforts par l’interprétation qui pourrait être faite de cet amendement, et même si nous partageons les mêmes constats, je vous demande, monsieur le sénateur, de retirer cet amendement, quitte à ce que vous le représentiez, dans le cadre du projet de loi de finances ou d’un autre texte financier, si M. le ministre de l’économie et des finances n’obtient pas ce qu’il vous a dit rechercher.
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
I. – L’avant-dernier alinéa de l’article L. 247 est supprimé.
II. – L’article L. 251 A est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, qui mentionne le nombre, le montant total et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Sont notifiées chaque année au président et au rapporteur général des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances les transactions conclues par l’administration en application du 3° de l’article L. 247 et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale. La notification mentionne l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
Cette intervention sur l’article vaudra défense de l’amendement n° 49, monsieur le président.
L’article 12 porte sur une question assez essentielle dans le travail de l’administration fiscale aujourd’hui : celle de l’état des lieux annuel de la pratique de la transaction en procédure contentieuse.
Nous avons déjà eu l’occasion, lors de la discussion du projet de loi portant, entre autres sujets, sur le fameux droit à l’erreur, de pointer du doigt la pratique de la transaction, fort répandue malgré les exclusions formelles figurant encore dans le code.
La transaction est fort utilisée en matière de contrôle douanier ; elle est même le mode de résolution par excellence de dossiers de contentieux. Elle est également employée de longue date pour les impôts gérés par la DGFiP. C’est le cas notamment parce que chaque dossier d’une certaine importance et concernant des fraudes d’un montant significatif pose la question de la capacité immédiate du contribuable concerné à faire face à ses obligations.
En clair, il s’agit de mesurer la capacité contributive du redevable et d’adapter la décision finale à cette capacité. Nul besoin, par exemple, de « charger la barque » lorsque les impôts dus par une entreprise risquent de mettre en péril son existence même, avec la perspective, pour le Trésor public, de se retrouver avec une admission en non-valeur.
La transaction peut fort bien consister à prévoir un échéancier de paiement des droits et impôts dus, assortis de pénalités dont le montant pourra éventuellement être réduit à raison des efforts et versements accomplis par le redevable.
Sur cet article, nous avons déposé deux amendements, dont l’un soulève, semble-t-il, des questions de constitutionnalité.
Posons-nous cependant cette question préalable : l’organisation d’un débat au sein des assemblées sur les questions de recouvrement des créances fiscales impayées et des transactions réalisées dans ce cadre ne pourrait-elle pas faire l’objet d’une modification de la loi organique relative aux lois de finances ou de l’ordonnance relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ?
Connaître de la gestion de ces dossiers complexes, même sous une forme anonymisée – ce que nous préférons, d’où l’amendement n° 50 –, nous semble participer du travail fondamental du Parlement : le contrôle de l’utilisation des ressources publiques et leur allocation.
L’amendement n° 105 rectifié, présenté par M. Capus et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le Gouvernement publie chaque année, dans le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances, les résultats de l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux par l’administration fiscale, incluant les données de la direction générale des finances publiques et de la direction générale des douanes et des droits indirects. Il mentionne le nombre, le montant total et le montant moyen des remises accordées, répartis par type de remise accordée et par imposition concernée, pour les personnes morales et pour les personnes physiques.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 247 est supprimé
2° – L’article L. 251 A est ainsi rédigé :
« Art. L. 251 A. – Sont notifiées chaque année au président et au rapporteur général des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances les transactions conclues par l’administration en application du 3° de l’article L. 247 et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale. La notification mentionne l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
La parole est à M. Emmanuel Capus.
La loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière charge le ministre du budget de publier chaque année un rapport sur l’application de la politique de remises et de transactions à titre gracieux réalisées par l’administration fiscale.
Or le premier rapport n’a été publié que le 14 avril 2017. Sans compter que la direction générale des douanes et droits indirects ne s’est pas encore prêtée à cet exercice.
La Cour des comptes a constaté qu’il y avait un problème et préconisé que ce rapport soit annexé, chaque année, au projet de loi de finances. Tel est l’objet de mon amendement.
Contrairement à ce que j’ai entendu en commission des finances ce matin, cet amendement n’est pas satisfait par l’amendement adopté par la commission. En effet, celle-ci a prévu que, chaque année, seront communiquées au président et au rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat l’ensemble des transactions de plus de 200 000 euros. Je propose que, au surplus, soit annexé au projet de loi de finances un rapport exhaustif sur la politique générale de remises et de transactions.
Les deux mesures sont complémentaires. On comprend bien, en effet, que les transactions communiquées au président et au rapporteur général des commissions des finances ne seront pas publiables ; nécessairement soumises au secret fiscal, elles ne circuleront pas vers le grand public, ni même au sein de la commission.
Je sais que la commission est sensible à la nécessité de ne pas accumuler les rapports, mais celui dont il s’agit n’est pas nouveau.
En commission ce matin, nous avons peut-être été un peu rapides, mais je vous confirme, mon cher collègue, que ce rapport existe bien ; il nous a été remis le 14 mars 2017, certes tardivement. La commission a introduit à l’article 12 des dispositions qui l’enrichissent. Votre amendement est donc satisfait, et j’en sollicite le retrait.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 49, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° La seconde phrase est ainsi rédigée : « Ce rapport fait l’objet d’un débat chaque année, avant l’examen de la loi de finances initiale, devant l’Assemblée nationale et le Sénat. »
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
La possibilité d’un débat annuel est déjà prévue. Le rendre obligatoire serait contraire à la Constitution, puisque les assemblées sont maîtresses de leur ordre du jour. Si nous voulons organiser un tel débat, il nous appartient de le faire.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement, satisfait par l’article L. 251 A du livre des procédures fiscales.
L’amendement n° 49 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 90, présenté par MM. Bargeton, Patient, Rambaud, de Belenet, Mohamed Soilihi, Richard et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Didier Rambaud.
L’article 12 prévoit que les transactions d’un montant supérieur à 200 000 euros ou qui portent sur des faits ayant fait l’objet d’une plainte de l’administration fiscale seront notifiées, une fois par an, au président et au rapporteur général des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cette notification mentionnerait « l’identité du contribuable, le montant de l’atténuation accordée et les motifs ayant conduit l’administration à l’accorder. »
Notre amendement vise à supprimer cette notification, au motif que la communication de telles informations, notamment l’identité du contribuable, contrevient à différentes règles du secret professionnel et du respect de la vie privée.
L’amendement n° 104, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6, première phrase
Supprimer les mots :
et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieur à 200 000 euros ou
La parole est à M. le ministre.
J’invite M. le sénateur Rambaud à retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement qui vise à revenir seulement sur la notification des transactions pour lesquelles le montant de l’atténuation est supérieur à 200 000 euros. Il s’agit d’atteindre un compromis avec le texte de la commission.
Les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances peuvent accéder à l’intégralité de ces informations grâce à leurs pouvoirs exorbitants. Par ailleurs, le Gouvernement transmet chaque année un certain nombre d’éléments dans un rapport qui leur est remis.
Monsieur le rapporteur, cet amendement reconnaît les pouvoirs du Parlement et les prérogatives de votre fonction, tout en garantissant le secret fiscal.
L’amendement n° 50, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Remplacer les mots :
et dont le montant de l’atténuation accordée est supérieure à 200 000 euros ou qui portent
par le mot :
portant
2° Seconde phrase
Supprimer les mots :
l’identité du contribuable, le
La parole est à M. Éric Bocquet.
Environ 3 500 transactions sont réalisées chaque année. Je rappelle, pour nos collègues qui ne sont pas membres de la commission des finances, qu’une transaction ne porte jamais sur le montant de l’impôt, mais sur la remise de pénalités : l’administration peut réduire les pénalités, mais l’impôt reste dû.
Nous avons souhaité obtenir une information sur les transactions en cas d’intention de porter plainte ou de plainte déposée au plan pénal. Je crois que le Gouvernement y est défavorable.
Faut-il aller plus loin ? Nous avons prévu le seuil de 200 000 euros, dans la mesure où il correspond à un seuil de délégation. La commission souhaite maintenir son texte et émet un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement.
Si cet amendement est adopté, cela ne changera pas la face des choses, puisque le président de la commission des finances et moi-même procéderons, en vertu de nos pouvoirs prévus par la LOLF, à un contrôle sur place de la liste des transactions. En d’autres termes, si le rapport ne se déplace pas, c’est nous qui nous déplacerons…
L’amendement n° 90 est retiré.
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 50 ?
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 12 est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 7 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 60 rectifié est présenté par Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 251 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La transaction devenue définitive éteint l’action publique pour la répression des délits prévus au présent code afférents aux impositions qu’elle vise et des délits de recel et de blanchiment de ceux-ci. »
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 7 rectifié.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié.
Cet amendement, que j’ai évoqué au cours de la discussion générale, vise à compléter l’article L. 251 du livre des procédures fiscales pour prévoir que « la transaction devenue définitive éteint l’action publique pour la répression des délits prévus au présent code ».
Il s’agit d’une transposition de l’article 1244 du code civil. Par cohérence et pour éviter les divergences et contradictions de jugement, la transaction en matière fiscale doit entraîner l’extinction des procédures.
Comme précédemment avec la procédure de la question préjudicielle, je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir adopter ces amendements de bon sens.
La commission est défavorable à ces amendements identiques, parce que les deux procédures sont indépendantes. La transaction met fin à la procédure fiscale – c’est là son intérêt. Les poursuites pénales, elles, portent non pas sur le montant dû, mais sur l’intentionnalité.
L’avis est défavorable. D’ailleurs, je m’étonne que les sénateurs communistes aient présenté un tel amendement, puisqu’il est quelque peu contraire à la position qu’ils défendent depuis le début de l’examen de ce texte : en effet, la transaction viendrait éteindre la poursuite. On n’en demande pas tant, monsieur le sénateur…
J’avais le sentiment que cela apportait plutôt une garantie aux contribuables. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
L’amendement n° 60 rectifié est retiré.
Monsieur Bocquet, l’amendement n° 7 rectifié est-il maintenu ?
L’amendement n° 7 rectifié est retiré.
TITRE III
Réforme de la procédure de poursuite pénale de la fraude fiscale
(Division et intitulé nouveaux)
I. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi modifié :
a) Avant le premier alinéa, il est ajouté un I ainsi rédigé :
« I. – L’administration est tenue de déposer une plainte tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droits d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre dès lors que les faits qu’elle a examinés dans le cadre de son pouvoir de contrôle prévu à l’article L. 10 du présent livre remplissent les critères cumulatifs suivants :
« 1° Les droits dus relèvent, pour un montant supérieur au seuil fixé par décret en Conseil d’État, des cas d’application du c du 1 de l’article 1728 du code général des impôts, du début du b ou du c de l’article 1729, du I de l’article 1729-0 A, de l’article 1732 ou du dernier alinéa de l’article 1758 du même code ;
« 2° Soit le même contribuable a déjà été sanctionné pour des faits identiques et relevant du 1° pendant deux des quatre années précédentes, soit les faits sont susceptibles de relever des deuxième à septième alinéas de l’article 1741 du même code.
« Si toutefois l’administration considère, pour des motifs propres aux faits concernés, qu’il n’y a pas lieu de déposer plainte alors même que ceux-ci remplissent ces critères, elle en informe le parquet compétent. Celui-ci peut demander à l’administration toutes informations relatives aux faits concernés, dans les conditions prévues par l’article L. 141 B du présent code, et engager l’action publique. »
b) Le premier alinéa est ainsi modifié :
– au début, est ajoutée la mention : « II. – » ;
– après le mot : « plaintes », sont insérés les mots : «, autres que celles prévues au I, ».
2° L’article L. 228 A est abrogé ;
3° Après l’article L. 141 A, il est inséré un article L. 141 B ainsi rédigé :
« Art. L. 141 B. – Les agents de l’administration sont déliés du secret professionnel à l’égard du procureur de la République pour la mise en œuvre du dernier alinéa du I de l’article L. 228. » ;
4° À l’article L. 232, après le mot : « impôts », sont insérés les mots : «, ou en application du cinquième alinéa du I de l’article L. 228, ».
II. – L’article 1er de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière est abrogé.
III. – Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard dix-huit mois après le 1er janvier de l’année suivant l’entrée en vigueur du I, un rapport présentant le bilan de la mise en œuvre de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction résultant de la présente loi. Ce rapport indique, en les répartissant par impôts, droits et taxes ainsi que par catégories socio-professionnelles et en précisant le montant des droits visés pénalement :
– le nombre de plaintes déposées sur une année civile en application des premier à cinquième alinéas du I du même article L.228 ;
– le nombre de dossiers pour lesquels l’administration a considéré, en application du cinquième alinéa du même I, qu’il n’y avait pas lieu de déposer plainte ;
– parmi les dossiers mentionnés au troisième alinéa du présent III, le nombre des dossiers ayant fait l’objet de poursuites ;
– les suites données par l’autorité judiciaire aux dossiers ayant fait l’objet de poursuites.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 46 est présenté par Mme N. Goulet.
L’amendement n° 68 rectifié est présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Botrel, Carcenac et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, P. Joly, Lurel et Raynal, Mme de la Gontrie, M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa de l’article 1741, les mots : «, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 € » sont remplacés par les mots « que si le montant des impositions mises à la charge du contribuable excède 50 000 € ou 10 000 € si le contribuable exerçait un mandat électoral ou occupait une fonction ministérielle sur la période de reprise des impositions » ;
2° L’article 1741 A et le 3 de l’article 1746 sont abrogés.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié
1° L’article L. 228 est ainsi rédigé :
« Art. L. 228 – Les plaintes tendant à l’application de sanctions pénales en matière d’impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d’affaires, de droit d’enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbres, sont adressées par l’administration au procureur de la République territorialement compétent en application de l’article L. 231 du présent livre.
« Sans préjudice des plaintes dont elle prendrait elle-même l’initiative, l’administration porte à la connaissance du procureur de la République les procédures dans lesquelles les opérations de contrôle :
« – soit conduisent à l’application de majorations supérieures à 100 000 euros en application du c du 1 de l’article 1728, de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A du code général des impôts ;
« – soit révèlent des faits susceptibles de relever de la qualification de fraude fiscale aggravée prévue au deuxième alinéa de l’article 1741 du même code ;
« – soit mettent en cause une personne physique ou une personne morale ayant déjà fait l’objet au moment de la commission des faits, en tant que contribuable ou en tant que dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contribuable, de majorations en application du c du 1 de l’article 1728, de l’article 1729 ou de l’article 1729-0 A dudit code, devenues définitives.
« Lorsque de tels faits sont portés à sa connaissance par l’administration, le procureur de la République exerce l’action publique dans les conditions prévues par les articles 40-1 et suivants du code de procédure pénale.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’examen conjoint des dossiers concernés par l’administration et l’autorité judiciaire.
« Si le procureur de la République décide de ne pas engager de poursuites, il en informe l’administration qui peut alors transiger avec le contribuable ou se constituer partie civile devant le juge d’instruction si elle souhaite que des poursuites pénales soient mises en œuvre.
« Si le procureur de la République ouvre une enquête, il fait application des dispositions de l’article L. 10 B du présent livre et peut également saisir les agents mentionnés à l’article 28-2 du code de procédure pénale. » ;
2° L’article L. 228 B est abrogé ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 230 est supprimé ;
4° À l’article L. 188 B, les mots : « dans les cas visés aux 1° à 5° de l’article L. 228 » sont supprimés.
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Nous voici face au verrou de Bercy. Relevons d’entrée certains éléments du débat, dont plusieurs d’entre eux ont déjà été évoqués.
Cet article ne figurait pas dans le texte initial du projet de loi et a donc été ajouté, compte tenu du travail accompli en commission et de la sensibilité croissante du Sénat, comme de l’Assemblée nationale d’ailleurs, au problème de la procédure pénale en matière fiscale pour trouver un nouvel équilibre entre la toute-puissance des directions de l’administration, y compris à l’encontre, bien souvent, des initiatives mêmes des services déconcentrés, et le pouvoir discrétionnaire de la commission des infractions fiscales, la CIF.
Le Syndicat de la magistrature, dans son mémoire relatif au texte, indique : « Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude s’inscrit dans une démarche, quasi assumée dans l’exposé des motifs, de compensation de l’indulgence affichée envers les fraudeurs à l’occasion du projet de loi “pour un État au service d’une société de confiance” et du refus déterminé de levée du “verrou de Bercy”. »
Le présent projet de loi est néanmoins très modeste dans son ambition, se contentant pour l’essentiel d’aménagements à la marge, de modifications cosmétiques et d’un renforcement des sanctions fiscales administratives qui s’inscrit avant tout dans une volonté de marginaliser la poursuite pénale des auteurs de délits fiscaux, de légitimer le maintien d’un traitement principalement administratif de la fraude fiscale et de tenter de rendre politiquement acceptable la conservation d’un verrou de Bercy, lequel constitue pourtant une spécificité difficilement défendable.
Il faut d’autres moyens et d’autres dispositions qu’une généralisation des croisements de fichiers pour permettre aux services fiscaux de mieux répondre, demain, aux contentieux existants. Cela passe par la rupture claire avec la logique de suppression massive de postes de fonctionnaires au sein des administrations fiscales qui a sensiblement appauvri la qualité du travail accompli, malgré le profond sens de l’intérêt général qui anime leurs 125 000 agents.
Il convient de lancer le service public fiscal à la reconquête de ses positions perdues pour donner une inflexion réelle à la lutte contre la fraude sociale, comme fiscale, et résoudre, en connaissance de cause, la fameuse dialectique du verrou de Bercy.
Plus de moyens matériels et humains, une étude conjointe de l’administration et de la juridiction compétente des dossiers nécessitant une procédure judiciaire, voilà comment sortir des controverses actuelles par le haut. L’intérêt général ne le vaut-il pas ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 46.
Nous sommes là sur l’un des sujets les plus importants de ce texte. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, les trois amendements identiques n° 9 rectifié, 46 et 68 rectifié visent à proposer une nouvelle rédaction de l’article 13, remarquablement inséré par le rapporteur et la commission, mais qui, à l’examen, présente quand même quelques failles.
L’alinéa 4 précise : « L’administration est tenue de déposer une plainte ». Cela revient à adresser une injonction à l’administration qui ne semble pas correspondre à l’idée que l’on se fait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel – on nous a pourtant rebattu les oreilles toute la journée avec le droit constitutionnel –, notamment dans sa décision de juillet 2016.
Par cet article, on va remplacer le verrou de Bercy – c’est ce qui ressort des auditions – par une liste de critères de façon à assurer plus de transparence. Or cet article prévoit que ces critères seront définis par décret. Donner et retenir ne vaut ! Le législateur va confier à l’administration le soin de fixer des critères.
Or, au regard du rapport de l’Assemblée nationale, des auditions que nous avons menées et de ce que nous avons cru comprendre – vous avez parlé, monsieur le ministre, de donner au Parlement les clés du verrou –, c’est au Parlement de déterminer lui-même les critères d’attribution.
C’est la raison pour laquelle Éric Bocquet et le groupe CRCE, Sophie Taillé-Polian et le groupe socialiste et républicain et moi-même faisons front commun pour revoir la rédaction telle qu’elle résulte des travaux en commission, afin d’améliorer le dispositif prévu.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour présenter l’amendement n° 68 rectifié.
Je ne serai pas très longue, puisque ces amendements identiques ont déjà fait l’objet d’une brillante présentation par mes collègues Éric Bocquet et Nathalie Goulet. Cependant, je reviendrai quelques instants sur ce qui a été dit à propos de la rédaction issue des travaux de la commission.
Non, aujourd’hui, tel qu’il est rédigé, le texte ne supprime pas le verrou de Bercy, puisque le dispositif proposé s’ajoute à la règle inscrite du verrou de Bercy ; il ne s’y substitue pas. Cela a pour conséquence extrêmement simple que le juge ne peut se saisir, sans l’avis du ministère de l’économie et des finances, de dossiers de fraude fiscale lorsqu’il a connaissance des faits : dans le cadre d’une enquête, des faits connexes peuvent lui laisser penser que, en plus d’autres problèmes, se pose aussi celui de la fraude fiscale.
Avec la rédaction actuelle, j’y insiste, le problème que le juge ne puisse pas se saisir lorsqu’il a connaissance des faits n’est pas résolu. Or il s’agit d’une question très importante. D’ailleurs, je m’en étonne, car il me semblait que le Sénat avait déjà adopté des amendements tendant à lever l’un de ces problèmes graves posés par le verrou de Bercy.
Je ne reviendrai pas longuement sur les autres points mentionnés dans ces amendements identiques.
Par cette rédaction commune, nous fixons des critères, car personne ne pense qu’il serait raisonnable de transmettre de manière automatique 15 000 dossiers de fraude fiscale annuels à la justice. Il faut bel et bien cibler les 4 000 dossiers de fraude pour lesquels les amendes représentent des majorations à hauteur de 40 % ou les récidives.
Ces critères sont donc définis pour être applicables sans obligation de cumul entre eux. Voilà qui permettra, à notre sens, de sortir – enfin ! – du verrou de Bercy, qui crée, par son opacité, une suspicion susceptible de pénaliser notre débat démocratique, ainsi que la lutte contre la fraude fiscale.
L’amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au huitième alinéa de l’article 1741, les mots : «, en cas de dissimulation, que si celle-ci excède le dixième de la somme imposable ou le chiffre de 153 € » sont remplacés par les mots « que si le montant des impositions mises à la charge du contribuable excède 50 000 € ou 10 000 € si le contribuable exerçait un mandat électoral ou occupait une fonction ministérielle sur la période de reprise des impositions » ;
2° L’article 1741 A et le 3 de l’article 1746 sont abrogés.
II. – Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° L’article L. 228 est ainsi rédigé :
« Art. L. 228 – L’administration fiscale transmet au procureur de la République les dossiers qui répondent aux critères de l’article 1741 du code général des impôts et notamment ceux qui relèvent :
« 1° Soit de l’utilisation, aux fins de se soustraire à l’impôt de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;
« 2° Soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
« 3° Soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;
« 4° Soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
« 5° Soit de toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.
« Si le procureur de la République décide de ne pas engager de poursuites, il en informe l’administration qui peut alors transiger avec le contribuable ou se constituer partie civile devant le juge d’instruction si elle souhaite que des poursuites pénales soient mises en œuvre.
« Si le procureur de la République ouvre une enquête, il fait application des dispositions de l’article L. 10 B du présent code et peut également saisir les agents mentionnés à l’article 28-2 du code de procédure pénale. » ;
2° L’article L. 228 B est abrogé ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 230 est supprimé ;
4° À l’article L. 188 B, les mots : « dans les cas visés aux 1° à 5° de l’article L. 228 » sont supprimés.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement, cette fois-ci soutenu par l’ensemble des membres du groupe Union Centriste, est une légère variante. Nous traduisons exactement la proposition n° 2-a de la mission d’information de l’Assemblée nationale en présentant une liste exhaustive des critères de saisine.
J’entends déjà les commentaires ; je précise que cette disposition vise non pas à supprimer la CIF, mais, au contraire, à donner plus de transparence sur les critères de saisine. Cet amendement de repli concerne la totalité des critères tels qu’ils figurent dans le rapport d’information de la mission d’information commune de l’Assemblée nationale.
Avons-nous une grande marge de manœuvre ? La jurisprudence du Conseil constitutionnel, à l’occasion de l’examen de deux QPC portant sur le principe non bis in idem, c’est-à-dire la possibilité de poursuivre sur les deux plans fiscal et pénal, indique que la procédure pénale doit être réservée aux cas des fraudes fiscales les plus graves, et précise ces cas : les fraudes d’un montant élevé avec une volonté d’opacité, de dissimulation de la part du contribuable. Tel est le critère.
Il ne s’agit donc pas de poursuivre la totalité des redressements – il me semble que nous partageons tous cet objectif ; nous voulons réserver les poursuites aux cas de fraudes les plus graves. Les auditions que nous avons menées, qui étaient publiques et auxquelles vous avez pu participer, m’ont convaincu sur ce point : deux avocats généraux nous ont dit que la justice avait énormément de mal à prononcer des amendes, même lorsque le contribuable est soumis à une pénalité de 80 %, ce qui prouve que ce n’est pas forcément aujourd’hui une priorité de la justice. Il faut donc réserver cette procédure aux fautes les plus graves.
En revanche, il me semble que nous sommes tous d’accord pour chercher à améliorer le système : aujourd’hui, il n’y a pas de transparence. Aux termes d’une circulaire et suivant les pratiques internes, les dossiers sont transmis à la CIF. Je propose que la loi détermine les critères. Le décret fixera le seuil, mais, pour le reste, ce sont les critères légaux qui sont retenus, à savoir la majoration de 80 %, la réitération ou la fraude fiscale aggravée. Le Gouvernement déposera d’ailleurs un amendement visant à ajouter un critère supplémentaire pour ce qui concerne les personnes soumises à l’obligation de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la HATVP.
La rédaction que nous proposons est équilibrée : un plus grand nombre de dossiers seront soumis – non pas des milliers, mais quelque 1 500 dossiers. Seront visés les dossiers les plus importants, dont la fraude sera caractérisée, avec la certitude que tous ces cas seront déférés devant le procureur de la République.
Selon moi, les amendements en discussion sont un peu en retrait par rapport à ce que je propose, pour une raison simple.
Mais si, regardez bien ! Vous proposez de fixer un critère de 50 000 euros, non pas de montants éludés, mais des impositions mises à la charge du contribuable.
Prenons l’exemple d’un contribuable fraudeur qui n’aurait pas payé les 48 000 euros d’impôt qu’il doit. Avec vos critères, il échappe complètement à la plainte pénale.
Oui, cela vaut pour l’amendement n° 23 rectifié. Le dispositif est donc moins favorable.
Par ailleurs, dans vos amendements, vous ne donnez pas à l’administration fiscale la possibilité de porter plainte en dehors de ces critères. Pour le coup, en vous en tenant aux critères légaux, votre verrou est très verrouillé.
Dans le texte adopté par la commission des finances, l’administration fiscale a toujours la possibilité – j’en ai été convaincu par les visites que j’ai effectuées dans les différents services de contrôle – de porter plainte. Il y a toujours des cas où, pour des raisons d’exemplarité ou liées à la personnalité du contribuable, l’administration a jugé bon – la CIF avait d’ailleurs émis un avis favorable – de porter plainte.
La lecture que nous faisons de ces amendements est donc beaucoup plus restrictive.
Les amendements identiques ! L’administration fiscale peut tout à fait porter plainte !
Quoi qu’il en soit, je souhaite clairement éviter une nouvelle QPC ou la censure, demain, du Conseil constitutionnel !
Relisez les QPC Wildenstein et Cahuzac : dans ces deux QPC, les contribuables prétendaient, au regard du principe non bis in idem, ne pas pouvoir être poursuivis sur le plan pénal et le plan fiscal. Or le Conseil constitutionnel a indiqué que cela était possible à une condition, pour les fautes les plus graves, dont le critère principal est celui de l’opacité, la volonté de dissimuler.
Ce critère se vérifie notamment au travers de la majoration de 80 %, des abus de droit, des montages frauduleux, de l’interposition de personne, des prête-noms, etc.
C’est la raison pour laquelle notre rédaction est plus équilibrée et plus conforme à la décision du Conseil constitutionnel. Aussi, nous demandons le retrait de ces amendements.
Mes chers collègues, il est bientôt minuit. Il nous reste 14 amendements à examiner, y compris ceux qui viennent d’être présentés. Je vous propose de prolonger notre séance, afin de terminer l’examen de ce texte ; nous devrions y parvenir dans des délais très raisonnables.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques ?
Ces amendements concernant le verrou de Bercy sont sans doute les derniers qui vous nous prendre un petit peu de temps.
D’abord, permettez-moi de me satisfaire que les propositions d’amendements des divers orateurs ne bousculent pas fondamentalement la proposition d’établir une liste de critères que le Gouvernement a faite à la représentation nationale. Il revient au Parlement de définir les critères aujourd’hui fixés, si j’ose dire, par jurisprudence du fonctionnement de la DGFiP en lien avec la jurisprudence de la CIF, lesquelles se complètent.
Je constate que, par vos amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne remettez pas en cause l’idée que les critères doivent être déterminés par le Parlement, ce qui est une bonne chose. On peut se mettre d’accord ou pas sur ces critères, mais, enfin, vous acceptez cette idée.
J’entends parfois dire qu’il faut supprimer le monopole de la plainte fiscale de l’administration. Cette discussion est certes intéressante dans un débat médiatique un peu démagogue, mais, en l’occurrence, tout le monde sait qu’il existe en la matière une jurisprudence du Conseil constitutionnel : nous devons réserver aux cas les plus graves, a indiqué le Conseil, les plaintes que nous devons transmettre à la justice. C’est un premier point, et je me félicite de l’avancée de ce débat.
Contrairement à ce qui a été dit précédemment, c’est la plus grande avancée – si l’on considère que c’en est une – que le ministère de l’action et des comptes publics, et non le ministère de l’économie et des finances, ait pu faire.
Bien sûr que si, madame la sénatrice ! Regardez ce qu’il en est avec beaucoup d’attention – je sais que vous suivez de près mes faits et gestes ! –, j’ai été le premier à proposer ces critères lors de l’audition de Mme Cariou et de M. Diard il y a plusieurs mois, et nous avons évoqué ce sujet en réunion de la commission des finances du Sénat.
Et je suis très heureux que M. le rapporteur se soit inspiré des propositions du Gouvernement, modifiées, à sa sauce, si je puis dire. Il y a une ouverture sur les critères, tant mieux !
Qu’est-ce que le verrou ? Est-ce le monopole de l’administration pour déposer une plainte fiscale ? Est-ce la possibilité pour la DGFiP de transmettre ou non, après avoir réalisé un contrôle fiscal, tel ou tel dossier à la CIF ? Est-ce la CIF – ce fut parfois défini ainsi – qui est le verrou en retenant ou pas les plaintes transmises par l’administration ? Hormis dans 10 % des cas, en moyenne, elle les transmet à l’ordre judiciaire. Selon les discussions, on ne sait pas très bien où est le verrou. En tout cas, la transparence faisait défaut, le Gouvernement en est convenu.
Ce qu’il faut savoir, c’est si les cas les plus graves sont concernés par la rédaction du texte issu des travaux de la commission. La réponse est indubitablement oui. La commission des finances propose un système qui permet, parce qu’il est certes cumulatif, de transmettre demain à l’autorité judiciaire plus de dossiers qu’il n’y en a sans doute aujourd’hui – M. le rapporteur a évoqué quelque 1 000 ou 1 500 dossiers.
Je tiens à souligner que votre amendement, madame Taillé-Polian, est tout à fait contraire à ce que vous évoquez, à l’inverse du sénateur Bocquet. Vous avez relevé qu’il était hors de question de transmettre plus de 15 000 dossiers par an. Mais c’est ce que vous allez faire, …
… en proposant le seuil de 50 000 euros. De ce fait, plus de 15 000 dossiers par an seront transmis à l’autorité judiciaire. Vous allez encombrer les tribunaux. D’un point de vue constitutionnel, s’il était adopté, non seulement votre amendement ne résisterait pas – tout serait alors à recommencer ! –, mais vous priveriez en plus la justice de mener le travail le plus fin et le plus efficace possible, alors qu’elle est déjà en prise avec un certain nombre de sujets. Imaginons, par exemple, que le tribunal de Bobigny traite les contentieux de plus de 50 000 euros.
Ce tribunal rencontre des difficultés que vous connaissez mieux que moi, monsieur le sénateur Dallier !
Ce n’est pas une insulte au très beau département de la Seine-Saint-Denis. On peut considérer que ce tribunal est déjà très engorgé ;…
… il lui faut répondre aux cas les plus importants.
Premièrement, le système des critères est le bon. Deuxièmement, il faut réserver la procédure judiciaire aux cas les plus graves. Troisièmement, enfin, nous pouvons discuter des critères – le Gouvernement vous proposera d’ailleurs d’en ajouter un.
Comme l’a très bien relevé le rapporteur, la portée de l’amendement n° 23 rectifié est en deçà de la rédaction proposée par la commission des finances.
Pour ce qui concerne les trois amendements identiques, l’avis est défavorable, d’une part, parce qu’ils ne sont pas dans la veine constitutionnelle et, d’autre part, parce qu’ils sont de nature à encombrer les tribunaux – avec plus de 50 000 euros, le nombre de dossiers serait beaucoup plus important : ils reviennent à faire fi de la pratique que nous essayons d’adopter collectivement.
On pourrait tout aussi bien imaginer d’autres critères pour les montages frauduleux – il ne s’agit pas forcément d’une question de montant.
Oui, mais on pourrait retenir comme critère la spécificité du montage fiscal en soi.
Madame la sénatrice, devant la commission des finances, j’ai pris l’exemple de la fraude la plus courue pour laquelle la CIF transmet les dossiers au tribunal, je veux parler de la fraude à la TVA.
La fraude à la TVA est évidemment une fraude qui doit être condamnée. Mais imaginons qu’un entrepreneur retienne la TVA pour deux raisons : des problèmes de trésorerie – pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, il essaie de tricher, de frauder pour sauver son entreprise et ses emplois, une action néanmoins évidemment condamnable – et à des fins personnelles, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. On pourrait avoir un débat sur le critère. Transmet-on les deux dossiers ? Doit-on appliquer la même amende pour ce même type de fraude ? L’un de ces cas de figure doit-il être jugé sur le plan pénal et l’autre appréhendé de manière administrative ? C’est cela les critères.
Aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à rejeter l’ensemble de ces amendements et à accepter le texte de compromis proposé par M. le rapporteur.
Je ferai plusieurs observations eu égard aux remarques qui m’ont été faites et aux différents propos.
Monsieur le ministre, vous arguez que nous allons encombrer les tribunaux si nous permettons au juge de poursuivre les cas de fraudes de 50 000 euros.
Non, c’est faux, car nous passons d’une pénalisation possible dès que la fraude fiscale atteint 153 euros, conformément au droit commun, à 50 000. Donc, nous réduisons le périmètre.
Monsieur le ministre, le procureur n’a pas de don de divination. Si l’administration fiscale ne lui transmet pas les dossiers, ne lui précise pas que tel ou tel fait l’objet d’une enquête, il n’ouvrira pas de procédure. Il ne poursuivra que sur les dossiers qui lui seront automatiquement transmis en fonction des critères.
… – ceux-là mêmes qui sont cités par le Conseil constitutionnel – dits répressifs.
Si notre amendement est adopté, ce ne sont pas des milliers et des milliers de dossiers qui seront transmis, non, seulement les dossiers que nous pensons être les plus graves, c’est-à-dire ceux qui font l’objet de pénalités de l’ordre de 40 % des montants éludés, ce qui me semble relativement important. Mais si vous pensez que cela ne l’est pas, alors nous avons effectivement un désaccord sur ce point et une vision tout à fait différente de ce que sont les dossiers graves !
Je mets aux voix les amendements identiques n° 9 rectifié, 46 et 68 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 187 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 23 rectifié, monsieur le président !
L’amendement n° 23 rectifié est retiré.
Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 2 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
1° L’article L. 228 est abrogé ;
II. – Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° L’article L. 228 B est abrogé ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
L’amendement n° 29, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer le mot :
cumulatifs
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Cet amendement vise à supprimer le mot « cumulatifs » à l’alinéa 4 de l’article 13 tel qu’il est issu des travaux de la commission.
L’amendement n° 115, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Les majorations prévues au c du 1 de l’article 1728 du code général des impôts, au début du b ou du c de l’article 1729, au I de l’article 1729-0 A, à l’article 1732 ou au dernier alinéa de l’article 1758 du même code ont été appliquées à des droits dont le montant est supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État ;
II. – Alinéas 14 et 18
Remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
dernier
III. – Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
IV. – Alinéa 17
Remplacer le mot :
cinquième
par le mot :
troisième
V. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l’article L. 188 B du livre des procédures fiscales, au 8° du II de l’article 131-26-2 du code pénal, au deuxième alinéa du I de l’article 28-2, au 5° de l’article 705 et au 2° de l’article 706-1-1 du code de procédure pénale, après les références : « aux 1° à 5° », est insérée la référence : « du II ».
La parole est à M. le rapporteur.
L’amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après le mot :
contribuable
insérer les mots :
est soumis, du fait de l’exigence de dignité, de probité et d’impartialité qui s’attache à ses fonctions ou ses mandats électifs, aux obligations prévues à l’article 1er de la loi organique n° 2013-906 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et aux articles 4 et 11 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ou
La parole est à M. le ministre.
Par cet amendement, nous complétons la liste des critères : sont ici visés les hommes et les femmes politiques ayant un mandat d’élu local, les parlementaires, les ministres évidemment, les personnes nommées en conseil des ministres, toutes les personnes qui doivent faire une déclaration à la HATVP. Toutes ces personnes ne doivent pas être concernées par le critère de réitération, évoqué par le rapporteur dans le texte de la commission des finances.
Dans les faits, il y a une certaine exemplarité, comme l’a souligné M. le rapporteur, notamment dans les dossiers visant les ministres de la République : les montants n’étaient pas forcément transmis automatiquement, mais cela est désormais le cas. L’exemplarité des représentants de la Nation, ainsi que des personnes devant faire une déclaration à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique permet au Gouvernement de se conformer à l’idée qu’il se fait de l’honorabilité fiscale.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 22 rectifié bis est présenté par Mme N. Goulet et les membres du groupe Union Centriste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Hors les cas de connexité avec d’autres infractions faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d’une procédure pénale, les plaintes… (le reste sans changement) »
II. – Après l’alinéa 10
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les procédures dont les agents de l’administration des impôts ont été saisis en application de l’article 28-2 du code de procédure pénale, les dispositions du premier alinéa relatives à l’avis de la commission des infractions fiscales ne s’appliquent pas. »
La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l’amendement n° 22 rectifié bis.
Mme Nathalie Goulet. Par cet amendement, nous voulons insérer, dans l’article 13, un alinéa, dont les dispositions ont déjà été adoptées par le Sénat, pour ouvrir le verrou, lequel est désormais, paraît-il, grand ouvert
Mme Marie-Pierre de la Gontrie rit.
Comme on l’a déjà dit, il s’agit, de manière rationalisée, d’exclure le verrou de Bercy à moitié disparu aux cas de connexité avec d’autres infractions faisant l’objet d’une procédure judiciaire ou de découverte incidente dans le cadre d’une procédure pénale. C’est extrêmement important. Il serait de bonne jurisprudence d’adopter de nouveau ces dispositions.
Je suis défavorable à l’amendement n° 51 rectifié, qui tend à la suppression de la CIF. Même si, de fait, cette dernière n’aura bientôt plus beaucoup de travail, je précise que la commission des infractions fiscales représente une protection pour le contribuable, dans le cas notamment où l’administration souhaiterait engager des poursuites, alors que les critères légaux ne sont pas remplis.
Ce serait le cas d’une fraude de 10 000 euros pour laquelle on envisagerait des poursuites, qui seraient justifiées par un motif d’exemplarité et destinées à envoyer un signal à l’égard des fraudeurs. La CIF n’est utile que dans ce type de situation ; dans les autres cas, c’est en effet la loi qui fixe les critères de transmission des dossiers au parquet.
L’adoption de l’amendement n° 29, qui tend à transformer les critères cumulatifs en critères alternatifs, poserait problème. On sortirait alors de l’esprit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui exige des fraudes d’un montant élevé. Si on supprime les seuils, un dossier concernant une petite fraude – 5 000 euros, par exemple – pourrait être transmis au parquet. Je suis donc défavorable à cet amendement.
Sur l’amendement n° 95 du Gouvernement qui, je l’espère, ne porte pas atteinte au principe d’égalité des contribuables devant l’impôt, je m’en remets à la sagesse du Sénat. Je pense, en effet, que les personnes soumises à des obligations vis-à-vis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique doivent être exemplaires. Pour ces personnes, il n’est pas nécessaire que les critères de fraude aggravée ou de récidive soient remplis.
Les amendements identiques n° 5 rectifié et 22 rectifié bis posent un problème de rédaction, car ils autorisent le parquet à poursuivre un contribuable pour une fraude fiscale connexe à d’autres infractions. Je prendrai un exemple un peu ridicule : un contribuable qui commet une infraction au code de la route pourrait être poursuivi pour fraude fiscale. Tel qu’il est rédigé, le dispositif est donc un peu large…
M. Gérald Darmanin, ministre. On menace les contribuables qui font du 85 kilomètres par heure !
Sourires.
Par exemple !
En outre, le dispositif des amendements est incohérent : d’un côté, ils tendent à supprimer l’avis de la CIF ; de l’autre, ils visent à maintenir les modalités de saisine de la commission. Il est donc impossible de les adopter en l’état. C’est la raison pour laquelle la commission demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer.
Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 115 de la commission.
Comme l’a rappelé Albéric de Montgolfier à propos de l’amendement n° 51 rectifié, la CIF aura moins de travail si le texte de la commission est adopté en l’état. Elle en aura peut-être encore un peu, dans la mesure où l’administration fiscale pourra toujours lui transmettre certains dossiers, même en deçà des critères voulus par la commission des finances.
Cela étant, comme vous le savez, monsieur Bocquet, la CIF a avant tout été créée pour protéger le contribuable. À la fin des années soixante-dix, on voulait empêcher le pouvoir politique de transmettre des dossiers pour des motifs autres que fiscaux. La commission des infractions fiscales, qui est composée de magistrats, a pour mission d’examiner le sérieux des dossiers quand l’administration les lui transmet.
Je rappelle par ailleurs que les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat ont tout intérêt, puisque c’est leur rôle de contrôler, d’auditionner le président de la CIF ou de recevoir le directeur général des finances publiques, afin de mieux comprendre la jurisprudence. Je regrette qu’aucune audition de ce type n’ait eu lieu depuis sept ans, en complément du rapport annuel d’activité transmis obligatoirement par la CIF aux commissions des finances des deux assemblées, rapport qui reste assez global et n’entre pas dans le détail des dispositions.
Je suis favorable au maintien de la CIF, monsieur le sénateur. Cela étant, il vous appartient, en tant que membre de la représentation nationale, de faire ce que la loi vous autorise, à savoir convoquer les représentants de cette commission, pour qu’ils répondent aux interrogations légitimes que vous auriez à formuler.
Nous avons passé énormément de temps, beaucoup trop, sur le verrou de Bercy, sur un sujet qui n’en est pas un ! J’ai tenté de démontrer de manière assez didactique dans mon rapport que ce verrou relevait quand même largement du fantasme.
Nous aurons donc consacré, hélas, beaucoup trop de temps à des symboles plutôt qu’à travailler sur des réalités et à une vraie lutte contre la fraude fiscale, lutte que ce texte contribue heureusement à soutenir.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté.
J’ai quelques difficultés à comprendre les raisons pour lesquelles on a adopté antérieurement un amendement similaire au mien, alors que celui-ci sera probablement rejeté aujourd’hui. Les infractions visées présentent pourtant une certaine connexité avec les infractions fiscales, ce qui rend cet amendement complètement légitime.
Je ne vois pas très bien ce qu’une infraction pour excès de vitesse vient faire dans cette histoire. Les cas de connexité devraient bénéficier de l’ouverture du verrou, car ils représentent un moyen de coordonner la coopération entre la justice et l’administration fiscale.
Je suis franchement très surprise de la position de la commission. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. Pour être tout à fait exact, seul un dispositif équivalent au I avait été adopté et non l’ensemble de l’amendement. Tel que rédigé, votre amendement vise toute affaire pénale. Le problème est justement qu’il n’y a pas nécessairement de connexité entre les infractions. Ce terme « infraction » est extrêmement large.
Mme Sophie Taillé-Polian proteste.
Quant au II, comme je l’ai déjà indiqué, il existe une incohérence rédactionnelle au sujet de la CIF.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 5 rectifié et 22 rectifié bis.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 13 est adopté.
L’article L. 228 du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La poursuite du délit de blanchiment de fraude fiscale n’est pas soumise aux dispositions du présent article. »
L’amendement n° 103, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
Le Gouvernement veut supprimer l’article 9 ter, qui vise à inscrire la jurisprudence Talmon de la Cour de cassation dans la loi. Nous ne souhaitons pas revenir sur l’état du droit, parce que celui-ci n’est pas totalement clarifié et que cette jurisprudence de la Cour de cassation peut poser des difficultés en termes de lisibilité.
Tout d’abord, l’infraction de blanchiment étant une infraction autonome, il paraît curieux d’introduire une disposition indiquant que le régime applicable aux poursuites concernant une autre infraction, en l’occurrence la fraude fiscale, ne lui est pas applicable.
Ensuite, le souci de lisibilité milite pour que les dispositions procédurales permettant la répression des infractions prévues par le code pénal figurent dans le code de procédure pénale.
Enfin, l’avantage d’une telle disposition semble tout relatif, s’agissant d’une jurisprudence claire et univoque.
Je ne sais pas si je vous contrarierai jusqu’au bout, monsieur le ministre, mais la commission des lois, en accord avec la commission des finances, a souhaité inscrire la jurisprudence Talmon dans la loi, afin de sécuriser les procédures engagées sur ce fondement, ces procédures pouvant être mises en cause à n’importe quel moment si un revirement de jurisprudence intervenait.
Pour justifier la suppression de cette disposition, le Gouvernement avance des arguments de forme, dont aucun ne nous paraît vraiment décisif.
Bien sûr, il est sans doute possible d’affiner davantage la rédaction de cet article, et nous serons ouverts aux améliorations que la navette permettra d’apporter, mais je crois qu’il serait dommage de supprimer cet article, qui précise le champ d’application de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, lequel ne s’applique aujourd’hui qu’à la fraude fiscale et non au blanchiment de ce délit.
Ce point a été longtemps discuté avant d’être tranché par l’arrêt Talmon de la Cour de cassation en 2008 qui permet au parquet de s’autosaisir des cas de blanchiment. Il n’est donc pas inutile que le législateur confirme cette solution jurisprudentielle, afin que l’ensemble des acteurs impliqués dans la lutte contre la fraude fiscale travaillent dans un environnement juridique sécurisé.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 113, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
alinéa
par le mot :
paragraphe
La parole est à M. le rapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par MM. Capus, Bignon, Chasseing, Decool, Fouché, Guerriau, Lagourgue et Malhuret et Mme Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
n’est pas
par les mots :
est
La parole est à M. Emmanuel Capus.
La rédaction de l’article 9 ter pose un vrai problème de fond, un problème de cohérence entre la position de la commission des lois et celle de la commission des finances.
Je salue bien entendu le travail de la commission des lois et, particulièrement, celui de Nathalie Delattre, mais il me semble que la position de la commission fait abstraction de l’avancée réalisée par la commission des finances.
Nous venons de voter la suppression du verrou de Bercy, …
… pour reprendre les termes de mes collègues situés à gauche de l’hémicycle.
Nous nous trouvons dans une situation qui est différente de celle dans laquelle la commission des lois s’est projetée. Dès lors que le verrou de Bercy existait, les magistrats ne pouvaient pas poursuivre les auteurs d’un délit de fraude fiscale. Ils ont donc souhaité le contourner et ont inventé une jurisprudence – c’est l’arrêt Talmon –, afin de pouvoir engager des poursuites pour un délit autonome, le blanchiment de fraude fiscale.
Leur seule motivation consistait à contourner ce verrou. Or on vient de le faire sauter, de l’ouvrir. Il y a là un risque d’incohérence entre, d’un côté, les poursuites engagées sur le fondement du blanchiment de fraude fiscale en vertu de l’ancienne procédure et, de l’autre, la nouvelle procédure que l’on vient d’adopter, qui repose sur des critères précis.
Il serait plus cohérent de prendre acte de la position de la commission des finances, qui est du reste celle du Sénat depuis le dernier scrutin public, et qui consiste à faire sauter le verrou de Bercy. Il conviendrait d’aligner les critères d’ouverture des poursuites pour blanchiment de fraude fiscale sur ceux de la fraude. Sinon, certaines personnes pourront être poursuivies pour blanchiment de fraude fiscale, sans qu’il y ait fraude fiscale avérée.
… avec les initiatives prises par nos deux commissions, qui ont cherché, au contraire, à desserrer le verrou de Bercy en donnant plus de marges de manœuvre au parquet, et moins de liberté d’appréciation à l’administration fiscale. C’est notamment la raison pour laquelle nous avons inscrit dans la loi ces critères pour le dépôt de plainte.
J’émets un avis défavorable sur l’amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 9 ter est adopté.
L’amendement n° 59 rectifié bis, présenté par Mme Taillé-Polian, MM. Raynal et Roger, Mme Conway-Mouret, M. Cabanel, Mmes Lienemann, Espagnac, Tocqueville, Van Heghe et Guillemot, MM. P. Joly, Tissot, Mazuir, Daudigny, Devinaz et Tourenne, Mmes Meunier et Préville et MM. Kerrouche et Marie est ainsi libellé :
Après l’article 13
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au premier alinéa de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, les mots : « n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui » sont remplacés par les mots : « ont pour motif substantiel ».
II. – Le I s’applique aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021, pour les seuls actes mentionnés au premier alinéa de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2019.
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Pour clore cette longue série d’amendements et, même si je ne tiens pas à prolonger davantage la discussion, je pense qu’il serait dommage de ne pas aborder au cours de nos débats la problématique de cette zone grise située entre optimisation et fraude fiscales.
Cet amendement vise à modifier la définition de l’abus de droit, dispositif qui permet à l’administration fiscale de sanctionner les pratiques d’optimisation abusive.
En effet, l’article L. 64 du livre des procédures fiscales permet à l’administration fiscale d’écarter, pour l’établissement de l’impôt, les actes constitutifs d’un abus de droit, définis par deux critères alternatifs : soit les actes en cause sont fictifs, soit ils méconnaissent l’esprit de la loi, dans le but exclusif d’échapper à l’impôt.
Ainsi, la faiblesse essentielle de l’abus de droit est d’être assez aisément contournable par la mise en avant d’un élément économique, même très ténu.
En 2013, le président de la commission des finances du Sénat de l’époque, Philippe Marini, a déposé une proposition de loi visant à modifier cette définition, en précisant que les actes en cause pouvaient avoir pour motif essentiel et non exclusif d’échapper à l’impôt. Le terme « essentiel » était issu de l’arrêt Halifax, rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en 2006. Le Sénat a adopté à l’unanimité un amendement allant dans le même sens, dans le cadre du débat sur la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
À la suite du rapport rendu par l’ancien député Pierre-Alain Muet, c’est finalement le terme « principal » qui a été choisi. La nouvelle définition a été adoptée définitivement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. Néanmoins, cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel, ce que l’on peut très fortement regretter.
Cet amendement a pour objet de relancer le débat sur l’abus de droit, en prévoyant que celui-ci peut être constitué quand l’acte considéré a pour motif substantiel d’échapper à l’impôt.
Ma foi, il faut tout essayer et, un jour, nous y arriverons !
Sourires.
Notre collègue a parfaitement rappelé la situation et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle la commission émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement. En effet, une disposition identique a été votée par le Parlement puis censurée par le Conseil constitutionnel en raison de son imprécision.
Le dispositif de l’amendement, tel qu’il est rédigé, est donc contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. De plus, il est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui subordonne l’existence de la fraude à la condition que les opérations soient réalisées dans le seul but de bénéficier abusivement des avantages prévus par le droit communautaire.
Si l’on adopte cet amendement, cela signifie que l’on encourt la censure du juge, voire tout simplement une question prioritaire de constitutionnalité.
Madame Taillé-Polian, l’amendement n° 59 rectifié bis est-il maintenu ?
Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Au terme de cette discussion, qui a été riche, nous ne pouvons évidemment pas apporter notre soutien à ce texte, qui, au regard des enjeux, nous semble timide et bien insuffisant.
Monsieur le ministre, vous avez essayé d’évaluer la fraude fiscale, qui s’élèverait entre 20 et 80 milliards d’euros. Même si elle n’était que de 20 milliards d’euros, les sommes sont tellement importantes au regard de la situation financière que ce problème méritait bien davantage…
Nous enregistrons un certain nombre d’avancées : c’est évident.
Cependant, la déception est grande, notamment à propos du verrou de Bercy qui, comme l’ont récemment admis Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois et M. Capus, n’a pas été supprimé. Celui-ci fait l’objet d’un aménagement, qui est insuffisant et qui est d’ailleurs en retrait par rapport à certaines avancées proposées par le Sénat, en particulier celle qui permettrait au parquet de se saisir d’affaires connexes.
En outre, le texte n’est pas non plus à la hauteur des enjeux au sujet de la liste des paradis fiscaux.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain s’abstiendra sur ce projet de loi, en espérant que les débats à l’Assemblée nationale permettront d’aller plus loin.
La lutte contre la fraude fiscale doit rester une priorité, à la fois parce que le consentement à l’impôt repose sur le fait que tous ceux qui ne s’y soumettent pas doivent être poursuivis et parce que, compte tenu de la situation actuelle de nos finances publiques, il est évidemment essentiel que chacun contribue à hauteur de ses moyens.
Lors de la discussion générale, je n’avais pas précisé la position de mon groupe sur ce texte, laissant le soin aux uns et aux autres de faire progresser les choses au cours de son examen.
À l’évidence, le débat a eu lieu, mais nous restons sur notre faim, comme nous l’étions au départ.
Pour conclure, je voudrais citer une phrase du juge Renaud Van Ruymbeke, grand spécialiste du sujet, qui prendra sa retraite l’année prochaine. À une personne qui lui demandait si les choses évoluaient dans le bon sens en matière de comptes offshore et de paradis fiscaux, il a répondu : « Malgré une prise de conscience, il n’y a jamais eu autant d’argent sale dans les paradis fiscaux, avec des systèmes de plus en plus sophistiqués. Quelques pays continuent à jouer l’opacité, sans être forcément étiquetés comme des paradis fiscaux. Prenez Dubaï, qui n’est pas sur notre liste : ils n’exécutent pas les mandats d’arrêt et ne coopèrent pas. Si je suis un fraudeur, je vais y mettre mon argent ».
Mais il ne faut pas se faire d’illusion, les temps changent très vite ! Nous nous inscrivons dans ce mouvement, patient, tenace, sans relâche et, forcément, nous nous abstiendrons sur ce texte, nous aussi !
Ce soir, nous avons mené un débat de très bonne tenue.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses toujours complètes et argumentées.
Le Sénat, sur toutes ses travées, a lui-même apporté son expertise sur le sujet de la fraude, grâce notamment à ses rapporteurs. Plusieurs amendements intéressants ont été adoptés et introduits dans le texte qui sera transmis à l’Assemblée nationale. Je citerai l’exemple de ces amendements portant articles additionnels après l’article 4, qui concernent les situations de fraude touchant aux plateformes.
Mon groupe est donc heureux de la tenue globale des débats, mais je ne peux que regretter une nouvelle fois la suppression de l’article 1er, qui avait pourtant été bien accueilli par les professionnels lors de nos auditions. Dommage que le Sénat refuse de donner des moyens supplémentaires en faveur de la lutte contre la fraude. Malgré cette suppression de l’article 1er, le groupe La République En Marche votera en faveur de ce texte.
C’est inspiré des nombreux travaux conduits par le Sénat que ce texte a pu être préparé.
Le groupe Union Centriste veut bien sûr remercier le rapporteur, la rapporteur pour avis, le ministre, ainsi que leurs collaborateurs, de la qualité du débat.
Nous avons réalisé un très bon travail qui va permettre de progresser dans la lutte contre la fraude fiscale et de favoriser l’émergence d’une fiscalité de l’économie collaborative au niveau d’internet. Il y a encore du chemin à faire, mais il faut avancer pas à pas.
Nous pensons également qu’il faudra, en corollaire, continuer à simplifier le livre des procédures fiscales, pour qu’il soit parfaitement compréhensible de tout le monde et lisible. Or, aujourd’hui, il est particulièrement fourni : sa simplification contribuerait à améliorer sa compréhension par l’ensemble de nos concitoyens, ce qui est utile.
Le groupe Union Centriste votera évidemment en faveur de ce texte, tel que l’ont élaboré nos rapporteurs et tel qu’il a été modifié par nos amendements.
Je veux à mon tour remercier M. le rapporteur, mais aussi Mme la rapporteur pour avis de leur travail. Je salue la qualité des débats sur un sujet qui le mérite, même si le texte ne va pas toujours aussi loin que certains le voudraient.
Je souhaite évidemment vous associer, monsieur le ministre, à mes remerciements : vous avez concédé des ouvertures sur le verrou de Bercy, comme vous l’aviez annoncé lors de votre audition devant la commission du Sénat ou devant la commission Cariou.
Plus qu’au desserrement ou à la levée partielle du verrou de Bercy, qui sera sans doute – hélas ! – la seule chose que les médias retiendront, je veux insister sur les plateformes internet. En effet, les achats s’effectuant de plus en plus sur internet, la TVA prendra un caractère numérique et sera moins acquittée en argent sonnant et trébuchant. C’est un vrai sujet sur lequel il faut continuer à travailler.
Le groupe Les Républicains votera évidemment en faveur de ce texte !
Je l’ai dit lors de la discussion générale : ce texte comprend un certain nombre d’avancées, relativement significatives, même s’il ne constitue pas une révolution.
Comme je l’ai souligné tout à l’heure, il reste cependant, et je le regrette, des incohérences. Je pense que le Sénat n’a pas bien compris – sans doute ai-je été un mauvais avocat
Sourires.
Il s’agit de quelques scories qui sont tout à fait dommageables. Malgré cela et bien qu’aucun amendement déposé par le groupe Les Indépendants – République et Territoires n’ait été adopté
Exclamations amusées.
M. Gérald Darmanin, ministre. C’est ça, être indépendant !
Sourires.
M. Emmanuel Capus. … mon groupe votera un texte qui va dans le bon sens !
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, dans le texte de la commission, modifié.
Le projet de loi est adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 4 juillet 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes (n° 487, 2017-2018) ;
Rapport de Mme Marie Mercier, fait au nom de la commission des lois (n° 589, 2017-2018) ;
Rapport d’information de Mmes Annick Billon, Laurence Cohen, Laure Darcos, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent et Laurence Rossignol, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 574, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 590, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 4 juillet 2018, à zéro heure quarante.
La liste des candidats établie par la commission des affaires économiques a été publiée conformément à l ’ article 12 du règlement.
Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, cette liste a été ratifiée.
Les représentants du Sénat à l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l ’ équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous sont :
Titulaires : Mme Sophie Primas, M. Michel Raison, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Daniel Gremillet, Henri Cabanel, Franck Montaugé, Franck Menonville ;
Suppléants : Mmes Anne-Marie Bertrand, Nicole Bonnefoy, Cécile Cukierman, MM. Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Pierre Médevielle, Mme Noëlle Rauscent.